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Sa doctrine sar Pextase est vraie en ce qu'elle pro- clame rincomprehensibilite de Dieu , et pose des bornes a la raison humaine; elle est fausse 1** parce quMle admet Texistence des cette vie d^ane faculte superieure a la raison humaine ; 2^ parce qu'elle reduit la raison a une raleur relatire. La doctrine de la Tri- nite est vraie et philosophique en ce qu'elle maintient Pimmobilite de Dieu, sans detmire la force expansive et creatrice; elle est fausse en ce qu'elle suppose a la fois Tidentite et la diversite des hypostases divines. Enfin la theorie des emanations est vraie en ce qu'elle admet que le monde est produit dans sa forme et dans sa substance ; elle est fausse , en ce qu*elle est fondee sur la necessite et about! t au pantheisme. Les successeurs de Plotin furent rapidement entraines a chercher dans la theurgie des moyens materiels de pro- II. 1 2 ETAT DES QUESTIONS APRiS PLOTIN. duire Textase, a extg^rer reclectifme jiisqu'a la confusion de toutes les doctrines , et a s^opposer , comme defenseors da paga- nisme , auz progres de la religion chretienne. La philosophie de Plotin avait tout embrass^. A cet ardeDt g^nie, toujours pr6t k la meditation , pro- fond^ment convaincu de Funiverselle harmonie des 6tres , aucune question ne semblait trop 61evee , ni trop basse. Amesure qu'un doute s'^levait dans Fes- prit de ses disciples, il acceptait le sujet qui lui 6tait oflfert et se donnait h cette recherche comme si jus- que-li il n'avait pas eu d'autre pens6e. Les Stran- gers qui entraient dans FScole ou ceux d'entre ses disciples qui n'avaient pas le secret de Fesprit et des habitudes du maitre, se plaignalent de Tabsence de mSthode et des digressions perp6tuelles. Dans le fond, Plotin se retrouvait toujours lui-m6me, et il n'Stait indifferent sur lethSme qu*on lui offrait, que parce qu'il Stait sur de le ramener A la recherche de Tabsolu et k la conciliation de I'absolu avec le multi- ple. Aussi, quoiqu'au premier abord, malgrS les efforts de Porphyre, tout sembleconfondu dans lesEnn^e^; quoique tons les probl^mes se pressent, que les r6pon- ses se contredisent , que la pens6e soit comme emportee dansunemarchehardie, mais d^rdonn^, et que tout cet ensemble donne plutOtFidSe desrfives incohSrents d'uQ bomme de gSnie* que d'un syst&me organist et r^gie par une pens6e vigoureuse et maltresse d'elle- m6me ; cependant , lorsqu'on s'est livrS quelque temps k Plotin pour qu*il vous inspire et vous en- chaute , comme 11 le fhisait autrefois dans une Scole jiTAT DE8 QUESTIONS AFJLB8 FLOIIN. 3 oil les Am^lius et les Porphyre n'^^taient qae des disciples , et laissaient sommeiller leur g^nie pour obeir k une impulsion plus haute « on voit dominer dans ce chaos quelques grands principes auxquels tout se rattache , et qui par les lueurs dont ils ^clai- rent la nature de la raison , celle de Dieu , et I'ori- gine du monde, donnent ^videmment k la philoso- phic de Plotin le caractere d'un syst^me r^gulier et puissant^ capable de satisfaire des intelligences ^le* v^s, et de servir d'aliment, pendant des si6cles» k Tesprit philosophique. Plotin n'est pas seulement un mystique ; 11 en a Tamour insatiable et les ravissements; mais il y a, dans son &me , une autre puissance : la puissance de raisonner, de douter^ et de suivre pas k pas la mar- che lente et s^v^re de la dialectique. G'est ainsi qu'il r^pond, avec moins de mesure etde sagesse, k tons les traits du g^nie de Platon , et qu'il laisse aperce- Toir, dans les Enndades^ k cdt6 des inspirations dont le souffle vient du Phedre et de la Ripublique^ une logique serr^e et subtile ^ qui rappelle leSophiste^ le TMSUte et le ParmSnide. Certes , son dieu n'est pas le dieu de Texperience, cr^ par la pens^e humaine sur le module des choses humaines, plus grand, plus parfait, plus puissant que la nature enti^re , mais engag^ dans le temps et dans Fespace; mobile, subissant la reaction de sa creature , et trop semblable k notre raison et k notre 6tre pour 6tre la cause 6ternelle et indefectible de rstre et de la penste« Mais, tout absolu qu'il 4 Mtat des questions aphes plotin. est, le dieu de Plotin, incomprehensible, inef- fable , est la conqu6te de la raison , ou plut6t il est la raison elle-meme , non pas telle qu'elle nous ap- parait , lumi^re emprunt^e , divis6e , affaiblie , mais la raison dans sa simplicite , dans son unit6 , dans son 6ternit6 m6me. II est vrai que, dfes ce commencement, Plotin montre dans Temploi des procedes dialectiques une audace et , pour ainsi dire , un exc6s de rigueur et de consequence, qui doit infailliblement le mener an deli de la v^rit^. Au lieu de s'arr^ter, comme Pla- ton, devant des generalisations trop abstraites, il marche en avant jusqu'i ce que d' elimination en elimination, la notion m6me de Ffetre soit sacri- fiee, II ne tente-une conciliation entre des prin- cipes qu'apres les avoir epuises. Ses analogues dans rhistoire de la philosophic sont les filiates ; et qu'est- ce que I'eleatisme, sinon I'exces de la dialectique, qui n*est elle-mSme que la forme la plus severe des speculations rationnelles? A peine parvenu par ce chemin k Tabsolu , Plotin , dansce dernier terme de la science , reconnait Fob- jet de ses premieres aspirations ; il se livre alors tout entier , il s'abandonne , mais apres la science accomplie et non au debut. A la difference de tous ,les mystiques, il ne prend pas son desir pour une preuve; il le retient, iH'ajourne, jusqu'au moment oil sa raison prononce et le rassure. S'il rejette en- suite la raison , comme un marche-pied desormais inutile ,c'est qu'il est parti d'une theorle incomplete ilkt DBS QUESTIOS APRES PLOTIX. 5 de la raison humaine , et qu'au lieu d'en comprendre d'abord la nature et Tessence, il n'ea a connu que les lioodtes, les couditions impos^es par les n6cessit6s de cette vie imparfaite. Que la th<5orie des id^es , que la reminiscence ne se placent plus entre lui et la raison veritable; qu'il etudie en elle-m6me, qu'il connaisse dans son fond cette faculty que Tid^e de Dieu constitue en la depassant, et qui, loin de s*affaiblir et de se troubler lors- qu'elle s' attache k ce principe de toute science , se retrempe au contraire chaque fois qu'elle y touche , et lire de Ik les clart6s dont lout le reste s'illu- mine; aussitdt cette identification du flni et de rinfini , qui selon lui est la condition de Textase , cesse de lui paraitre possible , parce qu'elle ne lui parait plus necessaire (1) ; au lieu d'elever cette chim^re au-dessus de la raison , il comprend que la connaissance subordonn^e, que la v^rit^ relative n'est ni la v6rit6 , ni le chemin de la v6rit6 ; il voit enfin resplendir, dans son dme, ce qu'il a vaine- ment cherche dans F expiration delapersonnalit^ hu- maine, la grande image de 1' Unite absolue, de cette Unit6 immobile , qui n'en est que plus r^elle et plus (1) Ce qui montre bien que Plotln avail entre?u la veritable thdorie de la raison , et que son mysticismc est nd en paptic de la difficult^ de concilier cette Tdrlt^ qu*il apercevait ayee la thdorie de la rdminiseence qu'il acceptait, c*est qu*on trouve quelquefols dans les Enniades la doctrine de la presence continuelle de Tidde du Bien, ou plutdt du Bicn lui-mfime dans notre esprit, sans llnterventlon de la reminiscence , et par consequent sans Ic secours de la dialectique. T6 5' dYa66v , &xt TcdLkan icapdv tU S^eotv a(i\ijf\jxow , xa\ xoi^mo- liivoi? TcdpeffTi xa\ oO Oa|ji6ei iroTE ISdvxa? , bxt auvsTciv dti* xa\ ouTcote t/j dvdji- VT)9t;* oO {i^v 6p9cv 0(0x6 (ki xoi{uoii£VOK TrdpsTCi. Enn* 5 , 1. 5 , c. 12. 0 ^TAT DES QUESTIOnS APR^S PLOTIN. puissante, parce qu'i la diflterence du reste des choses, elle 6chappe ^galementau temps, ^Tespace et au mouvement. Mais loin de corriger ainsi lid6e qu'U s'6tait faite de la raison , en voyant de plus pr6s les r6- sultats auxquels la raison pent nous mener, il ne veut ni rien ajouter h sa throne de la raison, ni rien retrancher k ses conclusions dialectiques. De Ik la n6cessit6 du mysticisme. Borner, comme il le fait, la puissance de la raison k la perception de I'id^e multiple et mobile , en lui laissant seulement assez de force pour deviner ou entrevoir au-des* sus d'elle-m6me ce Solide, cet In^branlable , vers lequel tend tout essor, c'est quitter la r6alite pour son ombre, et se tenir dans une sorte de mi- lieu entre les sensualistes , qui ne connaissent que le mouvement et ne veulent en apercevoir ni le but, ni la cause, et les rationalistes v^ritables, qui savent que I'fetre seul est analogue k Tintelli- gence , et que c*est par la perception de Timmuable que la raison percoit le mobile. Li est la premiere erreur de Plotin, et pour avoir demand^ k Textase ce que la raison toute seule lui donnait, on pent dire qu'il a plut6t su distinguer Dieu de la creature qu'il ne I'a connu en lui-m6me. S'il avait porte dans ses Etu- des theologiques la s^verit6 de conception et de Ian- gage que comporte une doctrine fondle sur la raison et r6gl6e par elle, aurait-il accepte toutesceschim^res emprunt^es k T Orient et aux plus obscures traditions du pythagorisme, sur la trinity , les hypostases et fiTAt DBS QUESTIONS APHES PLOTIN. 7 Tunit^ substantielle d*une nature multiple? Aurait-il jete son 6cole dans cette voie oil elle s'est perdue? Rlen n*est faux dans le mystlcisme que la volont^ d'iriger des aspirations en doctrines , et de prendre des pressentiments pour des v^rites assur^es. La ral- son sans doute ne parle pas seule ; tout en nous a une voix pour nous apprendre notre origine; et nos d^sirs, nos passions mdmes nous rendent capables de saisir, ou d^entrevoir du moins, des v^rit6s que la pens^e plus calme et plus precise ne d^couvre pas par elle-m6me. Rejeter au nom des m^thodes y et m^priser ces impressions vagues, effac^es ou confu- ses, c*estnier le pressentiment ou, comme dirait Platon, le souvenir d'une autre vie ; et quel misera- ble orgueil , d'exalter ce present au point d'en faire notre tout, et de lui sacrifler toutes nos esp^rances? Non , sous cette r^alit^ que nos mains 6treignent , derriere ces v6rit6s que notre raison d^couvre , il y a, il doit y avoir une v6rite plus haute, la vraie v^- rite, celle que contemple et respire Tlntelligence affranchie, lorsque de ce monde demouvement et d*a- nalyse elles'est ^lanc^e 41alumi6re. Est-ce pour rien que Tamour a plus d^aspirations dans nos cceurs que notre pens^en'a de puissance? Pourquoi s'obstineri faire le monde et Dieu Iui«*m6m6 k notre ressem- blance ? Quand il serait vrai que nous sommesen petit un abr^g^derUniversel, savons-nous ce que nous sommes? Et n'y a t-il pas pour chacun de nous autant de dicouvertes k faire dans son propre coeur que s*il pouvait sonder les ablmes?Cesr6ves brillantsde Tex- 8 KTAT DES QUESTIONS APHES PLOTIN. tase n'exercent sur les &mes un cbarme si puissant que parce qu'ils out leur source secrete , inconnue, dans les profondeurs, et comme dans les entrailles de la r^alit^. Platon disait que les songes viennent du ciel ; et pourquoi non? Pourquoi, si le* ciel nous appar- tientf si en definitive nous sommes faits pour lui, n*y aurait-il pas d^s k present des lueurs de Fayenir , des espaces entrevus, des delices pressenties? L'ex- tase, m6me quand ses resultats nous trompent, n'en est pas moins un sentiment reel , un ^tat r^l de no- tre 4me. Si elle n'est pas Texaltation de notre puis- sance affective et intelligente , comme le croient les mystiques, elle est du moins la marque d'une origine et d'un avenir que ne sauraient embrasser les etroi- tes limites de notre condition pr^sente. C*est une maladie pour le sceptique ; et pour le croyant, c'est la seule vie veritable. Qui jugera? Ce monde m6me des id^es , ou la raison nous introduit , n'est-il pas m6 chaquejour au nom de la sensation? Gaverne pour caverne , qui nous dit que cette premiere ou- verture que nous avons franchie TAme enivr6e, ne nous a pas introduits seulement dans une plus vaste et plus brillante prison? La raison sans doute est divine; et de cette divine lumi^ren'en brille-t-il pas une parcelle dans la sensation elle-m£me? Qu'est-ce que les sens priv6s de la lumiire d'en haut? Aucune impression ne devient pens6e , si la raison n'est pr6- sente. Comme il n'y a point d*etre ind^pendant du divin, il n'y a point de pensee qui ne soit divine, mais pour venir de Dieu , cette lunii^re , dispense BTAT DBS QU£STIOISS APBKS PLOTIN. 9 avec mesure , n*est pas Tabsolu de la connaissance. La fin de toute intelligence n*est-elle pas la posses- sion pleine de Tintelligible, ou plut6t la communion de r^tre et du connattxe? Et qu'est-ce que Textase , telle que Plotin la con^oit, sinon cet accomplissement de la connaissance et de Texistence ? Sa faute n*est done pas d'avoir soutenu que Dieu ne pent 6tre com- pris que par une intelligence ^gale k lui-m6me. La raison contient en soi, si je Tose dire , son abdica-- tion; et quand elle se replie avec effort sur ce prin- cipe de contradiction qui est sa premiere forme , elle voit an delk de lui le principe unique dont les con- traires sont sortis, et par qui les contraires sont r6- concilies. Ge Dieu , cet Ineffable , pour qui le oui et le non subsistent ensemble, sinon dans Tordre de la y^rit^, du moins dans celui de T^tre, c*est le Dieu mystique, et c'est aussi le Dieu de la raison. La faute de Plotin est de croire que nous puissions sortir des limites que la conscience nous impose', et afiranchis de notre n^ant et de nous-m6mes, respirer, com- prendre, possMer rinfini ; son unique faute est d'a- voir d^crit Fineffable et Fincompr^hensible, et par \k mis rintelligence parfaite et la v^rit^ absolue en con- tradiction avec la raison humaine et les concep- tions de la raison humaine. Singuli^re folie qui prend aux esprits les plus gra- ves, de croire qu'ils vont tout mesurer et tout con- naitre , en partant de cette unit6 infiniment petite , qu'ils connaissent a peine, Tctme humaine! Les uns ravalent tout ^ la sensation , les autres a la raison. 10 AtkT DE8 QUESTIONS APRitS PLOTIN. Les mystiques connaissent mieux la superiority que Dieu a sur nous, mais leur ambition n*est satisfaite que 8*il8 entrent en communion de la perfection in- finie. Pareil ^garement de tons cdt^s, soit qu*on ou- blie les id^s pour la matiere et Dieu pour le monde , ou qu'on sacrifie la conscience , la libert6 , la per- Sonne humaine k de vagues aspirations, ou qu*enfln, dans Torgueil de la raisonetd'unevaine discipline, on veuille soumettre Dieu lui*m6me k cet instru* ment born^ que nous tenons de lui. Quoil si tout n^est pas connu , rien n'est connu? Ge sera ignorer Dieu que de savoir qu'il est, et qu'il est la perfection m^me, sans pouvoir comprendre la nature de sa per*- fection? Si j'ai une fois prononc^ que Dieu est in- comprehensible, je ne pourrai plus ni I'aimer, ni Tadorer, ni le connaitre? Si je ne sais pas, avec mes yeux mortels, avec ma pensee d^biie, soutepir Y6^ clat de sa gloire et de sa puissance , il ne me sera pas permisde constater partout, dans le monda et dans moi-m^me, les effets decette puissance triomphante, infaiUible et mysterieuse , source inconnue de tons les biens que je connais et que j'admire I Qu*estrce done que la raison, sans un premier principequ'elle ne peutni mesurer, ni juger? Et quel aveuglement de ne pas voir que si rien n'est au-dessus de la raison, la raison elle-mSme n'est rien ! Des obscurit^s dans lesquelles s'enveloppe Plotin quand il s'abandonne au mysticisme , se d^gage le dogme de rincomprebensibilite de Dieu , plus soli- dement etabli par lui, dans la guerre qu'il croit faire MtAT DES questions APRILS PLOTIN. 11 h la raison , que par les ^coles rationalistes qui Tout pr^c^d^ et qui I'ont suivi. Seulement, quand il a de- montre en maitre que nos facult^s et nos methodes , qui ne sont rien sans Tid^e de Dieu « et qui abon* dent en preuves pour d^montrer Texistence de Dieu et sa perfection absolue , ne peuvent rien pour p6n6- trer sa nature intime, il declare audacieusementque toute induction qui va de Fhomme ou du monde k Dieu ^tant par n^cessit^ fausse et impuissante , rien de ce qui appartient k Fhomme, au monde, au mul* tiple, au mobile, ne saurait se retrouver en Dieu, pas m6me T^tre, pas m6me la pensee : inconsequent dans cette rigueur apparente, car nous savons quel*- que chose de la cause lors mSme que sa nature nous echappe, parcela seul que nous savons avec certitude les e£fets qu'elle a produits. J'ai beau ignorerla na*- ture de I'intelligence divine , je puis dire que Dieu est intelligent, puisque je le suis moi-mftme, moi, sa creature, et que penser vaut mieux que ne pas pen- ser ; ou du moins, s'il n'est pas intelligent, ce n*est pas par la privation de Tintelligence , c'est au con- traire par la possession d'un attribut plus parfait, qui enveloppe I'intelligence comme une moindre per- fection dans le m6me ordre. Toute Tessence d'une montre consiste dans la r^gularit^ de ses mouvements ; n'est^il pas 6galement absurde de supposer que I'ou- vrier qui Fa produite ne poss^de pas de quelque fa- 9on la r^gularite qu'il lui a donn^e, ou qu'il la pos- sede telle qu'elle est dans la montre , et qu'il n'y a nuUe part d'unit6 et d'harmonie , si ce n'est aux m6- 12 1£TAT DES QUESTIONS APRjfeS PLOTIN. mes conditions? Dieu sans doute est intelligent, mais il I'est comme un Dieu , et moi comme un homme (1). Tout incomprehensible que Dieu est, je ne risque done pas de m'egarer en declarant que dans la per- fection infinie toute perfection se trouve d'une ma- ni6re incomprehensible et divine, Je puis et je dois croire, avec Malebranche et avec I'figlise chr^lienne tout enti^re, que, comme il renferme en lui-mfeme les perfections de la mati^re sans 6tre materiel , puis- qu'il est certain que la matiere a rapport k quelque perfection qui est en Dieu , il comprend aussi les perfections des esprits cr66s sans 6tre esprit de la mani^re que nous concevons les esprits. Si Plotin (1) « On ne doit pas toutefois assurer quMl n'y ait que des esprits et des corps, des £tres qui pensent et des ^tres^tendus , parce qu'on s'y peut trom- per. Car quoiquMis suffisent pour expUquer la nature , et par consequent que l*on puisse conciure, sans craintc de se tromper, que les choses natureiles dont nous avons quelque connaissance , dependent de I'^tendue el de la pen- 86e , cependant il se peut absolument faire quMl y en ait quelques autres dont nous n'ayons aucune id^e et dont nous ne voyons aucun effet. » Les hommes font'donc un jugement pr^clpit^ quand lis Jugent comme un principe indubitable que toute substance est corps ou esprit. Mais lis en tirent encore une conclusion pr^cipit^e, lorsqu*iIs concluent par la lumiire de la raison , que Dieu est un esprit. II est vrai que , puisque nous sommes cr^^s k son image et k. sa ressemblance , et que r£criture sainte nous apprend en plusicurs endroits que Dieu est un esprit, nous le devons croire, et Tappeler ainsi ; mais la raison toute senle ne nous le peut apprendre. Eile nous dit seu- lement que Dieu est un 6tre infiniment parfait , ct qu*ii doit £tre plutOt esprit que corps , puisque notre dme est plus parfaite que notre corps ; mais ellc nc nous assure pas qu*il n*y ait point encore des 6tres plus parfalts que nos esprits.. . ...11 nefaut done pas simaginer avec precipitation que le mot d'esprit dont nous nous servons pour exprlmer ce qu'est Dieu et ce que nous sommes , soit un terme univoque , et qui signlfie les m^mes choses ou des clioses fort sem- blablcs. Dieu est esprit, il pense, II vcut; mais ne rhumaulsons pas, il ne pense et ne yeut pas comme nous et on ne dolt pas tant appeler Dieu un esprit pour montrer positiyement ce qu'il est , que pour signlfier quMl n'est pan materiel, etc. » Malebranche, Recherche de la ViriU^ liv. 3, seconde par- tic , ch. 10.— Cf. Plotin, Enn, 5 , 1. 5, c. 1 et c. ft. ^TAT DBS QUESTIONS APRES PLOTIN. 18 avait reconnu que la raison discursive n*est pastoute la raison humaine, qu'elle est en nous par Tappli- cation de la raison pure a Texp^rience, et que la rai- son n'est au fond que Tintuition de Dieu , directe- ment, mais imparfaitement communique, ilauraitpu lutter encore contre cette barriere importune de la personnalite humaine qui Tempfechait d*6galer son amour et sa pensee au desirable et k rintelligible ; mais au lieu de refuser k Dieu T^tre et Tintelligence, il aurait compris qu'il estTfetre m6me, Tintelligence m6me, dont Ffitre et Tintelligence que poss^dent les creatures ne sont que des degres emprunt^s ; comme le soleil n*est pas la iTimi^re , mais la source d*oii la lumiere jaillit. Ainsi Plotin ne se trompe sur Dieu que parce qu'il s'est tromp6 sur Thomme. Seserreurs s'enchainent lo- giquement, preuve qu*il domine toute sa pens6e, etne se laisse point entrainer hors de sa route. EUes tien- nent k des verit6s imparfaitement apergues , et profi- tent k la philosophic, qu^elles 6clairent sur sa condi- tion veritable , par ses chutes comme par ses succes. M6me dans tout Femportement du mysticisme, Plotin ne perd pas de vue les conditions de la science. II a trouv6 Dieu , il Ta montr6 ineffable et immobile; il reste a Fexpliquer comme cause du monde. Plus Dieu est grand, plus le monde semble indigne de lui. Le moyen d'introduire une imperfec- tion dans la volenti , ou dans la sagesse , ou dans la puissance divine! Et si Dieu n'a voulu , n'a congu , n'a produit que ce qui est sans d^faut , comment le ik ilAT DES QUESTIONS APAES PLOTIN. monde est-il imparfait? Comment n'est-il pas la perfection m6me , et Tegal de Dieu? On dit : Dieu ne pouvait faire son ^gal ; le principe aurait eu plus de force, si Ton disait qu'il ne pouvait faire son supe- rieur; mais enfin, je I'avoue, rien n'est parfait, qui ne le soit de tout point , et ce qui est absolument parfait n'a pas de cause ; done le monde , puisqu'il est produit, ne peut pas 6tre parfait, el voili pour- quoi rimperfection des effets laisse subsister intacte rinfinie perfection de la cause. Cependant , ce monde parfait ou imparfait , quand mSme il serait ^gal a Dieu, pourquoi le crder? Est-ce par caprice? ou par besoin? ou par amour pour le multiple , ce qui est en definitive I'amour du n6ant? De tout c6t6, on ne voit que d^faut : la nature de Dieu s'amoindrit si , selon Texpression de Malebranche , que Ton compare k PlatOD , et qui est bien plus pr^s des Alexandrins , il prend la condition basse et humiliante de cr^ateur. yoil4 done la perfection mSme de Dieu qui estun pre* mier obstacle k la cr^tion. Les philosophes s'ecrient depuis des sidles; le monde est si beau et si grand qu'un ouvrier par£ait pcnit seul Tavoir tire du n^nt; mais si cet ouvrier est parfait, il semble qu*il ne peut avoir fait le monde , le monde fut*il , par impossi* ble , un second exemplaire de la perfection absolue. Avant PlotiQ, les ^l^ates. Platen, Aristote, avaient connu la perfection immobile de Dieu ; cha- que ^cole avait vu Tabime, et chacune Tavait franchi k sa mani^re : les £l6ates en faisant deux parts de de U adence, Tane veritable, la science de Dieu, KIAX OJBS QUJbi^ilOiNS APIUiS PLOTIN. 15 Fautre subordonnee et bypotbetique, la science du moade, k jamais s^par^e de la premiere. Cest 6ter k la pbilosopbie , des trois questions dont elle se compose , savoir : Dieu , le monde , et leitr rapport , celle qui fait Tunit^ m6me de la science, et en rat* tacbe Tune k Tautre les deux extr^mit^s : Plotin ne pouvait abdiquer ainsi ; ce n'^tait pas pour aboutir k cet aveu d'impuissance qu'il avait permis a sa penste de parcourir Tordre entier des questions pbi« loeopbiques, sans reculer devaut aucun probl^me« non pas m6me devant Tincompr^ensibilit^ d^mon- tr^ etrineffabilit6de Dieu. Platon , suivant jusqu'au bout la dialectique, k Texemple des £leates, ou re- venant avec Socrate au spectacle du monde , tant6t meditait sur FEsaence, et tantbt d^rivait en termes magnifiques , ce poeme du Demiourgos, qui« par sa volonte* tire Fordre du chaos et la vie de la mort; entre Taction de Dieu et son immobilite ^galement necessaires, 11 afiirmait le rapport sans Tapprofon- dir, ni le comprendre; tour k tour absorbe par les conceptions sev^res de la dialectique ^ ou ramen^ par les n^cessites de la science vers une reality plus humble ; eflray^ des conclusions que la rigueur de la m^thode lui arracbait, reposant volontiers sa pensee sur un ordre d'id^es plus accessible , et sen- taut v^itablement dans son &me ce trouble, cette inquietude qu'il exprime si souvent, et qui montre moins la faiblesse de sa doctrine que la perspicacity de son g^nie. Sorti de cette l»:illante et po^tique ^cole» &9jj^ avoir rlen pwdu de. »a vigueur ah- 16 ^TAT DBS QUESTIONS APRES PLOTIN. tique, Aristote suivait son mattre jusqu*i I'absolu; mais entre Tabsolu et le D^miourgos, il refusait d'admettre une identity qu'on semblait affirmer ou supposer, et dont on ne donnait pas la demonstra- tion. Au lieu d' accepter ces deux 616ments de la so- lution et de chercher k les concilier, il affectait de les isoler Tun de I'autre pour accabler Platon sous le poids d'une double critique , et lui reprocher tantdt le dieu incomplet des 6coles physiques, et tant6t le dieu solitaire de rfil6atisme. Peut-6tre une appre- ciation plus equitable eut-elle distingue la speculation sur la nature m6me de Dieu, et la description que Pla- ton a donnee du gou vernement de Dieu dans le monde et des lois par lesquelles sa puissance se manifeste. Si toute force, qui produit un eflfet, se developpe et tombe en se developpant dans le phenomeneet dans le mul- tiple, est-ce done un obstacle k Tunite substantielle et radicale de la force? Et parce que nous ne com- prenons pas ce mystere de I'energie multiple , qui se deploie dans une force simple, faut-il nier ce que la spe- culation et Texperience demontrent invinciblement , chacune dans sa sphere ? II est vrai , cette force creatrice est deji engagee dans le temps et Tespace qu'elle produit , et Platon n*a ni su , ni voulu , ni ose peut-6tre expliquer cette evolution du dieu immo- bile qui sort , en quelque sorte , de son repos , pour produire le monde. Aristote est-il plus heureux? Reste-t-il davantage dans les conditions dela science, lorsqu'i une hypothese que Platon aurait pu justi- fier par la conscience humaine et par tous les phe- :^TAT BBS QUESTIONS APRES PLOTIN. 17 Domenes de la vie imiverselle , il substitue son dieu vraimentet absolument immobile, qui ne peut ni connaitre le monde, ni agir sur lui sans dechoir, et dont toute Faction a sa cause hors de lui , puisqu'il n'agit pas comme principe efficient, mais seulement comme cause finale? Ce Dieu concentre en lui- meme explique sans douteTunit^ et Tharmonie dans le multiple; mais il n'explique pas I'existence du multiple ; il donne la regie du mouvement , et n'en donne pas I'origine ; tout existe en dehors de lui et sans lui en vertud'une n6cessit6 qu'il n'a point produite. Si Ton accorde une fois cette large hypo- these, Aristote pourra ensuite ^tudier les faits et les appuyer Tun sur Tautre dans un vaste systeme de lois qui toutes naissent d'un principe unique ; mais sous ces lois , le mouvement qu'elles gouvernent , et dans ce mouvement , I'fitre qui le produit et qui le contient, il les a places, par le premier motde sa doctrine , en dehors des conditions de la science. Un seul principe demeure Stranger et superieur au monde , c'est la cause finale ; encore faut-il suppo- ser, sans preuves et sans vraisemblance , que le mo- teur mobile est capable de la comprendre et de I'ai- mer. Aristote croit avoir assez fait pour donner k son dieu la r6alit6 et la grandeur qui manquent aux ab- stractions 616atiques , en lui laissant , avec cet em- pire qu'il exerce a son insu , la conscience de sa per- fection infinie. « Si Dieu ne pense pas, dit Aristote, commentradorer?»Mais aussi comment Taimer, s'il n'aimepas? Entre ces hypotheses diverses, que fera II. 2 18 ETAT DE8 QUBSTIONS APRES PLOTIN. Plotin? Admettra-t-il que le monde existe par lui- mdme ^ et fera-t-il cette concession k la nature du multiple, lui dont la raison s'indigne contre le temps et Tespace oil il se trouve enferm^ , et dont Fame se r^ volte contre cette prison de la chair ?Sa*« crifice pour sacrifice , loin de donner au monde una substance propre, il en ferait plutdt un pur ph^no-- m^ne ; il le rMuirait k n'^tre , comme le monde des £leates » qu'une apparence , une vaine ombre* Mais que peuvent gagner les £l^ates k s'indigner ainsi contre le monde, k le m^priser, k Foublier? II rentre par force dans leur philosophie, et cette om^ bre m6me il faut I'expliquer. Si le monde n'etait qu'un atome , Texistence de cet atome serait-^Ue moins merveilleuse « que tant de soleils sem^s dans les abimes, d'une main liberale et inepui-- sable? Plotin ne veut done ni exalter, comme Aris^ tote, la r^alit^ du monde, ni la dMaigner, avec les £l^teS) d'une fafon absolue ; il aime mieux , h Texemple dePlaton, laisser Finexplicable enDieu, qui nous depasse, et rattacher tout T^tre et toute la vie du monde k une cause ; mais arrStant la pens^e flottante de Platon, et donnant une forme k sesrSves, il soutient que lemSme Dieu , absolu et incompr^hen^ sible en soi , devient puissant et fecond quand on le consid^re dans ses effets ; qu'il enferme dans son unit^ des formes diverses, etque, par de premieres trans^ formations qui coexistent dans la simplicity de so0 £tre, il entre par degr^s en communion avec le mul- tiple. Simple et absolu dans le dernier sancUiaire de BTAT D£9 QUESTIONS APR^S PLOTIN* 19 sa dirinite, il engendre de lui*mdine une intelli^ gence, et de cette intelligence une volont^. Ge ne sont pas trois £tres, mais trois formes ^ternelles et n^cessaires d'un &tre unique et parfait; Tunit^ ab^ solue repond k la dialectique, la puissance ou FAme aux n^cessit^s de Texistence du monde, Tintelli*- gence est le lien qui les attache Tune k Tautre dans Funite du Ternaire supreme. C'est ainsi que Plotin donne k Thypoth^se de la trinity une origine scien-* tifique » et emploie pour ainsi dire le mysticisme aux besoins de la philosophic platonicienne. Yoil^ done un seul Dieu en trois hypostases; ce dieu est unique , car la multiplicity de Dieu est la negation mdme de Texistence d'un premier principe et de toute philosophic; il est I'Unit^ , parce que la dialectique ledemontre, rintelligence » parce qu'une intelligence est le lieu naturel et n^cessaire des idees 4 et rintelligence immobile, parce que I'intelligence immobile est seule une intelligence parfaite ; il est YAme enfin ou la source du mouvement , parce qu'il y a du mouvement, et qu'il est cause de tout ce qui est. Ainsi la perfection de Dieu , et en mSme temps son action semblent sauv6es ; la puissance de Dieu ^ qui apparait d'abord k notre &me k mesure qu'elle s'el^ve vers lui (1) , n'est que son dclat ext^ieur ; c'est Tunit^ qui est le fond, mais elle ne se dd« couvre qn'k Textase. Oublions un instant ce nombre trois, ces doctrines myst^rieuses , tant d'efforts 6pav Keivov. Enn. 5 , 1. 5 , c. 3. ' 20 iSTAT BES questions APBis PLOTIN. perdus pour expliquer ce que c*est qu'une hypo- stase; le vrai, r^l^ment philosophique , c'est 6vi- demment cette immobility de Dieu et cette expan- sion ; c'est cette unit6 sans puissance et sans vie , source de toute vie et de toute puissance , qui, lors- qu'elle va au multiple , d^genere de Dieu et domine encore cependant , de toute la divinity qui lui reste , les mondes et les si6cles dont elle est la mattresse et la cause. Qui pourrait dire que sous des formes chim6- riques, au milieu d' assertions inutiles, hasard^es, fausses , il n'y ait pas \h au moins une hypothese qui explique T union dans un m6me 6tre de Timmobilite avecla Providence? La substance simple , lamonade que je suis moi-m6me , se divise et s'^panouit en fa- cult^s diverses et en ph6nomenes multiples, sans perdre son inalterable unit6 ; et si le multiple est la marque, et en quelque sorte la participation du n^ant, comment Dieu ne semblerait-il pas multiple , lorsqu'on cherche dans le monde les traces de sa volont6 , tandis qu'on le retrouve immobile et indi- visible, lorsqu'on F^tudie en lui-m6me, et qu'on oublie la creation pour s'ablmer dans la contempla- tion du cr^ateur? A cette premiere difficult^ : Comment pouvons- nous connaitre la nature de Dieu , qui ne peut-6tre connue par la raison , Plotin arepondu par I'extase ; k cette autre : Comment se peut-il qu'un Dieu parfait et immobile convolve et produise le monde^ il a r^pondu par la Trinity et les hypostases. Le monde est d^sormais possible, pourvu qu'il puisse JSTAT DBS QUESTIONS APKKS PLOTIN. 21 exister dans la substance in6me de Dieu, ou que Taction de tirer Tetre du neant ne soit pas une chi- mere. Entre ces deux alternatives, Plotin n'h6site pas ; il ^tablit que le monde existe dans la substance m6me deDieu, distinct et non s^par6 ; qu'il^manesans cesse du sein de Dieu , et que sans cesse il y retourne. Si Ton cherche ce que contiennent de vrai et de faux la th^orie des Emanations et la th^orie de Faspi- ration universelle , il ne faut pas s'appesantir sur ce terme d'Emanation. Le mot n'est rien, et sur le comment de la pi^oduction du monde les syst^mes religieux et les syst^mesphilosophiques, dansTan- tiquit6, dans les temps modemes, n'ont que des mots, et ne peuvent avoir rien de plus : dure sen- tence il est vrai , et que I'orgueil philosophique ne supporte pas moins impatiemment que FincomprE- hensibilite divine. Mais n'estr-cepas serevolter contre la nature humaine et ses limites necessaires , que d'aspirer k la pleine comprehension de Tinfini , ou de cet acte de la toute-puissance dans lequel se met, pour ainsidire, Tinfinite tout entiere? Non , quel que soit le mot que Ton emploie pour exprimer Facte de Dieu par lequel il devient cause de tout ce qui existe , ce mot n'explique rien , et ne contient point de doctrine. II designe cet acte, et ne Teclaire point ; rien ne pent Teclairer. Nous pouvons rechercher si Dieu a produit le monde librement, s'il I'a produit hors de lui-ra^me ou dans sa propre sub- stance ; mais nous ne pouvons approfondir Facte par lequel il Fa produit. Cherchons, pour Fexpriraer, des 22 J^TAT DES QUESTIONS APai^S PLOTm. m6taphores emprunt6es a notre propre vie , ou par un progr^s au moins bizarre , r^pudions les mots de cr6er et de produire, pour demander des comparai- sons k la nature inanim^e ; la lumiire qui jaillit de son foyer, le trop plein qui s*6couled'un vase, disent autre chose i mon imagination, et ne disent rien k mon esprit. Je sais ce que c'est que vouloir, c'est 6tre libre ; je sais ce que c'est que produire, c*est 6tre cause : cause de mouvement , cause de ph6nom6ne , et non de substance. Malebranche mdme ne veut pas que je puisse causer un mouvement; et si sa th6orie 6tait admise , et avec elle le principe panth6iste que ce qui n*a point d'analogue dans I'homme ne se re- trouve pas en Dieu , il faudrait nier le mouvement. A la rigueur, ni les lois du monde, ni son harmonie, ne sufflsent pour prouver I'existence de Dieu; si Descartes a pu dire qu'avec de la mati^re et du mouvement, il ferait le monde, c'est qu'en eflfet, pour transformer I'fitre , pour Torganiser, pour le gouverner, il ne faut que de Tintelligence, et cette esp6ce de puissance dont I'homme dispose; mais pour creer , fiit-ce m6me un atome, il faut 6tre Dieu. La creation est done incomprehensible, parce qu'elle est I'exercice d'une puissance infinie. Cr^er, c'est donner Ffitre sans doute , et Ffetre mfeme, qu'est-il en soi ? Je I'ignore , je I'ignore a jamais , et tons les d6- guisements que pent prendre mon ignorance ne la gu^riroilt pas. II n'y a pas ici trois doctrines , il n'y en a que deux. ^TAT DE8 QUESTIONS APRE8 PLOTIN. 23 On soutient que Facte primordial de la production du monde est comprehensible i notre esprit , ou Ton confesse qu'il ne Test pas ; et quiconque veut qu'il le soit , e^t panth^iste dans son fond , quMl le sache ou qu'il rignore , et quand m^me sa conscience se revolterait. A quelle condition Facte de produire le monde sera*-t*il comprehensible s'il Fest? A une seule ; c'est que nous trouvions en nous son analogue. Le moyen de le nier I Ce que votre conscience ^prouve, ce que vos mains etreignent , ce que voit votre raison, vous le connaissez, Hors de Ik , que pouvez-vous , slnon allier ensemble des id^es? mais en produire, estrce possible? Donnez k une intelligence qui ne sera pas came, Fid^e de cause ! Yous apprendriez plus ais^- ment k un aveugle ce que c'est que la couleur. Done si Fhomme ne fait que disposer du mouvement et transformer F6tre , il ne pent comprepdre la pro- duction m^me du mouvement et de Ffitre ; et pour qu'il lui reste un moyen de p^n^trer dans la nature m^me de Faction primordiale par laquelle Dieu fait le monde , il faut que cette production ne soit aussi qu'une transformation ; il faut qu'il n'y ait pas pro- duction de l'6tre, mais organisation et d6veloppe- ment; il faut que Fhomme soit en Dieu, et avec Fhomme, le monde; il faut Men plus encore, il faut que la raison humaine soit une mesure capable de tout contenir, etqu'entre le tout, et cette partie du tout que nous sommes, la difKrence ne soit qu'en degr^s (1). (1) Spinoza dit bien que Dieu diff^re du monde en nature ; mais cela signifie 24 KTAT DliS QIKSTIONS APRES PLOTIN. De quel droit veut-on soutenir cet insolent axiome que ce qui estimpossibleicomprendreest impossible k croire? Comme si nous pouvions jamais ou ne pas croire h Dieu, ou le comprendre ! Ce Dieu que nous ne comprenons pas a des vertus et des efBcaces que nous ne comprenons pas. Demontrezqu'iln*enpeut avoir ! Que le rien devienne quelque chose, cela, dit-on, est une contradiction dans les termes. Que le par- fait contienne necessairement en soi toutes les im- perfections, que rimparfait soit n6cessaire an parfait ^pour qu'il soit parfait, et absolument, que rimpar- fait soit necessaire, est-ce une contradiction moindre? Mais qui a jamais fait du rien la mati^re de r6tre? Le n^ant ne devient pas , car on n'en pent rien dire, et on ne pent pas m6me le penser ; quand nous di- sons que Dieu a fait le monde de rien , cela veut dire seulement que le monde n'est pas Dieu , et que le monde n'est pas sans la volont6 libre de Dieu ; et en effet, qu'il y ait une volont6 efflcace et sub- stantifiante par elle-m6me , cela est incomprehen- sible , et cela est aussi certain qu'incompr^hensible. En resulte-t-il qu'il faut etudier Dieu et le monde s6par6ment , ou tout au plus le gouvernement de Dieu dans le monde , sans jamais sonder le problSme de I'origine du multiple? La raison humaine n'a-t-elle rien k dire sur la production du monde, parce que seulement que le ph^nom^nc n'est pas une esp6ce de la substance , et n'em- |)£che pas Spinoza de soutenir que la creation ex nihilo est impossible , parce qu'elle est incompr^honsiblo, c'est-A-dlre, parce qu'elle n'a pas d'analogue dans riiomnie iJtAT DBS QUESTIONS APRKS PLOTlN. 25 Tacte m^me producteur lui echappe? Autantvaudrait soutenir que nous ne devons pas ^tudier les lois de rattraction, parce que ni la cause ni la nature de Tattraction ne nous est connue. Entre un panth^iste et un d6iste , par exemple , n*y a-t-il pas de difK- rence? Et cette difiS^rence, a quoi tient-elle? Au mot de creation, substitu^ a celui d' Emanation? Comme si les d^istes pretendaient savoir ce que c*est que cr^er! Comme si les panth^istes croyaient s^rieuse- ment , que le monde d^coule de Dieu comme Teau decoule de la source! II y a, entre ces deux doc- trines, une autre diflGSrence que T^paisseur d*une metaphore. Celui qui affirme la creation sans la com- prendre, ne dit gu6re autre chose par ce mot, sinon que le monde est separ6 de Dieu , qu'il n'est point n^cessaire k Dieu , qu'il n'est pas son d6- veloppement , son Anergic naturelle , sa vie ; qu*il a une existence propre, une substance propre, une destin^e ind^pendante du bonheur supreme et de la supreme perfection de Dieu. Tout cela pent 6tre entendu et compris ; et tout cela rend possibles la morale , la religion naturelle , tout ce que le pan- th^isme trouble et confond k jamais. Le monde sans doute n'est pas Dieu, dans Topinion des pantheistes ; car la doctrine de I'identit^ de Dieu et du monde , c'est la negation m6me de Dieu. Ce- pendant, quandon parle de Dieu, on I'appelle I'fltre absolu, celui qui est; et Ton croit avancer quelque chose en disant qu'il communique son propre 6tre , et qu'il fait le monde de sa substance. Tant s'en faut, 26 BTAT BES QUESTIONS APB^IS PLOTIN. cela ne se peut; &i Dieu se donne selon ce qu'il est lui-m6me , si c'est son 6tre m6me qu'il communique, Dieu o'est plus parfait, 11 n'eat plus FJBtre absolu, et ce nom ne convient qu'i Tunite collective qui se forme deDieu et dumonde reunis. Ainsil'onretombe dans Fath^isme; et voil&, dans sa nudity, Thypo- th^se que Bayle ne voudrait pas d^fricher avec ses ongle8(l), Selon Plotin, le monde ^mane de Dieu ; c'est le mot dont il se sert , c'est sa langue , qui n'importe pas k rhistoire de son syst^me ; mais selon Plotin , Dieu fait le monde necessairement et le produit en lui-m6me ; done Plotin est panth^iste. Pouvait-il ne pas I'Stre , lui , mysti iie , et qui fai- sait, comme tel, bon march6 de la personne et de Texistence individuelle? En presence de ce grand Dieu dontl'idee, quand je la medite, envabitet ab- sorbe toute idee, la sauvegarde de ma substance indi- viduelle , de mon existence propre , c'est ma liberte, etma conscience qui eclaire ma liberty et la rend pos- siUe, Otez la liberty, 6tez la conscience, oudu moins rendez-la defectible ; le panth^isme est tout pres. Au moins dans cette hypoth^se pantbdiiste, que Bayle trouvait si aride, et Malebrancbe si inf&me, et qui tente k present tantd'intelligences, plus empres- (1) Le mot des livres Juifs pour expriraer la creation est sublime auBsi en philosophie. « Dieu dit : que la lumi^re soil falte, et la iumi^re fut faite. » Je ne demande que ces seules paroles. Quelle fut raction de Dieu, on ne le dit pas. On indique la cause, la volont^ de Dieu, et Teffet, la naisaance de la lumi^re. La volont^ de Dieu ^tait n^cessaire , et elle suffisait; voiU tout ce qu'on peut d^montrer. iTAT PES QUESTIONS APR^S PLOTIN. 27 s^es de signaler les difflcult^s d'une opinion long- temps admise, que d'avouer celles du syst^me qu'elles preferent , Plotin s'entend et se suit lui-m6me. II est encore philosophe quand il tombe. Puisque lemonde est distinct de Dieu et n*en est pas s^par^ , il faut qu'il en sorte sans cesse , et qu'il y rentre sans cesse; que ce soit la sa condition, sa loi, son essence. Les deux grands courants dont parle Plotin , et dont les flots dternels constituent le monde, ne sont pas de pures chimeres ; I'fitre en effet sort de Dieu et tombe au neant ; il y tombe par la multiplicity et le d^sor- dre, il y ^chappe par I'ordre et par Tharmonie. Descendons en nous-m6mes. Que sommes*nous? Intelligence , affection, volonte. Partout cette double loi de la generation et de T amour nous suit ; partout nous voyons se combattre en nous Tappetit de P^tre, qui nous vient de notre fond, et Tapp^tit du n^ant ou du multiple qui nous vient de nos limites. Les sens et la raison, Tamour de Dieu et la concupiscence, Tor* dre moral et le caprice, telles sont les puissances qui nous perdent ou nous relevent, soit que nous aspirions k Tunite, c'est-&--dire k Tordre, au durable, au solide, ou que nous livrions notre pensee, notre coeur et tout notre 6tre au hasard, et que nous dispersions k tons les vents la force qui nous est donn^e pour accomplir une tdche que nous tenons de la Providence. Ainsi la lutte eternelle qui r^sulte pour le monde entier de son ori- gine et de sa condition, se livre aussi en nous-m6mes ; et s'il est vrai, comme la speculation et rexp6rience tendent egalement k le prouver, que tout est gouvern^ 28 ^TAT DES QUESTIONS APRES PLOTIN. dans le monde par des lois analogues, et que les mgmes lois qui se manifestent k la pens^e de rtioname et gouvernent sa liberie , se retrouvent , n^cessaires et aveugles, dans le reste de la nature , I'amour triomphe done de la hainedans une lutte incessante, depuis Torigine du monde et jusqu'& sa fin ; et la sagesse antique , regime et reduite en syst^me par Plotin , est confirmee par Ja science moderne. II est vrai que la encore , comme partout, comme toujours , Plotin n'a touch6 le but que pour le d6- passer aussitdt. Si nous tendons vers Dieu , ce n'est pas, comme ill'a cru, pour nous absorber en lui, c'est pour rimiter, pour le connaitre de plus pr6s , pour en mieux jouir. Le monde est sorti de Dieu , il n'y rentrera pas. II est sorti de sa volonte, non de sa subs^Bince. Dieu ne peut rien absorber. II n'y a pas de mouvement en lui, il n'y a pas de multiple. II vaut mieux pour la pensee admettre la creation sans lacomprendre, que d'admettre la multiplicity ind6- finie des phenom^nes dans un dieu unique , et de comprendre qu'il y a li une contradiction. Au milieu de ces fautes on voit se d^velopper un systeme complet, bien ordonn^ : la raison d6pass6e par Textase ; un dieu inaccessible a la raison , ac- cessible k V&me dans I'extase par la communion et Ti- dentit^ ; en Dieu , tout k la fois Timmobilit^ impos6e par la dialectique, et la multiplicity exigee par I'ex- p6rience ; la contradiction, sauvee ou palli^e parl'in- troduction du dogme de la trinity ; I'unite dans la multiplicity transport^e de Dieu au monde, et la m6me jSt AT DES QUESTIONS APllES 1?L0TIN. ^9 hypothese expliquant partout , dans le monde comme en Dieu , la coexistence n6cessaire de Tun et du multiple. Si Ton peut reprocher i Plotin de n'avoir entrevu le vrai caractftre de la raison que pour I'dter h la raison et Tattribuer k Textase, si Thy- pothese de la trinity d^pare ce qu'il y a de grand et de vrai dans la conciliation du principe sp^culatif et du principe experimental , si par la doctrine de T^- manation et par la fatality qui domine et r^gle, selon lui, la production du monde, il a pour ainsi dire aneanti la liberty de Dieu et rendu celle de Thomme inutile et impossible; sa gloire est dans cette intui- tion immediate de la nature divine consid^ree comme le fond et la cause de toute science , dans cette im- mutabilite de Dieud6montree avec plus de force que jamais et dans cette reduction des lois qui regissent le monde , k deux principes simples qui expriment tons les autres et qui sortent avec Evidence des ele- ments mfemes de Thypothese premiere. Apres lui , une ample carriere restait ouverte h ses successeurs. II avait effleure tons les probl^mes et jetesur quelques-uns une vive lumi^re; mais plu- sieurs points demandaient k 6tre creus^s de nou- veau , et les Merits de Plotin avaient plus pour, effet de provoquer la discussion que de la fermer, et d'exciter la pens^e que de la calmer. Quel devait etre predsement dans la science le role de la raison? La rejeter absolument, c'etait re- noncer k tout redifice de Plotin , qui repose d'abord sur la dialectique, et r^pudier du m6me coup The- 30 MtAT DBS QUKSTIONS APHES PLOTIN* ritage de Platon et les traditions de la chaine sa* cree. Cependant si oii la conservait, Tembarras n'^tait pas moindre. Quelle autorit^ pouvait avoir d^sormais une faculty k laquelle on refusait la con- naissance de Tabsolu , tandis que toute la doctrine reposait sur cette connaissance ? Non-seulement la raison ne faisait qu'entrevoir au-'dessus d'elle*m6me ridee de Dieu sans I'embrasser ni la comprendre ; mais ses r^sultats les plus clairs, ses donn^es les plus precises » se trouvaient contredites par les in-« tuitions de Textase , et par consequent les v^rit^s ra- tionnelles n'avaient plus qu'une valeur relative et subordonn^e, ou plut6t elles perdaient toute valeur et tombaient au rang d'apparences chim^riques , faites pour abuser les esprits grossiers attaches k la terre, et dont les mystiques connaissaient le neant. Ainsi la seconde partie de la philosophic ne pouvait subsister que par la mine de la premiere « et d^s que la raison avait d^monlre que I'extase etait au-dessus d'elle^-m^me^ il devenait Evident, en vertu de I'extase, que la raison ne pent rien d^montrer, pas m6me sa propre faiblesse. Quel parti choisir ? II semble qu'ac- cepter & la fois la raison et I'extase , c'etait se con- dsunner k une contradiction palpable ou au scep- ticisme* La nature de Dieu ^ quoique ^clair^ k de grandes profondeurs par la speculation de Plotin , apparais- sait sous ce double caractere d'unit^ absolue et de puissance cr6atrice et providentielle , comme une nouYeUe contradiction dont la science devait cher- ETAT DES QUESTIONS APR^S PLOTIN* SI Cher le secret. Y avait-il reellement, dans une seule substance , plusieurs natures distinctes et subordon- n^es entre elles? Ou fallait-il admettre la plurality des dieux? Ou enfin, ce mystere de Texpansion des forces simples I qui constitue T^tre et la vie dansle monde crd^ , devait^n le transporter jusqu'en Dieu et soumettre k cette loi du d^veloppement universel ceiui-la m6me a la substance ou k ia volonte duquel toutes les lois sont attaches? Plotin avait expliqu^ la production du monde par la thdorie de I'emanation , qui au fond n'expliquait rien et laissait tout en suspens. Quelle ^tait , dans cet epanchement du trop plein de la divinity , la part de la necessite et celle de la Providence? L'&me du monde le produit fatalement et aveugl^ment, en vertu de la loi des Emanations ; et pourtant elle le connalt, elle le dirige , etexerce sur les EvEnements une salutaire influence. Fallait-il distinguer la pro« duction de la substance accomplie par la force des choses, et Tordre, Tharmonie du monde orga* nisee par une puissance intelligente? Quelle Etait d'ailleurs la nature propre du monde? fitait-il pure- ment et simplement Tensemble des phenom^nesqui constituaient la vie de Dieu? Mais que devenait alord cette throne de la progression continue , qui 4ta-* blit une succession h Tinflni des natures hyposta^ tiques? Et si le monde Etait compost d'hypostasef diverses , la gto^raUon des phenom^nes dans cbaque bypostase 6tait*^lle ind^pendante de T^manation? Quelle ^taitt entre T^anation ^t Tamour, la place 32 ISTAT DBS QUESTIONS A^RES PLOTIN. de la liberie? que restait-il a Texistence individuelle au milieu de ces alternatives incessantes de repro- duction et d' expiration? Le mot d'hypostase , dont Plotin s*6tait servi , 6tait lui-m6me obscur et ind^termine. L'hypostase est-elle Fessence d'un 6tre, ce qui fait I'objet de sa d6flnition ? s'il en est ainsi, Fhypostase n'est en definitive qu'un attribut, qui bien qu'essentiel h Tfitre ne constitue pasr6trelui-m6me, et k ce compte la generation hy- postatiquene pent avoir lieu que dans une substance anterieurement donn^e. Si Thypostase au contraire se dit de la r^alite m6me, jusqu'i quel point est-il vrai de dire qu'il y a sous les ph^nomenes et dans le monde sensible autant d'hypostases que d'individus distincts? Cette expression designe-t-elle la m6me conception lorsqu'on s'en sert en parlant de Dieu et des idees , des idees et des choses sensibles ? A coup sur elle ne designe pas la mati^re informe, TiiXri, qui n'est que potentielle , tandis que l'hypostase esl en acte ; mais si ce mot doit 6tre entendu dans le sens de substance actuelle et determin^e, il reste la difficult^ d'accorder la separation effective des hypo- stases avec le pantheisme. La substance m6me , en tant qu'elle fait le fond de chaque 6tre, comment doit-elle 6tre entendue? Est-ce un pur substratum^ un quelque chose inintelligible , indeflnissable , qui sert passivement , et par une alliance myst^rieuse , de support aux qualites? Est-ce une force qui se d^- veloppe elle-m6me et dont les attributs et les modes ne sont que les conditions de I'existence interne , ma- jfiTAT DES QUESTIONS APRES PLOTIN. 33 nifestees par la vie ext^rieure? Cette force n'est-elle que la totality des possibles contenus dans la defi- nition d*une espece, ou n'embrasse-t-elle pas en outre Tenergie n6cessaire pour actualiser ces possi- bles , conform^ment aux lois g6n6rales du monde , des que Toccasion en est fournie ? Tout ce c6t6 de la metaphysique restait entier, et Plotin , qui avait em- prunte surtout k Aristote sa th6orie des principes constitutifs de Tfitre, avait n6glig6 de les mettre d'accord avec sa propre doctrine de Fidentite de tons les 6tres au sein de Dieu , et des Emanations hypo- statiques. Non-seulement on avait k concilier la theorie de Tame du monde et la doctrine des Emanations , la Providence et la fatalite , la realitE hypostatique des (fetres contingents et leur absorption dans le sein de Dieu , seul fond de toutes les existences , mais la pensee de Dieu et sa puissance, quoique inferieures & I'unitE absolue, tenaient de trop prEs k sa nature pour qu'il fut ais6 de concilier leur immobilite nE- cessaire avec la connaissance et la production du multiple. Le systEme d' Aristote, qui rend Tintelli- gence premiere indiiFErente k tout ce qui se regie et se modele sur elle-m6me , 6tait abandonnE pour la doctrine de Platon , qui fait de Tintelligence le lieu des idees , et en attribuant an ^nf/toupycx; I'amour de sa creature , etablit une reaction du monde sur son auteur. Comment cette reaction pouvait-elle ne pas alterer I'immobilite divine? Comment n'en resultait- il pas un amoindrissement , une degradation de u. 3 34 ^TAT DES QUESTIONS APRES PLOTIN. Dieu m6me ? L'action n'6tait-elle pas finie et limitee comme son principe?etau contraire la resistance du dieu auquel elle aboutissait, infinie ? line resistance infinie ne saurait 6tre vaincue par une action finie* Dieu ne pouvait done ni connaitre le monde, ni agir sur lui , ni subir une reaction partie de si bas. Le culte, la priere, les Evocations si chers aux Alexandrins , et jusqu'i un certain point la morale elle-mSme , semblaient par Ih compromis en m6me temps que la Providence. Les deux tendances prin- cipales de FEcole, Tune en metaphysique , vers la constatation de plus en plus nette et d6termin6e de Tunite immobile de Dieu , I'autre en morale , vers les pratiques d'un culte exterieur et I'illuminisme , se trouvaient ainsi en opposition directe ; et des ef- forts de I'ecole pour concilier sa m^taphysique et ses instincts religieux , devaient naitre des recher- ches sur la nature de Taction divine , sur ses rap- ports dansl'ordre physique avec leslois 6tablies, dans Tordre moral avec la volonte , enfin sur Tefficacite du culte et des c6r6monies ; aussi voyons-nous les premiers disciples de Plotin d^couvrir par avance la th6orie des causes occasionnelles , et tout le systeme d^veloppe plus tard par le P. Malebranche dans son Traits de la nature et de In grdce (1) . II etait d'ailleurs naturel qu'une ecole mystique, fondee par un esprit tel que Plotin , et qui , des Tori- gine, enseignait, avec le respect des traditions et la n6cessit6 d'un culte ext^rieilr, le mepris du monde^ (1) P^oyez cl-aprfts, I, 3, c. 5. ifiXAT DBS QUBSTIONS APR4s PLOTIIV. 35 et des plaisirs qu6 le monde peut donner, 11 ^tait naturel qu'une pareille 6cole en vint promptement k chercher des regies d'une vie plus parfaite et d'un culte plus 6pur6, elk relever, ou k recommencer le c^l^bre institut pythagorique ^ dont ApoUonius de Tyane , deux slides auparavant , s'6tait ddclar^ le continuateur. U etait dans les conditions de ce si^cle, reldcb^ dans les moeurs et dans les doctrines, que les Ames d' elite s'6prissent de la vie austere et recueillie ; et tandis que le christianisme organisait dans I'figypte ses legions de moines qui plus tard couvrirent le monde, Porphyre 6crivait son traitS de I' Abstinence^ et Tauteur des Mystires r^duisait en preceptes pra- tiques les doctrines m6taphysiques et morales de r^cole. Cette tendance vers la vie spirituelle appor- tait dans les Etudes des Alexandrins un ^l^ment nouveau, la connaissance du cceur humain, ettoute cette partie de la psychologie qui nous 6claire sur Torigine et la valeur de nos sentiments et nous mon- tre comment on peut les discipliner ou les dompter. Les mystiques, dont la premiere erreur est une erreur psychologique, qui entralne une ignorance complete de la nature de la raison et de ses proc6des reguliers ♦ abondentpresque toujours en observations ing^nieu-^ fees et fecondes sur ce qu'il y a en nous de plus indivi- duel et de plus intime , la sensibilite* G'est \k un fait dont il est aise de se rendre compte. lis ont beau trans- former leur imagination en intuition, et leurs modi- fications aflfectives en ravissements et en extases, la sen&ibiiit^ n'en reste pas moins ce qu'elle est , et c'est 36 l^TAT DES QUESTIONS APRES PLOTIN. elle qu'ils etudient en croyant etudier autre chose. Tandis qu'ils croient echapper, non-seulement a eux-m6mes, mais au monde, au temps et a Tespace, c'est avec eux-m6mes qu'ils vivent, c'est en eux- m6mes qu'ils voient tons les spectacles dont ils s'enivrent, et rhistorien qui vient derriere eux, comme le philosophe charge par Platon de juger et d'interpreter les poetes , recueille au milieu de tons ces d61ires, des traits d'une psychologic pro- fonde. Le mysticisme alexandrin a dure des siecles ; il a done degener^. En effet, moins d'un demi-si6cle apr^s Plotin, il elait deja devenu Filluminisme : triste et n^cessaire degradation de cette philosophic briliante, qui ne pent, au debut, supporter le joug salutaire de la raison et de la discipline , et que la superstition flnit toujours par courber i son niveau. Comment le mysticisme pourrait-il durer, et se propager, sans cette transformation ? Tout errone qu'il est , il sup- pose dans une 4me qui s'y livre toute seule , sans 6tre soutenue par des pratiques , et par des croyances accept6es , une force d'imagination , une chaleur de coeur, et en quelque sorte , une verve d'enthousiasme qui ne sont pas des dons vulgaires. Le mysticisme se propage vite, comme tout ce qui parle a la sensibility et i I'imagination ; il se lasse et s'affaisse prompte- ment , comme tout ce qui n'6tant pas appuy6 sur la raison , manque de stabilite et d'^ternit^. La raison, qui fait la force des esprits du premier ordre et leur permet d'aller en avant , avec s6curit6 , est aussi la ISTAT DBS QUESTIONS APRES PLOTIN. 37 sauvegarde des esprits inferieurs dans les regions moyennesqu'ils habitant, et si elle ne leur donne pas rinitiative qui leur manque, elle les soutient du moins avecses regies, ses methodes et ce bon sens pratique, que tout homme puise dans I'etablissement de la so- ciete, pourvu qu'il ne se livre pas , en dehors des sen- tiers frayes, au delire de Fimagination et de la sensibi- lite; mais quand une Ame abandonne ce guide austere, et se jette dans les champs de Textase , ou tout est libre et sans frein , parce que tout est sans universalite , dans ce desert, dans cette solitude que lui cree sur- le-champ I'absence d'une regie, il lui faut quelque objet factice de son enthousiasme , qui I'empeche de sentir Irop vite son n^ant , et de revenir k la commu- nion de I'humanite , en rentrant dans les veritables conditions de la pensee. Aussi voit-on constamment les symboles et les rites apparaitre dans une ecole mystique i mesure que la force s'en retire. Comme le mysticisme n'est qu'une affection violente d'une sensibiliteexaltee, etqu'on n'y trouve par consequent que ce qu'on y pent mettre de ses propres entrailles, il n'y a que les grands poetes qui soient de grands mystiques, hardis, rev^lateurs, inspires. CeuxquMls passionnent et qu'ils entrainent , n'ont plus que le delire , et manquent d'originalite et de poesie. II leur faut un maitre qui donne un corps a leurs reves, une nourriture k leur ardeur der^gl^e. Quand les Alexandrins ne sentirent plus croltre ces divines ailes du Phedre qui dispensent de tout le reste ; quand ils ne surent plus e voquer Dieu dans leur Ame , ils furent S8 iStat pes questions APais ptoriM. chercher des esp^rances , des ^motious et des mys^ t^res dans les temples. Aussit6t la theurgie remplaga la philosophie ; I'histoire , Thistoire credule et su- perstitieuse , prit la place des speculations originales, et le g6nie philosophique , au lieu de marcher U- brement , par des constructions hardies , i la con- qu6te de la verity , s'epuisa dans de st^riles efforts pour interpreter symboliquement la raythologie, et transformer enpenseurs, ces poetes enfants, qui repondaient a la curiosit6 naissante de I'esprit hu- main , par des fables ou riantes ou terribles , et des flots d'6tincelante po6sie. Apr6s Plotin, la lutte contre le cbristianisme fait seule vivre I'ecole : strange element de succfes que la defense obstin^e de Terreur ; mais enfin I'an- cien monde ne pouvait pas perir sans combattre, et 1^ lutte soutenue avec d^vouement et courage devait rehausser m6me les vaincus aux yeux de Thistpire, Du reste , on se combattait sans se m61er. Les philo- sophes ne faisaient que pen d'emprunts a leurs on^ nemis , et si quelques dogmes Chretiens s'infiltraient dans le platonisme , c'etait , en quelque sorte k Tinsu des chefs de la secte , et grfice k I'analogie des doc- trines. L'figlise, apres le concile de Nicee, etait trop fortement constituee en hierarchic et en doctrine, pour rien prendre a des ennemis decries et abattus ; avantle concile, que Jeur aurait-elle pris? Le dogme de la Trinite , que tant de defenseurs et tant d'en- nemis de la foi chretienne ont voulu trouver tout entierdans Plotinet ses successeurs, ne s'y trouve ]£tAT DBS QUESTIONS APB^S PLOTIN. 39 pas, ou s'il y est, c'est sous une forme teliement eloign^ de la doctrine chr^tienne , qu'on ne peut demSler d'autre analogie entre Tune et I'autre que cette triplicit^ ramende a Tunit^. Or, quelqueopiuion que ron adopte d'ailleurs sur les caract&res parti- culiers du dogme de la Trinite avant le symbole de Nicee, ce peu se reucontre evidemiuent dans les our vrages des P^res des le premier sifecle du chris- tianisme, bien avant I'enseignement de Plotin et d'Ammonius ; et cette croyance qui remonte dans rOrient et dans la Judde a Tantiquite la plus haute, n'aurait pu 6tre empruntee ni par I'figlise a I'ecole d'Alexandrie , ni par T^cole d'Alexandrie k T^glise, puisque Tune et T autre la trouvaient dans leurs tra-r ditions. L'int^rSt de la lutte n'est done pas dans ces emprunts , imagines apr6s coup par I'esprit de parti ou rignorance, mais dans cette civilisation, deja d^truite sur la surface de la terre , conserv^e intacte daisies ^coles, et oppos^e sans cesse par les philo- sophes & I'influence dominante du christianispie. La polemique contre la religion naissante commence a Porphyre; on n'en trpuve nuUe trace d^ns Plotin, ni dans ses condisciples de F^ole d'Ammonius, £rennius , Longin , Origtoe. Le debut de I'^cole avait etA trfes-brillant : le de^r clin fut rapide, Plotin, k la fois rationaliste et mys- tique , s'^tait maintenu dans les plus hautes regions sp6culatives; Porphyre, doux et noble esprit, fidele 4 la tradition re^ue, nourri dans la culture des lettres, plein de zele et d*erudition, rachetait par 40 lETAT DBS QUESTIONS APRES PLOTIN. r^l^gance du style et la nettet^ des vues, ce quilui manquait de force et de profondeur; mais Jambli- que, son disciple et bient6t son rival, k qui ses de- fauts et non ses merites donnerent, dans T^cole m6me, la victoire sur Porphyre, Jamblique est un' esprit de decadence , que les dogmes mysterieux at- tirent plus que la science , qui preffere les traditions sacerdotales au libre examen , qui recoit sans cri- tique les dogmes les moins acceptables, pourvu qu'ils rehaussent en lui , aux yeux de la secte , la qualite de pontife et de supreme initiateur qu'il s'arroge ; sa- vant, mais d'une Erudition plus etendue que sure; amoureux de la v6rite, mais profond^ment troubl6 par les superstitions qui le d^bordent ; esprit sincere qu'un incurable aveuglement transforme en impos- teur de bonne foi ; subtil , ing6nieux et m6me profond, quand ses vues syst^matiques lelaissenti lui-m^me , mais succombant sous le poids des tra- ditions qu'il veut recueillir et concilier, et , malgre son origine, plus semblable k un proph^tede 1' Orient qu'i un disciple de Plotin et de Porphyre. Des ex- positions synth6tiques, oil la philosophic estreduite i des formules, comme s'il 6tait possible de la s^pa- rer de ses preuves , des commentaires sur les ecrits des anciens et sur des ouvrages apocryphes accep- t^s sans contr61e , des Enumerations de dieux et de demons presentees avec autoritE, sans preuves ni vraisemblance , les doctrines numeriques de Pytha- gore et de Tlnde , remises en honneur, sans inter- pretation, sans intelligence, et four nissant des sym- ^TAT DES QUESTIONS APRES PLOTIN. 41 boles au lieu d'idees, des mystferes au lieu de doctrines : voili ce que produit I'^cole apres Jamblique, et ce que ne peuvent sauver ni le fond des theories platoniciennes , qui se retrouvent sous ces amas de superstitions et de pu6rilit6s, ni quel- ques commentaires oil des explications ing6nieuses et d'heureux rapprochements ne dissimulent point la pauvret^ des id6es et la faiblesse radicale du dogme. Proclus seul estun philosophe original, au- quel il n'a manqu6 que de venir trois siecles plus t6t , ou douze siecles plus tard , pour etre Plotin ou Descartes ; mais Proclus n'appartient plus k I'^cole d'Alexandrie, il est le g^nie de I'ecole d'Athenes, fiUe et rivale de la premiere. Toute r^cole d'Alexandrie est done, pour ainsi dire , concentric dans Plotin. Li est la force , li est toute la doctrine : le reste n*a de valeur que comme un 6cho aflfaibli et defigur^ de la pensee de Plotin. C'est cette pensee du chef de Tecole que nous allons suivre maintenant dans les phases di- verses qu'elle subit, en passant de Plotin k Por- phyre, et de Porphyre aux Jamblique, aux fidesius et aux Maxime. AS CONDI&GIPLES PP PI^pTIN, CHAPITRE 11. jfiRENNIDS. — QRIGENE. — LONGIN, Bifitinction des deux Origenes. Du livre d^Origene , Cti |jt^voc no(7)^< 6 paatXcu;. Vie de Longin. Soij enseigjiement ayait-il pour objet la philosophie , ou les lettres, ou la philosophic et les lettres? Ses rapports avec Zenobie. Sa mort. Ses ouvrages. Le traite du Su-^ blime doit-il luietre atliibue? Pbil06pp)ii9 {ie liOOgin. Plotin n'^tait pas seulemant le plus illpstre disr ciple d'Ammonius. Parmi cepx qui avaient frequ^nte avec lui les lecons de ce pr^ipier fondateur de I'eclec- tisme , aucun autre u'avait eu au menie degre aette vertu de propagation , qui etablit on naaintient le^ traditions d'une ecole. L'histoire ne nous a prpnqqe rien appris d'Ammonius, slnon qu'il avajt entrepps de concilier Platon et Aristote , et que 1^ mystipisip^ etait le caractfere general de ^a philospphi^. C'^^tde lui que Plotin apprit k rougir de son corps at k ca- cher, par une sorte de pudeur, le lieu et I'epoque de sa naissance. La resolution qu'il avait prise de ne point 6crire , resolution dont Porphyre eut tant de peine a triompher, montre encore mieux son dedain pour la gloire que le monde donne et pour le monde lui-m6me. Plus fldele encore k la vie interieure , de - voue k la philosophie pour la posseder et non pour GONDISGIPLES BE PLOTIN. &5 la repandre , Ammonius n'avait rien laiss^ que les germes de sa doctrine d6pofi6s dans Vkme de Plotin ; et pour imiter rinetitut pythagorique , ou la loi du silence avertissait les philosophes de conserver entre eux le d^pdt de la doctrine , et de ne pas la profaner en lalivrant an vulgaire, les principaux disciples d' Am- monius , Plotin , £rennius et Origfene , s*obligferent k ne pas reveler les lemons qu'ils avaient recues (1). Erennius manqua le premier & sa parole; Origene le suivit, mais Plotin ne les Imita que beaucoup plus tard. Que devint cet firennius? Quelle fut la des- tineede son livre? Quel en fut le sujet? Toute Tan- tiquit^ se tait, et nous devons conclure de ce si- lence universel , qu'il n'y avait la ni talent , ni in^ fluence (2). Origene est mieux connu (3) : Por- phyre nous a conserve les titres de ses deux ou- vrages (4) , et la preuve de Testime et de Tamiti^ que Plotin avait pour lui. Un jour qu'il ^tait venu h la lecon de Plotin , celui-ci rougit et voulut se le- ver, et comme Origene le pressait de continuer : Non, dit-il , je ne saurais parler devant un auditeur qui sail d'avance tout ce que je pourrais dire (5) . On serait (1) Porph., ^ie de Plotin ^ c. 5. (2) Cet £rennius ne doit pas €lre confondH avec £renn!us Philon, firen- iiius S^v^n'.$ , .et un autre philosophe de ce iioni , qui 9 comments Aristote d'apr^s Damascius etd autres platoniciens. F'oyez Creutzer, AnnoU adpag. Hi PloL vitcB^ auci. Porph. (3) QptY^vTiv t6v Tcj) pX(i>x(v({> tt|< auTTj^ jieTttox^^'^* iwti5eCa?, Procl. , in Plat, theol, II, 4, p. 90. Gf. Hierocl. , ap. Pkotium, cod, 2t4, p. 173 a Bckkeri, et cod. 251, p. 460 b, Ma^tuxa 6^ toi? dpCoroK; xwv auxtj) (Aixii-tov.) cuyyeYovdroiv IlX(i)T(v()> xa\ iipiYSvei xal rot? e;-?)? 017:* aOxwVp (4) Li. (5) Ib.y e. 14. 44 CONDISCIPLES DE PLOTIN. port6 i conclure de ce r^cit que Tenseignement de Plotin n'etait qu'une reproduction fidele de celui d'Ammonius , si I'assertion de Porphyre (1) , ce que nous connaissons des ouvrages d'Origene et de Lon - gin, etla lecture m6me desEnneades n'assuraient les droits de Plotin au titre de penseur original. On a quelquefois confondu cet Origene avec Origfene le Chretien , quoique les preuves abondent pour les distinguer. Origene le Chretien avait quitte Alexandrie pour n'y plus rentrer lorsque Plotin y vint frequen- ter Tecole d'Ammonius; Origene, le condisciple de Plotin, n'est done pas T Origene Chretien. Porphyre, en citant un ouvrage d'Origene, ajoute qu'il fut com- pose sous Galien , tandis que la mor t d' Origene le Chre- tien avait precede celledes empereurs Galluset Volu- sien(2). Enfin TOrigene chr^tien est auteur d'un nombre considerable d' ouvrages , tandis que le con- disciple de Plotin n'en avait compose que trois. Porphyre, dans la Fie de Plotin^ apres avoir dit qu'firennius manqua le premier k la parole donnee, et qu'Orig^ne le suivit, ajoute : « Qu'au surplus, Origene n'ecrivit point autre chose que son livre sur les demons ^ et sous I'empereur Galien une disserta- tion pour prouver qu'iY rCy a point (T autre crSateur que le roi. » Eypavj^e 3e oi$£v , tiIy/v to trspt twv ^ataovcov GvyypaiJLiioL' xat ini Fa^crivou, ort^ovo^ noinrr}^ 6 ^ocaiktiq (3)t II semble r^sulter de ces expressions que ces deux (1) f^ie de Plotin y c. U. (2) Euseb. , HisU eccl. ,1. 7 , c« 1. (3) Porph., Fie dePloU^ c. 3. jCONDISCIPLES de plotin. 45 ouvrages avaient peu d'etendue et peu d'importance ; et nous voyons en eflfet que Longin , dans la preface de son jrept reXou; , confirme cette opinion en ces ter- mes : « Parmi les seconds (c'est-i-dire parmi les phi- losophes qui n'ont point ecrit) , ii faut compter les platoniciens Ammonius et Origene que j'ai beaucoup connus Tun et I'autre , et dont Tintelligence est tres- superieure h celle des autres philosophes de leur temps. II en est de meme de Theodote et d'Eubulus qui ont dirige I'^cole d' Athenes. S'ils ont laisse quel- ques morceaux, tels que le livre d'Origfene sur les demons, un commentaire d'Eubulus sur le Philebe et le Gorgias , etc. , ce ne sont que des productions sans importance , ^crites dans un moment de loisir . et sans dessein arr6t6 de se faire auteurs , et nous ne devons pas pour cela les compter parmi les 6cri- vains philosophes (1). » Le sens de cette phrase, on fxovoi; 7roey/T>7<; o PacjAei;, a 6te souvent debattu par les erudits. Ficin la tra- duit ainsi : « Atque sub Galieno librum , in quo re- gem solum eflfectorem esse probabat. » Le P. Valois, dans ses notes sur Eus^be (2) , I'interpr^te tout dif- f^remment; il ne s'agit plus, suivantlui, d'un ou- vrage philosophique , mais d'un discours de courti- san , dans lequel Origene se serait attach^ k prouver que I'empereur Galien (o (SaatAeuc), quiavait eneflfet compose des vers, etait le seul poete , le poete par excellence : explication tout h fait invraisemblable, (1) Porph. , Fie de Plot , c. 20. Cf. Longin. Fragm, , 6d. Weiske, p. 178. (2) Pag. 41 Il6 GONDISGIPLES DE PLOTIN« qui degrade sans n6cessit6 le caractfere d'0rig6ne* Orig^ne 6tait un philosophe et non un critique ; il etait Grec et juge peu competent en mati^re de poesie latine ; enfin il appartenait a une ville et il sortait d'une ^cole ou le nom d'Hom^re etait ador^, et un pareilouvrage, quePorphyre n'eAt pas cit6 sans exprimerson indignation, n'aurait pas seulementet6 k ses yeux une honteuse flatterie , mais un sacrilege. Ruhnken a propose de lire : on you<; Trowjrt; xal p«at- )vgu; (1) , ce qui signifierait que TEsprit est k la foisle cr6ateur et la Providence du monde. M. Creutrer rejette cette interpretation pour deux raisons; d'a- bord parce que tons les manuscrits sont unanimes pour donner la legon qu'il a conserv6e (cett6 pre* miere raison le touche peu k cause des nombreux changements qui ont ete faits par les copistes dans les manuscrits de Plotin et de Porphyre) ; ensUitc parce qu'il ne pent, dit-il, se resoudre k croire qu'Origene eut differe d'Ammonius, son maitre, et de Plotin, son condisciple , au point de n'admetlre que deux principes des choses au lieu de trois (2). Par ces motifs, il se reunit a I'opinion de Brucker^ qui rapporte jSaaiXeu; a Dieu (3) , etil ajoute qu'Ori- gene a pu ecrire ce livre , ou contre les gnostiques , ou contre Numenius, qui admettaient plusieurs createurs. C'est en effet le sens le plus probable ; il est conforme aux habitudes des Alexandrins d'ap- (1) Dissert, sur Longin , ^d. Weiske , p. 77. (2) AnnoU in vit. Plot. , ad pag. lii. (3} Bruck. , Hist, phil, , deSect. eclect^^ p. ^16. CONDISCIPLBS DE PLOTIN. 47 peler Dieu paejiXci; , quand on le consid^re comme le souverain de la creation (1) , et cette opinion des gnostiques qu'il y a eu plusieurs createurs , se trouve en outre chez la pluparl des neoplatoniciens , qui se fondaient pour Fadmettre sur les vioi dniiiovpyoi dont il est question datis le TimSe (2). Seulement on ne voit pas pourquoi M. Creutzer a pense qu'Origfene ne pouvait attribuer au voO; la production et le gou- vemeinent du monde , sans reduire k deux les pre- miers principes, puisque parmi les successeurs de Plotin, il en est qui ont plac6, dans la trinite, la puissance ct^atrice et la Providence (3) au-dessus de Tfime du monde. (1) Gf. Greotser, Symbolic, , toU d, p. 3t6, etdans M. Gulgntaat, Heli- gions de VantiquiU^ 1. 7, c. 3; t. 3, p. 218. (2) Cf. Cudworth. , Sytt. intell. IT, 36 , p. 636 sq. : «Qul accuralh'is philo- sophari studebant, iUi trei quoque eauseu^tria initia rerum , denique tr&t opifices nominabant tres illas , de quibus loquimur, naturas. Sic Proclo dogma hoc : d Ttbv tpubv dicJv tc&pd$09t<; (tradltio de tribus diis) dicitut. Quo pefitnct, 4«od idem de Numenio scribit , xpii^ iwu^v/iaavzoL 6eouc , cum tres deos cele- brare velleiy Tpay^SouvTa xaXelv, tragic^ eos appelldsse itdinrov, Ixyo/ov, dinfYovov, dvuin, juium^ nepoUm, Alterum enlm istorum deorum exprin- cipe dec genitum esse, tertium yer6, quern propterei principis nepotem ap- pellabat , ex utroque tam primo , qti&m secundo prodiisse deo , ex illo tan- quam aro , ex hoc tanquam pareote , Nume&luB judlcare solebatt In eftdem de tribus diis sententid, Uarpocrationem ^ Atticum^ et Amelium fuisse, idem Proclus memoriae prodidit. Quorum quidem uitimusnumina ista ^aaiX^ai; TpeX; , Iretregea^ei tpei^ ST)(jLtoup70U(;, tret opifices et eonditores mtincICappeliavit.» (3^ M. Cousin, dans son article sur Eunape^ pdv'ccov l-ljitTifivb^, p"»JT(op, Yeyovclx feit\ Seuiipou tou paoiX^w? Iv P(6{i{|* hi 61 AOYJvai? dv*feTta(6eo(je 4>i>k0ffTpdTtp Ttj> icpciiTC)) , xa\ A^/Cvip tc^ FaSoi- ^ei. ifeteTkeuTTjae 51 b* X6tivai<, 7cep\ V Styi y^T^vcS^* xa\ d6eX©Ti< 4>povT(ov(6o^ icaiSa dvxa Aoyyivov t6v KpiTix6v xXT)povd(i«v xat^Xiicev. £yF^4^ ^ ^^X^o^^ GONDISGIPLES DB PLOTIN. k^ sir. Un passage de Vopiscus (1) , sur lequel on s*est fond6 pour ^tablir qu'il savait parfaitementla langue syrienne , n'est pas un argument pour la seconde opinion , puisqu'il est certain que la m^re et Toncle de Longin ^taient Syriens, et que lui-m6me passa les derni6res ann^es de sa vie i Palmyre; mais peut- 6tre pourrait-on all^guer avec plus de vraisem- blance ces longs voyages qu'il avail faits avec ses parents dans sa jeunesse , et dont il parle lui-m6me dans la preface du nspi xekov(i (2). En supposant que la m6re de Longin, Phrontonide, n'avait suivi ou re- joint son frere a Ath^nes et ne s'y 6tait ^tablie qu'a- presla naissance de son fils, on est dispense de cher- cher un motif pour ces longues peregrinations de la famille de Longin. On ne risque gu^re de se tromper en placant sa naissance versle commencement dutroisi^me sifecle. II connut tons les pbilosophes qui dirigeaient k ce moment les diverses ^coles (3) , et s'attacha surtout k Ammonius Saccas et Orig^ne , alors ii la t6te du platonisme , et dont il fr6quenta longtemps les le- (1) In Aurelian*^ 30. (2) Porph., Fiede PloU^ c. 20. (3) Porph. , FU de Plot , c. 20. Cf. Fragm. Longini ,;^d. Weiske , p. 176. — Dans ce passage, Longki s'exprime ainsi, en parJant de Plotin et d*A- m^lius, ot Ts iiixP* ^^^ ^^ '^ ^*^l*lft fiTfUJWffteOovre?, n^cimvoc xa\ revTi)^iav6c A}jiXto<, 6 TouTou YV(6pi(jLoc; ce que T^dttion de Weiske traduit par, «et qui edam nuncRomae publica negoUa gerunt, Plotinus et bujus discipulus Gen- tlllanus Ameliusi). Ficin avait mleux aim^, et selon mol avec raison , traduire 8T)(M9ieuovTe( par (ivi?unt», que d'attribner k Longin une erreur quMl ne peut avoir. commise. Peut6tre faudrait-il entendre parce mot, uon pas «Ia direction des affaires publiques » , mais « un rdle public » , ce que rendrait plausible la c^l^brlt^ de Plotin, et le concours d'auditeurs qui, de toutes les classes de la soci^t^ , affluaient dans son ^cole. 2, 4 50 flONpwqw-Ba pg ?io«?*. 90i)s k Alaiftodrie (i), 11 ouyrit ensuite son i^eole k Atbeneg ; mais oa pi'est pas d'ftccord si ce fut une 6cola 4e gramwaire ou da pbilosophie, Les partisaas 4a )a ppemi^re opwipn all^guont la r^putatioa presi- qm ewlmmmmt litt^raira de Longin, le carac^ t^re das Merits qu'il nous a lais8^» l-assertion for-r inaUe 4'EuQape , qm Porphyro apprit da lui la granir inaire et 1a rhdtonqua (2), anfia les ^logas dont Eu- ©ape et PqFpliyrQ la (somblant 4 I'envi, Tun, qui rappi^lla la pritiqu^ V^^ excellence (3) , Taptre uDe bibljotb^que vivanta (4) et un homine dont le ju- gaptept f$^it autorit^ en matiare de gout, et dont les d^isiQPS SQPt sans appal (5). Mais les raisons des ^dveFsalres mnX aaaora plus fortes. Yopiscus (6) et Suidas (7) donnent k Longin la qualification de phi- Ipsppbe, gQ« oiivraga sur I^l MSlrique d^H^phestion pprte paths stt^ariptian dans la manuscrit du Vatican : ^K ToO AoyyiyQu tqS i!fiXQ«o(poii» La plus graude partie de (1) ToO 6fe 6euT^poo II>ia(T(i]lvixo\ ji.kv Ajjljjicovio; xa\ dpiY^VTi?, oT? TfjjJLet? t6 auvev $>^X(i)v, Q^i^H T^i'ifa, 'CMV }La,(l' (»6v^v $ic^iY^^''P)?**f Porpb.^ f^ie ilpPlqt., c. 20. W l^q-xyvJO^' i\ Xqyyiyoij itivw? ixpitst »^«. ik, (6) /n -r^wreWan. , 3P« (7) r. Aow-fcvg;, G6imtSCIPLEd DE PLOTIN. 51 ee qui nous reste de Longin est, il est vrai, exclusi- vement Iht^raire , mais nous avons aussi de lui quel- ques fragments extraits d'ouvrages philosophiques, et les titres mdmes de ses Merits, qui nous ont ^t^ con- serves , font fol que , comme la plupart des philoso- phes do cette 6poque , il partageait son temps entre la pbiiosophie et les lettres. Si, dans le r^it d'Eu- ^ape, il parait avoir 6t6 le maitre de grammaire de Porptayre, Porphyre lui-m6me, dans ses Questions sHrHam^e{i)^ declare qu*il ^tudia la grammaire k Athtoes 808S ApoUonius, et ne prononce pas le nom da Longin. Comprendrait-on que Longin , sMl n'avait enseignd k Porphyre que la grammaire, dit dans la preface du ittpl reXov;, que Porphyre aban- donna sa doctrine pour snivre Plotin (2)? Enfln , ce mot de Plotin , cit6 par Porphyre (S) et r6p6t5 par Ppoclus (A) , que Longin est un philologue plutdt qu'un philosophe , ne se comprend plus d^s que Longin n^est pas un philosophe de profession. II est done Men probable qtfau lieude relever simplement k Ath^nes I'icole dePhronton, le disciple d^Ammo- nius et d^Origfene enseignait k la fols la philosophie et les lettres (5). II avait pour guides et pour mo- fl) djjLYjpixi t^TiTT^pLata , 25. (2) (5v (IlT^amvov) dtico^e^AyLevo? |ia>^Xov Tr|< icqfp'^V|juv dY^'^'rt^* Porpb. , /^t< de Plot. , c. 20. (3) Porph., p^ie de Plot, c. 14. (4) Proctas , Coram. Tim, , p. 27. OSto? jilv oCJv f t^o^d^o? , liiarep n^tdtlvov elitetv Trep\ aOxoO , Xi-^tx^ii. , xa\ oO TIN. S9 fragments qui nous restent de lui. Nous satond qu'U difi^rait d'opinion avec Plotin sur la nature des idees (1) ; mais nous ne savons pas sur quel point portait le dissentimetit^ Porphyfe quittait Tecole de Longin, lorsqu'en entrant dans celle de Plotin, il 6crivit line difcsei'tation pour ^tablir, centre Son nou-^ veau maitre, que! les intelligibles sont en d^bbrs de rintelligence (2) ; peut-6tre ^tait-ce la doctrine de Longin qu'il opposait k celle de Plotin 4 et bette con-' jecture est d'autant plus vraisemblable ^ que Por«* phyre s'^tant r^tract^ et af ant chants la palinddie 1 Longin ^crlvit un traits contra cette retractation (8). Mais il resterait k determiner le sens de cette proposition de Porphyre^ que les intelligibles sont en dehors de rintfelligence. S'agit-il de Tintelligdnce humaine, ou de Tintelligence divine? Dans le pfe^ mier cas la diflterence entre Plotin et Porphyre rou* lerait sur la psythologie et la dialectique ; dans le se* cond sur la nature de Dieu et la Trinity. En quel 6«)S Porphyre aurait-il pu dire que les id^s sont en deboi's de notre entendement? Gela poiilrait signi-^ &et, pour un platonicien , qu'elles ont une existence concrete, ind^pendante de Tesprit qui l^s con9oil} ou que la connaissance des id^es concrdtfes et r^el- lement existantes , ii'est pas inn^ en nous , niaift acqoise par T usage de la dialectique , ou enfin que nous ne pei'ceYons les idtes ni en nous-^mdmes^ ni (1> Porph. f Fi§ di Plot i e. 10. it) ib.i c I84 (3) Jb. , c. 20. 60 CONDISCIPLBS DE PLOTIN. en elles-in6mes, mais en Dieu, auquel nous som- mes unis , et qui est proprement le lieu des id^es. La premiere de ces interpretations doit 6tre rejetee, puisque la proposition contraire n'aurait pu 6tre soutenue par aucun platonicien ; la seconde , parce que Plotin attribuait I'acquisition des id^es A I'usage de la dialectique ; et quoique la dialectique eut pour resultat d'6veiller en nous-m^mes la reminiscence et non de nous faire apercevoir les idees dans le monde , oil elles ne sont pas , la reminiscence n'est pas la vision pr^sente des id^es, actuellement pos- sedees par nous dans notre ftme , mais le souvenir d'une intuition passee. Quant k supposer, comme le fait Bayle , en termes explicites (1) , que toute la doctrine du P. Malebranche , sur la vision en Dieu , est contenue dans ces simples mots , c'est evidem- ment une induction fort pr6cipitee, et Ton ne voit pas d'ailleurs que Porphyre ait ni6 la possibilite de percevoir les id^es en elles-m6mes , ou soutenu Fu- nion actuelle et constante de notre esprit avec Tin- telligence divine. II est done bien plus probable que la discussion roulait sur les rapports des intelligi- bles avec Fintelligence absolue ; et ce qui pent con- firmer cette opinion c'est que le cinqui6me livre de la cinqui^me EnnSade de Plotin, dont le titre est precisement la proposition attaqu^e par Porphyre , roule tout entier sur la nature de Tintelligence pre- (1) « Porphyre lui proposa par dcrit plusieurs objections, pour prouver que nos id4es sont hors de notre entendement. Volli ce que le P. Malebi^anche a renouvel^ de nos jours. » Bayle, Z>»cl., art. Am^iius, GONDISGIPLES D£ PLOTIN. 61 miere, et sqr la demonstration de cette v^rit^, qu'elle possede en elle-m£me les intelligibles, qu'elle ne pent ni les ignorer, ni les oublier, ni par conse- quent les.trouver, que si les id^es etaient distinctes d'elle-m6me, elle serait dans la situation de larai- son humaine, qui, n'ayant point de contr61e , n'apas la certitude absolue, et se trouve necessairement d6- passee , et en quelque sorte annul^e par Textase (1). Ge sont Ik les doctrines que Porphyre avait atta- quees , et dont il finit par reconnaitre Texactitude. On a done quelques raisons de penser que Longin , le premier mattre de Porphyre , accordait aux idees une existence non-seulement distincte , mais s^par^e de la pensee divine; etqu'il n'aurait pas dit, comme Plotin , que Dieu est le lieu des idees , rov rdv tt^oav TOTToi/ (2). Aussi lisons-nous dans Proclus, que Lon- gin placait les id^es apres le d^ixiovpyk , et cons6- quemment apr6s I'intelligence , qui ne pent etre qu'anterieure au Jyj/iziovpyo;, si elle n'est le dn/ijitoupyos lui-m&me (3). Plotin, au contraire, ne s6parait pas les id6es de I'intelligence , et placait le vov(; et les voYiToi avant le Sninwf^yoc, (/!.)• Cette difference est capitale, puisqu'elle porte non-seulement sur la nature de Dieu, mais sur Fessence de la dialectique , (1) Enn. 5, 1. 5,c. 1 sqq. (2) Enn. 5 , 1. 1 , c. 5; Enn. 5 , 1. 5, ch. S , etc. (3) GommenUire sur le TinUe de Platon , p. 98. Gependant tl s*aglt moins des id^es dans oe passage , que des id^es consid^r^s comme icapa6eiYtiaT^i^ , T^v 8k dvdpa 06 v^ov. Of. p. 37. {(x) npoTiXOe 5fe t6 jx^Tpov ex 6eoO , jxdTptp xd xe oupdvta xa\ eTCiyeia xexoff jnrj- xdxo«* dpjxovCa yAp xC; feaxt xa\ xoX? feitoupavCot? xa\ imyetoK. fl itoK &v AXXco^ ffuv^TXT) xdde x6 icav , el ^% ^u6{i(j> xivi xa\ xdt^ei 6iexexo7|jL7)xo ; xa\ x^ 67* Viiubv fife xaxtt(Txeua^diJXva dpyava pixp(|> xdvxa Y^vovxai. ^ff^gm* » Weinke, p. Isp, (5) lb., p. 189. Gf. Eusel)., pu ev., 1. 19, p, 8^2, dd^ Parff , 10^8. «) A'(fii|o»4 (M Ufigin^ Touiw, 16941 p«pr^, |7«4i Www, 17#9; Toup, 177^, a?PC 469 ooteii 4^ Rutiol^^Di W^slcs, (4»ip«r, xm* U RMif r^ente est celle de M. Egger, Paris, 1897. AUitws IT PoiiraYU. 6S CHAPITRE ni. AlllfiLIUS ET PORPHVRE. Vfie d^Ameliiis; son inflaence dans V4eo\e. II admei trQis ^{itoupYof. Ppiqipp d'Amelin^ 9ur |a« r^ppprU do Viftie buQiaioa aveo l'an>« universelle. 11 cite VEvqngile splon Saint Jean , et confond la doc- trtna de 1 'incarnation de J.-C. avec la th^orie platonicienne de la chiite (iea 4pie9. Povphyr^ e^t la primsipal disf^ipla at la continual teur (ie Plotin. Sa paissanca, 8^ patria. Porpbyre n^est pM julf ; i| n'a pas ete chretien. 11 etudie sous Longin , sous Plotin. 11 se retire ea Sicile; reTiant k Byomtf; mat en ordra lea Enneade9; spouse N^yrp^llji, Mqrt da pprpfiyro. Lorsqiie Pprphyr? entra daps T^cole de Plotiq , il y trouva le npWe Amelius , 9 yewarp; A/jte^io; (c^r tel est le surnom que lui dojinerent les Alexandrins, qui appellent aussi Jaijiblique le 4ivin et Porpbyre le philosophe). Aip^lius vivait depufs dix-huit an§ deja dans rintimit6 de Plotjn (i), C6tait lui qqi ^\d\\ secr^tement introduit ur peintre 4^i}s I'^cole , pour avoir le portrait cje Plqtin , en depit 4e Plotia lui-meme , qui m^prisait trop son corps pour en laisser faire une image (2). Peut-6tre avait-il exerc6 une puissante influence sup les destinies de T^cple , en exigeant du maitre un enseignement r^gulicr, et (1) Porpb., Fie dePloU^ c, 4. (2) lb. , c. 1, 6ll AMl^LIUS £T POAPHTRB. en lui faisant abandonner son ancien usage de r6- pondre sans ordre k toutes les questions qu'on lui faisait (1). Amelius n'^tait pas un auditeur ordinaire; il s'^tait form6 k T^lude dans le commerce et la fa- miliarite de Lysimaque (2) , et poss6dait m6me k fond toute la doctrine de Num^nius. Cetta Erudition acquise, jointe iun travail opini&tre, le mettait au- dessus de tous ses condisciples (8) ; et Plotin , qui se reposait quelquefois sur lui , le chargea , comme on sait , de r6futer les premieres objections de Por- phyre sur la nature des id^es (4). A peine Porphyre eut-il chants sa palinodie, qu'il devint en quelque sorte le rival d' Amelius ; mais il T^gala sans le sur- passer, et ils continu^rent ensemble de tenir, apres Plotin , la premiere place. lis unirent leurs efforts pour determiner Plotin k ^crire (5) ; ils se partag6- rent la refutation des gnostiques; et tandis que Porphyre demontrait la faussete des pr6tendus ecrits de Zoroastre, Amelius refutait, en quarante livres, la doctrine de Zostrianus (6). Lorsqu^on r^pandit contre Plotin Taccusalion de n'6tre qu'un plagiaire de Num^nius , c6 fut Amelius qui , egalement vers^ dans les deux syst^mes , se chargea d'en exposer les differences dans un livre d6die k Porphyre (7). Plus (1) lb, , c. 3. (2) Ttbv 61 StoIxwv tip{xTvo(;xa\ Xuoi^x'^* Fragm, de Longin, dans Porph*, Fie de Plot., c. 20. (3) lb. (4) lb., c. 18. (5) lb. , c. 5. (6) lb. , c. 16. (7) i6.»,c. 17. amiJlius et porphyrb. 65 tard Porphyre fut choisi pour mettre la derniere main aux Enn^ades , mais comme plus lettr6 , non comme plus habile ; et cela n'emp6cha pas Amelius d'en faire de son c6te une Edition , cakjuee sur les manuscrits de Plotin (1). Sa reputation , parmi les philosophes, 6tait celle d'un mauvais 6crivain et d'un penseur excellent. Longin , qui le cite toujours k c6te de Plotin , vante Tabondance et la fecondit6 de ses apergus (2); Theodore d'Asin6, quoique 616ve de Porphyre , s'attache de preference k ses doc- trines; et dans toute la suite de I'ecole, ce nom d' Amelius se trouve toujours cit6 au premier rang parmi les plus respect^s (3). Cependant cet ami, ce compagnon assidu de Plotin , apres avoir vecu vingt- quatre ans dans la familiarity du maitre, aprfes avoir m6rit6 les eloges de Longin , son adversaire , et I'a- miti6 de Porphyre , son rival , apr6s avoir ecrit un nombre considerable de traites sur les questions les plus importantes, s'eflFace, dansThistoire, derriere la renommee des Porphyre et des Jamblique , et de tant de commentaires , de m^moires, de traites ori- ginaux, il nous reste k peine quelques lignes (4), La (1) 76., c. 20. (2) 01 St xa\ Ttk/ibti icpo6)^T)(jLdT(j)V, & jiexeyeipteavTO, r?iv (T7rou6-?iv xoO ypa- pCac IBit^ )^p7)9d{jLevot , n^amvo^ el9\ xa\ rev- TtXiavbc A(ii)ito{. lb, (3) Pr. Comm, Tim, , p. 4, 24, 93, 102, 110, 121 et pass. — Ebtdtux; SifiTai xai T(bv witov 9iXov Sia® av:?^< ftyowCo^ iLjiiXwK , tt)? nXdTa>vo^ xal 0(0x6; , el xaX Ti? AWo^, ^TjXoyrfi? 9i^oao'f (a;. Euseb. , Prip. ^v. , 1. 11 , c. 18. (4) Les P^res de r£glise , Proclus , dans soa comm. sur le Ttmie et dans son comm. sur le pr. Aleibiade , Stob^e , daus ses Egl. phys,^ cUent souvenl les opinions d'Ani^lius, et nous ont ni^me conserved quelques extraUs quo nous mentlonnons plus loin ; mals 11 ne reste rien de lui qui forme une expo- Ition de quelque importance. II. • 5 66 IMl^LIUS ET PORPHYHe. raison en est toute simple : Porphyre et Am^lius sp tenaient tout pres de la pens^e de Plotin , et malgre quelques points dans lesquels ils s'en sont 6cart6s , c'^tait li snrtout leur caract6re aux yeux de I'ecole. Dans ce r61e de disciple et de continuateur fidele, r^crivain elegant , clair et m^thodique devait Tem- porter; et comme il suffisait au r61e qu'il s'^tait choisi, les Merits incorrects, difTus et presque in- intelligibles d'Am^lius, devinreot inutiles, et peu k peu tombferent dans Foubli (1). Telle etait en eflfet Tobseurite des ouvrages d'Am^lius , que Pro- clus, qui les avait sous les yeux, semble toujours hesiter sur le veritable sens des passages qu'il en a tir6s (2). Nous ne savons quelque chose de la vie d'Ame- lius que par Porphyre. II 6tait Toscan et se nom- mait proprement Gentilianus(3) ; Longin I'appelle Gentilianus Amelius (4). 11 pref^rait le surnom d'A- merius, k cause du sens etymologique d'Aiiekioc, (5). II s'6tait retire, avant la mort de Plotin , a Apamee en Syrie (6) ; il y adopta Hostilianus Hesychius , qui herita de ses ecrits (7). Le lieu et la date de sa mort sont incertains. Pour sa doctrine, elle n'^tait sans doute, dans (1) Foyez le t^moignagc de Longin, dans la lettre cll^e par Porphyre, F'ie de Plot., c. 20. (2) Pr. Comm. Tim. , p. 4, p. 110, et passim. (3) Porph., t;. Plot., c. 7 et 20. (4) lb. , c. 20. (5) lb. , c. 7. Eunape rappelle en effel Am^rius, dans la Biogr. de Porphyre. (6) FUde Plot., c. 2. (7) /»., c. 3. Amj^lius et porphyre, 67 son ensemble , que le d^veloppement de la pensee de Plotin, qu'il s^attachait h reproduire avee fidelity (1) ; mais il paralt cependant que ses longues etudes des ouvrages de Num^nius avaient laisse des traces pro- fondes dans son esprit, car au lieu d'admettre un seul Sri/xtoupyo; comme Plotin , il en admettait trois comme Numenius. Au reste , rien de plus obscur que les renseignements que Proclus nous a transmis h cet ^gard. II dit expressement dans son commentaire sur le Titnee : A/;ie}vto$ 5e rpitTOv 7:0 ler xov Jyipoupyov , Y.cd voO; Tpet^ , (BaaiXeac; TpeT; , tov ovra , tov e^^ovra, i:hv opwyra (2) ; et il explique ensuite, d'une facon claire et complete, la diflerence de point de vue exprim^e par ces trois derniers mots (3). Mais on ne voit pas sMl faut. en- tendre qu'Am^lius admet trois Sr.ptioupyoc , trois intel- ligences, trois rois, en tout neuf hypostases, ou si le S/ipttoopyo;, rintelligence et le roi , n'etant pour lui que des noms diflferents , ou tout au plus des points de vue differents d'une mSme hypostase , les premiers mots de ce passage doivent etre entendus comme s'il y avait : Am^lius admet trois intelligences, trois rois , en un mot trois hy.tovpyoi. D'abord , si Ton s'en (1) 6 St A\t.i\i(y^y xax* tj^vi^ jilv coutou (n^wx.) pa8£!^£tv icpoaipoujj.evo^ , xo(^ t^ 'KoVkk (i£v «t&v adt&v ^yitd^v lx<^|uvo<;. Lertg!n, 1. I. ' (2) Comm, Tim., p. ^3. (3) X^JL^'Xio? 5k tptTuftv irotelT6v 6ti{jiioupy6v ♦ xotl voui; Tpet?, paatXiai; xpei?, aOxoO, xat iifxi^ei icdvxciK bceCyou* xal 6i& toOvo Se^xepo^. <) Sk TpCxo; , lortv ^V t6 ev auTtp xat outo? votitov. Do^ Y^cp vouc xtj) ^ul^uYOuvxt voiri-nji, 4 aOtt^; tettv* k^i\ dl xal ev Tip ,6euTip

7 lyxoapito;. A ce compte la doc- trine d' Amelius supposerait bien 6videmment trois rois et trois intelligences outre les trois drifztoupyot , car (1) i6., p. 4. Etti^ lOiXot Twv x^h^ tptl? STipnoupY^b^ ^y^vtwv el? Taixa? dv- aiciiAiceiv ta; dp/^? avTot>? , t6v SYijAioupyix^ voOv, t?1v ^ux^v , t^v CXy^v (pOaiv , dpBw? dv \iyoi 6ii t4? elpTijiiva? alT(a<;' ei 8' d^^ou? xivi? ^niwoup-p^? feitexetva ^J/UX^? 6icoT(eeTat Tpci? toQ itavrft? , oux ipSw? dv "kiyfu. ET; ydp iortv 6 Tcbv 6\v jiiveiv ffitouSdooitev uitoOioewv, AMELIUS ET PORPHYBE. 6Q il n*y aurait plus moyen de croire qu'il applique lou- jours k une seule et m6ine hypostase le nom de voO; et celui de Jrifztoupyo; ; mais comme Proclus ne s'#r- rfite pas a cette interpretation, et incline plut6ti sup-. poser que les trois dieux dont il s*agit existent en de- hors du monde , il n'y a pas \k , il faut I'avouer, d'argument bien solide en faveur de la seconde hy- pothfese. II n'en est pas de m6me d'une autre inter- pretation de la doctrine d'Amelius que Proclus pro- pose un pen plus loin, et dans laquelle tout en ecartant Vkme du nionde, et en laissant les trois Jr^ptoupyoc daus la sphere superieure de reternit^ et de la divinit6 , il attribue comme tout k I'heure ces mots de roi, d'intelligence et de Jy^/ztoupyo; k des hy- postases differentes. Amelius , demontrant la neces- site d'admettre trois dr.umpyol , avait dit : Tun est la vo- lonte, Tautre la reflexion, le troisifeme execute (1). Ne serait-ce pas, dit Proclus (2), Dieu, Tintelligible et 8dxa, t3i? 67ijj.toopYixi?, in' fiX^Y^v xa\ &XX7jv auvej^u)^ \i£xa7crfia^ , of^dm^ xe- ^eu6(a, jxTjS^v evSgtxvujjLSvov 8ii rfiv ffuv^;^eiav, aOrcov ywv 6eicj>v alrCcov, dXK* 6? icep\ Iv6c xa\ xaiiToG ^taTatro'juvov 6iit -c^v Ivcocrtv t^v fev d^^rj^ot? twv fiifj- {jiioupYc xpet; SYijxtoupYOu? Sv xu> £v\ tT|V xpidSa xaOxifjv 6ptt>v, dp6(iCK SXe-fcv 6 jilv fdp ^oxi (pT,a\, (ifxa^^etf toei 'icoiv, 6Sl imxd^ei {idvov, 6 8^ ^ou'Xirjffei jmjvov* 6 i&lv xax^ x6v aOxoupf^v xe}^v(xriV xe- xaYjilvo? , 6 Sa xax^ x6v dpjr ix6cxova icpoO'icdp^^cov , 6 8fe xaxit x6v paaiX^a i:p6 dj4aoiv l8pu|iiv(K* oux ouv xa66 jjilv voO? 6 dYiiJLioupY^c, laxpayet. xa irdvxa xat? hi»xoO voTJaeat, xa86 8fe voifix6; k elvat icoiei, xa66 6e 6e6?, xw poO- Xea$ai {Kjjvov* el 8^ BmiTKthrT\ xou< xpeX^ 8-)r)UtoupYO^; dic6 xoO ^'b;, oOx dve^ojieOa , T(j) n^dxcovi ffuvaxoXouOouvxe?* 6 Y^p «0x6? xal dY«W? ^oxiv 6 Oe6^ xal, x. x. X. , p. 110. 70 AM12LIUS ET PORPHYRE. rintelligence? Entendue ainsi, la trinity des d/i- (Atojjpyot ne peut pas 6tre appelee une trinite de rois ou d'intelligences, puisque au contraire, ce qui rend des lors le 3y,juLioupyo; triple, c'est que le roi, rintelligence et rintelligible sont tous les trois Syj/xtovpyou La conse- quence coule de source : les mots TpetGvoO?, PaatXea^TpeFc, dans le premier texte dont nous nous sommes servis , ne peuvent plus 6tre consid6res comme un develop- pement de ceux-ci, tpittov ^yjptioupyov, et supposent ne- cessairement trois trinites dans le dieu d'Am^lius , savoir, la trinite des (3«otXet? , celle des intelligences, et celle des hi^mpyoi; par consequent le dieu d'Amelius comprend d'abord ces trois termes : te roi, rintelli- gence et r&me; chacun d'eux, pris i part, forme une nouvelle trinite , Alloc, 6 Pouiy,6e^, alloc, $e 6 Xoyi^o- figvo;, aXXo; $k o TiapaXaSwv (1) ; et comme CO dernier terme est evidemment un dr^^tovpyoiy il y a trois dr,- /xioupyot dans la nature de Dieu , et ces trois (Jrfxtoupyoe ne sont autre chose que le dernier terme de chacune des trois trinites. Cette hypothSse admise , toute la theologie d'Amelius se deroule ais^ment , sans con- tradiction , sans obscurity ; et sauf ces divisions in- troduites dans chacune des hypostases de Plotin , les traits g^neraux de sa theologie sont conserves. En effet, les trois trinites se suivent dans Tordre tnfime adopte par Plotin (le roi , rintelligence , et FAra^) , et dans Tint^rieur de chaque trinity, la trinity nou- velle reproduit la m6me hierarchic (la volonte, la (1) Comm. Tim., p. 12]. AMELIUS ET PORPHYJBUS. 71 meditation , Tex^cution). Nous verrons plus tard que telle est aussi, k peu pres^ la doctrine de Theodore d'Asin6 (1), et comme il est incontestable qu'il existe la plus grande affinity entre Amelius et Theodore, il resulte de toutes ces considerations r^unies une pro- babilite fort voisine de la certitude. Admettons cependant que la seconde hypothese explicative de Proclus ne soit gufere plus exacte que celle dont nous parlions tout i Theure, et qu'il a lui- meme abandonn6e; n^anmoins, pour qu'il ait pu la faire , il faut bien qu'il ait pense qu' Amelius n'at- tribuait pas exclusivement k I'intelligence la qualite de ir,(j.io\j(tyiu D'aiUeurs, est-il vraisemblable qu' Ame- lius , qui suivait si exactement les traces de Plotin , s'en soit ecart6 en theologie au point de donner par exclusion le caract^re de Jyjptoupyo; k I'intelligence et non k TAme? Une division de chaque terme de la tri- nity en une trinite nouvelle, serait assurement, dans les idees ordinaires des Alexandrins, un moins grave dissentiment ; et nous voyons en effet que Proclus se demande sans cesse : Amelius a^t-il voulu distin- guer trois hypostases pu trois points de vue differenls d'une m6me hypostase? II est done certain que le Dieu d' Amelius est une enn^ade , quelles que soient d'ailleurs les hypostases diverses dont cette enn^ade est composee ; et grdce k la th^orie alexandrine qui conserve la simplicite d'un fetre^ malgr^ toutes ces divisions hypostatiques , le Dieu d' Amelius, compost de trois trinit6s, n'en est pas moins un seul Dieu. (1) F'oyez d-apr^s, livre 3 , c. 6. 72 AM^LIUS £T POKPHYRE. Ces questions offrent un grand int6r6t, meme dans Fignorance oil nous sommes du systeme complet d'Am61ius; elles nous montrent que les plus chers disciples de Plotin, quoique fideles k sa doctrine, avaient aussi sur des points importants des opi- nions qui leur etaient propres. Am61ius connaissait le dogme chr^tien sur la Trinite, car il cite VEvan- gile selon saint Jean pour montrer Tanalogie du Verbe avec le A67o;platonicien; mais il est evident, par la maniere dont il parle du Verbe, qu'il ignorait la doctrine chretienne sur I'identite de Jesus-Christ avec la seconde hypostase divine , ou qu'il la consi- derait comme un my the. Le passage nous a ete con- serve par Eusebe (1), Theodoret (2) et S. Cyrille d'A- lexandrie (3). «C'est le Aoyo; (le verbe), dit Ame- lius , qui est Teternelle cause de tout ce qui a ete produit; et c'est en ce sens que ce barbare (saint Jean) a pu dire que le A670G est place en Dieu au rang de principe, et qu'il est Dieu m6me; que tout a ete fait par son efficace , que tout 6tre existe et vit en lui et par lui, qu'il tombe dans un corps, se rev6t de chair, et vit de notre vie humaine, que pendant cet exil , il donne encore des preuves de sa divinity, qu'il se d^barrasse ensuite de cette pri- son , et redevient ou se retrouve Dieu , et tel qu'il etait avant de descendre dans un corps (4). » Ame- (1) Prip.iv, I. 11, c. 19. (2) Therap,, 1. 4, p. 751. C3) Cyrill., Contr. Jul., 1. 8; ap. Spanh., p. 283. (4) tt Ka\ OUTO? dpa fjv 6 Ao'yo? , xa6' &v aiti ovxa Ti Ytvdfj.£va bfhtxo , <«>; av xal 6 lipaxXeiTo; d;u67& e, xa\ vr, Ai* 6v 6 Bdp6apo; d;ioX iv r^ vri\Lvza icCirceiv xa\ adpxa lv$u9d|ievov , cpavxi^eodai &v6pfa)7:ov, \LzxiL xaX ToO TijvtxauTa Setxvuetv iti? cpujcoK t6 (JLeya^eiov... AvaXu6ivTa tcxKw d«o6£9'j90au, xal 6e6v elvat, oTo^ f[v icp6 tou eU t6 aa>|aa xa\ t^.v ordpxat, xalx^v 4v6p7:ov xaTa}r(^,vai. n Euscb. , 1. 1. 7i AMl^LIUS ET PORPHYRE. travaux sur le Tirn^e (1) et d'autres dialogues (2). Nous Savons aussi que Porphyre avait commente plusieurs ecrits de Platon et d'Aristote (3) ; que Lon- gin, Orig^ne s'etaient exerces i developper selon leurs diflKrents points de vue , les doctrines conte- nues dans les ouvrages de Platon. Ce genre de com- position fut ensuite adopts par toute F^cole d'Alexan- drie, et surlout par Tecole d'Athenes, qui compte bien plus de commentateurs que d'6crivains origi- naux. II en resulte pour Plotin». qui n'a jamais fait de commentaire proprement dit, et chez lequel les discussions historiques ne viennent jamais qu'au second rang et d'une fa^on accessoire, un caractere particulier qui le distingue 6galement et de Tecole d'Ammonius, dont il fait partie, et de Tecole dont il est lui-m6me le fondateur. Ces sortes de travaux rentraient sans contredit dans I'esprit de sa me- thode philosophique , et il n'est pas douteux qu'A- melius et Porphyre ecrivirent une partie de leurs commentaires sous sa direction et par ses con- seils; mais il n'en est pas moins remarqiiable qu'il n' ait jamais pu ou voulu s'astreindre k suivre pas h pas un dialogue de Platon, el k captiver, dans le cadre, adopts par un autre, Tessor de son imagina- tion. C'est une preuve, entre mille, de Foriginalit^ de Plotin. II accepta pour maitre Ammonius qui lui convenait doublement par ses tendances 6clectique^ (1) Pr., commn Tim.^ 24 , 94» 121 et pass. (2) p^oyez^ par exemple, ies Remarqucs de Procliis sur le Cratylcy M, Boiss., p. 60. (3) Cf. M. Cousin, Fragm. MsU, p. 350. AMl^LIUS ET PORPHYRE. 75 et par son mysticisme; il puisa dans cet ensei- gnement la direction gen6rale de sa philosophie ; mais une fois I'impulsion donn6e, Plotin n'^couta plus que ses propres inspirations. On ne pent sup- poser qu'Origene, qui d'ailleurs enseignait i Alexan- drie et n'ecrivait pas, ou Longin, dont les ecrits etaient presque tons litteraires, aient exerc6 une influence sur cet esprit ardent , emport6 , et qui abondait toujours, avec une force extreme, dans son propre sens. Quant k Porphyre et Amelius, il est evident, par ce que nous savons de leur esprit et par les ecrits de Porphyre , qu'ils n'ont ete , dans leurs rapports avec Plotin, que des disciples de- voues et soumis, quelquefois des auxiliaires, ja- mais des conseillers , si ce n'est pour quelques de- tails exterieurs d'enseignement ou de style. Assidus aupr6s de Plotin , recueillant avidement toutes ses paroles , emportes comme par une force superieure dans I'ordre d'idees qu'il suivaitlui-meme et qui le preoccupait exclusivement , ils s^arrangeaient ce- pendant pour cultiver leur esprit par des lectures , par des recherches historiques et litteraires , dans les moments ou le mattre n'absorbait pas toute leur pensee par ses eloquentes inspirations. lis se re- cueillaient alqrs, ils se retrouvaient dans une situa- tion d'esprit moins 61evee , mais plus calme , et plus appropriee k la nature de leur intelligence. C'est ainsi qu'ils se livraient a une etude assidue de-Pla- ton et d' Aristote , et entretenaient des relations avec Longin et les principaux philosophes de leur temps. 76 AMELIUS ET PORPHYJRB. Quant k Plotin , il restait etranger k ce commerce , et vivait solitaire , ou ne vivait qu'avec ses disciples , ce qui est encore vivre avec soi-m6me ; toujours pr6t k r^pandre sa doctrine, et ne lisant les ecrits qui sortaient des autres ^coles qu'avec indifference, par forme de distraction, ou pour ceder aux desirs de ceux qui I'entouraient. A Texception de la th^ologie d'Amelius , nous Sa- vons pen de choses sur ses doctrines. Les renseigne- ments ne manquent pas sur differents points, mais ils sont obscurs et roulent sur des questions spe- ciales qu'on ne peut rattacher a un systeme dont les elements nous manquent. II s'etait occupe de la nature des demons , grande question a cette epo- que, et qui parut dans le siecle suivant la pre- miere de toutes. Les demons , suivant lui , ne diiferaient pas des dieux , si ce n'est par leurs fonc- tions , ou plut6t ils etaient les dieux mfimes , en tant qu'ils se repandent dans les diverses parties de ce monde et s'occupent des choses individuelles (1). Voili certes une doctrine bien plus voisine de la kttre de Porphyre a Jn^bon que de la theurgie de Jamblique ; et nous devons croire , en eflFet , qu'Amelius n'etait pas tres-attir6 vers la theurgie , car s'il en avait 6t6 autrement, les disciples de Jam- blique se seraient attaches i lui et nous auraient conserve au moins cette partie de ses doctrines. (1) i3^' o08fe fexeivou; feiratv^ffojiev , fi^oi twv Oewv Ttva; SaCjxova? icotoOcrtv, olov Tou? T:^avwjjL^vou<;, xaOdicep Ajjl^Xio^ Proclus, Comni. sur le |w. Alei- biadOf p. 70. . AM^LIUS ET PORPHYRE. 77 Sur les rapports de notre kme avec Ykme univer- selle, c'est-^-dire sur Tune des questions les plus d^licates que Ton put agiter dans I'ecole , Plotin n'a- vait pas entierement convaincu Amelius et Por- phyre. II s'agit pourtant Ici de ce qui fait I'essence mfeme de sa doctrine. Comment soutenir, en effet, que nos ames sont identiques avec V&me nniver- selle , k moins de nier trop clairement la distinc- tion du monde et de Dieu, et d'un autre c6te , com- ment admettre qu'elles en sont differentes, sans s'exposer a separer plus qu'on ne le voudrait le createur de son oeuvre? Porphyre n'h^sitait pas k reconnaitre la distinction avec toutes ses conse- quences; mais, si Ton en croit Jamblique, Plotin et Amelius la reconnaissaient quelquefois et plus sou- vent la contestaient (1). II parait m6me que sur ce point Amelius d^passait encore les tendances pan- theistes de son maitre ; car lorsque Plotin identifiait notre ame avec I'^me universelle , il ne considerait que la similitude du genre ou de la forme (2), tandis qu' Amelius allait jusqu'i les identifier numerique- ment, Amelius ajoutait encore que cette Ame , a la fois universelle lorsqu'elle existe en soi dans sa plenitude , et particuli^re lorsqu'elle apparalt dans chacun de nous, sous une forme plus res- treinte et moins complete, ne se distingue pas de (1) Kal Il>^c«)Trivd<; irou xa\ Xijl^Xio<; iitX xauxTj^ ei(j\ ^^(j Sd^Yj^ ivifyzt y^P ^''^^ d^^Tjv T^jv jjLepwrrfiv t^^Z^v itapSi t^v fiVrjv, svfoxe 6e aux^v itpb; ^xetviriv elvat 4«popfl^ovTai. Jamblique , UepX xwv gp^^^ "^^ 4'WX^*^' ^^^^ StoWe, Egl, phys» , Heeren, p. 886. {2)C{.Enniadeli.l 2. 78 AM]^LIUS ET PORPHTRE. sesactes(l). Quel est le sens de cette expression , employee par Jamblique , en decrivant la doctrine de Plotin et d' Amelias sur la nature de Fdme? II faut, pour la bien entendre, la rapprocher de ce qui la suit quelques lignes plus loin : «Cette opi- nion est inexacte, dit Jamblique, et il vaut mieux suivre les philosophes plus recents qui accordent ridentite de Tessence et des actes pour Tame uni- verselle , et la nient pour les fttnes particuliferes. » Jamblique veut dire sans doute que les Ames particu- litres participent du n^ant et produisent des actions qui ont pour cause le caprice ; tandis que I'Ame uni- verselle , 6tant plus parfaite , et n'agissant que selon les lois 6ternelles, tous ses actes sont necessaires et expriment v^ritablement sa nature. Ce point de vue n'est pas sans profondeur, et c'est en ce sens que Ton a pu dire que si Dieu cr^e le monde ne- cessairement , le monde ne fait qu'un avec Dieu , car il est I'expression ou le d^veloppement neces- saire de tout ce que la nature de Dieu enveloppe dans son essence ou dans sa definition. Au reste, le reproche que Jamblique adresse, dans ce pas- sage , a ses illustres devanciers , semble inspire par le desif d'insister plus qu'ils ne Tavaient fait sur la distinction du multiple et de I'absolu , afin de mon- trer par la combien la th^urgie est necessaire pour operer 1' identification de I'homme avec Dieu ; et les aOtfiv SpowTiv elvai d(7cep fevep^eX. Stob. 888, AM^LIUS ET PORPHTRE. 79 contradictions pr^tendues qu'il signale ne sont que le resultat du double point de vue que pr^sentera toujours une doctrine fondle sur le principe de T^- manation. Amelius dit bien que toutes les Ames ne font qu'une seule Ame, qu'elles se confondent entre elles et avec I'Ame universelle ; mais ce n'est li qu'une forme energique de Topinion commune k tons les Alexandrins sur I'unit^ de la substance. Faut-il en con dure que mes phenomfenes se passent dans Ykme universelle , et que je ne diflFere d'elle et des diverses ^mes humaines , ni par les modes , ni par le caractfere intellectuel et moral ? Non assurement, et Jamblique lui-meme nous avertit que , malgre cette unite de Fessence de T&me, si hautement proclamee, Amelius ^tablit entre nos Ames des differences de degres et en quelque sorte de phy- Sionomie , oi [ilv drj [xickv ovaixv Ti5; ^'uj^^i; ocpi^iJ.(id Tt9e/!/evot , rXr/WovTs; SkavvnVf fi w; Af.eXio; ohzai, ay^ioeai vm zarara- Heac, x. T. X (1). Ainsi done la difference entre Ame- lius et Plotin et m6me entre Amelius et Jamblique , loin d'fitre aussi radicale que le pense ce dernier, tient surtout aux efforts que chacun d'eux a tentes pour exprimer plus nettement la doctrine commune et 6viter les deux 6cueils opposes qu'elle c6toie , la trop grande identification et la trop grande sepa- ration. On ne pent pas tirer une objection de ce qu'A- melius ajoute ensuite , que Ykme ne se distingue pas de ses actes , ni de la distinction par laquelle Jambli- que accorde ce principe pour TAme universelle et le (1) Iamb)., ic«p\ jjitpou t)/uxTi?,Stob., }. 1. p. $08. ^ 80 AM^LIUS ET PORPHTKE. nie des Ames particuli^res. A la v6rit6 si TAme agit toujours n^cessairement, soil qu'elle habite nos corps ou qu'elle subsiste en elle-mfime au-dessus du monde multiple, il s'ensuit que ridenlite de toutes les ftmes est absolue et sans reserve; mais alors que signifle cette distinction de formes et de degr6s qu'Am^lius reconnait? C'est done une nouvelle contradiction ? Point du tout : c'est qu'A- melius est le premier a restreindre sa th^orie sur la necessite des actions de I'dme , c'est-ii-dire sur I'i- dentit^ de sesactes et de son essence (1). Seulement ici encore il le fait d'une autre fagon que Jamblique. Jamblique le fait clairement et en termes explicites , en introduisant une distinction entre Fame univer- selle et nos ames ; Amelius se borne a dire que nos affections ne se transmettent pas k V&me universelle. Ainsi rimpassibilit6 de I'Ame universelle est sauvee sans qu'on ait eu besoin de nier Fexistence dans nos Ames de phenomenes contingents, Strangers k la substance de I'dme universelle, et qui pour cette rai- son ne sont pas appel6s ses actes. Deux importants fragments conserves par Olym- piodore donnent lieu de conjecturer qu' Amelius s'6- tait beaucoup occup6 de morale , et que les doctrines stoiciennes lui ^taient familieres (2). On ne saurait en etre surpris quand on songe que la morale de Plotin est en beaucoup de points semblable a celle de Zenon , et que Porphyre a ei6 appele par un ancien (1) Ibid. (2) M. Cousin , Fragm, hist Olymp, AMiLWS BT PORPHTBE. 81 nopfupio^ atocxoi; (1). L'unde ces fragments d* Amelias est une throne assez subtile sur Topposition des plaisirs entre eux (2) , qui se trouvait probablement dans un commentaire sur le Philebe. Uautre fragi ment est tout stoicien , et rappelle aussi par queiques c6tes les opinions d'fipicure. II roule sur le plaisir at- tach6 au mouvement (3) et il en contient la condamna- tion 6nergique. Cette proscription de Vr^^avh cv xtv^aei, qui se faisait dans Tecole d'fipicure , au nom de Tin- t6r6t bien entendu , et dans celle de Z6non au nom de la liberty que le plaisir diminue et amoindrit, avait pour principe , chez Plotin et ses successeurs , ramour ardent de runit6 , et le m6pris du multiple ' dont le mouvement est la forme. Apres tout , quelle qu'ait 6t6 la valeur philosophi- que d'Amelius, Porphyre reste pour la post6rit6 le plus grand disciple de Plotin, celui qui a recueilli sa pensee , propag6 et d6velopp6 sa doctrine ; il a , sur les destinies de I'^cole, une influence qui lui est propre. La m^taphysique est tout pour Plotin ; elle s'empare souverainement de son esprit, et ne lui permet pas de d6tourner sa pensee sur d'autres in- t6r6ts; Porphyre, tout aussi d6vou6 k la science quoique moins absorb^ par elle , ne songe pas k trou- (1) y, Creutzer, Annoi. in Plot vit , ad p. Ix. (2) Gomm. d'Olympiodore surle PhiUbey p. 2 A3, art. 309, ^d. Creutzer. Cf. Stalbaum, PAi/eft., p. 2U$. (3) Ib.y p. 265. (Jti icavxe^w? dttixoor^ov T?iv ^v xiviii8ei, el iBBpaipeiTai t^v tppdvYjaiv xal 8Xc«k f^v T^cfYOu ivipytiWy ii TiMrh OL^'^ij '^X^ ^ '"'^ "^^ ou T6poc jifev fy iwtpi^ 1\ itpc6Tn twv dpxaCcov 4»otv£xcov ii ico'Xt? , ^d. Boiss., p. 7. (4) Au mot IIop(p6pio{. t5) M. Parisot, 1. 1., p 7 iq. , et p. 177* 8il AltiLIUS Et PORPHYRE. phyre lui-m6me , celui d'Eunape et de Suidas. Por- phyre 6tait 116 avec Longln , Jamblique et d'autres Syrlens ; Longln lul ecrit de venir en Syrle resplrer I'air natal (1) ; Eunape, apr^s avoir dlt qu'U est n6 k Tyr, ajoute aussitdt que sa famille estdlstlngu6e; 11 a done par devers lul des details precis, et ne s*appule pas unlquement sur les paroles de Por- phyre ; Libanius Tappelle c Tyrlum senem » dans I'eloge funebre de Tempereur Jullen, et Socrate, qui a refute toutes les erreurs contenues dans cet 6loge (2) ne relfeve pas ce « Tyrlum senem. » Le nom d'apostat est devenu, pour les auteurs chr6tlens, inseparable de celui de Julien ; pourquoi Eus6be , ni aucun autre, n'appellent-ils PorphyreTApostat? S'il amenti en se disant Tyrlen , comment ne lui repro- chent Us pas ce mensonge? Ge mensonge lul-m6me n'est-il pas le comble de Timpudence ? Quel en est le but? Pourquoi, s'il etait n6 en Judee, refuserait- 11 d'en convenlr, lul qui a si souvent lou6 les 6cri- valnsjulfs, les institutions juives, et qui pr6sente les Ess^niens comme des modules de toutes les ver- tus(3)? On allfegue sa connaissance approfondie des Ventures ; 11 faudralt plutdt s'6tonner que cet esprit infatigable etit 6tudi6 k fond toutes les litt^ratures (1) yie de Plotin^ c. 10. il^Zy* ydtp (le dic6 vti^ Sixe)^£ac xatt^ai icp^c aOx^v tic "c^v 4»oivCxir)v, xal xo|JiC^eiv Tdc pi6X(a toO nXfaycCvou, fTiffi, x. t. ^.—- CO ydip av dTTOOTaCT^v toO ito^Xdxic 6ei96a( oou, r^iv icp6< 'h^ ^v ttic iT^pcooe icpoxpXvou , x&v el {i.T)$lv 5i' &XXo y Tiiv ^e icaXaidiv 9uvirjOeiav , xa\ 'c6v dipa, (leTpu^raTov dvra 7cp6< f|v ^yeic tou 9(o(iaT(K doO^veiav. — ToOto y&p oOv , xa\ impdyn ooi xa\ (MI- xpdv- dicdvTi xQi\ icep\ Ti?iv Tupov $iaTp(6ovTt... (2) ifuf. «ce/., 1.3, c. 23. 3) IIcp\ dicoxTJC, 1. 4 , e. 13. AMELIUS ET PORPHITAB. 85 et n^glig^ uniquement celle du peuple juif , surtout quand il se consacrait k d^truire une religion issue du judaisme, appuy^e sur le temoignage des pro- phetes hebreux. Mais enfln , si Taulorite de saint Jerdme doit necessairement Temporter sur celle de Porphyre , quand il s'agit de la patrie de Porphyre , au moins ne faudrait-il pas dtre r^duits k faire d^ri- ver Batanaeotes de Beten, de Basan, ou mdme de BarvocL La conjecture de M. Daunou que Porphyre 6tait ne dans un bourg de Syrie appele Batanea et peuple d'une colonic tyrienne, dont parle £tienne de Byzance (1) , est ^videmment mieux ^tablie ; et alors que devient le judaisme et Tapostasie? Au fond, est-ilbien certain que saint Jerdme ait voulu designer la patrie de Porphyre ? Saint J6r6me n'a pas dit : t Sceleratus ille , Porphyrius Batanaeotes , » mais « Batanaeotes ille et sceleratus ; » il fautdonc ajouter aux autres suppositions , que Beten ou Basan 6tait une ville infAme , et que Ton pou vait 6tre accuse de la mSme fa^on d'6tre un sc616rat et d'6tredeBeten(2)? Les m^mes historicns qui ont voulu faire de Por- phyre un juif, n'ont pas manqu^ de le transformer aussi en Chretien infidele. Nous savons, par son (1) Biogr. univ., art. Porphyre. (3) Saint J^rOme a peut-6tre voulu tradnire pioOdvoiToc, sc^I^rat, ou ^a- v!{6tii<, mangeur d'berbes ; excellftnte ^pithite pour tourner en ridicule I'au- leur du icep\ dicoxTjc* BdTOc* selon Greutzer, est un terme de mdpris; pourquoi saint Jerdme ne I'aurait<>il pas Joint au mot dvdT|To<,insens^, par lequel les Chretiens d^signent souvent Porphyre , pour en faire Baianaotes ? Foy. Creutzer, dans son ^d. de Plotin, t. I, p. xcix; L. Holstenius, de vitd et 9eriptis Porphyrii philosophic c. 5; Brucker, HisUphil.^ per. 2, pari, l, 1. 1 , c. 2 , sect, h , par. 15 ; M. Cousin , FragfMnts historiquu , art. Eunape, •tM.Parisot, 1. 1. 86 Alf^UUS BT POaPHYaB* 1 propre temoignage, que dans sa premii^rd jeuriisSBe , U connut faiuili^rement Orig^ne (1). Gen est assez, cet Origfene est I'Origene chr6tien, et PorpUyre, elevei une telle 6cole, dut 6tre n^cessairement Chre- tien lui-m6me. Rien de plus hasard^ que de telles inductions , ou pour mieux dire , rien de plus faux. Quand on n'aurait pour les combattre que le silence des premiers P6res, si animus contre Porphyre, cet argument serait d^cisif. Le silence de Porphyre lui- m^me est une preuve d'un autre genre ; il pouvait sans rougir avouer une apostasie qui eut (§te k ses yeux un titre de gloire ; mais nous ne voyons pas qu'il ait jamais parl^ du christianisme comme d'une croyance qu*on lui aurait inculqu^e dans son en- fance , et quand il parle de ses rapports avec Origene, il n'ajoute rien kce nom. Cependant , quand Plotin, ou Porphyre , ou Longin citent Orig^ne , il est natu- rel de croire qu'il s*agit du philosophe , leur con- disciple ou leur ami* Porphyre a cit6 bien des fois ce dernier Origene , notamment dans la vie de PUh- tin (2). Dans un passage de son Commentaire sur le Timdej conserve par Proclus^ il parle de son enseigne* ment comme un t6moin oculaire (3). II aurait done entendu les deux Origenes? Mais pour s'arr6ter6 ce parti, il faudrait quelque indice de ses rapports avec rOrig^ne chr6tien, et c'est ce qui manque absolu- (1) Euseb. HiiU eccl*, 1. a, c. 19. (3) C.d, 14,20. (3) <&iq9\v 6 IIop9upto< xpiidv SXcov ^{upotv ^wttKiam, t6v dpiyiv'v^v pocovra huolX ipu8piu)VTa, xa\ I6p(bxi ia>XX(j» xaxe^c^i^vov , (f£Y^Mv e^vai Xcyovtv xii^v OicciOeviv xa\ T?iv ditopiav, x. t. ^. Proclus, Comm. Tim,^ p, 20. AlfiuUS ET PORPHYRB. 87 meat. On all&gue Fautorit^ de Vincent de lArim qui affirme que Porphyre encore enfant vint ^tudier k Aiexandrie sous Origine d^jii vieux (1). Nous Sa- vons que Porphyre naquit k Tyr, qu*il habita suc- cessivement AtbSnes , Rome et la Sicile ; mais rien n'est moins prouv6 que ce voyage en fegypte. Cepen- dant admettons qu'il ait visits Alexandrie avant de se rendre k Ath^nes , car il est difficile de supposer que ce fut apres , et le passage de Vincent de L^rins ne s'y pr6te pas : que dire de cette expression , & xayi xo^3>5 vio(; &v In IvTcrix^/^a' Est-ce aiusi que Porphyre exprime les rapports d'un enfant avec le grand Ori- gfene? II y a plus , Vincent de L6rins se trompe 6vi- demmentlorsqu'ildit que Porphyre entendit Orig^ne le Chretien k Alexandrie , car Origfene le Chretien avait quitte Alexandrie pour n*y plus revenir, deux ans avant la naissance de Porphyre. Quelques opinions attributes k Porphyre par Pro- dus , telles que la distinction des archanges et des demons , I9 th^orie des demons qui se font chasseurs d'&mes et contraignent les Ames d'entrer dans des corps (2) , ont port^ Holstenius , qui pretend y re- coanattre I'h^r^sie m6me d'Orig^ne le chr^tien, k soutenir que c'est bien I'^cole de cet her^siarque qui a 6t6 frequent^e par Porphyre (3)* J'en conclurais plut6t que ces doctrines ^talent r^pandues dans les diverses ^coles pfailosophiques , oil nous en voyons U) De Qrigene,X, 23 (2) Comm. Tim., p. hi* (3) De %)iU et eeript, Porph, phil,^ c. 6. 88 AMiLIUS ET POBPHTRB, en ejBTet des traces nombreuses , et que c'est de 14 que Porphyre et Origene les ont transportees dans leurs Merits. En general on ne tient pas assez de compte, dans Thistoire de cette ^poque, de cer- taines idees venues de Tlnde ou emprunt^es par les philosophes aux pr6juges vulgaires, et qui avaient cours, pour ainsi dire, dans toutes lesecoles. C'est ainsi qu'on a souvent reproch6 aux Chretiens d' avoir pris a r^cole d'Alexandrie , ou k Tecole d' Alexandrie d'avoir emprunte aux Chretiens des doctrines que les uns et les autres s'etaient bornes k ne pas contre- dire ou k recevoir toutes faites des mains de leurs devanciers. Ces demons et ces archanges, que L. Holstenius veut attribuer specialement A Origene, se retrouvent partout, avant les Alexandrins, dans les religions et dans les 6coles, et appartiennent d'ailleurs k I'ancienne mythologie (!)• II reste done prouv6 seulement que Porphyre en- tendit, dans sa premiere jeunesse, Tun des deux Orig^nes, peut-6tre tons les deux, mais plus proba- blement Origene le philosophe, et celui-li seul. Dans tons les cas, il n'y a dans ses Merits, ni dans les anciens t6moignages , aucune trace de conversion ou d'apostasie, et ce point est le seul qui ait de Tim- portance. Le r^cit d'Eunape nous le montre ensuite achevant ses premieres 6tudes, t)7v irpcirw Tcatdetav, & r^cole de Longin (2) ; et c'est encore une ques- tion de savoir ce qu'il 6tudia sous Longin, et si (1) Cf. Le M^molre Intitule : Apostatia Porphyrii vera , de Siber , 1. 1 Misc. Lips. (2) Eunap. , Porph. AMEUUS ET PORPHTRE. 89 cette frequentation des ecoles d'Ath^nes doit 6tre plac^e avaDt ou apres son premier voyage & Rome. Nous n*hesitons pas k repondre qu'il termina son education litteraire sous Longin , comme le prouve cette expression, t>3v Trpwrr^v TraiJetav, et qu'en m6me temps il fut initie par lui a sa doctrine philosophi- que, comme nous I'avons fait voir dans le chapitre precedent (1). Quant a I'^poque du s^jour de Por- phyre & Athenes, il faut la placer, selon toutes les probabilites , entre sa Vingtieme et sa trentieme an- nee , c'est-a-dire dans I'intervalle de ses deux voyages a Rome. En eflFet nous savons, par son pro- pre temoignage , que lorsqu'il vint k Rome pour la seconde fois , accompagn^ d' Antonius de Rhodes , il arrivait directement de la Grece (2). II s'elait tene- ment distingue parmi les auditeurs de Longin , que celui-ci Tadmit dans sa familiarite (3) , et entretint avec lui des liaisons qui ne furent pas m£me trou- blees par I'intimite qui s'^tablit ensuite entre Plotin (1) P^oyex ci-dessus, p. 59 sq. (2) Porph.» ne de PloU^ c. 4. (3) Gf. Eunape, 11.— G'est pendant cet intervalle qu*il assista chez Longin k un repaSf oil Ton s*entretint de lUUrature, et oil Ton prouva qii'£phore , Th^opompc, Mdnandre, Hyp^ride et Sophocle avaient M des plagiaires, Eos., Prip. 4v»y liv. 10. L. Holstenius se fondant sur ce que le passage de Porpbyre rapports par Eus^be, et dans lequel il est question de ce repas, commence par ces mots : Ti iD^cotiveca effriwv Vijjlo? AoYytvo? X6Tiv7i^aTCdveiQt , au lieu de DXcottveia. Cette cor- rection est ^videmment n^cessaire. G'^tait un usage regu parmi les Alexandrins de c^li^brer la naissance de Platon » et nous en trouvons un autre exemple dans la vie m^me de Porpbyre. 90 AMBUUS £T poapaYAB. et Porphyre (1). Longin lui d^dia d^s cette ^poque son livre Trepi opixM (3)* Cette date nous est feurnie par le nom in6me que Tauteur donne & Porphyre dans sa d^dicace, car il lui donne son nom syrien de Mal- chus, qu'Am^lius ne traduisit que plus tard par BaacXeuc, et Longin par llopfvpio^ (3). Porphyre nous apprend lui-m£me qu'il fit un pre- mier voyage i Rome , on ne sait pour quel motif (4) , et qu'il y trouva Plotin dans une sorte d'oisivet6 , n'^crivant pas encore, et se bornant k r^pandre ses idees parmi ses amis dans des entretiensfamiliers (5). Dix ans plus tard, la dixi^me ann^e du r6gne de Ga- lien , il revint k Rome pour s'attacher d^finitivement k Plotin. II avait alors trente ans et Plotin cinquante- neuf (6). Porphyre ne tarda pas k occuper une place importante dans T^cole; il 6tait, dit Eunape, un Mer- cure interm^diaire entre Plotin et les hommes (7). (1) La lettre de Longin k Porphyre , consery^ dans la F^ie de Plotin , le prouve suffisamment. Voy. Fie de Plot. , c. 19. (2) lb. , C. 17. (3) Le nom Syrien de Porphyre ^tait Malcbus , qui en grec, aigntfe Roi, Ce fuc Am^lius qui le premier appela Porphyre fioffiXeu^, en lui d^diant sous ce nom I'ouvrage qu'il avait compost sur la difference du syst^e do Plotin et de celui de Num^oius; A son tour Longin le d^igna sous ce nom de Booi^ik dans la Preface de son livre t&^\ t^Xou^ {f^oy. pour tous cfs diuils, le chap. 17 de la vie de Plotin) ; et conune Euuape sous assure que c^e&t ce mAne Longin qui donna k Malcbus le nom de Dopipupioc (Eun., Potph.)^ il y a lieu de conjeclurcr qu'il modifiaainsi plus tard le nom de Bov^eO^, piine que U pourpre est rinsigne de la royaut^. {k) M. Parisot , 1. 1. , se demande s'il n'y ^tait pas conduit par quelque affaire ^trang^re k la pbilosopbie. Je ue vois rien qui autorise cette ooBjecture. Eunape , qui ne parle que d'un ^eul voyage k Rome, dit que Porphyre ne &'y rendil que pour voir la capitale du monde, xi^^v (jieYiaTit)v If^t^finv i^etv. (5) Porph., f^iedePlot.,c.^. (6 lb., c. h. (1) 6 & nopcpupio^ &9vtp EpjiaVxii Tt< aeip^ xot icp6< &v6p<^i6ou< imys6ou9« , ^ ANiUUS BT POaPHTBB. 91 Am4Uus qui connaissait Plotio depuis dix-huit ans (1) , ^'i§cUpsa davant le nouveau disciple , ou du moins le reconnut pour son ^gal, et n'h^ita point dans la suite k soumettre ses ouvrages k son examien (2) . Ardent et deji plein d*^rudition , Fesprit prompt, la parole vive, enthousiaste de Plotin dont il santait le g6nie , difficile et ind^pendant en homme sur de lui , et qui par d'autres Etudes a conquis le droit de pousser son maitre, il ne souffrait pas qu'on s'en- dormft du sommeil mystique; il avait quelque chose du genie plus pratique et plus positif de Longin , et arrivait d'ailleurs it Plotin tout nourri de la lecture d'Aristote. Pendant trois jours sans se lasser, sans ^puiser la patience du maitre, il Tinterrogea .sur les rapports de r6me et du corps (4). Dans cette 6cole oil le premier dogme est I'identite de Fesprit avec ridee , Porphyre apporte un ecrit oil Texistence de i'intelligible est mise en dehors de Tintelligence ; toute la doctrine est menac^e dans son fond par cetta attaque , I'^cole entiere est ebranlee. Sur I'wdre de Plotin, Amelius replique; Porphyre revient i la charge avec un nouveau livre , est battu une seconde fois. Tout finit par une palinodie de Porphyre ; mais on vit bien qu'il fallait avec lui tout prouver, tout concilier (5). Ce fut lui qui le premier arracha de Plotin des feuilles sybillines, sans ordre , sans clart6, (2) Porph., 1. 1., c. 3. (3) Suidas appelle pourtant Porphyre le disciple d* Ambitus. Est-ce k cause de la discussion sur les Id^es? (4) riedePlyC, 12. (5) C. 18. 92 AM^LIUS ET PORPHTRE. oracles barbares avec des traits profonds et des jets de lumi^re, pages abandonnees au vent, oublieesime- sure de celui qui les ^crivait , et qui, revues par Por- phyre, devinrent les Enn^ades. Plotin lui-m6me Tavait charg6 de cette revision, et se reposait sur lui de Favenir de ses id€fes (1). « J'ai r^uni, dit Porphyre, les livres de Plotin , comme Andronicus de Rhodes ceux d'Aristote; je les ^i partages en EnnSades (2) et j'ai ins6r6 quelques commentaires dans les endroits oil mes amis ont pens6 que des d6veloppements etaient plus particulierement necessaires (3).» Lui-m6me, par ses perp^tuelles interruptions , et par les in- quietudes de son esprit qui se traduisaient en ques- tions toujours nouvelles , ajoutait encore 4 1'irr^gula- rite de Tenseignement de Plotin, dont les Enneades sont le fruit. II fallait le suivre partout oil le condui- saient son imagination mobile , et des etudes com- mencees ailleurs , et poursuivies avec Constance en dehors de I'ecole. En vain Thaumasius se plaignait de rinfluence.de Porphyre, et demandait que la discus- sion prit un cours plus regulier (4) . A la f6te de Platon, Porphyre lit un poeme sur I'hymen sacrd, plein d'une inspiration myst^rieuse ; on s'6crie : Porphyre est fou I « Tu t'es montre k lafois, dit Plotin, poete, philosophe et pr6tre (5). » C'est lui que Plotin charge de r^pondre (1) On volt par la lettre de Longin k Porphyre , qu'Am^nus avaft fait aussi une Edition desoeuvres de Plotin, et malgr^ Hndulgence de Porphyre, II y a tout lieu de croire qu'elle 6tait trte-dtfeclueuse. l2) C. 24. (5) C. 26. (4) C 12. (5) C. 15, amiSlids bt porphyre. 93 k Eubulus , de battre en breche rauthenticit^ des pr^tendus livres de Zoroastre (1) , de combattre Diophan^s qui avail fait une apologie du discours d'Alcibiade dans le Banquet de Platon. Diophan&s refusa de lui pr6ter son livre ; Porphyre le r^futa de m^moire et Plotin lui dit : « Frappe toujours ainsi, tu seras la lumi^re de Thumanite (2). » II resta six ans aupres de Plotin, pendant ce second voyage. Au milieu de cette activity , le dugout de la vie vint le prendre. Yaincu par la sublimit^ des doctrines de son maitre, il prit en haine son corps et sa condition d'homme (3). Plotin qui avait fait le mal, donna le remade. II apprit i cette Ame passionn^e que les liens du corps ne peuvent 6tre rompus que par la main qui les a serr6s, et qu'il faut aussi se r^signer dans Tamour. Cest la grdce et en mdme temps la force du genie de Plotin d' avoir toujours gard6 , dans son plus fervent mysticisme , le souvenir de la mesure et de la temperance socratiques. Selon le recit d'Eunape, Porphyre d^goute de tout, et fuyant les honmaes , s'^tait retir6 k Lilyb6e en Sicile, et Ik parmi les g^missements et les austerites, il se refusait toute nourriture et commengait k mourir, lorsque Plotin qui I'avait suivi ou qui cherchait sa trace , vint le •secouer de cet abattement , et par ses conseils et ses lecons le rendit k la vie et au devoir (4). Eunape donne un tour romanesque k cette aventure que (1) C. 16. (2) G. 15. (3) T6 xt aa>(ia xa\ t6 SvOpcoTCOV elvai i\dTtiit. Eunap. , 1. 1. (4) Eunap. , 1. K 94 AMiuVS ET PORPHtfi** Porphyre lui-m6me raconte autreraent dans la viede Plotin (1) : f Fatigu6 de la vie, dit-il , f avals r6solu de mourir. Plotin le devina pat- une sagacity mfer- veilleuse ; et tandis que j'^tais chez moi plein de reveries funestes, je le vis tout 4 coup paraitre. Por- phyre, me dit-11 , ce projet tf est pas d'un sage , mais d'un fou et d'un malade ; et 11 me conseillade quitter Rome. Ce fut par ses conseils que je me retirai S Lilyb6e. » II y 6tait encore , lorsque Plotin mourut loin de lui. On pent trouver Texplication de Ferreur d'Eunape dans ce fait que Plotin 6crivit les conseils qu'il avait donnas a Porphyre, et les lui adressa en Sicile, C'est aujourd^hui le Ttaiti de la Providence, qui forme le second livre de la troisifeme Enn^ade. Que devint Porphyre apr^s la mort de Plotin? Nous savons qii il lui surv6cut longtemps , puisqu'il put se livrer 4 de longs travaux sur les Enn^ades , et que d'ailleurs il declare lui-m6me n' avoir communis avec rUn, qu'a I'Age de soixante-huit ans (2). Les succes de son enseignement ft Rome remotitent-ils an temps de ses relations avec Plotin , on faut-il les placer vers la fin de sa vie? 11 est probable qu'il s'etait dejft distingue par son eloqufence, comme atixiliaire de Plotin ^ et que plus tard , comme chef de r6cole , son influence et sa reputation tie flreiit * qtie grandit. On pense g^neralement qu6 sfes livres (1) C. 11. (2) M. Parisot, sans toutefols prendre parti, propose iin autre sens, qui est celui-ci : Quant k moi , qui suis parvenu k I'dge de soixante-huit it\s , Je n*ai communis qu'une sfeule fois. La tradactloh dfe Marsile Ficlh $e pr^sehle , ce semble, plus naturellement k I'esprit. Awiuvs ET PO»Hn«i 95 cmttre lea chr^tieDS fbrent compcrs6s en Sidle et apr^s la inert de scm mattre. Le philosophe dont parle Laetanee et qui ^cririt en Bithynie trois liyres centre les Chretiens, ne saurait 6tre Porphyre (1) ; il est impossible de le reconnattre dans le portrait que Lactance a trac^ , et d'ailleurs son ouvrage sur le Christianisme 6tait divis^ en qnidze livres, et non en trois. Son s6joor h Carthage , dont il fait mention lui-m6me dans lempi flflrox>7«(2), dut avoir lieu aprfes son depart de Lilyb^e. Enfin nous trouvons dans un de ses Merits (3) une lettre que lui ^crivait Longin pour Fengager k venir en Phenicie respirer Tair na- tal et r6parer sa sant6 chancelante. II recut cette lettre en Sicile^ lorsque Plotin n'^tait d^ji plus. A ce pen de renseignements se borne tout ce que nous Sa- vons des pays qu*il habita pendant la derniere partie desa vie. Nous n'oserions pas soutenir, comme on Fa fait, qu'il passa seulement deux ann^es en Siclle, et se rendit de Ik en Syrie avant de retourner k Rome (4) . Ces inotS de Longin : ToOto yap o5y, xat Trapoi/rt Got xat iiaycpiu ditovrt ital ntpl r-nv Tupov StarpiSovTt , x. r. X. (5) , prouvent invinciblement que Porphyre a habit6 Tyr, et qu'il avait alors des relations avec Longin, mais ils ne prouvent que cela ; et cette lettre nl6me , dans laquelle on lui conseille d'aller respirer Fair natal, (1) Dejustitid, 1. 5, c. 2, inst, div- (2) L. 3, c. ft. Est-ce pendant ce premier s^jour en SIcile, ou plus lard, qtiUl fisita le crat^re de TEtna? (3) Fie de Plot., c. 19. (ft) M. Parisot, 1. 1., p. 30. (5) Vie de Plot, y c, 18. 96 abuSlius bt poaphtre. semble assigner k ce s6jour k Tyr, dont parle Longin, une date Ir6s-ant6rieiire. Qu'importe que le c616bre critique eut d6ji son opinion form^e sur le talent de Plotin lorsque Porphyre etait i Tyr ? II se vante pr6- cis^ment d'avoir bien jug6 du premier coup, et sur les premiers ouvrages qui lui furent remis. L'autre raison, que Ton tire de la d^dicace du livre d'Am6- lius, n'a pas plus de force. Am^lius, dit-on, habitait Apam^e lorsqu'il ^crivit cette d^dicace, et pourtant il dit k Porphyre : « Vous savez que j'ai 6crit ce livre en trois jours (1). » Mais on ne connait bien precis6- ment ni la date de ce livre , ni le lieu oil il a 6t6 fait; et puisque Porphyre en composa Iui-m6me le titre , pourquoi la d^dicace n'aurait-elle pas 6t6 6crite apres Texamen de Porphyre , et par consequent aprte des lettres 6chang6es? Pourquoi n'y aurait-il pas un in- tervalle entre la d^dicace et la composition du livre ? Eunape raconte que Porphyre chassa des bains un demon nomm6 Causathan (2). En quel lieu ? A quelle epoque ? On ne salt. Ce r6cit se rapporte sans doute aux temps de la plus grande renomm^e de Porphyre. L'histoire oserait k peine mentionner de telles fables, sil'imposture ne remontait pas plus haut qu'Eunape ; mais qui pourrait assurer que Porphyre n'a pas pouss6 jusque-14 la cr6dulite, ou le d6sir de s'^galer aux ApoUonius de Tyane , et k tant d'aulres sages inspires dont on vantait les miracles? Lui-m6me, dans la vie de Plotin , ne raconte-t-il pas de sembla- (1) lb. , c. 17. (2)L. 1. AM^LIUS ET PORPHYRE. 97 bles merveilles (1) ? C'etait d6ji de son temps la fai- blesse de I'ficole, et quelques annees apres, e'en fut le d^shonneur et la ruine. Peu de details nous ont 6t6 transmis sur le ma- nage de Porphyre avec Marcella ; mais on pent tirer quelques inductions de la lettrede Porphyre a Marcella que M. Mai a decouverte dans les manuscrits de la bibliotheque Ambroisienne , et publiee pour la pre- miere fois en 1816 (2), Nous voyons par cette lettre que Marcella etait veuve d'un ami de Porphyre, et qu'il I'epousa, non pour en avoir desenfants, mais pour I'aider k elever ceux de son ami; details qui nous 6taient deja connus par Eunape (3). Quel 6tait cet ami? fitait-ce, comme on Fa cru, OrontiusMar- cellus(4)? fitait-ce Probus, chez lequel Porphyre demeurait k Lilyb^e (5) ? Ce qu'il nous apprend de la tyrannie exercee sur Marcella par ses concitoyens et des tracasseries et des perils qu'il dut aflfronter lui- mSme avant de I'epouser, prouve invinciblement qu'elle n' etait pas Romaine (6). fitait-elle riche? On I'a pr6tendu , quoiqu'il soit difficile de se faire illu- sion sur les declarations tres-explicites de Porphyre qui, dans cette lettre m6me, parle de sa pauvret6 (7). (1) Vie de Plot, y c. 2, c. 10. (2) IIop9uptou fi^oodcpou 7cp6{ MapxeXXdv Ang. Mai., M^d., 1816. (3) EuDap. , nop(p. [h) Of. Toupius, ad Long.^ p. 394. (5) M. Parisot, 1. 1., p. 44. (6) ^d Marcell. , c. 2 et 3. (7) tyti) tszy fia^xi'k'ki, b\jyciLxipti>^ p^fev icdvTe, 8uoiv Sk d^^^vb>v oCcrav {AYiT^pa, Twv iifev xa\ Ixt V7ii:((ov , twv St f|6iri el? yA\tJO\j V)^ix(av Vifiqtv i*pop{jiouvTwv , elXd- jiTlv S^^iv ffuvotxov (1.9^ xaxoSetea? x6 icXtjBo? twv el? fi? XP^^*^ aOtot*; feffofi^vwv dvayxoiUov. ^d Marcell, ^ c. 1, — OOxe jji-^v 6ii ypTjjjidTtov icepioufffav fi ujxTv -Jj n. 7 98 amiSlius et pobphyre. Se vanterait-il de Tavoir 6pous6e, comme d'un bienfait, comme d'un pieux office envers la m6- moire de son ami , si elle 6tait riche? II Ta 6pousee , dit-il , pour Taider k Clever ses enfants (1) ; cepen- dant , dix mois apres leur mariage , il la quitte ; il declare qu*elle n'a pu le suivre k cause de sa nom- breuse famille (2) : de quel secours est-il done k la femme et aux enfants de son ami , puisqu'il est force de vivre loin d'eux? Selon toutes les vraisemblances, c'est k Romequ'il s'est rendu en quittant Marcella , et c'est de Ik qu*il lui 6crit, car ce sont, dit-il, les affaires de la Grece qui I'occupent (3); de la Gr^ce, c'est-i-dire , sans contredit, de Fecole de Plotin. Sans cette honorable indigence , k laquelle il s'est condamn6, n'est-cepas la, i la source de toutes les lumieres, qu'il am^nerait sa famille adoptive? Un passage de cette lettre semble autoriser une conjecture qui aurait plus d'importance. Les conci- toyens de Marcella s*efforcaient de la detacher de son genre de vie , c'est-&-dire de la philosophic , et leur z61e allait mfime si loin , que Porphyre crut sa propre vie en danger (4). II est Evident que ces pei^- secutions ne s'exer^aient pas au nom de la loi , qui aurait pu i la rigueur proscrire Tenseignement de la h\Lo\ irpoaoOaav dyawrixb^f yip xa\ twv dtva-pcaUov t6 tuj^^v , oOfftv dxnf jxwiv. lb. — Cf. c. U^ ad calc. , c. 29 , et pass, (1) /6., c. l.-Cf. Eunap., Dopcp. (2) riraxoOetv ja^v ae,xa(irep ouoi{ Imxoupelv Tt f^ itpoaraxetv fem-nlSeiov. lb, (2) fix^'^ xexptxtb? icai6a? tyj? d>^Yi6iVTfi? acxpCa? fepaori? xd xt oA xixva^ el 91X0- a(Kp(oi? TTj? dpOri? dvtiMSoiTd itoxe 69' i\\kw dvaxpe^diJ-eva. /d. , c. 1, 100 AM^nUS ET PORPHYRE. Ne semble-t-il pas qu'il s'agit de quelque chose de plus que de la negligence ou de la ti^deur, et que Porphyre redoute une apostasie? Tout cela n'est qu'une conjecture •, mais si faible qu'elle soit, nous ne voyons rien qui d^fende de Tadmettre. Ghaque ligne de cet ecrit respire la noblesse des sentiments et Tinalt^rable bont6 du coeur. Porphyre n'y est pas exempt d'une certaine vanity (1) ; et Ton pent citer comme un trait de caract6re le passage oil le disciple de Plotin , I'auteur du Trepl a7rox>5<; , 6cri- vant i sa femme elle-m6me , parait tout humili6 de son mariage et s'efforce de le justifier. Comme So- crate qui,danssa prison, consacredes versaux dieux, pour se conformer k la coutume et ne point se s6pa- rer du commun des hommes , il a consenti k subir r^preuve du mariage , afin d'apaiser les dieux qui ont preside it sa naissance (2). Porphyre mourut k Rome , suivant Eunape (3) , et en Sicile, selon saint J6r6me(4). Nous n'avons au- cun moyen de contr61er ces deux t^moignages ; et il est presque certain que Porphyre partagea son temps, pendant la derniere moiti^ de sa vie, entre Rome et la Sicile (5). (1) T-Jjv 81 ToO feiccixpe>ioOvTo? t?iv ^J^^X"^^ diroufftov , icaTpo'? te djxoO xal dv6p6; , xaX 6i6flMrxdXou, xa\ auyYevwv, el 61 ^oO^ei, xa\ tt^? i«Tp(6oc t?1v eOvotav el? auT&v ffuvi(ip7ixdTo;... Ib,f c. 6. — Cf. c. U , iniU (2) Mia? jjLkv, xaB'i^v ditoiiei^i^acyOai xp£va; tou? yeveSXCou? feol;? , xaxit t6v iw T(j> SeviMornplcp ZcoxpdTT^Vj x. t. X., c. 2, (3) Eunap. , Ilopf. (ft) In Ezech.^^, 577 a. (5) NousindiqueroDs dans le chap. sui?. les princlpaux ouvrages de Porphyre. Foy, pour la lisle complete de ses ouvrages, la Bibl, gr, de Fabriclus, Harles.^ t. 5, p. 750, el surioul le Mdmoire d6j4 clttf de M. Parlsot, de la p. 66 k la p. 88. DOCTRINE DE PORPUYRE. 101 CHAPITRE IV. DOCTRINE DE PORPHYRE. Extase. Trinite. Le 8t)(jlioupyo<;. Distinction da SY)(iioupYo< et du Fere. Le monde n'a point commence. Ame du monde. Les dieux, les archanges, les demons. Defense de Porphyre contre saint Au- gustin : Porphyre n'admet pas le polytheisme; il repousse la theurgie. Theorie des categories dans Plotin et dans Porphyre. Psychologic. Morale. Traite de V Abstinence. L'ame des b^tes. Letire a An6hon, Ouvrage de Porphyre contre les Chretiens. Quelle que soit radmiration qu'on 6prouve pour le talent de Porphyre , il n'y a point k se dissimuler qu'en passant de Plotin a lui, on descend, II n*y a pas dans Porphyre cette force de creation, et cette presence continuelle du Dieu infini qui remplit toutes les EnnSades. II est vrai qu'inferieur dans la philosophie premiere , Porphyre est plus instruit, plus complet, plus profond dans la morale. II est meilleur analyste que Plotin ; son mysticisme moins brillant , moins emport6 , est plus sur de lui-m6me ; il a quelque chose de plus touchant et de plus ten- dre. Porphyre poss6de enfin une vertu d'organisa- tion quimanquait k son maitre, et dans les matieres mfimes qu'il ne feconde pas, il apporte une preci- sion de style , une uettet6 de conceptions , une re- 102 DOCTJaiNE DK PORPHYHE, gularil^ , un enchainement qui durent hAter la po- pularisation des doctrines de T^cole et justifient les eloges d'Eunape. Je ne m'adresse point, dit Porphyre , aux arti- sans, aux rh6teurs et aux gens d'affaire , h tons ceux qui ne pensent qu'i leur ventre , k un bon lit et autres moUesses stup^fiantes ; mais k rtiomme qui s'inquiete de la nature de rhomme, de son origine , de sa destin^e (1). Mon discours n'est pas pour ceux qui dorment et ch^rissent leur sommeil ; mais pour quiconque a secoue la torpeur de ce corps oil nous sommes attach^, et s'efforce de remonter k Dieu par Tapplication de sa pens^e et la puret6 de sa vie (2). Quel est notre but, k nous pbilosophes? Notre but est double : d^pouiller en nons ce qu'il y 9 de materiel et de mortel (3) , retourner k Tiudivi- sible essence pres de laquelle nous avons v6cu ^vant de tomber ici-bas (4). Rien de souiU6 ne remonte vers pieu, Ce n'est pas assez d^ la science pour nous rendre k nous-m^njes; fussions-nous maitres de toutes les conn^ssances bumaines, le bonbeur ne nous appartient pas encore , si nous ne nous ^levons par la vertu. La science , les discours ne sont rien sans les actes, D^pquillons tous ces vfitements qui nous emj>arrassent et nous d^gaisent (5), etcomme les athl&tes aux jeqx olympiques , descendons ntts (1) T(< Te goTtv, xa\ irdOev feXiiXuOev, iroCxe Titou6etv d^efXet. Ilep^ di:. , 1. 1, 27. (2) /*., 28. (3) nav t6 OXucdiv xoX Ovi^Tdv, ib. , 30. (4) lb. (5) licoXut^ov Apa tob^ icoX>ol>< V|(i.tv xcnt^ac. BOGTRINB DE POHPHYfiE. lOS dans rar6ne. Pourquoi serait-il ordonne de r6pri- mer les passions , de mourir aux passions , fiotpatveiy zi Tuaflyj , %od dnoBvihaiUty m avxtiiv , si nOUS pouvions en m£me temps occuper notre esprit des choses de la terre et des speculations philosophiques (1)? Des pythagoriciens vivaient au desert, Platon & Tacademie solitaire et insalubre, des philosophes se sont crev6 les yeux pour mieux s'isoler du monde sensible. Geux m6mes qui nous accordent deux &mes ne nous accordent pas deux atten- tions, duo TtpoaoxaQ (2). U faut donc se donner k la philosopbie tout entier et ne pas faire deux honunes d'un seul (3). Degag6 par la purification des liens corporels, Tesprit , port6 par la dialectique , parcourt la chatne des idees et arrive k Dieu. Lk s'arrfete sa puissance ^ et pour p6netrer jusqu*aux profondeurs de TineflFa- ble , il faut s'oublier soi-m6me et se livrer k Dieu qui nous p6netre par I'extase et nous assimile k lui, Ainsi Porphyre nous conduit par le m6me chemin que son maitre; pour lui coinme pour Plotin , la sagesse a trois degres : la purification , sa condition ; la dia- lectique, son moyen; Textase, son accomplisse- ment. Porphyre , d6s ses premiers pas , sent deji le mystique , et par cet appel k la mort philosophique , k la mort des passions qu'il oppo3e k la mort natu- relle {h) , il transforme la science philosophique en (1) /6., 41. (2) /6., AO. (3) Ih., 41. (ft) A. 104 DOCTRliNK DE PORPHYRK. une sorte d'initiation religieuse , et fait de la vertu, non pas la consequence et la compagne legitime , mais le commencement de la philosophie. Lorsque, par un premier eflFort, notre Ame a 6te purifiee, que la science nous a recus et qu'avec elle nous avons employe toute I'energie de notre pens^e a franchir les degr^s interm^diaires, et k parvenir jusqu'au sanc- tuaire oil se cache I'lTrexetva toO Svto;, alors seulement, apres la purification subie , et la philosophie ache- v6e , s'accomplit deflnitivement le mystere dans le- quel la verite se donne k nous, Au mouvement de la science qui cherche , succfede le repos de I'esprit qui a trouv6 et qui possede ; I'intelligence parvenue aux limites de Tintelligible, s'arr6te et ne voit plus au deli que des lueurs confuses (1); notre conscience, notre personne s'6vanouit, notre essence individuelle disparalt (2) , Dieu lui-m6me s'empare de nous par I'union mystique, et, nous enlevant au multiple qui est le n(5ant, nous fait vivre, pour un instant, de la vie universelle. Nous connaissons le sommeil , dit Porphyre , parce que nous avons dormi , et dans la veille, nous n'en parlous que par souvenir, II en est de mfime de rineffable ; nous ne le connaissons que par I'extase , et ce que nous disons de lui en balbutiant dans la vie ordinaire, c'est k cette source que nous le puisons(3). La connaissance pure est la connaissance du m^me (1) lb. y 26. (2) Ev Si T(j> feir^xeiva dvevvoTiTax; xe xal Oicepouff(w<;. lb., /ii. (3) lb., 20. DO€;TRI^B DE PORPHY RK. 105 par le nieme (1) ; toute connaissance est Tassimila- tion de I'esprit et de son objet (2). Selon Porphyre , Plotin et tous les mystiques , la vraie connaissance , la seule connaissance certaine , est cette pensee qu'Aristote appelait par excellence la pensee de la pensee. Nous disons en effet que la connaissance que Dieu a de lui-m6me, est par Tinfi- nie perfection du sujet et I'infinie perfection de Fob- jet, la seule connaissance parfaite. Mais Porphyre ajoute : la seule certaine ; et ce n*est pas chez lui une proposition sceptique , ce n'est pas un argument pour infirmerlalegitimite de toute connaissance humaine. La pensee de Dieu , selon Porphyre , pent devenir la ndtre, par la simplification (aTrXwat;) et 1' unification {iv(M>Gic). Dans cette vie, T unification , il est vrai , n'est que passagere; elle est I'extase, Tenthousiasme, Ix- axcxaic, 3^6i«(y|ut6v. Mais lorsqu'apr^s avoir joui de la con- naissance parfaite , nous retombons dans le multiple, nous avonsdesormais dans nos souvenirs unprincipe qui fortifie notre raison , qui I'eclaire , et lui donne cette assurance et cette solidite qu'elle ne pent tirer de son propre fonds. Pour comprendre cette doctrine , descendons dans la conscience humaine k la suite de Porphyre. Qu'est- ce que connattre? C'est d'abord ^prouver en soi- m6me une modification. Cette modification pent etre volontairement produite par le sujet qui T^prouve ; (1) OOx 6{i.o((o< |JL^v vooO[jL£V fev Tcdjtv , dW olx£((o; TJi ^5iixa);* sv 61 Ttj) sTOxeiva, dvevvoYfTw? te xa\ uirepoujiox;. /6. , 10. (2) Clxt Tcdaa yvow'.?, tov yvwaToO 6jm)(co51?, lb. 2C. 106 DOCTRINE DE POfiPHYAE. elle peut le surprendre , et s'imposer k lui en depit de sa volonte. De quelque fagon qu'elle naisse , elle est independante de la volonte , quant i sa forme par- ticuliere. On voit ce qui est, et non pas ce que Ton veut voir, quoiqu'on soit libre en beaucoup de cas de detourner ou d^ fixer sa pensee. La modification du moi, qui est I'el^ment psychologique de la con- naissance , suppose dans le moi une faculty active , une virtualite dont elle est Taqte, et hors du moi, une existence reelle qui par sa presence a et6 I'occa- sion ou la cause de cette modification du moi, et qui, par consequent, lui correspond, et en deter- mine les caracteres. Ce ph^nomejie int^rieur est done, en un sens tres-r6el, une image de Fobjet externe auquel il a rapport ; il en est la representa- tion. Cette image ressemble-t-elle en r6alit6 k Fobjet qu'elle repr^sente? Elle lui ressemble, comme peu- vent se ressembler deux 6tres ou deux phenom^nes qui ne sont pas du m6me ordre, c'est-i-dire qu'elle le designe , qu'elle le distingue de tout autre , et ne lui ressemble pas. Telle est k pen pres la relation d'un mot et de Fobjet qu'il exprime, avec cette dif- ference que la forme du mot est arbitrairement creee par Findustrie humaine, et que la forme de la mDdi- fication intellectuelle ou idee est reguliferement pro- duite, sous I'empire des lois de la nature, par Fobjet ext^rieur dont elle est Fimage. Dans cette situation, quelle sera la connaissance la plus parfaite? Celle, sans contredit , qui consistera en une idee nette et precise, c'est-i-dire clairement embrass^e dans toute DOCTRINE DE PORPHVafi. 107 sa determination , complete, c'est-ii-dire represen- tative d'un Stre dont toutes les propri^tes nous sent connues, enfin ^vidente, c'est-ji-dire ne sugg^rant ou ne permettant rnSme aucun doute sur Texistence de son objet. Mais la connaissance qui realise le mieux ces conditions renferme encore les imperfections suivantes : 1" elle detruit I'unit^ , sinon dans le fond m6aie de la substance pensante , du moins dans le d6yeloppement de cette substance par Texercice de la pensee ; ^ elle ne connatt pas I'objet directe- ment, mais par Tid^e qui le repr^sente; &"" elle ne porte pas en elle-m^me la preuve de sa conformite avec Tobjet qu*elle repr6sente, ou plut6t (pour 6car- ter le mot de conformity , qui paraitrait indiquer une ressemblance r6elle) elle ne porte pas en elle-meme la preuve de son exactitude; et cela est vrai, mSme pour la connaissance ^vidente, car T^vidence d'une id6e particuli^re tient k ce qu'il n*y a rien en elle qui la rende plus suspecte que les id^es qui le sont le moins ; etlesidees ^videntes se distinguent encore desautres, iors mdme qu'il a ^te etabli que la legitimit^ de Fi- d^e, consider^e dans son essence, eng^n^ral, sansau- cune determination particuli^re , n'est pas ^vidente. Que conclure de cette imperfection naturelle et n^cessaire de la connaissance telle que nous Taper*- cevons en nous-m6mes? D'abord, si Tunite est la condition de la perfection , et la duality la condition de la connaissance, il y aura quelque chose de plus parfait que la premiere pensee , k savoir Tunite elle- m6me; c'est une consequence que les Alexandrins JOS DOcrmivE dk porphyre. n'ont pas manque de d^duire , et dont ils ont fait tous sans exception la base de leur th6odic6e. En- suite , si nous ne connaissons les objets que par Ti- dee que nous en avons , et si cette idee ne porte pas avec elle la preuve de son exactitude, il s'ensuit Tune de ces deux consequences : ou toute connais- sance soumise k ces conditions est equivoque et in- certaine , ou il existe un crit^rium de la connais- sance qui 6chappe aux conditions ordinaires de la connaissance , et par lequel toute connaissance peut etre legitim^e. C'est k ce dernier parti que les Alexan- drins s'arrfiterent. Ils crurent que les conditions impos^es , dans r6tat ordinaire , k la connaissance humaine, ne constituaient pas la connaissance elle- mSme , et n'en etaient que la limitation et le d6faut. Au-dessus de la connaissance d'un 6tre par un autre 6tre , ils plac6rent la connaissance du meme par le m6me , laquelle se passe de toute representation , et par consequent n'iniplique pas de duality et n'a pas besoin de contrdle. Existe-t-il une pareille connaissance? fividemment elle existe en nous- mSmes , puisque nous nous sa- vons exister. La connaissance de conscience est le type de toute connaissance ; mais elle est trop res- treinte, lorsqu'elle ne s'applique qu'au sujet hu- main , pour devenir un crit6rium. L'6tre que je suis manque d' universality ; variable, contingent , 6ph6- m6re , il n' existe et n'est intelligible que par parti- cipation. Plus il est vrai que dans la pens6e parfaite I'objet connu est identique avec le sujet connaissant, DOCTRINE DE PORPHYfiE. 109 plus il est necessaire que la faculty de connattre soit sans limites, et le sujet sans defaut, pour que la connaissance elle-m6me soit parfaite. Voici done en definitive les conditions de la connaissance absolue : ridentit6 du sujet et de I'objet, et la perfection de I'un etde I'autre. Ainsi, la perfection du sujet et celle de I'objet sent requises dans Tideal de la pensee , non- seulement pour que la pens6e embrasse tout le pen- sable et que la possibility de connaitre soit 6gale k celle d'fetreconnu , mais pour que I'essence memede la connaissance, c'est-&-dire Tidentit^ du sujet avec son objet , puisse etre realis^e , et que rien n'y mette obstacle, ni dans Fobjet, par le vague et Tobscurite, ni dans le sujet par le d^faut d'^tendue et de force. Nous avons done en nous-mfemes , dans I'etat ac- tuel, deux ordres de connaissances : Tune , etendue quant k son objet , mais imparfaite dans sa forme ; I'autre , d'une forme plus parfaite , mais limitee k la perception de nous-m6mes. Pour donner a la pre- miere le crit^rium qui lui manque , il faut que nous puissions communier avec la substance divine, et avoir conscience de la perfection infinie. Tel est le caractere de I'extase, et telle est la doctrine que Porphyre appuie sur ce principe que la connaissance veritable est la connaissance du m6me par le m6me, et sur cette proposition, que nous transportons dans la vie ordinaire la connaissance obtenue dans I'ex- tase, semblables k un homme 6veille qui se rap- pelle peniblement les souvenirs du sommeiK Cette doctrine sur la nature de la connaissance conduit k 110 DOCTRINE DE PORPIIYRE. ridentiflcatlon de rhomme avec Dieu, comme la dialectique 4 mettre rUnit6 absolue au-dessus de r6tre et de la pens^e. Ce sont des theories analogues ou plutdt c'est une seule et m^me th^orie. La puri- fication et la dialectique aboutissent Tune et Fautre k rUnit^ absolue; la dialectique, en simpliflaDt I'objet de la connaissance ; la purification en produi- sant Textase , c'est-i-dire en absorbant Thomme en Dieu , et la pens6e dans son objet. Le dieu de Porphyre est le dieu m6me de Plotin ; c'est un seul dieu en trois hypostases, Ame unlver- selle, esprit, unit6 pure. L'un , resprit et Y&me dont partout et ne sont nulle part ; partout , par ce que Tfitre est absent li oft Dieu n'est point, nulle part , parce que n'ayant point de llmites, ils ne sont point divi- sibles et ne tombent m dans le temps , ni dans Tes- pace (1). Dieu est tout *tre et tout uon-6tre ; car qui pent dire ce qu'il fl*est point? Source 6ternell€ de retre et de la pensee, nulle id^e ne pent exister en dehors de Fid^e de Dieu , nul 6tre en dehors de son 6tre. Le monde , au contraire, est different de iMeu, et ne le coniient point; car la totality mfime du monde n*exprime point la perfection de Dieu, el n'est devant lui qu*un pur n6ant (2). L'unit6 pure, ant^rieure h Ffitre et k la petis^e, porte aussi par excellence le nom de Dieu , qudique ce nom soit donne fr^uemment k la totalit6 des (2) Kal cb« itdvTa xi dvxa xa\ ji.^ 6wxa fex toO 6eou xa\ ev Becj) , xa\ oOx qiut6« xi dIvTa xaloOx 5vt«, xa\ Iv auxoi?. lb. DOCTRINE DE PORPHYRE. Hi trois hypostases divines , h la trinity intelligible. Im- mMiatement apr^s cet ineffable, ce saint des saints que nous n'apercevons que par Textase, vient la pens6e en soi , A^jk plus accessible h la connaissance humaine, puisque la pens^ reside dans Tfilre, et n'est dans son fond que la forme parfaite et en quel- que sorte I'ent^lechie premiere de Fessenee (1). Cette seconde hypostase de la trinity est diversement ca- racterisee par Plotin et par Porphyre , et la doctrine de ce dernier fait naltre , sur la cause exemplaire du monde , une difficult^ qui a longtemps embarrass^ rficole , et que nous devons examiner. La pensee en soi ou le vovc , est sans doute 6ternel- lement en acte , de sorte qu'elle ne peut 6tre s6par6e du pensable; or, le pensable, Fintelligible en soi, cet objet parfait de la pensee parfaite , ^ternellement pens6 par elle, 6ternellement identique ayec elle, quel est-il? Est-ce Tfitre mfeme^ la pens6e m6me qui se comprend et se r^fl^cbit? Est-ce la totalite des uni- versaux ou id^es; totality dont toutes les parties, 6troitement unies, forment le y^^io^ vt^rk, I'animal en soi, airoK&ovi module intelligible de cet autre monde que nous habitons , et qui lui^mSme ^ ramen^ par rharmonie , par les lois de la generation et de I'amour, k une sorte d'unite ^ fecond6 et vivifie par une Ame int^rieure, est aussi un animal, un tout regu-^ lier et complet? Si le premier pensable est Ffetre et noD TauTo^wov, faut-il releguer Favro^Sov au-dessous de Dieu, (1) Of. PlotiD, Enn, 4, I. 1, c. unic. fev tcJ) xdcj|i^ xT^ voifi»tj> i\ dikrfiw^ 112 DOCTRINE BE POUPHYIIE. dans le monde du multiple? Si c'est Vavzotom^ qiii est le premier intelligible, faut-il Tuniri la seconde, ou k la troisieme hypostase? Oter de la nature mSme de Dieu cet ai»To^woy, concentrer les trois hypostases divines en elles- m6mes, ce serait renoncer k la doctrine platoni- cienne , abandonner la th^orie des id^es et se pla- cer entre ces deux alternatives : le Dieu cause finale d'Aristote, ou un Dieu-nature, produisant le monde de sa substance, sans le vouloir, ni le connattre. Aucun Alexandrin n'y a done jamais songe. Geux qui , parmi eux , craignaient de trop eloigner la se- conde hypostase de la premiere en y introduisant le monde intelligible , ne rel^guaient pas pour cela Tau- To2;o)ov dans une sphere inf^rieure k la divinit6 ; ils en faisaient I'objet des contemplations de la troisieme hypostase, de sorte que le vov<; connaissait, en lui- m6me, sa propre nature , et, par elle, au-dessus de lui, le TO eTrexetva toO ovtoc, tandis que la ^yjn Twv oXoov n^cessairement multiple, puisqu'elle engendre et vi- vifie le monde, contemplait d'abord, immediate- ment, dans une union intime et profonde avec sa propre nature , TavTo^diov , puis au deli , le voOc, dont Vaito^thov est I'image d6ji moins une et moins par- faite , et enfln par le voOc, I'unit^ pure, qui se repro- duit dans le voOc en s'affaiblissant, comme le voO; lui- m6me dans la t^\)yTt. Ces rapports et ces diflGSrences entre les trois objets de la pens^e, analogues ou plu- t6t identiques aux trois termes de la trinity divine , sont conformes k toute la speculation des Alexan- DOCTRINB DE POHniYRE. 113 drins, dans ce qu'elle a de plus general ; car cette speculation qu'est-elle au fond? L' unite del'^tre, avec un epanchement et une absorption necessaires. Le multiple est done dans I'unit^ primordiale, ily est k I'etat d'enveloppement , mais il y est, puisque c'est de Ih que tout doit sortir ; et comme le monde de la pensee ne diflffere pas de celui de I'fitre , le pre- mier intelligible , I'unit^ pure, sans divisibility , sans multiplicity, enveloppe d^ja virtuellement les der- niers degres de la multiplicity. L'intelligence qui saisit directement I'unite , et lui est adequate , pos- sede done d'une certaine fafon la connaissance du divisible , qui n'est que le developpement de cette unite ; elle la possede eminemment , ou , pour em- ployer une m^taphore, elle voit d'en haut tout le cours du fleuve , parce qu'elle en embrassela source. Au contraire, les intelligences d'un ordre inferieur, limitees, divisibles, et par consequent incapable* d'obtenir d'embl^e la possession de Tunit^, sont plac^es quelque part , loin de la source , sur le cou- rant du fleuve , et ne peuvent arriver h le connaitre dans sa totality, qu' en remontant lentement et peni- blement son cours (1). Si ce sont li, a tons les de- gres, les liens qui unissent les etres entre eux et les pensees entre elles , pourquoi les m6mes rap- ports ne se retrouveraient-ils pas m6me dans la pen- see de Dieu? Les dissentiments entre les Alexandrins (1) T6 fkp a6xb fif^dxnLti 6e6<; jxev Vivtopi^vox; , vou<; St 6Xix(o<;, T^dyoc Sk xaOo- Xix(o<, 9avTaaCa dk jiopocoTixfo^ , at^OTjaK ^ TtaSTixixw;. u4p* Procl. Comm, Tim. , p. 107. u. 8 lift DOCTRINE DE POUPHYRE. roulaient uniquement sur la question de savoir s'il valait mieux attribuer sur-le-champ, au premier pen- sable , la multiplicity qu*implique le hocj/jloc vomk » en insistant toutefois sur la plenitude de la premiere in- telligence qui saisit tout d'un coup d'oell, sans se mouvoir, sans analyser, sans raisonner, et pour la- quelle Tharmonie est si claire et si complete , que cette multiplicity meme d6g6n6re k peine de Tunite absolue (1) , ou si ce premier pensable devait 6tre d6sign6 comme runit6 (c'est-i-dire non pas Tunit^ simple ant6rieure au voO;, mais Funit^ existante, TO ev «v) , et s'il fallait laisser au second rang la pre- miere apparition dans ce fond commun des distinc- tions sp6ciflques. Tel est le sens des discussions si fr^quemment renouvel6es dans T^cole d^Alexandrie sur la place de Vuiro^mv. 11 n'y a done pas lieu de supposer que Porphyre plagait TaOTo^wov , c*est-i-dire les Id6es , au-dessous de la nature de Dieu, et toute la question se r^duit h savoir s'il les plagait, en Dieu, dans la seconde ou dans la troisi^me hypostase. Nous avons montr6 ail- leurs (2) que la discussion ^lev6e entre Porphyre et Am^lius sur la question de savoir si les id6es sont en dehors de Tintelligence, doit 6tre entendue de Tintel- ligence divine et non de Tintelligence humaine. Peut- 6tre ne s'agissait-il pas pour Porphyre, ou pour Lon- gin, si Ton pent conclure Topinion de Longin de celle que Porphyre avait alors , de mettre les id6es hors de (1) Cf. cl-dessus, llvre 2, c. 3; tome 1, p. 275. (2) l^oyez ci-dessus , 1. 3, c. 2, p. 60. DOCTRINE DE PORPHYRE. llS la nature de Dieu, mais seulement hors de rintelli- gence d6 Dieu , c'est-ii-dire de les placer au troisieme rang et de les faire analogues k la i^uy/^. Est-il possible en eflfet de Supposer qu'un fesprlt aussi p^n^trant que Longin se fftt m6pris sur la nattire des idtes de tla- ton au point de leui* donnfeT ube existence concrete en dehoi's de Dieu Ct en dehors du monde? Jamais ratidnalisme tfefet ftll6 jusque 14 , et la nature d'un intelligible est ^videtnment d'fetre C6n9iJ par une in-^- telligenfce. Dans tous les cas, la preinifere opinion de Porphyte conslstait k mettte les id6es au-dessous de Dieu , on tout au moins , k ne les placer en Dieti, que dans la troislfeme hypostase , et par consequent au- dessous de Fintelligerice. Cest cette 6pinion qu*Am6- lius r^ftita et k laquelle r6pond aussi le cinqui^me livfe de la cinqui^me Enn^ade\ C'est sur ce point que Pofphyre chatita la palinOdie. II admit done, k la Suite de Plotin , apf6s sa palinodie , et centre son premier sentiment, que TauTo^wov est Tobjet de l*lntelligence premiere; seulement, tout en ac- cordant ce point pour ne pas paraltre introduire en- suite la Multiplicity comme un 6l6ment nouveau , il eut soin de constater que si cette multiplicity 6tait contenue ou m6me aper^ue dans le premier intelli- gible, elle n'y 6tait en quelque sorte apercue que dans un 6tat d'enveloppement , comme une multipli- city virtuelle, qui n*altere point Tunit^ simple et 6minente de la cause (1). II s'eflforga de concilier ainsi Sa premifere dpinion sur ruliit6 parfaite du pre- (1) Procl. Comm, Tim,^ p. 107. 116 DOCTRINE Di: PORPIIYRE. niier pensable, avec la necessity nouvelle que les ar- guments de Plotin et d'Amelius Tobligeaient de su- bir. Sa concession fut moins radicale qu'elle ne semble au premier coup d'oeil; elle ne fut guere qu'une conciliation. II ne renonca pas a Tunit^ du pre- mier pensable, mais il s'apergut que le xoafAos vorito^, sous sa forme la plus haute , est lui-m6me une unit^. Aussi lorsque plus tard il s'agissait de determiner quel est le modele sur lequel le Anjixiovpyot; fixe les yeux en produisant le monde, d'autres, et Plotin lui-m6me, repondaient que ce modele est Tavro- ^wov , puisque le sensible est par participation de rid6e ; Porphyre aimait mieux remonter jusqu'i runit6 m^me (1) , soit que Ton doive entendre par cette unit6 la premiere hypostase dont TaO- To^wov n'est que I'image affaiblie et d6g6n6r6e, ou qu'il consid6r&t dans Vaxno'Cmv son unit6 actuelle, plutdt que sa virtuelle multiplicity. En efFet, si nos yeux discernent plus ais^ment les modules du monde cre6 dans cet avTo^wov , ou toutes les divi- sions se retrouvent sous les liens puissants d'une harmonic divine , comment le Stiixiovpytx; , qui remonte par le voOc jusqu'i la premiere hypostase , pren- drait-il pour module Tintelligible , affaibli , divis6 , rapproch6 de la matiere et d6jk participable par elle, au lieu de s'inspirer de la contemplation du parfait ? Ainsi le module du monde est Funit^, quoique TaiToljwov soit d6ji dans la seconde hypostase divine. Sans doute, il n'arrivait pas i Plotin d'introduire (1) 76., p. 38; etcf., p. 101. DOCTIUNE DK POilPUYRE. 117 le mouvement et la multiplicite dans le vou;. 11 fai- sait la demonstration de son immobility pour le pla- cer au-dessus de I'dme, et la demonstration con- traire, pour Clever Tunit^ pure au-dessus de lui. Le premier caractfere qu'il attribuait ft Tintelligible etait cette identity parfaite des Elements qui le com- posent, sans laquelle I'lntelligence premiere n*au- rait pas 6t6 la perfection actuelle de la pens6e (1). Mais cette identity m6me 6tait un point original de la doctrine de Plotin : c'6tait un effort pour conci- lier la doctrine d*Aristote , vomic voy^aew; vonaicj avec la th6orie des idees. Dans cette conciliation eminem- ment 6clectique, Plotin laissait domirter la pensee platonicienne. On y retrouvait plut6t I'empreinte de la theorie des idees , que Tinfluence du douzi^me li- vre de la MStaphysique. Porphyre , au contraire , fort elolgne dans le principe de placer les idees dans le voO;, et vaincu ft grand' peine par les arguments d' Am^lius et de Plotin , ne s'6tait evidemment laiss6 persuader que par cette theorie de Tidentit^ des intelligibles qui etait, chez Plotin, une hardiesse, une nouveaute ; ma^s qui, pour Porphyre, devenaitun principe admis, dejft consacre par Fautorite du maitre , et sur lequel il appuyait d'autant plus, que son point de depart 6tait rimmutabilite absolue du voO<;. De 1ft cette difference entre Plotin et Porphyre. EUe ne roule sur aucun dissentiment s6rieux en mati^re de dogme. lis ad- mettent Tun et Tautre les m6mes principes, les m^mes formules de conciliation ; seulement dans cet (1) n«v Tcdv xol Sxarvov icdv , Enn* A ,* 1. 1 , c« unic. 118 DOCTRINE DJE PORPHYIIE. eclectisme , le maltre admet plus r^solunjent 1^ plu- ralite ; le disciple la recoit ayec repugnance , h con^ ditipn d'ipsister surtgut gpr rifpit^ Et c^pepdant il la re9Pit; il 4e!clare que T^tre en soi, ri qvzm ov, c'esiH-dire aussi , le voiq , cpijtiept la muHipUcite d'une certaine fagon ; qu'elle pi? lui vipnt psis ^n de^ hprs; qu'elle est inh^repte ^ sa nature, ov yap «^6ev l^ijtryjTo; ovSe ij:ziaoSm^Yi(; «vto5 i erepoTry^ (1). felles SOnt \es difficultes qu'lmposen|: k Tun §t h. Faufre TpbU- gation de separer Pieu du mpijde d'unq fsgop alj- solue , k cause de la dialectique , et celljs de Yy (aire rentrer, k p^usfe de leur theorie physiqup. Us lui donnent et lui refusent rimmutabilit^ , cpnufle plus tard lis donneut I'etre au njojjde , et tour i tpur le lui retirent. Au milieu dp pes coptpadiptiong piu^- quelles Thypoth^se pantheisfe Igs reduit, et que toute rhabilete de leur eclectisnie est impuissante h §au- ver, le^ nuances qui distinguent leurs tppdftijces di- verses ne se reveleni; qu'^ rpbservention Ja plus pej-r s6verante, Porpbyre reserve , cpmme Plotip , h h ^x^ T^ oiwv, la qualite de^yj^tovpyocj maisnpus trouYpftScbez lui les traces d'une distinctipn eptre le hiiovpy% et Ip pbxe du monde, que son maltre n'avait poipt connue, Le Pere , di|-il , est auteur de tppt cp qu'il epj^pndrp, il fournit la matifere fiussi bien qpP la fprpiQ; l© ^rr l4.iovpy9c, ne fait oi; ou le rendrq iuutile , mais seulement pour parler avec plus de rigueur, parce que Dieu se propose d'abord pour modele J'unit^, et cougoit en- suite I'auTo^toov comme consequence de cette aspira- tion et acheminement h la, conceptioij du multiple, Ce modele que le dnixmi^yk trouve qn lui-meme est done I'auTogwoy et pqn Tuuite. Or, selon Porphyre, FauTqi^wQv ou le h6(j/jio; vqxto^ m feH qu'uu avec le vou^; de sortp qu'i ce pqint de vue , ce serait le voO<; , et non 1^ 5» qui serait hiJ-mpyQi. Que couclure? Un pas- saga de saint Augustin signale comme unie difference importantq entre Plotin et Porphyre, que Plotin prend Tame pour Sni/.iQ\}(^yk» Qt Porphyre le yav^ (i) ; il est Yrai que saint 4ugustin n'^vait pas etudie les phi- losoptjes avec un goin scrupuleux ; m^is saint Cyrille cite, dans son buitieme livre, un passage, de Porphyre lui-meme, extrait de pqn quatrieme liyre de YHtstoire de la philosophie, ou Porphyre dit que, selon Platoq, le premier Dieu est le bien, ie second le ^^mp-^hc, et 1q troisieme I'dme (2), Faut-il suppq§er que, tandis que la troisieme hypostase pngeudre le mond^, le voi); engendre de son c6t6 le piQd^le intelligible du mqndq, et p,eut etre, pour qette T^ison, ftppel(§ Srr fxioupyq^ en m6me tecfip? que l?i ij/vx>3 twv ^Iwl Nous (1) Saint Augustin , Cm dk Pieii^ 1 1Q« c. 23. (2) ETvai St t6v dvc&raxov 6e6v xaYaSo'v. Mex' aiJT6v 51 xal Seuxepov t6v Sti-, DOCTRINE DE POaPHYRE. 123 trouverons cette opinion plus tard, mais il n'y a pas de raison suffisante pour Tattribuer k Porpftyre, On pourrait coqsiderer le passage de saint 4uguBtin qpqime une erreur, rejeter celui 4e saijit Cyrille pi5u*ce qii'il y est question de PJaton et non de Por- phyre, et qije Ykme qui s'y trouye plac^e au trofsi^mQ xm^ 0st Vkme du monde et non V&ute pTrepMdofxto^i ce qui montre bien qu'il ne s'agit pas d'une tU^ologiq que Porphyre eut adoptee pour lui*pa6nae ; et admet- tre epfin , pour tout concilier, que la ^x^ trouve en elle-mfime Va^ro^my, parce qu'il y est r^ellement, qiioique d'upe maniere jnoin^ parfaite, En eflfet , tout est deja dans Tunit^ i I'^tat d'enveloppement, et Yn-r nite se retrouve dans toute hypostase , avec toute^ les Ijypostases interm^diaires , mais toujours d'uqe fa^on moiQS parjaite h roesure que Ton descend vers les deriaier§ degrfe 4e I'^frq. M^is \l semble pips sur, ipalgre rimpprtanee cj^pitale de cette ipatiera, d'im-r pjjter k Pprpbyre ung ppntradict|on; et Proclqs I? (lit explicitpipent :,iy ^l^t t|^ux>5« ^m^nff-m^ov (I), Le njLpjjde a-fcil cpnjp^epip^ dans Ip temp3? pptte question pst evidemment Ja m^me que cettp autre; Le Srif^mpyhi a-t-U toujoprs etp m ftpte , ou bipn ft-t-il ete d'abprd en puissance?. Pps^dans pes ternaps, Ip problepap n'en epf p^s un pour }e^ AJp?can4rios qui, loin d'attribuer i Dieu une situation antecedente et une situation consequente , loin de placer en lui une resolution nouvelie , ne veulent pas mSme , tant le dogme 4e rii?inii|tabiliti diyiBP leur p§t cjipr , que (1) Pr., Comm, Tim,y p- 9^. t!24 DOCTIUNK DE PORPllYKK. Dieu puisse a son gr6 cr^er ou ne pas creer, faire le monde de cette fagon ou d'une autre. Si Dieu pou- vant creer le monde de toute 6ternit6 , ne Fa pas fait, dit Porphyre, lorsqu'il s'est determine kle cr6er il s'y est determine sans motif, ce qiii d'abord est absurde en soi , et de plus contraire a la perfection morale de Dieu; et si la puissance lui a manque jusqu'au moment de la creation , d'oii venait Fobsta- cle? Dieu n'est done pas tout-puissant (1)? Si ie monde, dit-il encore , a commence comme monde, la matiere , si la matiere exislait deja , ou sinon le non-6tre , a done pr6ced6 Tfitre (2) ? C'est , comme on voit, I'objection m6me dirig^e par Aristote contre les theologiens, qui faisaient tout sortir de la Nuit (3). II ne faut pas s'y tromper ; cette objection ne revient pas k dire que le moins ne pent donner le plus , car ce qu'il y a de plus dans le monde , c'est Dieu qui Fapporte ; la matiere ou la nuit n'est en tout cas que le TO Iv 5, TO TiavJexe?, elle n'est ni F6tre, ni la cause efflciente , ni le module. L'objection d' Aristote et de Porphyre est la negation du progres indeflni; elle tient , chez Porphyre , i cette opinion , que tout de- veloppement est une chute. Or, le temps et Fespace n'etant que les deux lignes divergentes dans les- quelles s'^tend la multiplicite , n'est-il pas Evident (1) Pr., 1.1., p. 116. (2) 01 81 Tcepl nop(puptov xaX ii\i.ekixpyf , TaOxTiv jxfev divip^Tzi^oufn r^^^ 5d5oiv, «b? t6 AxaxTOv itpb toO xexaYiiivou, xal t6 d'zt)M icp6 tou te>ietou, x. t. ^. /6. 1. 1. (S) Kaixoi el, des* L*6terti^l , 66 qui est tdajours et n*ei&t jatsald eogetidr^^ (f€fst daiid le i^end large ^ la trinity dltind^ nb i^p^o; dd St^; niaid dans la trinit6 m6ine , VAme n'e»l-*elle pas Wigeiidr6e7 Elle est d'abord ^ternelle, parce qu'elle est divine,- et elle est engetidr6e* parce qu'elle n'est, dmi la divinity , qu'au troisi^me rang ; -^4 Sy *^« ^tai yt'/v6[/.t)^fiP. Enfm le monde sensible, les individns, oc<3t]petif sans doute le dernier i*ang; ils sont to [/.6mz ytntiv. Mats aif*dessus d^eux^ et en nifirae temps au-dessottiS de la diVinit6, se place un intermMiaire engendr^, maiseiistant, nan pasov ytaiytyifwtvtx)^^ mais, ytyvifj.&ftv rial 01/. Get imerra^iaire c'estl'dniedn monde (2}. II faiit done distinguer Fftme universelte, ^^^ uTtep- xwjjixeoi;, vj;ux>? Twv (ikms hyposftase inf6rfetire de Id tri- nity divine, etF&me da monde, la premifere et la yevTiTdv. Procl,, 1. 1., p. 78. (2f) !>rocr., 1. 1. DOCTRINE DE PORPHYRE. 127 plus parfaite des creatures. Cette Ame est ciymrociy comme incorporelle (1) , yevnrY;, parce qu'elle est re- pandue dans tous les corps. EUe n'est pas la vie , ni la cause premiere de la vie , inals elle en est la cause immediate , pr^sente, ^ ^cooTrowO^ja to irdtv, elle est pro- prement la nature, t^ioK; toO TtAvto;, c'est-i*dire cette s6ve interne , par laquelle le monde est vivatit dans toutes ses parties, par laquelle il s'accrolt, se d6ve- loppe, repare ses pertes, conform6ment aux vue» de la providence de Dieu (2). Comment cette ftme reside-t-elle dans le moilde? Elle est 6galement r^pandue dans toutes les partis du monde , quoiqu'elle ne remplisse aucun lieu , et n'ait aucun rapport avec I'espace (8). Elle est pr6- sente dans le monde , comme une force est pr^ente 14 ou son action s'exerce. telle est la nature de Tftme : elle est esftentiellemeftt uue force active (4) ; un corps en exclut un autre de la place qu'il oc- cupe ; mais la force incorporelle pi^n6tre le^ corps , elle les gouverne et les vivifie (5). II en estde m^me h cet 6gard de T&me humaine ei de celle du monde. Pourquoi cette ime du moUde , puisque I'Ame divine est vivifiante et organi&atrice. Elle Test sans doute , mais Faction du divin ne doit pas se terminer directe- * (i) IIocvte>tt)c daid}fax(K» 16, (2) nepldic., U 2> c* 37. t.xo\J7a (ikv t6 xpv/yi ^laorax^v xal auTOxivT^Tov (3) A9. ,31. (ft) Aiceipo^uvttjwx; y&p i[ tTi; ^X^<: 9651?. Ap, StOlb. , Eelog.^ \% 1, c. 52; Heeren^ p. 822 sq. (5) Ou6lv 'Kpb^ xb d9(/S|j.aT0v t6 xotS' iainb V| tou &(6|i.xto; fe^nw^Cliei Ijir^aai? icp^ tb ^i\ eTvai, Stcou ^Cih&zon xa\ 6; O^Xei. A9. , 26. 128 DOGXaiNE DE PORPHYRE. mentau multiple. L'&medumoude n'estqu'unanneau de cette chalne dont les Alexandrins s'efforcent tou- jours de multiplier les chainons, pour eloigner de plus en plus Dieu du monde , pour chasser le non-6tre , c'est-i-dire le vide, racourcir les intervalles, et montrer qu'il n'y a nuUe part de place pour le ha- sard. G'est dans le m6me but qu'entre cette 4me , et les hommes, ils placent tant de dieux, de de- mons et de heros, et qu'ils 6tablissent des trinites parmi ces g6nies invisibles , parce qu'il y a partout deux extremes et un interm6diaire. Telle est Tori- gine de leurs hierarchies celestes, Dieu d'ailleurs , le grand Dieu, s'abaissera-t-il k gouverner par lui- m6me tous les mondes ? 11 est parfait , et ne pent produire que des ceuvres excellentes ; Thomme im- parfait et born^ n'est done pas sorti de ses mains. II y a done , comme le veut Platon dans le TimSe , des i/^ot dyjf/ioupyot (1). Porphyre admet et developpe toute •cette doctrine (2) ; au-dessous de la trinite hyposta- tique se placent le monde , les 6toUes fixes , les as- tres errants, dieux intelligibles , enfants et servi- teurs du Dieu supreme (3) , et toute cette famille Issue de Vkme universelle et qu'il appelle les de- mons bienfaisantS, d«t'^ove(; ayaQoepyoi (4), les uns, souverains d'une partie du monde » d'autres , sous le nom d'archontes ou principaut6s , personnifiant les forces de la nature, d'autres enfin, anges ou mes- (1) Pr., 1. 1., p. 101, — Cf. saiDt Aug., CHS de DieUy I 12, c. 26. (2) lb., p. 47, 53, 101. (3) nep\ dit. , 1. 2 , c. 37 sq. {l\) Ib.y 38, DOCTRINE DE PORPHYAE. 429 sagers, qui abregent en quelquesorte les distances entre nous et Dieu , font monter jusqu'a lui nos nit- rites et nos prieres , et reportent vers nous les dons de sa grace (I), Bien loin de cette hierarchie, au- dessous mfime de notre nature (par la dignite , non par la puissance (2),) vient le cortege des demons malfaisants , creatures perfides et redoutables , tou- jours occupies de nuire, et qui, sous les ordres d'un chef, toy TrpoedTwta ovtwv (3) , qui semble 6tre le g6nie m6me du mal , ne font que mediter et orga- niser notre perte. Ce sont eux qui prennent plaisir a donnerla chasse aux b6tes f6roces, comme Arte- mis et d'autres , ou qui poursuivent les Ames hu- maines qui n'habitent plus dans un corps et les con- traignent d'yreiitrer (4). L*existence dece chef des 3«i|ULove; xaxoepyot n'est pas facile k accorder avec les principes g^neraux de la philosophie platonicienne , et semble plutdt un emprunt fait aux sectes reli- gieuses au milieu desquelles Porphyre a v6cu, L'axiome c61ebre , que rfltre en soi et le Bien n'ont pas de contraire, et la theorie des Emanations, sui- vant laquelle la reality ontologique et la perfection morale augmentent ou diminuent toujours dans la mSme proportion , rendent impossible et contradic- toire Texistence de ce g6nie du mal , et font m6me de ce peuple de demons qu'il tient sous ses lois , un sujet d'embarras et de trouble pour la m6taphysique (1) lb. (2) Procl. , Cumm. Tim. , p. ft7. (3) nepldic., 1. 2, c. 41. (ft) Procl. , Comnu Tim* ,1.1. II. 9 130 DOCTRINE DE PORPHYBE. et pour la morale. Uesprit de Porphyre ne pouvait d6ji plus porter le poids de roptimisme de Plotin. 11 ne savait plus interpreter le mal, comme I'avait fait son maitre, en partant des principes cje la grande philqsophie. Non-seulement il radmettait, au m^pris d^ la toute-puissance et d^ rinflnie per- fection de Dieu ; mais il lui assignait des causes qui rendaient le vice plus profond, puisque la cause poss6de eminemment ce qu'elle met dans son prp- duit. Ces dieux, ces anges, ces archontes, dqnt il commence h se troubler Tesprit, obscurcissent ppur lui la simplicity du monde, Taction uniforme fit triomphante de Dieu. II voit trop cette action h tro- vers les ministres qu'il lui a donnas. II a beau sv T)5(; .^ux>5«» Pi^^if ^'^YPl'^ <^P^ftP ?a dpctfiqp que^'pnp faffop itr^HRPf^rf^*® .(^)- Da»s 1^ ppii§j§e jde Porpljyre , cpttq multitude de dieux e|; dp g^pjes jn- ^ni>j$4l^ires entrq la trinite hypo§tatique pt pohs p'qilt^ire pn riep Jp ^ogpap 4p Tunit^ 4ivjne; Ipip d'attribuer pps pasgipns aux dieux intelligibles, il s'eflfprce 4e prpuyef qpp pes dippx n'ont pas begoipi cje pps Rp6res et dp pps p^priflces; qqe Jpur justice pst Inflexible, leur bipj^yeillanqe in($pui?al?le (jB). ppijr }ej5 ffjafl^ai^ d^mopjs, au cpnl^raire, il Ips pjape qtij- desspus mfime de VhpfppaQ, et n'appnr wx que de (1) lb, et Of. , c. 40, 42. f^oyez cl-dessous, la doctrine de Porphyre sur la forme a^rienne gue rev^tent nps dmes en tombant'sur la terre. (2) CiUdeDieUy 1. 19, c. 22. (3) y&. , 1. '8^ c. l2l. Safint Aug., dans ce passage, adresse le m€nie re- I>roche k Platon. ' (i) /6., 1. 10, c. 10. (5) lb. , c. 29. (6) Lorsque Porphyre parle, dans son ouvrage sur le $tyx^ 4'un lieu de suppUce pour les dieux, il expose les opinions d*Hom6re, et non |es siennes. Stob.^ 1. 1, c. 52, fr. /i9; Heeren, p. 1027. l.Vi DOCTRINE DR PORPIIYRE. riiorreur et da m^pris. Saint Augustiii se persuade que Porphyre est sans cesse occupy d' evocations et de sacrifices, et que, dans la lettre a JnSbon^ etli seu- lement, il exprime des doutes sur Tefflcacit^ de la theurgie (1). Mais outre quMl est difficile de ne voir que des doutes sous cette ironie de la lettre h Ani- bouj Porphyre, dans le trait6 de V Abstinence^ con- damne sans hesiter les sacrifices, la theurgie, et d^voile les artifices des demons presque dans les mfemes termes que saint Augustin lui-m6me avait coutume d'employer. t Le plus grand mal que nous fassent ces demons , dit-il , c'est que , tandis quMls sont causes de la peste , des s^cheresses , des trem- blements de terre et de tons les fleaux, ils s'eflfor- cent de nous persuader que tons ces maux outpour auteurs les 6tres d'oii nous viennent Tabondance et des biens de toutes sortes. lis font cette imposture pour se disculper, se presenter comme des Seot aya- 9oep70£ irrit^s, et nous arracher des sacrifices. Sous ce masque, ils inspirent toutes les passions, Tamour des dignites , Tambition ; ils produisent les dissensions et les guerres , obscurcissent Tid^e de Dieu dans les esprits, et repandent les superstitions (2). » Saint Augustin ne parle pas autrement des anges , des de- mons, des sacrifices et des oracles (3), et si Por- phyre, dans quelque passage, semble s'oublier lui- m6me, c'est qu'il est difficile de porter le poids du (1) lb., c. 9, 10 et 11. (2) nep\ dit., I. 2, c. ftO. (3) Cit^ de Dim, 1. 10, c. 21 ; et pats. DOCTUliNE DE POlUUiVttK. 133 poly theisme , mSme en rinterpretant et eu le re- duisant. Au lieu d'imputer k Porpliyre ces opinions qu'il a lui-m6me repouss^es et combattues , onserait plutdt tent6 d'insister sur d'evidentes analogies qui relient sa doctrine sur la trinity , sur les anges, sur les de- mons , et m6me k quelques 6gards sur les pratiques de I'idol&trie , avec les points correspondants de la doctrine chr^tienne (1). Holstenius s'est servi de ces analogies pour 6tablir que Porphyre a 6t6 disciple d'Origene (2); ce ne seraitli, dans tons les cas, qu'une pres6mption,car Porphyre pent avoir connu la doctrine d'Orig^ne sans avoir 6t6 son disciple; et (1) F'oyez , dans le chapttre 23 , du livre 10 de la Cit4 de Dieu^ une expli- caiioD de la Trinity de Porphyre. Saint Augustln, qui ^tablit entre Porphyre et Plotin une diiKrenee qui n'existe point en r^tit^ , semble voir le dogme cbrdtien dans la Trinity de ces deux phllosopbes. On en peut conclure qu'il ne connalssait pas exactement leurs theories. Plus loin , au chapitre 30 du m6nie livre, 11 va Jusqu'i dire que rlen ne s^pare Porphyre du christianisme, si ce n'cst le dogme de Flncarnation. Le passage est Eloquent, et m^rite d'etre cit^, quoique saint Augustln se trompe aussi compl^temenC sur les analogies qui rapprochent Porphyre du christianisme, que sur les diffiSrences qui Ten s^pa- rent. « Ainsi, ditilen s'adressant k Porphyre, vous voyez en quelque fa^on, et conqme de loin et confus^ment , la patrie oil nous devons aller, mais vous ne savex pas par oti 11 y faut aller. Vous confesses cependaut la grftce, puisque Yous dltes qu*il est donnd k peu de personnes d*arriver k Dleu par la lumiire de rintelligence ; vous nediles pas : il plait dpeu de personnes^ mais: il est donrU d peu de personnes; et vous avouez par ]k que cela ne depend pas de la seule volonl^ de Vhomme. Vous vous expliquez encore plus clairement, lors- que , suivant le sentiment de Platon , vous d^clarez sans hdsiter que Thomme ne peut atteindre ici-bas k la perfection de la sagesse , mais que n^anmoins taut ce qui manque k ceux qui vivent d'une vie intellectuelle peut 6tre suppl^^ aprte cette vie par la providence de Dleu et par sa grdce. O Porpliyre , si vous eussiez connu la grace de Dieu par Notre Seigneur J^sus-Christ, vous auriez pu connattre aussi que Tincarnation de ce sauveur, par laquelle il s*est revdlu de r^e et du corps de Thomme , est un exemple admirable de grftce et de mi- s^rlcorde. Que dis-Je? A quoi bon m*adresser k vous qui 6tes mort ? » (9) f^oyez ci-dessus^ 1. 3, c. 3, p. 87. 134 DOCTRINE D£ POilPHYKE. Ton salt que qtiatid les paieils {)arlaient des doc- trines chretiennes, ils confondaient toutes les sectes: Mais bki ffesSemWahceg btitte le§ febi^etiehs' ct Pbr- pflyi-fe ^taietit d6jS ^ignal^es par les fcb'ill^cai)8i'aiEis. Qde signifient; disdit Jdtilbllciiilfe ; bes ariges fet ceS di-fchfilnges; qiife l^orphyrfe' iritfodtiit; et dbrit flatoii Tt'^ jaitiatls paH6? Qd'fest-ce ijue Ce raiig liltei^rtie- diaiffe qli'il hsslgrie k Vime hamairife eritrt! les iions e't leg hidii^iik d^rdoris? I^uels h'oiit fce^ d^mdii^ (jtti font la clia^sd & tids Sriies et les coiitralgheiit d'en- treJl- ddiis le^fcdrfis? Tbtii fcela li'est hi vrai; iii coh- fol-ide au grille ft^ t^Ieitdii: Cfe li'fest pas' i& i)lMl«so- pher; disdit- 11 * fc'fe'sfc feiilpi-diitef leiifs ddgfiieg aui barbares, et les introduire dans la philosophie (1). Saint iiigustih lui-iiifime a , daiis d'aiitres pas- gages; fecdritiu qm Portihyl-e appfofchstlt dtr chfis- tianisme sur i)eaucoup de points ; et il semble diffi- cile d'atttibiifei* dfes' res^erflblances si iiblhbrfetisfes et si importantes a une coincidence fortuite. Porphyre, ddi ^tiidiait toutes les dbctrihes, et dxii d'dillfeiirs s'occupait de combattre le christianisme ,- a bien pu eiiipfuritel' quelqiies iclees, e{ surtoiit quelques 3§- dATfj6a)? 'XeYOpLevoK;. Ouxe ^ip xou; Ap-j^oLf^tkou^ 7)5ta>a6ai irou jxyTiiiYi? uizb llXd- T(i)vo<; , oOxe t6 jj-dj^ijiov yIvo? etydt twv el? crto^axa peiroucfwv if'.ux^^* ^^ X^^ ^^' TauToi? divxtStatpetv 6£oX? r^ SaCjioaiv. Kol" y*P Sxoitbv ,' et xauxa? jjlIv Iv x jiiat^ Y^vs t xdixxdjiev j oeou? &xa\; 6a(|jL0va?i Iv xot^.STiyiioupYixdt? xdi? laj^dxoi?." Quxe vd{jL^a? uirdpj^eiv IxeCvou; xou; ditoxuj^o'vxa? jjiev xoO dvOpcoirixou voO , itpft? ^ xi ^(oa (jj^dvxd? x^va crujxTcdOeiav. Ou y^p I? dvOpwicwv loxl x6 etvai xot? Sa((j,offt xoi? feTcix^direudu'ai x^v OvTi-r^iv (pOatv ,' oCxe 6!Tfipaxi? xou? (5ai:ej> Iv ^wypeCt^ xaxdx^eCdv - xa^ xt^' at6|idxi z^w 'J/Oj^Vfv. bu yip ouxwc ifi 4"^*X^ "^^ atSjjiaxi cu^euYvuxdi* 06 Yap ^tXdaocpo? X xpdrco? ouxo^ x^'<; Bewpta?; ikk^ PaJj^dpixTj? dia^oveia< jleff- Td?, X. T. X. Procl.y Comm. Tim. , {>. ii7. DOCTRINE DE PORPHYRE. 135 nominations , k ces doctrines d'une nouvelle sagesse. Mais nouS n'irons pas pour cela jusqu'i pr^tendre , avec quelques 6crivains ecclesiastiques , que Por- phyre est un apostat de la foi chretienne. On ne peut en effet ni soutenir que la doctrine de I'fi- glise , k la veille in6me du triomphe , n'^tait connue que des fiddles, ni contester la r6alit6 de tout un Courant d'id6es sur la trinit6 et les esprits inter- m^diaires , qui veiiait k la fois des religions et des ecoles , et qui d6]k , avant le christianisme et T^cole d'Alexandrie,arrivaitjusqu'au vulgaire. Le christia- nisme a ses anges et ses archanges avant Porphyre, comme il avail son Dieu en trois personnes avant Plotin et Ammonius; les discussions auxquelles on s'est livr6 de part et d' autre pour 6tablir ou repous- ser des emprunts reciproques , ne seraient legitimes que si les deux trinites semblaient calquees Turie sur Tautre, et si Ton ne trouvait, dans des reli- gions ant6rieures au christianisme , et chez deS phi- losophes anterieurs aux Alexandrins, des exemples d'un dieu en trois hypostases, et d'une arm6e d'anges et lie demons ititerm^diaires etitrfe Dieu et I'homine. II est d'ailleurs incontestable que Porphyre avait 6tudi6 les livres sacr6s dans Tintention de les com- battre , et quelque grdssier que puisse notis paraitre aujourd'hui ce s|st6me ihythblogique , il est vrai- semblable qufe Porphyre, en le consttul^ant, m^ditait de s'fen fetli-e une ariiie contre l6s chrStiens. A cette 6poque, il ne suflisait pas d'attaquer le christianisme, 1S3 DOCrillNE DE POllPU-YHE. le scepticisme etait impuissant ; on ne pouvait ren- verser un culte qu'i condition d'en proposer un au- tre; pour avoir le droit d'attaquer corps it corps le christianisme, Porphyre organisait d'abord de son c6t6 une doctrine precise. et r^gulifere sur Dieu et sur les dieux , et sur cet autre besoin de I'esprit et du coeur humain , la morale pratique. Ce qu'il y a de serieux, on, pour ainsi dire, de metaphysique dans ces doctrines, convenait k cet esprit que des myriades de natures intelligentes , je- tees ainsi entre I'homme et Dieu , eflfrayaient moins qu'un ablme ; et pour avoir peuple les espaces incon- nusde tant de diviuit^s, oupropices ou malveillanles, il n'en 6tait pas moins dispose k combattre , comme nous le verrons plus tard , les superstitions reli- gieuses , et a verser le ridicule sur les r6cits odieux ou frivoles, dont le paganisme composait sa religion (1). A Texemple de Plotin, qui a consacre les trois premiers livres de la sixieme Enneade h discuter les categories d'Aristote et celles des stoiciens, Porphyre s'occupa de ces classifications dans lesquelles on es- saye de reduire methodiquement les Elements de r^tre et ceux de la pens6e. Tout ce qui nous reste de lui, sous ce rapport, est contenu dans les acj>opa«c'; mais il avait comment^ VOrganum et le Sophiste. On trouve, des I'origine de la philosophie, des tentatives de ce genre. En effet, toute philosophie aspire k un systeme; soit qu'elle debute par I'exp^- rience pour couronner ensuite T^difice des faits par (1) Of. lUfA (xt:. ,1 2, c. Al ; et la Lettre d Anibon, DOCTRINE DJS POIUHIYRE. 137 la cause qu'elle leur assigne, ou que, pressee de construire, elle suppose d'abord la cause, sauf 6 la verifier plus tard par Texpirience , il y a toujours en elle , quoi qu'elle fasse , une subsomption t6m6raire , parce que le secret qu'elle veut ravir est le secret m^Qie de Dieu. La philosopbie exp^rimentale qui se sent timide et desarm^e en presence des construc- tions plus hardies qui se placent d'embl^e dans Tab- solu , au hasard de ne pouvoir plus ensuite pren- dre pied dans la r^alite, se vante sans doute de ne rien afflrmer sans preuves ; mais ce t^moignage d'infaillibilit^ qu'elle se donne lib^ralement , il est rare qu'elle le justifie, Et comment le pourrait- elle, a moins de se reduire k une description du monde , et i quelques inductions purement proba- bles sur la cause? A quel degr^ I'experience sera-t- elle sufflsante pour que les conclusions presentent quelque securite? L'^tude des faits, qui n'est que le premier pas de la philosophic, et en quelque sorte son prol6gomene, n'absorbe pas seulement toute une vie ; mais tant de generations de penseurs et d'ob- servateurs ^coulees ne sont pas m6me parvenues k mesurer la t&che. Peut-on dire, quand m£me I'ob- servation aurait scrute les derniers abtmes de I'infi- niment petit , et n' aurait rien laiss^ en dehors de la science, que cette premisse serait assez large pour conclure avec certitude la nature de la cause et le mode de son action? Ce serait folic, & moins qu'a c6te de la solution proposee on ne d^montre I'im- possibilit6 de toute autre, C'est cette contre-^preuve 138 DOCTRINE DE PORPHYRE. qui rendrait la philosophic infaillible; jusqu'i ce qu'elle soit faite , nous aflirmerons les faits dans la ihesiife de robseWatioii accoiilplie , nods affirmerohs rexistehce de la cause et s^ perfection , mais sur la forme de cette cahse , feiii- la fomie de son infinite , shr Ife nidde de soil action , nous ne fefons que bal- biitier des peut-fetre. Ce sentiment est ati fond de tout esprit pMilosophiqtle de quelque portee , m6me des plii^ dogiiiatiques fet des plus calmes ; et les catego- ries he sdht autre cho^e qii'un eftbrt pour restreindre Tactiiel j^ar la d^terminatioh du possible , et changer phr IS le carkct6re hypoth^tique de la pliilbsophie. A d^fdiit d'lirie experience qui 6puise I'liiiivers ob- servable; riSduire k des classes iiecessaires , dont lef ribmbref i-esultd des Ibis nafemes de la pensee, touted leS cdnceptions que notis pbuvons dvoir sur les feirfes ; i d^faut d'lihe demonstration cilrecte de la tioii-fexistence^ de forces ou d'agents differents de cfeux qtti rioas sodt Coiiiius, determinei* abstractive- ment, et par uhe speculation transcehdante , toutes les formed pbs^iblfes fte li r^eUite ; voili l€f but de ces classiflcatibns qiii enibrassent S la fbis la pens6e et rfetre. Les categories qui oht et6 pr^sferit^es coriime r^stiiiadt de Texp^rience ; tfoiit d'autrb vUeur que celle d'une brganisatioii de la scibricfe d^ji faite ; les seiiles qui soient uii levier sciehtifiijiife , et qui piiis- sent aspirer k iiibdiflfet la nature de la science, parteiit de plus H&tii, et fixent les cbuditidns du pos- sible eri dfeHbrs de I'experifeh'ce , pr6cls6nierit pour Ifes itfiposfef- k rexperi^ncef. DdCTRINB DE PORPHYRE. 139 La possibilite des idees primitives , c'est-k-dire des premieres idees abstriites, des id^es les plus sim- ples, n*a plas besdin d'etre demontrSe, ki ne pedt pas rfetre ; car elle est fevidefate d'elie-m6me. Ces pre- ijiikrs possible!^, ou ibstraits; sont les 616irients de toutes no^ idees. Celiii qiii pdiirrait les saislr tous ; les ciasser, trouver des sigries pour les representer atec touted leurs combiiialsons ; ci^eerelit ceite ^Igfe- bre de" la pens^e liumairie que cherchaitLeibtlltz sous Ife nom de langiife dtiiverselle , et par Isi possession des lols primordiales de la pens^e, tracefait ^ priori Ie& iliiiltes de la science' , et clrcidiiscHrait ie i-^fel k I'aide dti possible; tieux toies S'oiit dtivertieis pour de- iHontrer la possibility d'une id^e cdHiplexfe ; l*exp^- fleiicd; (Jiil n'aboutit jamais qu'S une subsolription piiis oil fnoins temefaite , et la r6diictiori aiix pre- M^res ia6e§ feindples; c'est-&-(lire la construction d'un systSnle de caitegorle^; La cliilectiqufe ; iran^- pbrt^ei de la tii^tapHydqiie ^ la lo^lqde , et du r6ei au possible ; dddne les cRt6gbries Ah iieii des id^es; AristDte tidus i consetVfe la like d6s catggbHeS' de i'^Cole pf iliilgoricienne (i)\ fcetld listfe d beaiicdup de dSfaUt^. Ellfe ne parte pals de t^tte , sans ddute parce qii'il ne ^'agit qufe des categories qui liii sotit dttri- bd^es ; felle n'expdse pas les categories dans un brdre t-egiiiier et methodi(Jue; elle s'arr6te sans raisoii aii riojiibre dix; bu par tirtfe' rSlsdil pii6rile fet indigne (1) ^Tepoi 8fe Tcbv ojOtwv Toyrtov xbt^ dppc^? 6^xa X^YOuatv elvai, t^ xax^ arua- Totxtav Xe'Yoiiivai; ,' -iclpac,* diceipov* ireptXTiv, ipxiov 6v, itXTi6o<* od^tov , iptrce- pdv* &^^v,OfiXu* i^ipepioOv, xivou^ievov* eufv* xapttcuXov* <^i cn6tQi' dy^^^t xaxdv* TeTpdY(i«vov,iTepdtJiipcec. Arist.^ Mil. 1. 1, c 5. 140 DOCXKLNE DK rORiniYttE* d'une si grande 6cole; elle omet des points de vue de r^tre qui paraissent tres-sp6ciflques et en inumere qui font double emploi. Cependant, outre son im- portance historique, k cause du syst^me dont elle est comme le r6sum6 , cette liste a sa valeur intrin- seque. Cette opposition constante , le fini , Tinfini , rimpair, le pair, a quelque chose de savant; Pytha- gore donne ainsi la loi , ce qu'on pourrait appeler la forme antinomique de chaque categorie , et il en sup- prime le nom; par exemple, la categoric de I'fitre est d6termin6e par Topposition de ces termes fini , impair, etc., qui expriment la perfection et la pleni- tude de Tfitre, etdesattributs d'infini, de pair, etc. , qui en expriment le d6faut et la contingence ; Tunite oppos6e i la pluralite est evidemment la categorie de la quantite, presentee dans ses deux elements g6- n6rateurs , savoir : Tunit^ qui restreint et determine la quantity , et en devient la forme specifique ; la plu- rality, qui en est la matiere, susceptible de plus et de moins. On pent reprocher k cette liste de passer d'un point de vue k un autre avec une sorte de 16gfe- rete particuli6re aux 6coles primitives ; mais tons ces points de vue sont importants : le fini, le pair, Tu- nit6, point de vue numerique ou dialectique; le mAle, la femelle, le repos, le mouvement, point de vue naturel ou physique ; le bien , le mal , point de vue moral. Enfin , elle enum^re les caract^res de la cause et de son produit , en les opposant , avec beau- coup de rigueur : Tun, Timpair, le bien, etc.; le multiple, le pair, le mal, etc. DOGTRINB DE PORPHYRE. 141 Aristote a fait k cette lisle des categories , et devait y faire beaucoup de changements (1). D*abord Top- position disparait , parce que n'admettant pas les id^es il n'y a pour lui qu'un seul monde. II dira done « la quantity » , ou encore « le plus et le moins » , mais non «run, le multiple ». Ensuite, comme il voit mieux Tidentit^ du point de vue num^rique, qui pour lui n'a rien d'id^al, avec le double point de vue physique de la forme et de la generation; il ne dis- tingue pas le in&le et la femelle, du droit et du courbe , de la lumiere et des t^nebres , etc. Au lieu du repos et du mouvement, il pose simplement la cause , parce que sa philosophie est plus profonde , et il ajoute le temps et le lieu , qui sont les formes g^nerales du mouvement. La liste de Pythagore etait une liste d*idees; celle d' Aristote est proprement une liste de categories; Tuae classe les 6tres, et I'autre , les attributs possibles des fitres ; mais cette difference tient k la difference generate d'un systeme fonde sur le nombre ou I'idee, et d'un systeme qui le rejette. Les recherches des stoiciens sont d'un ordre tres- inferieur, parce qu'elles ne portent en general que le caractere d'une classification (2) , et c'est ce que Proclus comprend et exprime k merveille lorsqu'il (1) Twv xaxd (iTidejiCav aupticTiOx-^v Tieyojxivwv Sxasrov fixoi oOvCav 9Y){&a(vet , i[ itosbv, -fi icot6v, fi itpd< Ti, fj itoO , i\ irotk, fi xcidku^ fi ^X^^v, "i^ icoietv, ^ itd^eiv. £9x1 ^ ou9(a (aIv ((b(iv TuiR^ elicilv], oTov dvOpcoicoc, i'lnco^, no96v 5^, oTov S{icy)x<>> TpCx^x^* IIo^^ ^ * 0^^ Xeux6v , Ypa(&H^vcixdv. Qpd^ xt 8^ , olov ^iicTidoiov , ij^iau , {jietl^ov. noO 8^, oXov iv d^opql, iv Auxe(()>. Ilor^ Sk , olov x^ > icipuai. KcioOai St , oXov dvdxeiTtti, xd(hr|Tai. ix^^^ ^« ^^^^ u7co6e$^96ai, cbir^CvOai. Iloieiv 6fe, olov Tiyxveiv, xa(siv. Hdvxsiv 8l,oTov Tiiives^oii , xaCevOou. Arist. , Caieg,, c. 3. — Cf. /Mn. G, I. 1, c. 2-24. C2) Gf. £nn, 6, 1. 1 , c 25 sqq. d|t qpe les 3toicieps gp^n^rali§p??t en grajiuja^irieps , (5f Piston en dialecticijen (1). Toute la difference 4e3 fieu^ 6colj5^ e^}; Ih. Les stoicjgj^s sijpRrimi&rent dang la liste d'Arigtpffi qjiqlqijfis categories pu inptiJes, pu paqil dj^fief n^ip^pg ; n^ajs ils pQqssereftt trpp Ipin lefjfrs reductions; la qualife j^fffi^ff spec}fiflpen»e»t de la quantite ; le tppaps pt Jfi ^pq fie ygp^pept dens l^ pa):Qgorie 4e \s^ ffianij^re d'jStrfi qu'gij cjpnpant ^ ci^ttg categpri(q une g6n6ralite qpf la F§n4 yague fit |ngir gnifiante; }l e^ esf de mfepae ^e I9 quatrij^jpQ p^4r gorie, la relatjop, quj, ^^ Jefirs yfiHJ, rgpr^p^i^tp gwf fis^mmept T^ptipfi pt la pa^^qp. C'pst 3pr pgttQ tfiplp f!?f»fstiye jjes flytji^gpricfepg , j}'4xi§fqtq et fje r^cq|p gtpicfenpp que tic^yaiPRepJ Plotin et porpfiype, en ppeniipt tquf efpfs , Jg pPQPWPf .su^lout, pour J^a^e ds Ipu^s 4iscpssiqp§, Ips fi9t4gft- ri^s ^nSoph^fel^^). fl0n cop^^cra lfi§ tpQ|s prgpiipcs liyf es 4e 1^ sixien^p En^^e k PPMe pqljfcpjjqus fpct atjstp^itc!, pf il p'eij petir^ pas gran^ prpfit ppuy l^enr sepWe dj? s^ sp^cpl^tipq. Qp pept 4ire qp'ij g'6tait fpurvoye pi^ sulvapf lp§ gtpjicieps spr ce t^rraip. La dispipline panqpai|: k cpt pspril; pptrgprepapt qpi perdaft sa force iprsqp'il s^'ppf^rpieit vpioptaicement daps lp;5 ligpes trac^es pap le genig §y§tematiqpe pt r^gulier d'Aristote. Que venait faire \k un mystique? Passant spy le cUaipp da dedans au dehors au moyen (1) Pr. Comm. Tim. , 81. Twv el; Sv AydvTwv y^vo?> "p^ itavxa T&tTapa 6ir6 t6 |v otov etSir) xiOsjx^vcov , dxd- ^ou6ov Sv etrj eliretv, t( itore i/ljnv -Tusp^ toutwv cpaivexai xi §oxouvxa Vjjuv , itei- ptopL^voi? el? T^v iDidxwvo; Avdyeiv 6d§av. £'nn. 0, 1.2, c. i. DOCTRINE DE PORPHYJIE. ili& de sa th^orie supreme de Tidentit^ 4q Tesprit avec rintelligence , il ne pouvait pas attac|^pr une impor- tjance capitale i Tanalyse de nos cpnceptiops, et la loi des Emanations , qui , selpn lui , epgageait tons les 6tres dans une d.Egradation continue par laquellg toutes les esp^ces , pu plutdt tons les 6tr^s Etaient ramen^s k un seul , rqndait d'ailleurs toulj? classifi- cation illusoire. La seule chose qui ait pu Ij? frapper legitimement dans les categpries du Sophist^ qu'il a adoptees pour li|j[-ip6pie (1) , c'est la df^Ti^renc? du M6me et de T Aj|tr^^ , (J|ff4renpe qu'il a ex^g^iie pn dedoublant, pour ^}psi 4ire, la liste dg ]?laton, qt en dressant une liste fie cat^gprie^ ppur 1^ mondp intelligible, fit upq ppffq }|^te pojii: ]e mpp^fi sepsi- ble, Mais cq qui pypuvp qife Tj^Jj^qiept ^iff^reptfpl ou YqltMt^, fTepoTyj;, quojque ni^pessa jre jif ^a pWlpj^qpIjie popr Ecl^apRfir k r^l^qLtijsj^q, n'ayait pas ^ sps ye^? assez d'importai^ce ppi|r cop^tifper pnq distlpptipn des espqces pap vpie de c^tj^gopie , c'esf qup ie }a comparaison ^p sps deux liptps ^ntre pjles il pe peut resulter rien autre chosp , sfppi^ I3 difiKp^eppp .^Rpa- rente pt en if^pm^ tfipaps Tapalogij? pt ap fopd TWPR- tit6 (}es dqu?: seules especps ^p T^^re qu'i| pi^t j:^ cpnnaitrq , ?ayoir, I'^fre abgoli| , ^\ J'jSfre pop^pgppt ou susceptible de quai}(,it^ ; qncof e cq dern|ei: qstfl purepjent p|j6nomenal, et p'est pour cqla flu'|} np Ipi attribuq pu proprq que la relatipn, 1^ qu^||t^, }a quantitj^ et le naouvemen^, rrpo; rt, T^ogiv, 71910?;, >c«/yja«5. On peut ajouter que ces quatre categories, qui em- (1) Plat. , Sophist, 255 et sqq. Trad, de M. Cousin, 1. 11, p. 281. \kk DOCTRINB Dfi PORPHIRB, brassont le temps, condition du mouvenient, et le lieu , condition de F^tendue , ttocov, tto-jov, peuvent se r^unir sous I'unique denomination de ra irpoc tt. — xa ie 7rapaxoXov9iGfA«Ta , w^ T07ro<; yioti xp^'^o; » 6 [xiv twv awOerwy, 6 3e xiji xiv/iaewc , o xp^*'^?* — ^P^^ '^* > iroaov, Trotov, ztvr.ot; ^ ii x«( raOra et; ta trpo; ti* Treptexrixov yap p-aXXov (1). Quant aux trois autres categories du sensible, uk , eTdo;, ouva^AcpoTepoy, qu*il reunit en une seule, xac ta jizev rp^a ee^ sv eilpoiuey xocvov re ti^v IvraOGa Ojutcovv/xov oiiaiav (2) , il est Evident qu elles tirent toute leur r6a- lite de Vdioq. Or, en vertu de tout le systfeme, Velioc n'est qu'une participation de rid6e, non une posses- sion. Le sensible n'a done d'attributs propres, que ceux qui expriment sa caducity et en resultent. Quoique nous ayons perdu les commentaires de Porphyre sur tes Categories d*Aristote (i Texception de rEtaaywy)} , qui ne roule que sur la proth6orie) , il semble , par la liste qu*il a dress^e des categories de retre absolu et de celles de retre contingent , qu'il avait vu plus clairement encore que Plotin rimportance et la r^alite de la distinction qui sub- siste entre le contingent et le necessaire. Moins at- tache k la doctrine de Platon , il avait retabli les ca- tegories de temps et de lieu que Plotin supprimait . mal k propos, ou par un dedain pousse trop loin pour ces deux formes de Fexistence propre du con- tingent. Mais si Porphyre insistait plus que son maltre sur la realite distincte du sensible , il n'etait (1) £nn. 6,1. 3,c. 3. (2) ib. DOCTRINES DE PORPUYRE. 145 pas entrain^ comme lui & placer rergpotri? dans Tab- solu, pour se conformer aux donn6es de Platon. Ainsi, d'lm c6t6» Porphyre marque plus profond6ment que Plotin la distinction de Dieu et du monde; de Tautre, il maintient avec plus de sev6rit6 Tunit^ du premier intelligible. II semble done se s^parer de son maitre sur deux questions , mais au fond le dissentiment ne roule que sur un seul point. Quoique Plotin ait excelle k purger I'unit^ absolue de toute multiplicite, il est bien force d'introduire la multiplicite par quel- que c6t6 dans la seconde et la troisi^me hyposlase , puisqu'il veut conserver intacte la th^orie des id^es de Platon , et qu'il construit un syst^me dans lequel le monde et Dieu sont r6unis , par des liens n6ces- saires, dans une seule et unique existence. Porphyre qui, dans le fond, partage cette mfime doctrine, ne peut pas la modifier sur un point sans la modifier aussi sur Tautre ; car plus le monde est 61oign6 de Dieu, plus on est libre d'exalter I'unit^ divine, et r^ciproquement , plus I'unit^ de Dieu est strictement observ^e , plus la distance entre Dieu et le monde s'agrandit. Porphyre 6tait sans doute dispose de longue main a mettre les intelligibles dans Tintelligence , mais pu il n'interpretait pas comme Plotin le to x^pw^ov efvat des id^es de Platon , ou bien Tinterpr^tant de la m6me maniere, il se separait sur ce point, quoique faible- ment, de la tradition platonicienne, et se rapprochait de plus en plus de la voyjat; voTjoew^ voTidt; d'Aristote. Ges nuances sont d'autant plusdifllciles k saif^ir, qu'entre II. 10 146 DOCTRINES DE PORPHTRE. l^Iotin et Porphyre , il ne s'agit que de degr^s. Por- pfryre s'6tait sincferement ralli^ ^ ropinion de P16- tin , et Plotin de son c6t6 fait des efforts continuels pour dissimuler la multiplicite qu'fl introduit dans la pens^e divine. On voit qu'il a devant les yeux toute la doctrine d'Aristote sur la simplicity parfaite dfe rintelligible , et de Tintelligence ; qu'il tend d'ail- leurs, comme cela est Evident par toute la teneur de son syst^me, k preserver de toute atteinte Tinal- t6rable unite de Dieu ; et cependant pour se confbr- mer i la doctrine expos6e dans le Sophiste , pour sau- ver la theorie des id6es, qui serait trop compromise par la simplicite absolue de Fintelligible, et enfin pour pouvoir aboiitir h une action directe et eflScace cte l)ieu sur le multiple , il est oblige de mettreFeTepoTyj; an nombre des premiers genres de Ffitre, et de riir- troduice par consequent dans la nature mfime de Fii>- teltigence. II a beau dire ensuite que Fesprrt voit le monde intelligible d'un seul coup d'oeil, ef comme unlt^ plut6t que comme multiplicity (1) ; il a beau ext6nuer la difiiSrence du sujet et de Fabjet , et pro^ noncer m6me la formule d'Aristote , en la modffiatft {taxi yap V voyjcji; opaan; 6p(haa^ offx^to'ro &) , une duality tamen6e k Funit^ n'en est pas moins une dualfte, lors m6me que Funit6 triomphe et devient , comme il ar- rive dans Fintelligence de Dieu, la forme du to ouvafx- cporepov (2). Peut-6tre exprimerait-on clairement la (i) P'oyez ci-dessus, Hvre 2, cfa. 3, p. 275 sqltj. YVCToti ouv Ti Tcpwra vou?^ 6v , ixzp6xt\^ , TauTdnri^. Aet Sk xa\ x(vif)fftv Xa6eiv xa\ DOCTRmES DE t»OflPHYRE. Ift7 difference qui exisle enitre le maitre et le disciple , si I*^on disait que Tun et 1' autre sont d'accord pour sou- tenir k la fois la simplicity de Tintelligence et la pre- sence dans I'intelligence du xod/uio; vorito; ou des id^es ; mais que s'il avait fallu choisir entre ces deux doc- trines qu'ils pr6tendaient concilier, Porphyre aurait sacrifle quelque chose de la fheorie des idees , et Plo- tin de la simplicite de Tintelligence. Dans le fond, si Porphyre avait une conception plus claire de la relation qui existe entre la cause ou exem- plaire ou efflcienfe, et ses effets ; s'il comprenait qu'une unite parfaitement simple, et sans aucune alterite, pent, en se connaissant elle-m6me, connaitre par cela seul, d^une facon eminente, les formes diverses qui ne sont que des applications desa puissance et des images limiteeset imparfaites de sa plenitude, il pouvait, sans abandonner Fessencedu platonisme, c'est-i-dire Tac- tion efflcace de Dieu et la presence en Dieu du type parfait et ^ternel de ce monde , se rapprocher de la doctrine d'Aristote sur la simplicite et Funite de Fintelligible, Aussi voyons-nous que Proclus dit de Porphyre , qu'il explique Platon en se placant au point de vue d'Aristote (1). 11 devait meriter dou- blement cette accusation aux yeux des Alexandrins : d'abord pour avoir 6te ValtMte des premiers genres de F^tre, ce qui compromet la throne des id^es; ensuite pour lul avoir, au contraire, donne plus OTflwiv xa( xtvTiffiv ^1^ , el voet, crdatv 8^, Iva t6 oUiTd, x. x. X. /Tnn. 5 , U 1 , c. 4. — Cf. Enn, 6, 1. 2, c. 8. (1) Proc\ , comm, Tim, , p. 18. neptitaTr,xtxdt<; -£-o$(^ei? iwpei^^povTa "XOsLV Tiq nXaxwvix^? AiropCa?. 148 DOCTRINES DE PORPHTRE. d'importance que Plotin dans les categories du sen- sible , et avoir par \k attribu^ au contingent une r6a- lite plus forte , une distinction plus complete. Yoici done la liste qu'il avait dressee des attributs du materiel et du sensible : le sensible forme une ^ten- due continue; il est mobile, multiple, compost, exis- tanten lui-m6me et localise dans I'espace et dans un volume corporel(l),Existant en lui-m6me, est un trait de la doctrine de Porphyre , qui , s'il n'est pas la negation m6me de la loi d'absorption, montre du moins avec evidence que YiztporrK; du monde sensible a plus d'importance dans son systeme que dans ce- lui de son maltre. Voici maintenant la liste qu'il a dressee des categories de I'fitre absolu existant par lui-m6me. II est constamment , et dans son fond , la plenitude de F^tre, il est identique, toujours sem- blable k lui-m6me, simple et immobile par essence, inetendu, indivisible, sans localisation dans I'es- pace ou dans un corps, sans commencement ni fln(2). L'greoory); ct Ic mouvemcut ne trouvent point de place ici , et en revanche le to xa9' eauro aizh indipx^iv n'est pas corapt6 par Plotin au nombre des categories du monde sensible. On pent done conclure 16gitinie- ment de cette double liste que Porphyre est moins (1) T3t xaTTriYOpoujisva too aliiriO(b{ k(n\ TaOxa. T6 itAvrri slvai 3iaite90p7ip.^vov , t6 {j,£T(A6^tjtov eTvai, t6 d^eTcdvat fev iTepdnriti, tb auv- 0£TOv elvai, xb xa9' iantth aCtxb (tizdpyziw, t5 fev TdTCtp, xh Iv dyxtj) BecopelaOoii , >ca\ oTa toutok; itapaic^T^aia. Xcpopji. , 33. (2) T6 eTvai ie\ fev iauTtj) ISpujiivov, cbaaOxti)? t^ xaxi TauTi Sx^iv, t6 iv TauxdnriTi oOauooOai, t6 i\i.ivi6kr\'zov elvat xaT* oOfftev, xb AorivOsTOv, t6 {iTfite Xut6v, {xyIts fev xdiccj) elvai, pniTs el? 6'^o'^ 6iaite®opeia6at , t6 jiTfte fVf6\i.zyfoy ^ jiTfjte diro>iUiievov elvai, xa\ bva TOiaOta. lb. DOCTAliNJiS Dli PORl^HYlUi. 1^9 porte que son maltre k absorber le monde en Dieu , et qu'il incline au contraire plus que son maitre a supprimer dans I'avToSwov toute trace de multipli- city (!)• Ainsi la theorie des categories vient ii Fappui de ce que nous avons etabli plus haut sur les rap- ports des idees avec Tintelligence divine dans la phi- losophic de Porphyre, La psychologic tient une grande place dans ce sys- teme, et la raison en est toute simple, puisque Por- phyre est un moraliste et un mystique. II avait com- pose un important ouvrage sur les FaculUs de fame, et Ton voit par les fragments que Stob6e nous a con- serves que I'histoire de la psychologic y tenait une grande place (2). Cependant il ne s'est pas 6carte, dans les questions principales, de la philosophic de Plotin ; plus de rigueur dans Fanalyse des facultes de Vkme , une etude plus attentive de la volonte , et les premiers elements d'une th6orie de la gr^ce di- vine , sont les traits qui recommandent cette partie de sa speculation. II definit Fame une essence simple , incorporelle , immortelle , dont le caractfere specifi- (1) Nous tirous de ces deux listes ce qui importe pour la doctrine g^n^rale dePorphyre, sans insister sur le manque absolu de rigueur et de mdtbode qu'elles d^notent. Comment un disciple de Plotin peut-il faire deux attributs disUncts de la localisation dans Tespace et de la corpor^it(^? Comment Tdtendue etle continu sont-ils distinguds par lui de la masse corporelle ? Comment sui'^ tout place-t-il la mobility avant la multiplicity, subordonnant ainsi la cause & I'effet, et donnant ^ la science naturelle le pas sur la phllosopbie premiere? Ce d^sordre , ainsi que ces mots , xolX bia TOiauta , qui terminent les deux listes , prouvent assez que Porpbyre a eu surtout en vue Topposition des deux mo:ides. 11 exposal t sans doute les categories avec plus de nettet^ et de m€- thode, dans ses commeiUaires sur la loglque d'Aristote. (2) Slob., Eclog. phys., 1. 1 , c. 52, fr. 20. £leeren\ p. 827 sqq. J50 DOCTRINES DE PORPHYRJP. que est de tirer la vie de son propre fonds (1). G'est, comme on voit, la definition platonicienne ; cette de- finition , selon Porphyre , s'appliqye 6galement k r&me du monde et k nos ames, et dans le fond, toutes les dmes n'en font qu'une seule. Cependant, malgre cette identity de toutes les dmes entre elles, que Por- phyre admettait avec Plotin et Amelius, nous le voyons encore sur ce point, plus porte que son mai- tre k distinguer Tuniversel et I'individuel , que Plo- tin et Amelius tendaient a confondre ; Porphyre n'est, pour ainsi dire, pantheiste qu'i contre-coeur, et nous retrouveronsj usque dans sa morale des traces de cette resistance. Quoique notre ame ne fasse qn'un avec Vkme universelle^ elle n'en est pas moins une kme entiere , ayant une vie qui lui est propre, et subis- sant des modifications, produisant des actions libres, auxquelles I'dme universelle demeure etrang^re (2). Le soin que prend Porphyre d'inserer, dans la definition m6me , ces mots afxeyidni; , avloi , acpSaproc , montrent la sincerite et la nettete de ses convictions spiritualistes. « L'ame , dit-il , n'est pas le corps , elle n'est pas m6me dans le corps. On pent dire egale- ment qu'elle n'est point dans le corps , ou qu'elle est repandue dans toutes ses parties. Elle est la cause du corps (3). » Cette doctrine, que I'dme se fait son corps ^elle-m^me, est dej& dans Plotin, oil elle ne signifie (1) H ^uyi\ , otiffia djisY^Sifj? , 4uXo« , &p9apT0<; , iv ^ii>% icap' ktvjXTi^ ^X'^^ t6 ^r^w , xexTTTiijivTi %h elvai. iLf vtajfjifm"* 9i»v Tpoiqi , ]^t\iaxaL. Af, 49. (3) T4 teHdri TOp\ xoOto icdvTa , ittpl h xa\ i\ ^pa» 666? f^p kOGTiaN£S D£ POAPHYKE. tion, la raison (1) ; la sensation, qui a besoin pour exister de rinterm^diaire des organes (2) , occupe le plus humble rang parmi les sources de la connais- sance. On pent juger par un passage, ila verite pu- rement historique de Porphyre, que la sensation n'implique pas de jugement, et n'est par consequent ni vraie ni fausse par elle-m6me (3) ; il est du raoius certain qu'elle ne devient une conception que par Taction de la cpavraota, faculty sup^rieure qui imprime une forme k la modification sensible! La memoire s'empare de ces impressions , elle les conserve et les renouvelle. La memoire fait en- quelque sorte partie de I'imagination, tant elle lui est necessaire ; et I'ima- gination k son tour est necessaire k la memoire qui ne saurait exister sans elle (4). Cependant, malgro cette union intime, ce n'est pas, scion Porphyre, rimage elle-m6me , telle que notre imagination I'a form^e, c'est Timpression seule, qui est conservee dans le souvenir (5). Ainsi la force de la memoire de- pend de la vivacite des impressions ; et pour montrer de plus en plus que I'dme est active , meme dans la perception de ces impressions sensibles, Porphyre ajoute que la vivacite des impressions tient elle-m6me k la vigueur ou k la faiblesse de notre attention. Si (1) rvManxoA St fiwvdjwi? fcv T>||iiv dftpdov , 9X0^91^ , {pavxoffte , voO?. X|Aa olxe((ov, 6 xa\ 67j^ov 6x1 Bi\. yavxa^te; xot Tcepl x6 (T(b{xa 6e(xvufft. Ai& y^p jivTfiiJLTi? i\ 9avxaff(a. Slob.^ 11. ; Heer.^ p. 1035. (5) H H'^Tin-'n oiix loxi f avxavS90ai ex via; icpoSXi^jjaxa. Xv. 16. DOCTKINES DE PORPUYIUfi. 153 notre attention est partag^e ou languissante , Tim- pression est moUe et fugitive, le souvenir confus. Dans I'enfance notre Ame, pleine d'energie, avide de vivre et de sentir, tout entiere k ce monde qui I'e- tonne et la ravit, degagee des soucis de I'&ge mflr, etrangere a la meditation, recoit les impressions les plus fortes , et les souvenirs de ces impressions de Tenfance sont aussi les plus vivants que se re- trace notre vieillesse (1). L'imagination ne con- strait rien par elle-m6me, elle tire tout des impres- sions sensibles (2) ; mais la sensation , et par conse- quent la memoire , supposent k leur tour une faculte superieure qui les r^gle , qui les domine , et sans laquelle les impressions fugitives que le monde nous apporte ne prendraient point cette forme re- guliere qui en fait les objets directs de la connais- sance (3). Cette faculte est la raison. Non content d'etablir son existence , Porphyre soutient que sans elle on ne pent ni sentir, ni se souvenir ; et appli- quant ce principe ci sa philosophic generale , il en tire cette conclusion que tout 6tre done de sensi- bilite et de memoire est en m6me temps raison- nable (4). Qu'est-ce que la raison? C'est d'abord Tintuition (1) ^p. Prod. , Camm. Tim, , p. 60. (2) Qaauxco? Sk xaX ii (pavraffia dz\ iizX xb S^w wepexat, xa\ xf, xdaet auxfii; x6 e'.xdvi7{J.a 'Tcapu^CoraTai , x. x, X., dv. 15. (3) H xa\ ^Oitxxai* Nou? 6pqi xa\ voO; oxouei , ta 6' SXhi xtixpii tujX TucpX3t, w? ToO ircpt xbt, 6\k]iAxa, xat xbi Grta, icdOou^ , dv pt-Jj icap^ xb y povouv , ataflTjfftv ou 7:oio0vTO<. nepl am, , 1. 3 , c. 21.. (4) 4»^p£ VijJiet^T^jV akrfiff\x& 6\iJ0\j xal nuOavdpeiov Sd^av iiapaimiawjiev , itdciav ly'jyfjv , Ti ji^TfiTctv al(ii TTj; ApiepteTOU xol icepl xdi < vocpdtxa\ vovioci tuvatxN^tai. DOGTRIINES DE PORPUYRJE. 155 raine, elle tient done k la racine de notxe 6tre et n'en est point separable (1), Si elle etait hors de nous , differente de nous , nous pourrions voir ou ne pas voir les verites rationnelles , c'est-i-dire que le necessaire pourrait ne pas 6tre , ce qui est absurde. L'objet de la raison n'est point corporeL Oil sera-t- il done , s'il n'est point dans la raison? Tout ce qui estreellement, est dans Tespace comme un corps , ou dans I'esprit comme une idee (2). La raison et son objet sont tellement identiques, qu'un eflFort tent6 par elle-m6me pour se distinguer par abstrac- tion des verites qu'elle oonnait , serait inutile. Elle voit les operations de la raison discursive, mais elle ne discerne pas sa propre activite des r^sultats qu'elle en obtient (3). Porphyre etendait i la raison humaine ce que Plotin disait de la raison divine ; par- tout oil le sujet qui connait se distingue lui-meme de l'objet connu , il faut un criterium , c'est-a-dire une connaissance plus parfaite pour legitimer cette con- naissance. Ne semblet-il pas qu'il y a dans toute cette doctrine une assimilation de la raison divine a la raison humaine? G'est qu'en eflfet notre raison ne diflfere qu'en degr^ de la raison divine ; et Dieu lui- m^me est raisonnable (4). (1) Zbv ydip xt^ voclv , cIk) &v 6 vou;. Afotipe^U ^ w voiiv , df^i^T» njc owiaq, Atp, 15. (2) 6 6' Vji&^po^ (voOf) 9co(jLdT(ov xa\ ^^pcov Oeiopb^ oOaCcov. IIoO to{vuv xei- fiiva^ xaxa^TfitJ/eTat ctCixd^, lb, (I) nape^e>iO^e(at uitoatd? twv pLeyAXwv xaxcov alxtav , lii^fi' eU f^ irpav- lAttta Tp^'Rco^ev ti? 6uff(popCa«* fev 8k -qi 4'^XXi "^^^ toOtwv aWa? |x5^^ov ^TjTw- {xev, xa\ dico^^i^^avTC^ Tohciy \uxtaia^ xcov IsY^jxipcov dpe^iv xal eXic(6a, 8)vOi Yev(6{j£0a iauriov. Lettre d Marc, c. 29. (2) C'est Dieu luimfime qui est present dans iiotre raison pour i'illuminer , et dans notre cceur pour Tincliner vers le bien. Asyst 8s 6 Xf^yo^ irAvTifi jifev xa\ itdtffi itapetvat x6 8etov, Lettre a Marcell, , c. 11. Mais cetle doctrine prend surtout dans Porpliyre la forme de la possession de notre dme par un bou ange, quand elle est inclin^e vers le bien, par un d^mon quand elle est poussdc vers le nial. 6t:o\j 8' iv \rih\ icgipei9iX6i(\ OeoO , t6v xaM6v SaCjjjova AvA-pcTi fevoi- xe'.v, Xfop-^aa yip Vi4''^x^*i coff:tep {isuiSr.xa; , i\ Bswv, i^ 8oii{xo'vcov' xa\ ftewv }i*v DOCTRINES DE POAPHYRE. 161 tour vers la philosophic premiere, cette action de Dieu, mieux comprise dans ses effets, modifie Tidee du principe supreme; elle lui donne un caractere moins absolu , et si on pent le dire , moins fatal ; elle accomplit Tidee de la Providence, en attribuant k Dieu la bonte et relBcace. Cette m6me doctrine de la gr&ce, qui , developpee outre mesure , est I'^cueil de la li- berte, apparait dans Porphyre comme une conse- quence de la liberte humaine mieux connue et plus fortement revendiquee ; elle le conduit i determiner avec plus de precision la liberty divine. Et cepen- dant, il dit deji, en termes expr^s (ne faut-il voir dans ces paroles qu'une pensee pieuse ou mystique?) que le mal seul est notre ouvrage, et que c'est Dieu qui fait en nous et par nous le bien que nous osons nous attribuer (1). La morale de Porphyre, avec de pareilles pre- misses, ne pouvait 6tre moins pure et moins noble que celle de Plotin. Nous avons vu qu'elle ^vite Fe- cueil oil Plotin est tombe , d'amnistier les fautes de I'fime, quand le voO; est avec Dieu. Mais peut-on dire que Plotin soit tombe dans cette erreur? Non, cette pensee a traverse son Ame, dans un moment d' exaltation , tandis qu'il voulait montrer avec force le n^ant du corps et de ses passions, de ses peines et de ses jouissances. Plotin , en morale , est un stoi- cien plutdt qu'un mystique. II arrivait par la philo- m>vdvT(i)v tt^d^ tdt dyaO^ xa\ 6i& Tb>v X(^y^v xa\ $idt t£>v Ipycov. lb. , c. 21 , et Cf. Porph. , ap, Euseb. , prip, rfv., 1. 9, c. 3.— Cf. Letlre d Marc.^ c. 21. (1) Ka\ itdvTwv 6v icpdTCOiiEV dYaOcov t6v 6e6v atxiov fjYciiiJLeSa* twv B\ xaxcbv tthfoi f|(i£tc k9}ijt* ol iXtf{Uvoi' 6e6< Bl dva(Ti(K. lb, , c. 12. 11. 11 1 162 DOCTRINES DE PORPHYRE. Sophie au m^pris du plaisir et de la douleur; et pat rinstinct m6me de son &me , il sentait leur n^ant. II n'a vecu que pour les ravissements de Fextase, et les joies aust6res de la pensee. C'est par la qu'il a doming r&me de Porphyre ; et nous savons que six ans apres Tavoir connu , Porphyre avait pris pour le corps tant de d^dain et de haine , qu'il voulait mourir. Les principes generaux de la morale de Porphyre ne different point des doctrines de Plotin , ni en ge- neral des doctrines platoniciennes. C'est la mSme ardeur pour le bien et le vrai, le m6me precepte de I'imitation de Dieu , de Funification avec Dieu ; c'est le m6me mepris pour le corps, et pour les passions du corps, et pour tout ce qui nous attache k la terre. Hors de Tamour de Dieu tout est n6ant , dit Por- phyre. II n'y a que cette nourriture qui fortifie. Ce qu'on donne aux passions et aux besoins du corps nous laisse pauvres et nus. Les hommes dans leur d6sir de remplir le vide de leurs passions, ressem- blent aux Danaides , qui s'^puisent k remplir un ton- neau qui n'a pas de fond (1). Ce n'est pas Ik qu'il faut chercher I'originalite de Porphyre comme moraliste, mais bien dans ses theo- ries sur la vie parfaite. Le TraitS de F Abstinence n'est pas le code de la morale ordinaire, c'est une regie que Porphyre propose i ceux qui veulent vivre en philo- sophes et se rapprocher de Dieu par la mortifica- tion (2). II semble qu'en tragant k ses disciples une rh- (1) nepl diu., 1. 3, C.27. (2) nep\dT:., 1. 2, c. 3. DOGTRI]V£S D£ PORPUYRB. 163 gle si S^v6r6, il ait eu principalement en vue de mon- trer & quel point la satisfaction des app6tits corporels nous eloigne de Dieu. Est-il possible de se donner h k la fois k Dieu et au corps (1)? Les passions ne s'a- paisent pas par la nourriture qu'on leur jette. II faut les abattre par la famine , les r6duire au silence , au n^ant, et se retrouver ainsi soi-m6me, libre, d6gag6 de la naatifere , et tout rempli , comme tin temple , de la presence de Dieu (2). Les epicuriens crOyaient que le plaisir est la fin de Thoinme : Porphyre a voulu que le philosophe , par les habitudes m6me de sa vie, t^moign&t ^loquemment de son m6pris pour une doc- trine si miserable (3). C'est Dieu seul qui est notre fin ; et c'est au contraire par le m^pris du plaisir que nous devons tendre vers lui. Loin de porter son joug malgr6 nous, cette loi qui nous est faite de nous mod^rer, de nous mortifier, doit nous appren- dre k penser noblement de la nature humaine (4). Aristote, avant Porphyre , avait deji compris que la dignity d'un 6tre augmente avec ses devoirs (5), La (1) lb., I. l,c. 42, sqq. (2) Necbv 8fe to6t (t^ 6.) icotp' dv0pciiwi< xoi0iepaw6ai i^v 5tdvot«v jidkXwta Tou (JopoO iidvTiv, X, T. X. Lettre d Marc- , c. 11. (3) IkoxpdtTnc jjLEv oOv Tzpb^ Tou;Vi8ov^v 6iapucptff67iTo0vTa; cTvoti t6 xi^o?, ou6' ftv irdvrec , S^t) , vue^ xa\ Tpdyot tout<|> Tuvvocvvoiev, iceiOvjoed^i otv iv T(j> ffit\a^i tft eOdailMv Vijuv xeXa6aii, fiar' dkv vow? iv toT? -jroMji xpaTTj, IIep\ dir. , 1. 3 , c. 1. — Of. lb., 1. 1, c. A8. (A) ^{Jieic St oOS* dv 'jcdvrec Xuxoi f| YUice; t^v xpeoxpaYtav doxtji^oualy , oO auYX<«>P'>'l^op.ev 'COutoi^ 6(xaia ^^yeiv , Sot' dv 6 dvOponro^ d6)ca6l( "J ^uaei , xal dTcxTtxftv ToO 6id Tcbv dX^v pXd6ir}< atjT(j> Td< i^Sovd; iiopC^eodau 76. , 1. 3, c« 1. (5) XXV fa^iiep iv olxCqi toX^ iXeuB^poi^ fixiora £^e9Ttv 8,ti Sxup^e icoieiv , dXXd td icdvca fi id itXetara tiTiotxTtti. toic 8^ dvdpdtiKJ^oic xa\ roTc 9T)pCotc {Xixp^v t6 elc t6 xoiv6v , t6 Sk iccikb 6,xi £tux6« Toiatinri ydp ^dTrou dpx^ » a»>Tt<; oT? f||id? icepi^SaXe, xoCkla^, jio- ptot?, ^aii{MJ>, TOK &\Xoi; iJipeffi too at6|iaT0?, xal xat? 6i' aiixcbv •^p-^m.iai xal Tll8uiw8e(ai<;, xa\ toi? Oicfep xoOxwv 906015. Lettre d Marc* , c. 33. (2) lb., c. 1,2. (3) Miixeouv ette dti^ev el, jjnite el eifiXeta xb awiia, icoT^uicoaYlidvei , \irfii Yuvatxa %5 aawT?iv , ixt \i.rfi'' i-^ib joi 6? T0ia6TT(i icpoaijy^ov. lb* 33. 166 DOCTRINES DE PORPHYRE. r&t extreme , et nous ne pouvons ni les ddvelopper entiferement, ni les omettre, car il y rattache che- min faisant les questions les plus importantes sur la destinee de rhomme , TAme des betes , la nature des dieux , Torigine et le caractere des sacrifices. De- puis les pythagoriciens, que le dogme de la metemp- sycose avait surtout d^termin^s k respecter la vie des animaux , les philosophes s'^taient i ^'envi exerces sur ce probleme; peu d'ecoles Tavaient neglige, el Porphyre cite un grand nombre de traites sortis des ecoles les plus diverses. Lui-meme avait 6te precede dans la carri^re par Plutarque de Ch6ron6e. II nj? dissimule pas les objections, il les expose m6nie avec une verve charmante. On ne pent all^guer d'autres motifs dans tout cela, disent les stoiciens, que Tuti- lile ; et les pythagoriciens auraient raison de ne pas tuer les animaux , si cette moderation 6tait r^cipro- que , et si les loups s'pbligeaient par un traite k res- pecter nos moutons (1). D'autres insistent sur Tu^ sage constant et universel (2) , sur la n^cessite de f^ire la guerre aux apimaux, ne fut-ce que pour se defendre (3) , sur I'exemple des sept sages de la Gr6ce , de Socrate et d'autres h6ros de la pliiloso- phie (4) , sur la necessite de se nourrir (5), A quoi le pore est-il bon , sinpn h 6tre mange (6)? Diane 6tait (1) nepl dit.,l. 1, c. (2) C. 7. (3) C. 8. {a) C. 13 et 23. (5) C. 2. (C) C. 10. DOCTRINES DE PORPHYRE. 167 chasseresse; Hercule souffre qu'on Fappelle man- geur de boeuf ; les dieux demandent et exigent m6me des sacrifices (!)• Si les dmes des b6tes sont de la nature des n6tres , c'est leur rendre service que de les d^livrer de pareils corps (2). Enfin, pour 6tre ri- goureux , ne faudra-t-il pas s'abstenir aussi d'oeufs , de lait et de miel ? Ne faudra-t-il pas 6pargner les plantes, qui, aprfes tout, sont anim^es? C'est-i-dire, ne faudra-t-il pas mourir de faim (3) ? II n'importe guere de tirer du livre de Porphyre ses arguments g6n6raux sur la necessity d'une lutte energique , sur les appetits qui s'accroissent et se d6- veloppentquandonlesnourrit, et se taisent quand on les dompte , sur I'inutilite pour un philosophe de la force d'un Milon , sur les heureux effets d'un re- gime frugal pour la sant6 de T&me et du corps. La m^tempsycose , rdme des bfites et les sacrifices, sont les questions qui I'appellent et qu'il a toute raison de d^velopper avec plus de soin. II diploic beaucoup d'erudition sur les sacrifices , et traite ce sujet avec une liberty d'esprit et une ind^pendance philoso- phique, qui sont un de ses traits distinctifs, et qu'on ne retrouve au m6me degr6 chez aucun ecri- vain de cette 6poque. II attribue aux prfitres Tinven- tion des sacrifices sanglants, hommages d^risoires dont les dieux se detournent avec horreur , et qui d6gradent en nous la nature humaine. On n'oflrit (1) C. 18, c. 20. (2) C. 16. (3) G. 15 et 17. 168 DOGTlUiXES D£ POAPHYRE. d'abord que des fruits et des fleurs ; quand fureut venus les guerres et les brigandages, et que les hommes eurent goilt6 le sang, ils ensanglanterent les autels (1). Part out c'est Tinterfit ou la peur qui a choisi les victinies. En figypte, oil Ton a besoin des vaches, on mangerait plut6t un homme ; mais on y sacrifle et on y mange des taureaux (2). Des philo- sophes, ditil, se pressent autour des statues des dieux, idoles grossi^res de la superstition. Us plon- gent leurs mains dans le sang ; ils triomphent de I'horreur que la nature nous inspire pour ces en- trailles palpitantes , et ils croient honorer Dieu en cherchant dans ces horribles debris le secret de Ta- venir (3)! Les dieux n'ont pas besoin de sacrifices, mais bien les demons malveillants, qui ont un corps, et s'en- graissent de vapeur et de sang. Voili les dieux aux- quels on sacrifie (4). Porphyre n'hesite pas i condamner les sacrifices sanglants malgr6 1' usage qui les autorise et les lois qui les commandent. II est d'un philosophe de de- detruire les usages d6prav6s, non de s'y soumet- tre (5). II ne doit obeissance aux lois que quand elles ne sont pas contraires k la loi superieure, qu'il porte (1) id., I. 2,c. 5. (2) C. 11. (S) G. 85. (A) C. 80, sqq. (5) Ai6 o06' otexai SeXv toX; 9auXot< 6 IlXdTcov ^Oi7{JjoT( arj^Tttpv^iptq^ t6v ^iXdro^ov ouTe ydtp xot? 66oi< elvai (ptXov, oOxe xot? AvSpcirot^ autxfipov, dXkk (UTQi6d\Xeiv jilv TOipooSat el« t6 dtjieivov , el & ji.i?i , autiv icpb^ aOtdt ja^ iirwi- 6dXXeaOau IIep\ die. , 1. 2 , c. 61. DOCTRINES DE rORPUYRE. 169 au dedans de lui. On a vu des Syriens , des Juifs , des' figyptiens braver la mort pour ne pas transgresser un precepte religieux ; et un philosophe apr^s avoir passe sa vie a prouver que la mort n'est pas un mal, hesiterait entre le p6ril et son devoir (1) ? C'est par la purete du coeur et le sacrifice de soi- meme qu'on honore les dieux : les offrandes du me- chant sont vaines ; on n'enchaine pas les dieux par des bienfaits (2). Tant de pompeux sacrifices, 6ta- blis pour entretenir et augmenter la piete , ne font au contraire que fomenter la superstition , et r6pan- dre cette pensee deplorable qu'on pent corrompre par des presents la justice des dieux (3). Porphyre etait pythagoricien ; lui-meme se glori- fle de ce nom (4). Les Alexandrins avaient pris la doctrine de Platon dans ce qu'elle a de plus voisin du pythagorisme ; et c'est ainsi qu'ils avaient cou- tume de dire que Platon etait tout entier dans le Parmenide et dans le TimSe (5). Comme pythagori- cien, Porphyre ne pouvait raanquer d'admettre la metempsycose. Cette doctrine d'ailleurs convenait a merveille a toutes les traditions platoniciennes et aux croyances de I'ecole sur les rapports de r&me et du corps. Le platonisme n'est rien sans la dialecti- que , ni la dialectique sans la reminiscence. La re- miniscence a pour condition r^ternit^ des &mes, et (t) lb»^ ad ccUc. (2) C. 61. (3) C. 60. (A) lb. , 1. 3 , c. 1. (5) ProcK, comm. Tim.^ p. 5. jL7Q DOCTRINES DE PORP^YRE. par consequent elle suppose que notre kme est dans ce corps un h6te etranger, qu'elle doit Fuser comme un v6tenient, et debarrass^e de cette enveloppe, retourner k une situatign meilleure. Quelle est la condition des ^raes ?ivant cette vie? Quelle est la cause de Jeur chute? A quel 6tat sont-elles rendues aprfes la dissolution du corps ? Ce sont li peut-6tre , pour Platon, les sujets de brillantes reveries, mais quel est le philosophe Alexandrin qui prendrait pour de la po^sie les doctrines du Phedre, du Tirn^e et de la RSpubliqtiel Ces Evolutions Eternelles que les Ames accomplissent , dans une sphere celeste, autour de Tessence et de celui qui est au-dessus de I'es- sence; ces chars qui les emportent; ces chutes d'une dme fatiguee , qui s'Ecarte de la route , perd ses di- vines ailes, et tombe sur la terre oil elle prend un corps, ce sont pour Porphyre autant de dogmes sur lesquels reposent toutes nos esperances d'immorta- litE. En effet , tout ce qui a commence ne doit-il pas perir? Et tout ce qui est multiple n'a-t-il pas une ma- ti^re? Et ne faut-il pas qu'une faute ant^rieure , une faiblesse , explique cette Epreuve oil nous sommes soumis , tant de variety dans les destinies , tant de souffjrances k subir ? Les platoniciens qui repondent au mal physique par la doctrine de I'optimisme sont moins hardis pour le ^al moral. lis diront bien que la possibility de pEcher est la consequence de la li- berty et la condition de I'Epreuve; niajis TEpreuve elle-m6me n'est-elle pas une condamnation? N'y a-t-il pas 9 k tout prendre, plus de mal que ^e biei) dans la DOCTRINES DE PORPHYRE. 171 vie? Et puisque nous vivons , ne faut-il pas que nous ayons it& condamn^s k vivre? Nous avons done v6cu ailleurs avant de vivre dans cette union avec le corps ; nous avons joui d'une vie plus heureuse , et nous avons merite de la perdre. Ce dogme d'une existence anterieure, explique k la fois les miseres d,e cette vie humaine, et la difference des conditions et des for- tunes. La chute est plus ou moins grave ; et le corps dans lequel on tombe est aussi plus ou moins mise- rable. II y a des Ames qui rev6lent des corps a^riens; d'autres descendent jusqu'i la vie humaine ; d'au- tres plus bas (1). C'est \k ce que Plotin appelait la premiere naissance. Pour en admettre une se- conde , c'est-i-dire la m^tempsycose , il n'y a plus qu'i suivre Tanalogie. Si I'^preuve est heureuse, si r Ame en sort purifiee , elle retourne k Dieu par Tunification , ou prend place parmi les h^ros et les dieux intermediaires. Elle pent aussi , aprfes une vie coupable, perdre la lumiere des cieux et e^- train^e par le poidj? de la mati^re , dontelle demeure rev6tue, tomber vers ces lieux souterrains, sejour d' expiations et de jSjupplices, d6ja decrit dans la R^ublique^ et que Porphyre appelle J'enfer (2). Lui-mfime ne parle de Tenfer qu'en hesitant ; il rer p6te des traditions obscurement transmises; il se demande si k defaut de son corps, reduit en pous- (1) ik^ vdip ftv $ieT£6r), e6pi7xei afopia, T^^i ^ "^^^ olxsCoi^ 6i(i)pi9liivov* $i6 xaOapckepov jjifev 6iax6ipivi[| au^ffUTov t6 IyV^? tou dtiiVou 9()i>(ta , frirep hrz\ t6 alB^piov , X, T. X. A9. 32. (2) iSJoTC el 6 dSirj? ii%&^v6^ hrci xdico? oxoreivb? , i\ 'l^ux^ xaficep ptjx dico- eicco(iivY) tou dvTOf, fev dfiou Y^Yvexat, ^9eXxo(iivT) '^ et6-R(vir)v dit6 tyi? Toiayrn? 06pea><. Herm.^ Stob.. Heer.y p. 1005. (2) Saint August., Cit4 de Dieu, 1. 10 , c. 30. (3) ^Tt ToCvuv IloptpOpio? jjikv d90{jLOiol[ r^y ^^X^^ "^^^ itfiffiv, jjl^voutov xaO* SauT^v fiXii hrti, Jambl., icepl >7c(va< ^v t^i Oe(^ (iavtoi^ , ygX fkoupyttf, ^^- iteiv 8ei, xai\ el (jl^j V) ^^x^ ^^ '^^^ tux^vto^ dvait^dxTCi y^-^fi^au Lett d An$b* p. IX. DOCTKINBJS DB PORPHYRE. 179 au nombre des dieu% incorporels , ont cependant un eorps , en d^pit de la thtorie ; quand il s'eflbrce de jM'ouverqu'au lieu d'6tre, comme on le pretend, une inspiration divine, Fextase n'est qu'une maladie passagere, une surexcitation violente de la sensi- bilite et de Timagination (1) , ne semble-t-il pas feire la guerre & sa propre philosophic, et renoncer i toutes ses croyances? Suivant Eunape, Porphyre, derenu vieux , tomba dans des contradictions (2). On ne saurait en douter, ces contradictions qu'Eu- nape lui reproche, les voil&. D'abord s^duit par des superstitions accreditees , la pratique de la philoso- phie , la maturity du jugement , peut-*tre aussi les excis oil quelques-uns se pr^cipitaient autour de lui, eveillent ses defiances, et changent en scepticisme sa preqiiere cr6dulit6, II avait d'ailleurs embrass^ une croyanee qui demande une foi bien robuste, tant elle est ecart^e des voies naturelles ; et dans salongue car- ri6re, comment le doute n^aurait-il jamais traverse son esprit? Comment surtout n'aurait-il pas ete trou- ble par les consequences extremes que Ton commen- cait a tirer de ses doctrines, et de celles de son mattre? Porphyre poss6dait une erudition presque universelle. II avait tout etudie , tant6t en eclectique pour concilier, tantdt en critique pour combattre. En lm*m£me s'unissaient un bon sens impitoyable, une (1) /*. , p. TV, ^i i\ <]/ux^ xauTa Xiyti xe xa\ (pavrdajexai, xa\ hrtX taOTri? itoIOyj be (JitxpcdV aiOuYlidtosv iyti.p6\>.v^ciL , ;totc Oe(i>pCa(; JvavTfa? xaT^^iice , ic£p\ &v oOx Iotiv Srepdv xi Bo^dCeiv fl fttt TrpoYwv Sxepoc J5d|a^ev, EuQ. , Porph* y a9CpY^(JL(ai{. (1) « Contri prophetam Danielem duodecimum librum scripsit Porpbyfius , nolens eum ab ipso , cujus inscriptus est nomine , esse compositum , sed & quodam qui temporibus Antiochi qui appellatus est Epiphanes, fuerit in Ju- daed, etnon tarn Danielem ventura dixisse, quam ilium narrdsse praeterita. Denique quidquid ad Antiochum dixerlt , veram historiam continere : si quid autem ultr& opinatus sit, quia futura nescierit, esse mentitum Et reges per ordinem digerit (n. Dan.)« et annos enumerat, ac manifcstlssima signa prae- nuntiat. Quae quia vidit Porphyrins universa completa, et transacta negare non poteratf superatus historiae veritate, in banc prorupii calumniam ut ea quae in consuDimatione mundi de Antechristo futura dicuntur, propter gestorum in quibusdam slmilitudinem sub Antiocho Epiphane impleta contendat. Cujus impugnatio testimonium yeritatis est —Saint J^rOme, Preface du Comm, sur DanieL—QU Saint J^r6me, dans son £pttre ad Pammachium^ 1. 1, Yallarsii, p. 314 : Hoc quippe impiorum est, Ccisi, Porphyrii, Julianl. — Et dans son £p. ad Demetritidem de F'irg, serv. , t*d. , p. 990 : Denique et apostolus Petrus nequaquam imprecatus eis mortem, ut stultus Porphyrins calumniatur, sed Dei judicium propbetico spiritu annuntiat.— Les fragments qui nous restent de la pol^mique de M^tbodius contre Porpbyre ne contiennent point de ren- seignements bistoriques. — Saint J^rdme cite le vingt-sixi^me livre d'Apol- linaire, et Euseb. , 1. 18, 19 et 20. i: (2) Saint Augnstin, Cit4 de Dieu, 1. 19, c. 23. nQuelques-uns seront sans doute surpris de ce que nous*allons dire ; c'est que les dieux ont d^clar^ que le Christ ^tait un tris-bomme de bien , et qu*il a 6i€ fait immortel ; mais ils assurent en m^me temps que le ^^hr^tiens ne valent rien et sont dans I'erreur, et ils les d^crient beaucoup. » 182 DOCTRINES DE PORPHTAE. Oracle qu'avec beaucoup de pr^cautibns , et comme s'il en rougissait. U en attribuait un autre k Apd- loil (}ui contredisait te premier. Get oracle d'ApoUon est c^^bre (1) : « Quelqu'un dyant demand^ k quel dieu il deyait s'adresser poilr tetirer sa femme du christianisme , ApoUbh lui rt t)oridit : « il vous serait peut-6tre plus ais6 d'^crire sur I'eau ou de voler, que de gu6rir Tesprit bless6 de votre femme. Lais- sez-la done daiis sa ridicule erreur, chanter d'uni^ voix lugubre un Dieu mort, qui a 6i^ condamnd publiquement 4 une mort cruelle par des juges trfes- sages. » CeS oracles , cet ouvrage de Porphyre ^ ces longues etudes auxquelles il s'^tait livr6 pour rScririe, inoritrent bieh ique tout en continuant de me- priser le christianisme, on commen^ait A en avoir peiir. Les Alexandrihs voyaient dans cette religion nouveile Tennemi de la civilisation et surtout leur ennemi* Jamais j usque -li aucune religion n'avait aspir6 au m6me point 4 Id domination des esprits : jamais la liberty de penser n'avait et6 si serieu- sement menac^e, Le christianisme avait ce Carac- tere d'intolerance en matiere de dogme qui doit 6tre le sighe dislinctif d'une religion vraie; il 6tait done d6sign6 par cela seul k la haine des 6clec- tiques tels que Porphyre , qui voulaient tout conci- lier, et non-seulement tes philosophies entre elles, mais toutes les religions avec toutes les philosophies. (1) lb. On a quelqaefois suppose quMl s'agit , dans cet oracle, de Porpbyre lai-m^iiiB et de Marcella. Mais il n'y a pas lieu de croire que Marcella fOt chr^Uenne , du molns aprte son mariage. D0oiitffms rm poErarafi. 16S 11 attaquait la religion cbrdtienoe dafis son foad , parce qu'elle iie pouvait que triompher (Mi p^ii^ tout entit^re ; il attaquait les autres oultes seukM* ment daus ce qu'ild avaiedt d'exclusif , pr6t h ao^ cepter leurs dogmes en les interpr^taht , pourvu qa^il lui fut permis de les rattacher h la religion universeUe. Gette indifiTerenee des formes particuli^es que re^ v6t I'esprit religieux , cette fusion des diff^rents oultes dans la religion naturelle , c'est-i-dire dans la phild^ Sophie, n'est ntiUe part plus nettement enseign^e que dans Porphyre. II proscrit les sacrifices, il d6- daigne les idoles; mais il rattache toutes ces tradi- tions k une origine divine , et il y voit des portions de la v^rit^. II donne & la philosop^ie un caractSre religi^ui ; il concilie la tradition et la liberty. II ap^- pelle le philosophe « le prfetre du P6re, 6 xov i^axpk lepeu^ (1) » . Gomme le pr6tre qui preside aux cdr^m6^ nies d'un culte^ connatt les expiations n^cessaires ii ceux qui s'approchent du sanctuaire, le philosophe, consacr^ au sacerdoce uhirersel, doit apprendre aui autres hommed par quelles vertus, par quds hom- mages ils petivent se rtendr6 agr(§ables au grand Dieuv dont tous les autres sont les ministres et les cr6a- tures (2). Quoique attentif k placer partoUt la y^titi m6taphysique au-dessus des symboles , la vettu au- (1) nep\ die. f 1. 3 , c. 50. (2) Kttl SyrK&p 6 Ttv6? twv xaxa jjipo? Iepe0« , gjiiKipo? xti^ ISpOaew^ Ttbv dyaX- {idxcdv aOxou, tu>v te dpYiaofjucbv xa\ xeXeTcov , xaBdpaecov xe, 3ck\ tuv 6(Jio£(av, oCtuk 6 tou hnX icdwiv 6eoO lepe6<, i^iKipo^ "RC aOxou d'^(ik\MXOfj^i.id^^ xaddp* 9cc6v xe xal Ta>v dX^v , 6i' (ov auvdicTexoi T(j> 6e(j>. /6. c. 69. iSk DOGXAINES D£ PORPHYRE. dessus des sacrifices, la meditation et Faiuour au-* dessus des pri6res , il est le premier ft proclamer la n^cessite du culte ; seulement il veut un culte 6pure » digne d'une Ame libre et intelligente (1). Nous de- vons un culte aux Dieux, dit-il, pour les honorer, pour leur demander, pour les remercier (2). Ceox qui n'admettent pas de dieux, ou ceux qui admettent des dieux sans providence , ou ceux enfin qui tout en reconnaissant la providence, pensent que tout ar- rive d'apr6s des lois n6cessaires que les dieux ne peuvent changer, tons ceux 1ft rejettent avec raison la pri^re, car dans leur syst6me elle est inutile. Mais la pri6re est raisonnable et sainte pour tons ceux qui adoreat des Dieux ft la fois ihtelligents et libres. La pri6re des justes est surtout efiicace ; elle produit une sorte d' union des dieux avec les justes qui sontleurs semblables; c'est une loi de la nature que les sem- blables s'unissent. Enferm^s dans le corps comme dans une prison , il faut prier les dteux pour qu'ils nous d^livrent de ces entraves. Ce sont nos veri- tables p^res , nous devons les prier comme des en- fants exiles de la maison paternelle. Ceux qui refu- sent de prier les dieux et de tourner leurs pens6es vers ces modules de toutes les vertus, ressemblent ft des orphelins , onchopeQ a[xa xot a/xi^Topec eofxa<7(y dvai (3). Apr6s Porphyre, les Alexandrins se sont efibrc^s (1) nep\dx., 1. 2, c. 61. (2) Ib.,c.2^yt.3^. (3) Pr. Camm» Tim., p. Oft. DOCTRINES DE POJaPHYRE, 185 d'admettre toutes les religions positives comme des formes diverses de la religion universelle. Porphyre aurait voulu se passer de ces fables dont il rougissait, de ces sacrifices qui lui faisaient horreur. Tant6t il les admet , plus souvent il les rejette ; partout il re- commande la piet6 envers les dieux. Ces doutes, exprimes avec moderation, lui ont cout6 son in- fluence. S'il avait nie sans reserve ce qu'il se conten- tait de critiquer, personne autour de lui ne I'eut compris. II est probable que lui-m^me n'allait pas jusqu'au bout de sa tendance; mais son esprit, ses croyances , son instinct , tout le poussait Ji faire de la philosophic la seule religion, a la donner aux hommes pour unique maltresse. Le malheur de la philosophic , si c'est un malheur, et e'en etait un du moins aux yeux de Porphyre, c'est qu'elle ne pent prescrire que ce qu*elle d6- montre, et qu'elle pent a la rigueur demontrer la n6cessit6 d'un culte , mais non de telle ou telle pra- tique sp6ciale. EUe restera done toujours dans la re- gion des principes, soit pour la morale, soit pour le culte ; el par consequent, elle ne dira k per- sonne le dernier mot de la vie pratique. Elle suffit abondamment a celui qui pense par lui-meme, elle n'est rien , ou presque rien , pour I'esprit qui n'a pas I'intelligence de ses demonstrations , ou la force ne- cessaire pour les appliquer. Le peuple a besoin que Ton pense pour lui; il lui faut une casuistique, soit qu'elle lui vienne des moeurs Stabiles, ou des lois, ou d'une religion positive. La philosophic ne pent i^ D4GTK1NE8 DK FOftPHTAE. qu'^clairer le l^gislateut*^ te niaitrfe; le t)rot)hiBte. feUe nfe se passeta pbs de cet iUVet'ibgdidire. On n'616ter4 jamais assez le niveau die* eiprlts pA\if aeTttiair p6^ jjulaiw 6n restant philbsdt)he. 1 DOGTRINB DB JAHBLIQUB. 187 CHAPITRE V. DOCTRINE DE JAMBLIQUE. Vie de Jamblique dans Eonape. Ses miracles. Gredulite d^Eunapd et ses scrupules. Entreyue d'AIypios et de Jamblique. Philoso- phie de Jamblique. II admet trois dieux. Triplicite du second diea et dn troisieme ; septenaire. Dieux intermediliires ; leur hie- rarcbie , leur nombre. Psychologie ; Jamblique abaisse Tame bu- maine , et lui refuse le don de Textase , afin de montrer plus fortement la necessite de la theurgie. Traite sur les my stores. Get ecrit n^est pas de Jamblique , mais d'un dbciple de Jamblique. li commence par etablir nettement Pinneite de Pidee de Dieu en nous. Cette ide'e est le fond meme de notre raison. L'incompre- faensibilite de Dieu n'exdut pas la doctrine de la Providence. Ac- tion de Dieu sur le monde par la Providence et par la grace , et du mohde sur Dieu par le culte et par la priere. LMntervention de Dieu dans les choses humaines n^altere pas son immutabilite. Divi- sion des esprits en quatre classes. Demons malfaisahts. AppariticAs* MavTtxKJ. Necessite d'un culte materiel. Le seul moyen de con- naitre Dieu et de Phonorer comme il veut I'^tre , est la theurgie. Nous avons vu l'6cole se modifier profond^ment en passant de Plotin h Porphyre. Au lieu de telte grande m^taphysique de Plotin, pleine de nouveauti et de hardiesse, ardente, emport^e, 6trang6re ad monde 5 la nouvelle philosophie est temp6rte, r6gu- li^e» pratique m^me, autant que le comports la nature du mysticisme. Porphyre est 6clalr6, disert^ abonda&t^ plutdt ^rudit que savant, plutdt z^ltg qii'en- thousiaste, partage entre la fid61it6 qu'il croil devoid 188 DOCTRIIVE DE JAMBLIQU£. & son maitre et le besoin imperieux de discipliner sa pens^e et de regler sa vie , 6pris en toutes choses de la r6gularite et de I'ordre , et cherchant pour son ecole ce que Plotin avait d6daign6 , la popularite et I'influence. Apres lui la sc6ne change encore. Deux points avaient marqu6 sa carriere : sa lutte contre le christianisme , son effort pour substituer la philoso- phic , religion universelle , aux religions positives. II fut vaincu deux fois , avec son ecole par le triomphe du christianisme, et dans son ecole m6me, par Tin- vasion de la th^ologie et de tout cet amas de super- stitions qu*il avait voulu repousser. La chim6re des Alexandrins 6tait d'unir le carac- tere de pontife k celui de philosophe , et de fonder k la fois leur doctrine sur les traditions v6nerables du pass6 , et sur le principe de libre examen. II est sage , il est legitime sans doute, d' accepter le passe de Thu- manite, mais k condition de le donner & juger k notre reason , et c'est une t&che que Tabaissement des es- prits rendait d^sormais impossible. Porphyre lui- m6me y a succomb^ ; cet esprit d'une nature si ferme et si p6netrante , entrain^ par la contagion du mys- ticisme, n*aboutit qu'k des alternatives de doute et de cr6dulit6. Au milieu de ses erreurs, il est pour- tant dans I'histoire comme le dernier defenseur de la philosophic et du sens commun. Apr^s lui, le prin- cipe de Texistence du surnaturel est admis sans re- serve ; on discute encore sur un miracle ; mais au- cune voix ne s'^lfeve plus pour contester la possibilite des miracles. DOCTRINE DE JAMBLIQUE. 189 Dej& depuis plusieurs siecles se manifestait de toutes parts une opposition constante entre cet amour du merveilleux, cet instinct de cr6dulit6 supersti- tieuse, aussi naturel aux soci^t^s vieillies qu'aux premiers Ages des peuples , et cette sagacity philoso- phique , qui 6chappe au pouvoir de Timagination par Fhabitude de rechercher les causes, et de fixer avec precision la valeur des id^s. On ne croyait pour ainsi dire qu'i demi aux apparitions , aux prodiges ; on se sentait k la fois attir6 et retenu; on voulait croire et on ne Fosait. Les platoniciens surtout 6taient combattus entre I'unit^ de Dieu et le polyth6isme , entre les religions et la science, entre la Gr6ce, id^ale et po^tique , mais toujours sage et mesur^e , et ce vaste Orient tout nouvellement ouvert k Facti- tivite de leur esprit, vieux monde immobile, rempli d'enchantements et de mystferes. Dans ces rh6teurs du second et du troisi^me si^cle qui remontent jus- qa'k Pythagore pour donner un maitre k leur pen- see , une r^gle k leur vie , dans ces paiens idolAtres qui, sous le coup de la loi, bra vent Fautorit6 des empereurs pour 6voquer des genies et accomplir des c6r6monies magiques , on retrouve les disciples de Platon et de Socrate , les commentateurs ^riidits et p6n6trants d'Aristote , rompus aux mille artifices et aux subtilit^s de la dialectique, armes des m^thodes les plus infaillibles pour la critique et la discussion, telaires des plus vives lumiferes sur les plus hauts probl^mes m^tapfaysiques , nourris de la lecture d'Homfere et des grands poetes, dignes enfin de vivre 19P ppGTainiG DB JAtfB£.K)IIE. siQu^ P6ricl6s, et d'entendre la parole inspire de Platpn. lis vivent dans le pass^ et dans le present, et lepr esprit pensa et ressent k la fois tout ce qu'il f^jit pour secouer les prejug^s, tout ce qu'il faut pour les subir. La yiQ de Jamblique et sa doctrine d^montrent l^galement qpe, de son temps, la superstition Ta d4ft- nitivement emport^ sur la philosophie. II n^ose plus resister, comme Porphyre , k rentrainement g^n^ral. }\ est plus de son temps , parce qu'il est un moins grand homme ; et c'est pr^pisement cette faiblesse de son csractere et de son esprit qui lui donne tant de prise sur ses contemporains, et Thieve dans leur pen- sep au-dessus de Porphyre et de Plotin peut-fttre. Jamblique 6tait de Chalcis en Cel^syrie (1) , d*une origine iUustre et d'une famille ricbe et puissante. AnatoUus fut son premier maitre de philosophie , et c'est par lui qu'il connut Porphyre. On s'est de- many deurepa fi^ft^/c^y p6 sigoi^ pas n^oesfiair^meol le successeur de Porpbyre; et Ton p^ut aussi bien entendre par \k celui , ou Tua de ceu^ qui , sous Tau- tQrit^ de Porphyre , partageftient ?ivec lui la dir^ctioQ de r^ole. Cette ^^^plioatioa fait disparaitre T^n^bar- T9» qu'on dprouve k compter pour le succ«$^ei)r di- rect de Porphyre i^n p^ilosopbe dont fiuuap^ p^rle une seule (ois, av^ \me sort^ de dedain, et qui u'^ pas laiss^ d'autre trace dans rhistoire (1). Rencitorf » public, daas Ibl J^ibHiiftfyafmf grfcg^e, up f^agm^nt d- un traite sur tes Siyf^fHffAi^fa et les AntipeUlM^, attri- bv^ k un Anatplim; n^ijS rien pie prp^v^ ftp'il s'agifi^ de celuji-d (2), Pou^qiipi ce); AnatQlius p'ayrait-il paf^ 6te pour Porpbyr? g§ ipie PQrpJiyr^ l»*i-m^P et Amelias ava^ent ^ pAur Plotin^ iOuv xal d6ta(peTov , xa\ 4y*^06i81c , xat jiivov ev iauxy xa\ auvTfivtojxevov , xa\ TotauTa YVcopCajiATx TTTj? Oicepoj^Tj? itapaSiSdxadf tou jx^aou, xalTrjv 9upiitXY(pco9iv auv- DOOTfU?)^ DB JAHBLIQVS. 109 Dieu, car Tunite qui enye\oppe les monades u'est pas une hypostase unique , dans la precision severe du langage th^ologique des Alexandrins, il disait d^ ce premier dieq qu'il est simple , indivisible , excel- lent, imputable, qu'il poss^de , en unmot, tousles attributs qui conviennent k la plenitude de la per- fection. An second dieu , qui servait d'interm^diaire entre les deux autres, et completait la triple unite du divin , il attribuait la puissance feconde qui en- gendre les dieux inferieurs, la vertu conciliatrice qui fonde Tunite des hypostases divines, la pleni- tude de la force , la source de la vie divine , le principe de toute efficace, la cause premiere de tout bien. Au troisieme dieu qui 6tait selon lui le pro- ducteur du monde , il donnait la vertu generatrice qui enfante les emanations; il en faisait la premiere force vitale dont toutes les autres n'etaient que des applications ou des derives. Jusque-la cette theo- logie reproduit assez exaqtement celle de Plotin, Tunite, Fintelligence et TAme ou le 3y;/jttoup7oc ; mais pour Plotin , ce sont trois hypostases , et pour Jara- bliqvie trois dieux dont chacun, pris k part, con- stitue une multiplicite hypostatique. Le premier dieu , cette unite qui enveloppe les monades, porte oLYOvtoc Ttbv TOtouTwv , t6 •^o'vuaov tu)v 06tbv , xa\ t6 (juvaYwybv twv Tpiwv , xal xh Tn? evep-fetoc; (iitoi:>^TfipcoTtx6v, xa\ t6 tti; 0£(a(; ^toTi? YevvYjTixbv , xa\ t6 icpoYbv icotvrl , xai t6 dyaBoupYbv xdfXXicrxa ^ziy\uiLxa 'ki-^ou^i, ToO Sk Tp.Cxou xal STijitoup- YouvTO? xbi ohjL Ti; foyi\LO\j<; -npoo'Sou? , xal xi? xtbv alxUov 8X(ov iroiY^ jet? xal ffuv- o^^C xd? T£ dcptopiopivai; 8Xa; xoi? et6eaiv alxta? xa\ x^? irpoloujai; itdffa? SYijAioup- yCa; , xqtl x6 fijioia xouxoi? xexjiY^pta xiXkirza, (iva5t6dicov, Procl. , Comm. Tim. , p. 94. 200 DOGiniAE D£ JAMBLIQUE. aussi, dans la langue de Jamblique, le nom de triades intelligibles , ta; vonxac, zpidixc,. Quelles sont ces triades ? Consistent-elles dans la trinity meme de Plotin prise intellectuellement dans sa perfec- tion absolue, isolee de tout mouvement, et supe- rieure a cette m6me trinity , lorsqu'elle se reproduit a un degr6 inferieur dans le monde de la plu- ralit6, et que, dans cette transformation et pour ainsi dire dans ce second exemplaire d'une m6me existence , elle possMe deji moins de perfection et de simplicity et par cela m6me plus de fecondite et de vie? Nous voyons du moins, comme pour con- firmer cette hypothfese , que le second dieu n'est deja plus intelligible , c'est-i-dire perceptible par la pensee pure, mais seulement rationnel, c'est-a- dire concevable par la raison discursive ; et qu'au lieu d'enfermer, comme le premier dieu , les mo- nades parfaites ou idees absolues , ou nombres pre- miers, il enferme les grands dieux , c'est-a-dire ces m^mes idees transformees pour la premiere fois et poss6dant desormais la fecondite creatrice. Ce premier et ce second dieu , dont le premier con- tient des triades intelligibles, et le second, les trois triades des dieux intellectuels , constituent le pre- mier sept6naire (1). Pourquoi le nombre sept? On le comprendrait ais^ment par I'influence du pythago- risme ; mais il n'est pas facile d'expliquer comment (1) IIep\ fi^ rr[^ ev Ti{jau}> toO Atb? 67i[jLioupY{a? ypdUpcov, \uxbL tA? voTjTdi? Tpia- 6oi? , x«\ T3t<; Twv voTiTwv 6£(bv xpel? Tpid8a? iv t^ voep^ JAM^UQUP, s^eme dim es^t 1^ Jwpiter cr^^teor ^t orgwioateur du CruHyle. II parte aujssi 4'up quatrieme Jupiter c^r- l^ste, ma^i^ alors sans doiite il descend dans le opionde visible (1). Le trpisi^me dieu de Jaial)lique est ea meme temps le createur et tout le monde intelligible* II est le rnond^ intelUgiWe par participation et nan par es? sepce, puisque le second dieu lui-m0ine n'est que vQsp6«. «Nous appelons nK)nde intelligible, dit Jam-? bUqi^, la premiere cause, le principe d^ tout ce qpi e^t, les mc^^les intelligibles du monde, et en- fm toutes les causes de tout ce qui existe dans la nature des choses; tout cela pris ensemble et ra- ni^n6 a I'mwte est dans le Syiftwvpyo^, et est le hr lAiovpr/k lni-m6me (2),» L*eternel ouvrier qui prc^ duit le monde pqss^de done en soi son module. J^piblique en ce point s'^carte de Plotin et de Por- phyry et se rapproche de Proclus; mais en donnant la qualite de Sriptoupyoc k Ykme et non k Tintelligence , il s'6carte au contraire de la route que Proclus doit sujvre , et se rapproche de Plotin et de Porphyre, Le monde intelligible est dans Ykme divine ; mais dans Fintelligence diyiiiie sont les idees dont le monde in- telligible n'est lui-m6nie que la eppie ; et ces id^es sup^rieures se rappprtent ellesrmfemes comme ji leurs ^^1) AXko^ 6 S-^iiitoupY^? Zeu;, cb(; fev Kpatu^tj) Y^Ypaitrat, xa\ AWcx; 6 itp5>T0<; TTi? KpovCa? Tpid6o<;, cJ><; fev Fopyiqt ^^T^exTai, xa\&^Xo^ 6 ditdXuTO?, ib? iv Ttj) Q(i8p(|> itapaS^Sorai, iia\&Xko<; 6. oupavto;. Procl. , Copim* Tim»t p. 207. (2) A^ei YOuv &v toi; uiroiAVTijiao-iv , oOtw Tfjv ivTw? alttq^v xal twv yiy^O^ jxevcov dpx^^ ) ^^ "c^ voY^T^ Tou k69^^ icapa^(!^{j.sTA xaiXou^£v vot)t6v x6(r(iov , x»l 8acK alxte? icpouirap/etv xiU\u^^ twv |v t^i cpujet irdvxwv xauxa icdvxot vOv ^y\xo()\uyfK ^^i ST)piioupY6c iy iv\ 9u>^)^d6ci)v 6cp' ivuxbv £^£i. Pr. 1. 1. JIO^TSIIMB DB JAMBLIQUf, 20ft type3, aux monades de Tabsolu qui sont par excel* leace les nature inteUigibles. Proclus, en rapportant cette derni^re opinion theologique , ajonte ce qui suit : Si Jamhlique a vQulu dij?e que tout est dans chaque dieu , et difE^ remment dans chacun, selon la difference de leur nature, il n'a rien dit que de vrai et d'incontestahle; mais si par cette identity du monde intelligible avec le Createur il faut entendre que le Gr^ateur remplit tout rintervalle entre Tunite absolue et ce monde , rien de plus faux qu'une telle doctrine (1). On volt par ces paroles que Proclus lui-m6me n'etait pas fixi§ sur les distinctions Stabiles par Jamblique dans la Ujlture du divin , et que toute cette philosophie ^tait pleine d-^quivoque et d'ohscurite pour ceux m&npies qui pouvaient T^tudier dans les livres de Jamblique. La th^orie des emanations (2), I'eternite du monde (3) , la distinctioa entre ce qui eat 6ternel et ce qui dure sans commencement ni fin (4) , le con- CQurs des vioi Snuiovpyoi , pour achever ToBuvre du Ay,- limpyk supreme (5) , que ce SYjjtxioupyo; soit Tintellir (1) ToioT* 6^ ^^ywv , cl jUv toOto cTYj|jiaivet , 8iA tSjv Xe'fO{xiv(ov , ftct xal iv t^ STipiioupYtj) itdLvxa feorl STfijiioupYixax; , xa\ t6 6v oiCitb xa\ o vo7it6? xdajxo? , Ioiut^ xeixai , — xa\ ZiQvb? 6' ky\ Yowrepl orO^pa ire96xet , xol\ Saa ToiauTa ,-:->MtV ouSkv 6ap- (j.aaT6v gxaoTov sTvat twv Bewv t6 icdv , &X^ov Sk A^Xw?* t6v jifev SYjjiioupYtxo)? , x6v 8^ auvoxixw;* "Eftv St dTpeittoK i "s^v 8fe TpeircSx;' t6v 8fe &XX(i>< xaT^ ttiv Ifitd- TT^Ta T"?lv OeCav el 6' 8ti imcv vb jiexot^u it^dTo; tou te xda jwu xat toO 4v6? , 6 8Yij«oupY6<; iorl, TouTO -fiSTrj dicopte? d^iov, x. x. X. , p. 96. (2^) Pr. , Comm, Tim. , p. 94 , p. 98. (3) lb. , p. 71 , sq. 85 ,89. (4) lb.,p 70. (4) lb. , p. 121 , p. 348. 204 DOCTRIINE DE JAMBLIQUH. gence divine ou Tame divine , ce sont autant de points qui paraissent n'avoir pas 6t6 controverses dans I'^cole ; mais il n'en est pas de ni^me de la na- ture des veot 3r,/;LtoT>p7ot et du mode de leur intervention. Pour la plupart des Alexandrins , les dieux sont les idees m6mes, ou les universaux, consider^s dans leur action efficace sur la nature des choses, et pour Jamblique , lorsqu'il parle des difKrentes classes des dieux, ces classes correspondent a celles des idees (1) ; ainsi, les dieux que comprend dans son sein le second dieu, sont les id6es les plus elevees apr6s les monades universelles. L'action de ces grands dieux sur le monde n'est pas, k proprement parler, Taction crealrice, puisque le Jrjuioupyo; ne vient qu'au troisi^me rang , et par consequent apr6s eux ; mais quoique la qualite et la fonction de Sr./ixtoupyo; n'appartiennent qu'au troi- sieme dieu , le second est d6ja to t)?; svepyeta; oroTrXripw- Twtov, TO TYjc, ^tiaq ?co)5c yevvriTtxov, to Trpoiov 7r«i/Tt' (2). Son action n'est pas immediate, mais il agit; s'il n'est pas la cause directe de la S/jpnoupyta, il en est, en quel- que facon , la cause eminente. La m6me relation qui existe entre le second dieu et le Jy.movpyo; doit 6tre etablie entre les grands dieux que le second dieu ren- ferme en son sein, et les dieux d'un ordre inferieur, et cependant universels , qui se rapportent au $rr piioupyo(;- Les uns sont les cr6ateurs par excellence, et (1) Kiyti Y^ip (IIu6aY0' "^^^ itep\ Oewv nu6aY<^pa ty MvTrjii^pxw t4v dpiB^ico oOffCav dt$iov elvai \ib* dpx^v , TcpoptaOeardtTav Ttj) icavtb; t2»pavb> xa\ yof , xa\ Td( pi£xa^u 96910^* ixi Sk xol 6e((ov , xa\ Oecj , xa( 6at|io'v(ov 6ta(jiova< ^C- i;av , X. T. X. Fie de Pyth. , Kiessl. , p. 306. (2) Pr. , Comm. Tim.^ p 94. DOCTRINE DG JAMBLTQUE. 205 les autres ne cr^ent que de seconde main , et , pour ainsi dire, 4 la suite (1). Ainsi , par cette action sup6rieure du second dieu qui domine celle du troisi^e et la dirige , cette plu- ralite de causes n'ote rien k Thannonie du monde; et cette autre division qui , dans chacun de ces dieux, place de nombreuses divinit^s inf^rieures, permet k Janoiblique d'admettre une infinite de forces cr6a- trices diverses , et de les absorber en mSme temps dans une force plus parfaite, qui les contient et les fonde , qui tout k la fois s'en distingue et so confond avec elles. S'il n'y avait d'autre cause que le second dieu , le monde serait trop rapproch^ du premier; le troisi6me dieu est done n6cessaire ; mais si le second dieu et le troisifeme, qui n'est en quelque sorte que Fexpansion du second, agissaient seuls et sans le concours des veoi Snixto\)pyoi , le monde ne participerait que de Funit^, ou du moins la multiplicity serait pureraent numerique, et sans vari6te de lois et de formes (2). Dans le syst^me de Jamblique, les vioi 3yifjLtoup7o« sont au second et surtoul au troisieme dieu , ce que les astres , dans le syst^me d' Aristote , sont au moteur mobile (3). Proclus combat cette pluralite de ^yjfjtioupyou Le sen- timent de Jamblique lui paralt inconciliable avec r unite du monde. II n'importe que Jamblique re- connaisse I'unit^ du monde ; le to xevov en pent con- (1) Xva"XoY€t Y^p Tot? icoiYiTixot? xo(s\wa\'i ^vavruofftco? xa\ itpwtoupYO^ alxtoi?, c«K 6 KpiTCa; Tot< iipo9ex^9i» xa\ 6euTepoupYOi^ Pr., Comfit. JVm,, p. 29. (2) Ib.y p. 121. (3) Cf. Arist. , Met. , 1. 12. 206 DecTRmE de jambli^ue. tenir uti nombre infmi, en sorte que s'il y a pHi- sieurs ouvriers , il peut y avoir plusieurs mondes ; ce ijui est absurde en soi , dit-il , et contraire k toiite la philosophic de Platon (1). Cette argumentation n'est que sp6cieuse. Les ve'oi Snixiovpyoi de Jatnblique ne sont pas 6gaux entre eux; ils n'ont pas, chaciin, la puiissance de cr^er un monde , mais seulenieiit une classe des 6tres qui composetit un monde ; ils ne sont pas ind^pendants les uns des autres, et eniin ils se ram^nent tous k Tunil^ du troisi^me dieu ^ dont ils ne sont guere que les vertus. Aihsi pour ne pren- dre que les premieres monades , ou les id6es les plus 61ev6es qui se divisent ensuite en id^es plus now- breuses k imesure qu'on descend les degr^s de r6md- nation universelle ; I'id^e premiere (ou monade qui a pour forme la monadieite) est cause de I'unit^ et de rharmonie; la monade qui a pour forme la duality, ou monade-dyade, est cause de la diffusion et de la difference, izfottdov ytoA dwtxpfoetdi;; la triade^ t>5<; iTrtarpo- 5^ T&p 7rpt)eX9o»Tc«)v ; la t6trade est le Travapfiovtov SvTGt);- Le nombre heuf, compost de trois fois trois , est une nouTelle unite, h veov (ivve^)j etc- (2). Si le nombre des 3y,/^toupyot et la difference de leurs effteacds explique la vati^te des esp^ces sensibles, il reste encore k rendre compte de la multiplicity des individus dans la mSme espece. La r^ponse de Por- phyre, que Tid^e ou le dieu donhe la forme 9p6ci- (t) Comm. Tim. , p. 121. (S) lb. , p. 206 et 214. Toute cette tNorie paralt admifitble k Proclns. OOtci)^ Oau(iia9r^v oujav, ditil ft plusieurs reprises. DOGTamfi DE JAMBLlQtte. 207 fique eotnmune , fet t|Ue la matifite coiistitue la mul- tiplicity num6rique , qwoiqUe conforme h la mani^re dont Aristote interpr^tait la th^orie des idees (1) , ne satisfaisait pas Jatnblique, qui objectait le soleil et la lune, uniques dads leur esptee. II fallait, selon lui , recourir h la nature mCtne des Sy^fxtovpyoi , dont les uns participent de la nature du m6me , et ti*engen- drent que r«nit6 , les autres de la nature du divers , et donnent naiBsanee i la plurality (2). Cette opposition de Tun et du multiple, du m&thk et du divers, se rencDltitre dans toute la natiire, quel- que haut que Ton remoUte dans T^chelle des fitre?. U n'y a que le premier en soi, qui ^tafit I'unit^ par essence , exclut toute multiplicity. Le second est un , parce qu'il tient soft 6tre de Tuflit^ absolue ; el en m6me temps , parce qu'il n*est pas fcette udlt6 feUd- m6me , il participe dtt divers. Dans totlte la sillte des t^manations, dfttts totite la ^ie du irpfjodoG, il y a guerre entre cfes deui prtncipes. De la sUp^rittrit^ de runit6 sur la dyade pi^ovient I'ordte qui t^ghe dans le monde, et des ^forts constants de la dyade pour s'opposer k Taction de sou contraii^e , viennent tes alternatives d'etre et de non 6tfe , de tin et de coni- meocement (jui constituent \k vie et la dur^e db monde sensible. Le monde est done Cofflrtle une i^- publique composee de plusieuiis classes , t>u (}{)mnie deux 6tats ennemis , dont le plus g^n^reux et le plus noble triomphe sans cesse des attaques de I'autre , (1) Mit.\ 1. 1 et 12. (2) Pr. 1.1., p. 1S4. 208 ■ DOCTRINE DE JAMBLIQUE. sans y pouvoir mettre un terme (1). De la cette ex- pression de Jamblique , ^oiKjTtxot /.oafAtni?; lyavrtw- oeor;(2). II donnait pour caractfere k la nature divine prise en general, d'agir et de ne point pAtir. C'est ainsi qu'il explique la lance et le bouclier de Minerve; le bouclier la protege contre toute affection venant du dehors: la lance est le signe du pouvoir qu'elle exerce surle nionde. Le pAtir, en effet, est une mar- que de faiblesse , c'est une imperfection qui provient dans un 6tre de ce qu'il tient du n6ant ; c'est par la que les autres forces peuvent prevaloir sur la sienne et lui imposer une modification. Agir, au contraire, c'est non-seulement se poss6der soi-m6me , se garantir de toute atteinte et rendre effective et actuelle toute lavirtualit6 contenue dans la definition de son 6tre propre ; c'est de plus exercer un empire , s'appro- prier, en les domptant , des n|itures etrangeres , et ramener k soi des puissances inf^rieures comme k la source de leur activity et k la cause de leur 6tre. Udv TO &etov x«i 3pavxp>7 >ta£ iiYjitoiayti)/, dit Jamblique (3). L'activite pent 6tre le signe ou du moins la condi- tion de la divinity , sans qu'il en r^sulte aucune con- tradiction avec les principes essentiels de la philoso- phie alexandrine , car toute activity n'est pas expan- sion ; et les Alexandrins pouvaient dire comme nous que I'identite actuelle de I'fetre et du possible , qui (1) lb., p. 24. (2) lb. , p. 29. (3) lb , p. 48. DOGTRINB DE JAMBLIQUB. 209 est rent616chie par excellence , et dont la fonne ex- t^rieure est Taction, constitue la divinity. Nous ver- rons ce m6me principe de Texcellence de la puis- sance active repris et d6velopp6 par Proclus, qui en a fait par les graves consequences qu'il en a tirees. Tun des traits principaux de sa philosophic (1). Jam- blique n'en avait pas vu toute la port^e; et cepen- dant , ce qui montre bien qu'il regardait la puissance comme un des attributs essentiels du divin, c'est qu'il insistait sur Tenergie de la puissance cr6atrice, et ne donnait d'autres limites h son action directe que la limite m6meder6tre. Laloidud^veloppement des forces est, selon lui, que ced^veloppement ne s'ar- r6te jamais de lui-m6nie, et va k Tinfini, s'il n'est ar- r6te et neutralist par Factioin d'une force contraire (2) . On pent se demander jusqu'oii s'^tend cette ex- pression de Jamblique , to a^ztav. II ne reserve pas ce nom aux trois grands dieux, aux dieux 6ternels, qui , dependant tons du premier, unis entre eux par tons les liens de la generation et de Famour, et sur- tout par la communion de la substance divine , re- presentent sans doute., sous d'autres noms , la tri- nite hypostatique de Plotin , et ne constituent pas une doctrine polytheiste; il appelle egalement du nom de dieux les premieres monades intelligibles , les premiers et seconds dv^/xiovpyoc , V&me du monde, (1) Voyez ci-dessous, livre 5, c. 3 et /i. (2) 6 81 0eto? lijiffXtj^o? oO Staxpi'vei 'zh, u^/TjT^ckepa dit6 tcov xoi>iO'c^pwv t^ ft^etovt p.eTa8o'ffei. Uavxa y^p *XP' *"!? ^^^^ xAtfiwi. Adfiwi f^p ioriv , d»' ou 4v Ti Ap^eTat Ivepvelv , ^^ Tra6ea6ai ftj^pi tcov iffj^dttov , x. t, ^. Olympiodore , Comm, SUP le I" Alcihiade , Cr. , p. 110 sq. II. 14 210 DOCTRINE DE JAMfiLIQUfi. les aslres , qui sont des dieux visiWes pour tous les aticiens et pour lui, les esprits qui habitent les astres ou sont emport6s avec eux daiis leurs erolu-- tions comme des courtisans qui entourent un roi , les puissances d'un ordre InfiSrieur qui president aux lois de la nature , aux 4i^ments , aux saisons , et celles enfln qui ont recu le gouvernenient des choses hu- maines, et que la Providence cmploie k Taccomplis- sement de ses desseins, comme un monarque assigne des provinces aux grands de son empire. II distingue avec soin les dieux , les demons , les demi-dieiix ou h6ros (1); et nous savonis, par le t6moignage una- nime des Alexandrins et des P^res, que dans la science des demons et des dieux ^ et dans Fart de les ^voquer^ il surpassait k la fois ses devanciers et ses successeurs* Distinguer les dieux universels et les dieux parti- cullers , et parmi ceux*cides dieux, des demi^-dieux de diverses espies, c'est cta que Porphyre avaitdejA fait ; et le d^sir de rapprocher leur doctrine de la mythologie, portait tous les Alexandrins k recon- naltre Fexistence de ces divinites visibles et invisibles qu'ils identifiaient ensuite avec les id6es ou les nom- bres pythagoriques, pour concilier le caractifere phi- losophique et le caractere religieux de leur system^ft* Mais Jamblique faisait mieux que de d^cfire toute la (1) Dans la F'ie de Pythagore, et ailleurs, lorsqu'il ^numdre ces distinc- tions , 11 les pr^sente toujours en termes qui Jmpliquent une adh&ion sans reserve : ex, gr. : KaX xaOdXou Totx; piv Osotx; ttov Saipidvcov , lxe(vou; 8fe twv fHj.i9£wv, Tolt^iipcoc 8fe Twv dcv6p(iSic(ov. p^ie de Pf/th,, Kiess. , ip. 80. — Cf., p. 68 : Ot 81 Ttbv T^v ae>^-*lv7iv xaToixouvrwv SatiJidvov Sva, etpass. DdCtRlNft DE 4Alf1ILIQUE. 211 hi^rarehte e41e«te; il savait jusqu'au nombre des dieux contenus dans chaque esp^ce , jusqu'aux lois suivant lesquelles ces espfeces s'engendraient les unes des autres. Ainsi, dans le del il placaitun nombre d^termin^ de dieui, qui d*abard, en vertu de Teffl- cace de la dyade^ en produlsaient le double, et en^ suite le triple en vertu de la triade, puis le quintuple, puis en vertu du sept^naire , le septuple ; doctrine f^eonde, qui devait mettre k raise la mythologie \ il le fallait : Yarron n'avBit*il pas compt6 les dieux par milllers (1)? Sur quoi cependant pouvait se fonder Jamblique pour ^tablir cette gfin^alogie? On ne peot m6me attendre qu'il all^gue une de ces raison» myst^rieuses et Mzarres dont se payent les ^coles de philosophie dans les temps de decadence complete. Aussi ne fait-il aucun effort k cet dgard ; et ces th^c^ea sont sand doute de celles dont il disait dans la Vi^ di Pythagore qu'on ne peut les connaltre que par la r6v61atIon ou la th^urgie (2). La nature des demons , disait-il , et en general de totis les 6tres qui sont au^essus de nous nese r6vMe qu*i grand*peine k ceox qui n'ont pas accompli les purifications (3). (1) Ka\ ^ix.o'? cpY^aiv , 8xi xa? pilv i-redp • 5et? xwv 6aiii6v(ov xa\ iS)i(iii xcov xpetxxo'vwv Tfjjuv Oewpriaat j^a^eitc&xaxdv ^gxt xoX? ji.9| xs'Xiio? ^xxexaBapjjiivot? x6v xtj? 4''-'3C^? voOv. Citou ^e xa\ 'J'^X^? ouffiav xaxi- 8elv od {>d8ovitttvxe. ProcU, (?bthm. ^iv(dv dpx&>v, dit6 piia<; 6Xii« alxia^ t6 -Kki^ ixxpi^xta , xa-rii \kiac^ & aOv- 6ey ^yjan (&)i un autre sur la mQrt (6)t Jamblique, dont T^rudition ^ta|t immense, avait rassemble^ur chaqu^ qu^tiop, lesopinipps de ses devanpiers; et cpmuie ces r^suw^ bistoriques (1) 01 Oeol T?iv el|jiap{jivTiv aov^x^^vxe?, 6ti icavr^? iitavopBoCivTott? i?| 5* iicavdp- OcoaK; otdxcbv tcot^ (Jib^ fXittcooiv xocxibv , irorl S^ itotpaiiuBCav , Ivic^e 6^ xal dvaC- peaty dicepY^i^^'mt* ckp' ou Si^ ^vujofi^vQii ^ tlii4^iUv7\ «ok dYvlQoK > fi|aDe«i|ti^- jjivTi 8fe oOj^ uico^aCvef at Tcoaa icpdi; t?1v AxaxTov 9U«v ttj? Yev^vecA^, OOxouv txi )jbai\Xov 9(j&^eTai V) iteicpoi^iivT^ Si^ ttjc tDtaOxTic iitaivop6ci&9ecdc , xoil t6 icaparp^ltov aOxv^C fiivei xaTa t?1v &TpeicTov tcov Oecov dYaOdrviTai vuve^^dji^VQV , Sidri oOx ^rai 6w)Jpetv el? t?1v 4todctov luTiTjiJLiiiXeiav. ToOtwv 5fe oOtco? i^^dvTtov , td xe dya- 6oetd^< TTj? icpovoioc, Td Te du«e^o69iov ti|? ^'^x^^* '^^ ndvra ^ xdXXiata icoM^ Xfixw, , t% ^uX^i T&v Scow 9uvuicdpxov«tx« iapJ^ ix «?!< «p6< noifiivtQv iroovoXiif, Stob. , Heer. , p. 80. (9) £Xuat 8^ adxi<; icotyxdXbK lii|«d(V , Gn iv Mpoi< ^n«^v 6 D^LdTCov , Sn at |aIv TeXeiovdpai «)ft>x<'^ auveiciTpoice6«u8i vdi x^fie v^ Oeip x«i vuv^ncooocv. «t 6^ d«e- X^orepoii ct>< dpyavov el dt«cpou(iivir;. ]diA6X. it£p\ T«v SpYwv TTi; ^xh^' Stob. , fleer. , p. 886. <1) 01 8» dfffaX^orepov toutwv StaTaTrdtwvot , xo^ itpodSou? itp<6t«?, xa\ Scu- xipa^ y xa\ Tp(To^< oOfft&v tt|c «|/uxTic du9xupi^^(i«voi itpoxcopeXv eU t6 icpdoco , ol'ou<; 4v Ti? 0e(Ti yunit toIj? xaivax; ji^v , dircaforo)? St dpnikaL\t£awo\ijhouv (xepivTOAV , xal xpaTOU(jiivc«>v ev Iv\et6ei, xal $iaipou{iivcov icepl xok 9ii)\iaaw, ouSa(jLCt>< vOyx^^^P^^^^^^ eudu< elvat TaOO* dticep IvepyoOat. 76. , p. 888. (2) Pr. Cdm'm. Tim., p. 811.— Cf. riedePyth.y KiessL, 178. (3) Jb. , p. 321. DOGTiUNE D£ JAMBLIQU£. 217 les s6me dans le ciel et les distribue aux diflF^rents astres ; elles sont egales alors , et cetle ^galit^ pri- mitive absout la justice de Dieu, car c'est 1ft, selon Jamblique , la premiere naissance des Ames. Lors- qu'ensuite elles tombent dans un corps terrestre , elles sont d6jft inegales par Tusage qu'ellcs ont fait de leurs facull^s d'aimer et de comprendre (1) ; mais ce n'est pas Ik la vraie naissance : ce n'est plus que I'union de V&me et du corps, comme ce que nous appelons la mort en est la separa- tion (2). Fidele k cette th^orie de Tinegalite des &mes en cette vie, Jamblique ne goutait pas Topinion de Theodore et de Porphyre , qui laissent subsister en nous un principe qui pense sans cesse et demeure inaccessible aux passions. C'est la, dit-il, une per- fection plus qu'humaine , c'est le terme de nos espe- rances que nous sommes loin d'atteindre ici-bas. Sans doute il y a en nous une faculty qui est la pen- s6e humaine par excellence , mais elle n'est pas I'ab- solu de la pens^e , car elle serait identique avec la pens^e de Dieu ; cette faculty superieure a recu le poivoir de dompter les passions , mais elle ne leur est las inaccessible, puisque le mal moral existe ; il ne fait pas expliquer la nature humaine de maniere i rendie impossible le p^che et I'erreur (3). Ainsi, (1) Cf. Slob«^ Heer., p. 912. (2) Comm. Mm,, p. 324. (3) T( yap tb ^apTavov iy Viiiiiv , fitav ttj? d^oyCac xivTOdduYic i^^^ ixtO^ffTOV cavTOffCav feiri6pdiWH.£v . 5p» q^^x icpoatpeai?; xa\ itw<: o^x «^*^ 5 ^^'^^ T^P '*'^" Tif\v 6iflKp^po|j^v t6v VvTa56£VTwv Ttpoicetto)?* el 6fe i\ icpoaipeat? AjiapTdvei, -rewc ^19 DOGTmN£ DE JAMBLIQUK. tapdis que la lh6iirgie fait des progres dans I'ecole, le veritable 61an du mysticisme d^croit ; Plotin ac- cordait des €6tte vie ridentification de la sqbstanc^ humaine ayec Tabsolu; Porpbyre r^teaait dai)$ Tei^tase la conscience de la persoiomaUt;^, et Jam^ blique marque du fM^eau de la faiblesse buniaine jua- qu'a cette faculty ^up^rieure par laqueUe g'etablit un commeroa ^nt^e 1q divin et mm^ A mesur^ que r£cole attend davantage des ^vpoations et das mysteres , elle sent diminuer sa foil dans la puiiisance de la pens^e et dans les ferventes aspirations de I'a- mour, Jamblique declare hautement, dans la Fie deP^- thagore (1), qu'il e&t difficile da ^avoir comment plaire k Dieu , a moins qua. Dieu lui-m6me na le re,- v^la oq que Yon n'ait recours aux arts tbeurgiquas , « ^ti texvm ^%(oLgmfiXr,z»i (2). Du re&te ii recommandait de vaincra les passions (3) , d'evitar las grands mou-^ vements da T^me (4) * et en g^neriil, ^eloo le pre«- captp platonicien , de tendre vqrs Di^u et de Tiraiter par ^as actas (5), Le traite gur ies My^i^r^ eat la r^futat^on de h IfUxt 4.€ Pofphyre 4 j^n^l^m. Upa traditiqp qui ^e- mouta jusqu'ft Prpcluj attribua cat puvrage k *m- dv«|jLcipT?iTO^ ill 4'yy.^ ; f ( 5^ «^ 15Qio«v eii8a(iJiov« t?|V §Xt)v tjitav ^oir^ i x. Ti X. Pr., 1.1., p. 341. (1) nede P., p. 138; Kiess. , p. 290. (2) Gf. it., 93; Kiess., p. 202. (3) Ib.y 228, 153, 78, 205; Kiess. , 448, 320, 168, 410 ^^' ^'^m P«a8, iQ7;W?l».»1i42,^ap. (A) /ft., JQO;I^Jess.,p.402 {5) /§,, ^,sq.iK^ss.,p, 186. PPGTIUNf PS JAMBUQUfi. 219 blique; U est plus probably qu'oD le doit k qual- qu'qn de aes disciples (i) , mais dans tous jfes caa 11 a du 6tre 4crit dans son ^cole et pour ainsi dire sous ses yeux, L'hypothese m6me qui le donne k Jamblique n'^st pas sans vraisemblance : ou y re«- toouve son style k la fqis correct et depourvu d'416- gance ; Porphyre y est traits avec d^dain et m^xa^ av^ une sorte d'animosite sourde. Oa a demapde pourquoi Jamblique aurait r^poqdu k uue lettre qui ue lui 6tait pas adress^e direptement : mauvaise ob- jection ; comment ne pas voir que dans cette lettre , Porphyre pense d'autant plus It Jamblique , qu'il le cite moins? € Cette lettre ^ dit Tauteur des Mysieres est envoy^e k Ap^bon, mon disciple; mais j'ai tout lieu de penser qu'elle s'adresse^ moi (2)t » Pourquoi Porphyre a-t-il pris ce detour? C*est qu'il ne veqt pas ^crire (lii*ectenient k soq disciple devenu son ad- versaire et son adversaire heureux^ Quand le faux AbamrQon sei*£(it ep ^ifet le maitre d'An^bon , il n'en resulterait rien de poHtif^ puisque Jamblique avait uno ecole, du vivant m^me de Porphyre ; et d'ailleufs si ra«teur 5; oiaiscc (3), Tintelligence qui s'engendre elle-m^me du sein de I'unit^ immobile, et devient la source des id6es et de I'j&tre (4). Seulement , le dogme de la Trinity, et I'action du dwiovpybz ne s'y trouvent pas clairement d^termin^s, et on ne les apercoit pas davantage dans les details qu'il donne ensurte sur Emeth , le premier des dieux celestes, sur Eicton , la premiere intelligence , sup^rieure encore h Emeth, sur les noms divers de Tintelligence que les £gyptiens appellent Amon , quand ils consid^rent son efflcace, Ptha (le Vulcain des Grecs) quand ils n'adorent en elle que le dieu supreme de Tart, Osi- ris, etc. (5). Quelques mots confus sur la production de la mati^re et son organisation peuvent conduire (1) Sect. 8, c. 2. (2) Cr. Sect. 3, G. 20, sq. (3) Sect. 8 , c. 2. (4) II faut remarquer cette expression lauTbv i^iXapL^/e , qui indique un nouvel effort pour cooser?er intacte rimmoblliti du producteur dans Tacte m^me de la g^o^ration. C'est Ik le grand earactire de ce traits. Foy^z d-dessous , la doctrine de la grtee, p« 231. (5) Sect 8, c. 3. 222 DOCTRmE DS JAUmOU^. 6 penser qu'il distingue , k peu prfei de la m6me focoii qoe Porpliyre, le 3t;;xioupyo; et le Pfefe (1), et i0V, ^i qlje rfBK^ique. la raison allermAmB est ^ 4maatp i^axplicabto} et ceppr^teodtts prH)cipe^ doot txmt r^tre ^gt emprant^, ae repqsaat plus siif uae Qotion sup^rJaure k ^ux-qidmes, y^anouisdent, 11 &nt done dire av6c 1^ SDCcesseurs da P|otin : f Notire pens^e possMe dass son fond la peps^ de ra})6ola ; k peasde de T^bsolu fonde toutes oos pensdos et p'en Ti^lte pas; ce a'qst que par eUe qu'iine liunierfi toille dans notre esprit ; eUe doone et ne revolt point ; ^e telaire tout et pi^n nfi r^plairevelle est aurdesr- aus de la rajispn, et pourtant elle est la raiap? ^Ue-t- II y a line di£p§rence eatre 5a¥oir que rbomioe est iini et di^prire les ^ttributs d« eette natUFp imparr foite; compFOiidra mto^o ce que ^'e^t que Timpeis- ieptiou dans un dtre injparfait, ce n'est pap ai4>r(>- fppdir la na|;ure et l^a attributs de cet gtre qua TifUr per^tion linute sans le constituer. Pa m^me.^ qous aavons que Diau est at qu'il eat in^i, at Qou^.poiir vans d^rminar en une cartaiqa masura la iiatwe da rinftuitd, sans pour cala couipr^re las attributa (1) titti o03^ X^ov icep\ Oecbv dvsu 9ewv XaXetv duvoc^v ^ k, t* X« 6^1, 3 , *$* 18.«^-a. Se«t. «t c. S« ipfiiHd de Dieq. Pine ieou» faii^Rs 4e prc^i^s dtoa }fi cowpri^bewioA 03 .ii dire que oet 6tre » h qui riafioite «ppvUe»;t , npu9 «$t mcQRlpr4be^sibl^^ Uaa sa peut qja'^m mim^ e&prit copnaisse avec i¥i^BnQB qpe h p^rfQction abs^due ei^iste ^ at qu'il n^ npha paA du m^e coup que tput ce qui ^st perfeo tioo dao^ uu^tre le ropprocbe da piait qua toutoe qui astjaiapKiue at privatiou Fau dlpigna* Da 14 cette tendauce ^ donn^r k Diau t9ut ce qui 8«mb}a una perfactiou daua Ja cri^Uu*a ; teodauca U^Ume , puis- qua tout ^^ est awuemuiaut cQuteuu dixm ia Bein da Dieui mai$ coptra laquaUa U iaut «a tenir ap garde £i eUe dait avoir pour r^sultat de foire Dieu /^ Botra imaga, Pw Tld^a que 110U& ^vam da ])iau , Dieuw^t infiui et iiicompr4bau$i^e; par |es prauvas qua nous avops da la Proyidenca, Diau e^t Jt)ou« intalUgent, puisr 6aut« Ge u'ast pas que nous arriyio^ par ca^te voia detoum^ h con^praudre D|eu ; jrp^s par 109 ai0^t$ da sapwwapcei mfm voy^usquUl u'y ^ mn «n iul qui ressemhla A la u/^tioa de rintalUgeuca, da la boutii, da la puis&auce. Jiws lui douuops ae^s attriliut«H {occe qu'i]b» ^xprimapt pe qua «pmi coauaia^ous da plus parfait apres lui , avec cette r^serva qu'il qa lap poi^d^l^a^ BO«0Ji« foroMt qua uou«^ CQuuais^oni, II laa pos^e 6miuam{^ntral)(iolHmputtir ^s enfants, sur m^rite de les perdre. S'il est banni et exclu de la soci^t6 de ses citoyens , et coDime du sein maternel de sa terre natale , ils sont bannis avee lui k Jamais. Pleurons, mallieureux enfants d*un p^re Justement proscfftfel laiiHty .i-)^^ ; r. 10 u , c .1 , A .n'*^ (n) 232 DOCTRINE DM JTABIBLIQUS^ les passions et de nous rapprocher de Dieu (1). Ni le premier des dieux, ni le choBur celeste qui I'entonre ne peuvent souflfrir de violence (2). Quand les dieux nous font des gr&ces, ils le font de leur propre mou* vement ; nos pri^res nous mettent seulement en ^tat de les recevoir. Comment dire que les pri^res , qui delivrent des passions celui qui prie, en supposenl dans ceux qui sont pri^s (3)? Quand les dieux cedent en apparence k nos invocations, la divinity ne. des- cend pas, c'est notre&mequi s'616ve (/!.)• Si quel- quefois les dieux sembtent ob6ir k la voix du pr6tre, ce n'est pas que I'liomme agisse sur les dieux ; ce sont les dieux qui agissent sur eux-m^mes : les cere- monies sacramentelles operent leur eflfet par ell^- mfemes sans notre concours. L'observance des cer(5- monies myst^rieuses , accomplies selon le rite sacr6, et la puissance ineffable des symbol^ que les dieux seuls comprennent, en d^truisant les diilerences qui separent les especes, operent des rapprochements auxquels le pr6tre est etranger. U n'est que le d6- positaire d'une force dont il n'apas Tinlelligence , et Torgane d'un plus grand dieu (5)* Quand il me- nace les dieux, ce n'est pas Thoipme qui parle^ c'est le ministre d'un dieu sup^eur, ou pluldt c'est ce dieu lui^m6me par la voix de son mi- nistre (6). Ainsi, Dieii resteimmuable, sup^rieur au (1) Sect.. 1, c. 21. ^^^:ti''^-^-^''-'^" i....„. ,....! „ (&) Ibid. a. Sect. 2, c. 11, Sect. A, c 1. (5) Sect 2, c. 11. (6) Sect. 4> c. 1 , 2 et 3 ; Sect. 6, c. 6 ; Sect. 5, c. 7. . « , ^ , , DOCXaiNS D£ JAMBUQUE. 233 temps et au mouvem^t, inflexible dans sa justice » constant dans ses desseins, k la fois gen^reux et inexorable. De sonsein, en m6me temps que T^tre et la vie , decoulieat a grands flots tous les tr^sors de la grace; tout homme est appel^& les recueillir, pourvu que par ses vertus, il ait fait de son esprit et de son cceur un vase digne de les recevoir, ou que , par une expiation accomplie suivant Tordre des dieux ou de leurs pr^tres, il se spit purge de ses souil- lures (1). La volont6 des dieux ne s'accoinmode pas k celle du pr^tre, c'est le pr6tre qui, par Tefficace du sacrifice se rend conforme k la volont^ des dieux (2). Dans cette conciliation de la doctrine de la gr&ce avec rimmutabilite divine , le pr^tre ^gyptien est le pr^curseur de Malebranche (3) • Yoilk toute la partie vraiment philosophique du Traii^ des Mysteres. Le reste ne contient plus que le polythi^JLsme et la th^urgie. L'auteur fait cependant quelques efforts pour 6chapper aux objections les plus redoutables de Porphyre. II nie formellement que les dieux soient nnisk des corps {k). S'il y a des (1) H 6' oOte iv TTj iconri^eX Te T^ 8iotxou{i£voe d^Odvw?, jj.dvet Sk Tmkb pia'XT^ov Icp* £«ut7i?, tQ9Q(nif (idX^ov rf\^' Si jA€TaXait6dvpvTa , Wia iawn^^ ditepYdCeTai , xal aCJ^ti )jky awT^t itavxeXw?, jjiivet Sk fev koLvni Terete, %cl\ aoX>aii6dvet jifcv ocOtd dfpia ^v iaot%, Cm'dO&vd? y* « l&kv IxeCvcdv oO'ce xpaxEiTat , outc icepi^^^Tai* {idTnv ouv if^ xoioiurn 6icdvoia icape« voxXet Tot? dvOp.V djjiepCoTio^ (Xicavxac xaxepYdJ^exai , x. x. X. Sect. 3 , c. 17. (2) Sect. 5 , c. 3 et 0. .^ >: . (3) royez le 7>at . t . , .> 284 DOCTItmB DE JAMBLlOrUB. dieux tisfla^s, tels que le s (4) Sect. A, c. 5. a , p m^^ m (5)Sect. l,c.6. .«.3.t..t.^, U tfairlv^ pas k son but dtf prettiter (toup i Ttiiie &ti^ gendre bM eftts et se gouverne sans sof tif d'ellcf'' mdme, sand perflt^ son fmmtilaMlit^j Fautre s*ap- pllqiie h Son {)rodtrit, s'eri acenpe et s^y trait en»que^ que sorter Les dieux oftt nne {6rM soriveraine et incc^npr^tienilible 4 lis Jodissent *e \^ eontinuelte pir^senee dn dieu absolri, ils sent analogiies i I'har- aionie univei^telle, il9 partidpent de-ki J>eatit6 itttek ligible (i}< lis sent tons Mertveillants. Las Almt malfaii^antd dOnt parte Porphyfe soot ies d^taons cFt fim> pas des dieui (9). de ^tA les enn^mis des di^i ^ el I'aiitewr des Myites les appelle des ovftSrot (S). Mobd Q^gligeions cP6ntim6rer aprts Itri les dftferenteS da^^s de dienx fntdligibles on visibles (&), Tordra de g^eration deifr demons , des h^ros et des Am^i* (5); n ne determine pas avec precision A quelle classS appirrtieiit le nom d*ange, cependant il d^dare que par la bienveillance des djeiix nnd Ame pent s'^ewr ao TBiig ^pihieur et d^tetiir a]>g^liqMf (6) ; il semble dotic^iietes Images nes(sdisfibglf«8ffpoiiiidMMFOd «i' d«sdei9ii-di)^ul. Il ^sipl»S€lx|^idte«ti* feft «ti^lrtl€0M at )««f H ^dlBtt». Poi^f^re avalt d^mnndd h (pM si^ie ,^' dansmie apparition i oft peirt dlstmguear mitre mn tin OleS^ Ml mge^f nm kKbange^ vtir 4^tti€«i ^ «de prinh^ cipaiiti, WM Ami; Ab^mmMi r^pofidiV^fcVaBMranee' (1) S«ct. 1 , c. 7. (2) Sect. 1, c, 18, •" ~^ ■ (3) Sect. 3, c. 31. . . ^ (4) Sect 1 , c. 19 et 20. '^' ' ^ * • •■ ^ ' (5) Sect. 2 , c. 1. •*£ •» ,C .too3 .pp8 V .» , 5 .to»3 (i^) (6) Sect. 2, c. 2. •^C -^ #« -^i^a (ft: 336 DOGTA»(B DB iAMIIUQ|]E« d'un prophete & qui toutes ces divinit^s sont fami-* litres. Les apparences des dieux sont stoaples^ et cette simplicity d6croit avec le rang de Tesprit 6vch quL L'aspect des dieux est salutaire, celui des ar- changes est k la fois doux et terrible t les demons et les archontes scmt redoutables (1). La beaute de Tapparition, sa nettet^, sa grandeur different aussi selon sa dignity. Quand e'est un Dieu qui descend, il semble que la terre ne pourra le contenir (2). Chaque espece a ses dons qu'elle communique aux initio : les dieux donnent la vertu, la sant^ du corps et de Tesprit; les demons, au cootrairet des maladies d'es- prit et de corps ; les heros exaltent le courage ; les archontes ont les mains pleines des richesses de la terre ; les &mes excitent k la generation (5). Les dieux apparaissent entour^s d'anges , et les demons ven^ geurs, environn^s de tout Tappareil des supplices dont ils sont les ministres (&)• Au-de$sous de ces quatre classes d'esprits excel-* lents , il place les mauvais dtoions , qu'il appdle des imposteurs et les conseillers du crime. Ge ne scmt pas Ik des dieux , dit-il , SEiais le contraire des dieux , selon le langage des Ghald^ns, o&« &) xai ^Lakwof At- ziBiw^. II ne saanque pas d'admeftre la thitorie de la possession des mtebants par ces dii^mons impurs (5) , de m^me qu*il reconnatt Fexistence d'un d^mon par- (1) Sect. 2 « c. 3. (3) /6., c. 4. (3) Sect. 2, c. Set 6. (4) Sect. 3, c 7 8qq. SecUBiCai. ., (5) Sect S|C.2i. •./«.!. BOGTRINfi DB JAMBLtQtlB. 257 ticnlfer poor chacun de nous (1). Cette derniAre th6o- rie estd^velopp6e dans le livre des Mysteres^ avec un soin extreme, et elle y devient Toccasion d'une dis- tinction pen importante aujourd*hui, m6me au point de vue historique, entre Fastrologie et la th^ur- gie (2). Vient eiisuite la divination. La dirination n'est point uiie d^couverte des hommes , c'est un present desdieux; elle n'a pas d'autre origine (8). Porphyre a eu le tort de confondre les songes que les dieux nous envoient avec le sommeil naturel (4). Pendant le songe sacr6 , notre dme , separee du corps et vivant de sa propre vie, roit les intelligibles, et par eux elle connait Tavenir; car les intelligibles sont les causes primordiales de tous les 6venements (5). La divina^ tion , par le moyen des talismans , est obscure, dou- teuse, clandestine, et due & de mauvaises pratiques(6) ; il con vient cependant que du froment, des cailloux , des morceaux de bois peuvent 6tre dou^s d'une vertu divinatrice ; non pas que la vertu de Dieu les traverse ou y s^joiime, ce sont \k des m6taphores emprun- t6es k la matifere, et la divination n'a rien de cor- porel; mais Dieu, qui pour nous anime et vivifie la mati^re , 6veiIIe une intelligence et fait luire ses (1) Sect. 9, c. 1, 2, 0, 1, 8. (2) lb. , c, 1. (3) Sect. 3, c. 1 , et sect. 5, c. 25. (ft) Sect. 3, c. 2. Cf. Sect. 3, c. 23. (5) Sect. 3 , c. 3. (6) Sect. 3 , c. 13. On se rappelle la condamnatlon de Th^oddre et des philosophes qui lui a?aient prddit I'empire. yoyex cl^apris, 1. 4, c 2. (1) Sect, 3. c. 11. plartiji 0u U iui fi^u l\ pr€»4 W i4JiQ!t.pQttr smt pit^ ph^^ U fait voir aux bomm^ que o^m qyu> a £»it les Loi^ de la oaturQ est au^^^ssjias^ d'elbss (i). A qiH^ 3igne& peutK>n reconoaltre les yrais pro- pbiteB JAspir^s de J^n ? Ilf^ yivient en J>mn^ pow; lui., par Iui* lis oublient ou perdent Tusage de leurs-sexis ; ils ne septentp^s le ieu dont oi^ lea brulei, oi les coups du cQuteau ou d^ la bacbe* Ils marcbent siir reau; ils traversent les Qamnies. lis ne viirent plus dis la via die rhomme , m de ceUe de Tanimal (2). lis ne.soi^ pip? qijie riaplTuia^t du Pi^n doot ils sQut pQS3^d6s(3). Lepr bomcbe^.e^ projoon^ot raveoir, o'ob^t pas h leur propre imppl^ixm , paais k celle du Dieu (4.}» Au jpipweat da riu^pira^ion, une gerbe d^ feu d^cepd du del (5)^ On enteod diss concerts; le prophete est transfigure « ^ t^Ul^ gi^anditvU est em- port6 dans les airs (6), On se rappello le x^t d'Pu- nape dans la vie de Jambliq^e9 et Cjs^ fe]rvonte^ pri&res qui le ravissaient h.diJi coud^es au-^dessus du sol (7). $clfurj6 peut^tre par sonjpdigpaljion contre sou dis- dple , et s^i^i«8ant le vr^d ca^acti^re de cp mysUcispie grosi^er, sans ^ap pi eatbou^^iasmg , n^ d^ la super^ stitipn ^^i^^ d«s temp^ d>ba^;^eai«at moral » Por- phyre avait prononc6 cette dure sentence : Tout cet (1) Sect. 3, c 17. (2) Sect. 5, c. ft. (8)/6.,c. 7. (ft) i6. , c. 8. (0) Sect, 3, p. 5. (7J Toyw cl-dewus, p. IW, illDi^iiii^Qe o'est iipa6m*ex Xoyw (5). Ainsi, k partir de Jamblique, Tficole abandonne (1) Sect. 5, c. 15 el 20. (J) Jb. , c. 16. (3) Sect. 10, c. 1. (ft) /ft., c. 3. (5) Sect. 10 , c. 0. 11. 16 2/t2 DOCTRINE DE JAMBLIQUE. ouvertement la philosophie proprement dite; et comme, dans les premiers Ages de la pehsee, la phi- losophie 6tait sortie des nuages de la th^ologie , c'est aussi dans la theologie qu'elle vient se confondre et se perdre sur son ddclin. DISGIPLBS BT SUGGBgSBUES D£ JAMBLIQUB. 3^3 CHAPITRE VI. PI3CIPI.ES £T SUCC£SS^UHS DE JAMBIJQUE. Theodore d'Asin^, disciple de Jamblique, a-t-il ete le maitre de Proclus? Analogic de sa doctrine avec celles d'Amelius et de Nu- menios. Exposition de sa theologie. Sopater ; son credit a la cour de Constantin, sa mort. Edesius cede a Eostathe 60^ ecole en CappadocC) ets'etablit a Pergame, Eustathe, Sosipatra, Anto- ninus. Disciples d'fidesius a Pergame, Maxime, Priscus, Chry- santhe et EusSbe de Myndes. Th^odbre d'Asine occupe certainement une place i part dans rhistoire de F^cole d'Alexandrle. II ne nous est rest6 aucun ouvrage de lui ; mais Proclus le cite perpetuellement , avec des temoignages d^ad- miration qui montrent assez qu'il le mettait sur le rang de Pdrphyre , et & une faible distance de Jam- blique. On Tappelle toujours le grand TliiSodore , Tadmirable Theodore , i ixiyoi<;, o Sraufxaato^ ©ed^wpos, le grand, pour le distinguer d'un autre Theodore, ami de Proclus. A Fexception de sa patrie, dont le nom se trouve of dinairement accole au sien , nous ne Savons rien des circonstances de sa vie. On voit, par une phrasis de Damascius, dans la Fie (fflsi-^ dare (1), qu'il avail €t6 disciple de Porphyre; Eunape (1) PUoUus, Cod. 242, p. 563. Pal)rlclti», BibL fl^r., ^. Harlcs,!. 3, c. 4, p. 100. 2/i/i DISCIPLES £T SUCG£SS£URS D£ JAMBUQUB. le cite ^galement parmi ceux de Jamblique (1). Ges deux assertions sont aisement conciiiees, puisque Jamblique fut le successeur direct de Porphyre et ouvrit m6me son 6cole du vivant de son maitre. A ces deux noms il convient d'ajouter celui d'Am61ius; car Theodore, qui peut-6tre ne suivit jamais ses le- mons, et ne le connut que par ses livres, pent, i bon droit, passer pour son disciple et son continuateur, Proclus, en exposant les opinions de Theodore, manque rarement d'ajouter qu'elles sont conformes au sentiment d' Am^lius ; et quoique ce dernier ait 6t6 un disciple trfes-assidu et tr6s-fid^le de Plotin, quoiqu'il ait d^fendu Plotin de I'accusation d'avoir pill6 Numenius, il est acquis k Thistoire, par divers temoignages, et il r^sulte de la comparaison des doctrines, qu'Am^lius et Theodore se sont fr^quem- ment inspires des Merits de Num^nius. lis resolvent dans r^cole un caract^re particulier, par suite de cette influence ^trangere ; et le trait le plus saillant decette affinity avec Tillustre n^oplatonicien, c'est qu'ils ont admis Tun et I'autre , h son exemple , trois Srnuovpyoi, ou, pouT parler plus clairementy trois dieux au lieu d'un seul. On ne pent gu6re supposer, chronologiquement, qu'un 61eve de Porphyre ait 6t6 le maitre de Proclus, et cependant nous lisons, dans le commentaire de Pro- clus SUr le Tttnee : TotaOra yap 3?>couaa xai ToO 0€odcopou cpi}*o- aocpoOvTo^ (2). La conci iation de cette phrase avec les (1) Eun. , JambU Et ^oyex d^dessus, I. 3, c. 5, p. 193. (2) Pag. 2^6. DISCIPLES ET SUCexSSEURS.DE JAMBLIQDE. 2&5 passages cit^s de Damascius et d'£unape a beaucoup embarrass^ les ^rudits; et ce qui accroft la difficult^, c'est que Marinus , qui 6Dum6re avec tant de soin tous ceux que Proclus a eDtendus(i), ne mentionne pas Theodore; c'est que Proclus lui-mSme, qui professe une sorle de culte pour la m^moire de Sy- rianus, B*a jamais exprim^ sa reconnaissance pour Theodore, qu'il cite sans cesse arec ^loge. U. Cou- sin (2) , interpr^te difKremment Ymovca de la phrase de Proclus et lui fait signifier que Proclus a entendu dire cela de Theodore et non pas k Theodore , en sous- entendant Ttepi au lieu de Ik, comme il y en a tant d'exemples. Cette explication concilie tout. II n'est pas aise de reconstruire le sysleme de Theodore k Taide des indications de Proclus. Pro- clus regardait lui-m^me comme une t&che difficile de donner une id6e de cette doctrine compliqu^e ; il la resume Jt diverses feprises, et soifc qu'il h6site sur quelques points ou que nous ignorions un detail n^cessaire , ses r^sum^s (awo^tv;) ne s'accordent pas toujours entre eux. Cette restitution vaut pourtant la peine d*6tre tent^e; on en sera convaincu si Ton songe que Proclus cite toujours Porphyre , Jamblique et Th6odore, comme les trois maitres de la philo- sophic alexandrine avant Syrianus et apres Plotin ; et rien d'ailieurs n'est plus propre que cette 6tude k 6clairer les doctrines si peu connues d'Am^lius et de Num6nius. (1) Marinus, Fie de Proclus. (2) Fragm, IJUt.y art, liunape, p. 231, 3&6 DISCIPLES ET SUQCBSttBUltS DE JAMBLIQDE. Nous nous serviroiis principalenient iTun passa9e du commentaire de Proclus sur le TimSe ^ dans le- quel , apr6s avoir d6clar6 que Theodore ^ guid^ par Numdnius, a explique, d'une fa^on toute partku* li^re, la g^n^ration de r^ine du monde^ Proclus ajoute : Iva ouv xac xi torero) doxovi/roe m>yTtffAa>4 iywfitif vhA" xE^aXaeoc^. Ce passage se trouve k la page 225 de Tedi-* tion de Basle. Suivant une doctrine dont nousn'avbns pas trouv^ de trace dans Plotin , mais que Ton pent M]k entre- voir dans Am^lius et dans Jamblique, Theodore, au lieu de s'en tenir k une trinity » en admet cinq. Au- dessus de toutes ces trinites , il place Tineffable, Fin- comprehensible source de tout ce qui est, la cause de toute perfection (1). Cette premiere hypostase (ikap^tO n'est point le premier terme d'une trinity ; elleestau-dessus et en dehors des trinities dont elle est la source. Entre cette premiere hypostase et les trois drifxtoupyoi, Theodore place les dieux vonrol et les dieux yoepou TofTtei de ainoyq {roh^] dvjjtxiovpyoyc) ovx eu6u; fxtxA t4 h/f dXX tTii Ta5s Twy vor/Twv xt zal voepfiv &£Wi; (2). CcS dieux intelligibles et intellectuels (yoy;Toi x5; ^wy?^ (!)• Conunent faut- il entendre ces distinctions? Le to dvat ant^rieur k retre est-il la forme logique, ant^rieure k la r6alit6 concrete? Cela ne parait pas trfes-conforme au g^nie de la dialectique ; mais quoi I les stoi'ciens ont bien cru Tester fiddles k la m6thode dePlaton, en mettant le quelque chose au sommet de la hierarchic des id^es, comme un genre commuu k Tfetre et au non-6tre! Theodore veut-il atlribuer k ce qu'il d6signe par les mots de to dvai^ to voerv, to ^yjv, une plus grande energie , une actualisation plus parfaite que celle qui est exprimte par ces mots to ov, o vov;, yi ?w>7, comme quand on dit, pour exprimer Tidentit^ par- faite de Facte et de la puissance dans rent616chie premiere, qu'elle est plut6tle penser que la pensee? Les indications manquent pour decider cette ques- tion ; et Proclus ne nous dit pas non plus quels sont les termes de la premiere trinite. Peut-fetre sont-ils les mfemes queceux de la seconde , avec la difference pour chacun du voyitov au voepov Immediatement apres le sept6naire, c'est-i-dire apres la triade des dieux intellectuels , viennent les (1) Comm. Tim.y p. 225. DISCIPLES EX SU€GESS£URS BE JAMBUQUE. 2&9 d>;/iuoup7oi, ou plutdt la trinity d^miurgique. Pour celle-ci, Proclus nous en d^crit tr6s-exactement les termes : il place au premier rang Ffitre , au second rang la pens6e, au troisieme r&me divine, qu'il ap- pelle la source des ftmes iB ik dr^uiovpytx)} rpii^ fxtxi Tavta? iaziy Trpwrov fxlv tyovaa. to 6v, Seutepov de tov vovv, TpiToy Se TYiv Kfr/TiV rm t^u^wv (1). Cependant , il semble ailleurs se contredire sinon sur la nature deces trois ^Tipitovpyot , du moins sur leur ordre. Nous cilerons tout le passage, parce qu'il parait susceptible de. deux interpretations : 0e63ft)po(; ik (xtrd toutov (lapiSX.) Tperc [lev AfiOdca ouve7rof;.evo^ dvai (fYiai ^yj^xiovpyou^. Tatrei is ainovq oujt ti%^ fjiera to h , «XX em Ta3e twv vor,T€>v re xa« yospuy Sitiov' orroxaXei ds to fxev oiavi>in vovy, to ds yoepai/ ovoixv, TO 5s TDiyr/V ^'^x^^ i^)' ^^^ *^^^^ termeS, owjioiAr} vow, voepa outjca, 7:yiy>7 ^'^x^'^ ' doivent-ils 6tre pris pour equivalents de ceux que nous avions tout k ITieure , TO ov , 6 vouc , Knyrj twv ^x'^^ • Cette interpretation se presente la premiere, et I'identite du troisieme terme dans les deux passages lui donne une certaine force, Cependant, on ne pent s'emp6cher d'6tre frappe de cette contradiction qui met ici le vou; au premier rang , Ik au second. Rien de plus grave aux yeux d'un Alexandrin. lis peuvent disputer sur la fonction, mais non sur Tessence; ils attribueront , par exemple, la fonction de hi^iovpyk au second ou au troisieme terme , quelquefois m6me ils s'exprime- ront k cet egard de deux facons contradictoires selon (1) Comm. Tim.^ p. 225* (2) U,y p. 9k. 3tH) mSGIf LES ET SUQQBSeBURB DE JAMBUQUB. le poitit de viie particulier qui ies frappera ; mais il n'en est point qui ait Bi§par^ T^tre du counaitre ; il n'eQ est point Burtout qui, apr&s avoir etabli Tor- dre hi^rarchique entre les trois hypostases « ait vari4 sur cette doctrine, qui est k leurs yeux le point fon- damental de tout le syst^me. D'ailleurs , si la distinc- tion ^noHceedans le dernier passage se rapporte aux dfjiuuovpyoU pourquoi Proclus a-t-il dit , ro (xev, ri S$i et non pas zht ffh, x^ 8^? Rapportez cette distinction k xo di rto^ defiy yer^tdv ts x«i vot^&w^ et k la xpid^ dnfiiuvpyv^ri f la phrase sera moins iucorrecte, et la contradiction entre les deux passages disparaitra. Ce que Proclus ajoute imm^diatement, xai tov (xiy aScacpeToy, rw $k tk oXa ^pufxiyov f xiv di xai Djy ek xot xaSsKaoKX $i»ipzaLV tts- TtoiYifiivtiVf ne semble pas bien s'appliquer k la xpi(x<;$Yr pbwpytR^* Quelle distance n'y a-t-il pas, pour un Alexandrin ^ entre un terme indivisible et un ternie non-seulement divisible, mais auteur de la division universelle? Se peut41 que dans une doctrine sif6- conde en distinctions « une m6me Iriade renferme des vnocpinc, aussi ^loignees Tune de Tautre? Au con- traire » les termes conviennent k merveille, etTordre est exactement conserve Bi Ton rapporte ovaic&dv}<; vovq k la tpia4 voritjj^ voepte oCacdc k la xpvi^ voepci, et Ttmyfi ^;^dv k la xpta^ dvjfjuoupyui}. Seulement » il faut en convenir, il paratt difficile de donner aux dieux intelligibles Iq noni de yoO^, et k la triade dvjfxtoupyutifi pour noni commun , le nom de sa troisi^e dfrfcp^i;. jWais cd n'est pas Ik une objection radicale ; et si Theodore a bien pu donner le nom de to ev k toute une triade , 11 a DISCIPLES ET SUGG68SEURS DB MMBU^B. 951 Wen pu Tappeler aussi le yoO^. Qu'on ne disc pas que ces deux denominations se contredisent ^ et que , se- lon la mdthoda constant^ de IMcole » I'uQit^ est au^ dessus de rintelUgence; oar il est Evident que si Theodore appelle la premise trinity to {v> c'est une unite essentielle, t9 ov9i(k>d(c w,ro iy hv, et non 1q to enhewa roS 6vxo<^ Or k to ey ly est ordioairement con* sidere comme analogue au yo&<;^ et on log reunit presque toujours dans la m^mei hypostasq. Enfln cette interpretation semble ui6me d'autant plus pro- bable, qu'il y aurait ainsi deux unites diff(6ret)tes dans le syst^me de Tbeodore, to initewai xb h chrXwv, et TO ey oy 9 to frpuToy oy xal 9tp6»Toy yoQSy« La Contradiction signal^e plus haut entre deux applications de ce tuot Funit^i se trouverail par Ik detruite. Si Amelius et Thtodore, en ^tablissant trois drr fttovpyol 9 voulaient seulement distinguer trois fonc-* tions diverses, trois aspects du m6me dyjfxwupyoi;, Pro- clus ne repousserait pas une telle doctrine ; mais il s'agit pour eux de trois 3r;(/ioupyo( r^ellement distincts , ce que Proclus ne croit pas conciliable avec Tunit^ et rharmonie du monde (1). Bien plus, Theodora fait de chacun des dnfj^mpyol , non-seulement une mo* nade distincte, mais une trinity nouvelle* II voit dans chacun d'eux un moyen terme et deux extr^mes^ Ainsi , ce n'est pas seulement une trinity qu'il place apres le sept^naire, c'est une trinite de trinit^s : TptT0<; Sk 0 QaufxacjTo; ©soJwpot; , ty}v drninov(tyiyir,v zfdidx Sioti- (1) Pr., Comm. Tim.^ p. 4. 252 DISCIPLES ET SUGGBSSEURS DE JAHBLIQUE. povjuievo;, %ca ev exacrrri juiovadc, Trpwrov xal f;.eaov xat Te^Eurawv opwv, X. T. X. (1). Nous avons vu Am^lius introduire des divisions analogues ; seulement, Am61ius reserve le nom de hi».m^yh<^ pour le dernier terme de chacune de ses trois trinit^s; tandisqu'ici par une complica* tion nouvelle, c'est chacun des 3yj|tztovp7o« qui devient une trinity , comme nous le montrerons plus tard ; mais cherchons avant tout quelles sont ces nouvelles trinit^s, et d'abord quel est leur ordre. Faut-il pla- cer au premier rang la trinit6 de I'fitre , de telle sorte quelle second dr,(xtovpyo; , le vov(;, ne vienne qu'apres le troisi^me terme de la trinit6 du premier? Proclus est trfes-explicite sur ce point. La trinity Jnfxioupyijt)?, dit^l , vient la premiere avec ses trois termes : dnh ii 'zaixri^ t>5€ rptaJo; (3yi^iovpyiK>5;) ofXXyj rptas , y,. t. X. (2) ; et il ajoute que cette seconde trinit6 ^mane de toute la premiere , de telle sorte cependant que chaque terme derive surtout du terme correspondant dans la tri- nity Sup6rieure : flv vMitTai 7rpo>5X9e piev otto Traarj? t>5<; Arr jtAtovpyix:?; rpiado^, oXXa juioXXov Yt fxev otto tou ovro^, ii it dnih Tov voO, >7 de OTTO T>5; tiriyaUc.^yjyifi^ (3). On peut donc indifii^remment distribuer ces trois trinites suivant I'ordre des drijutoupyol , ou placer d'abord les Jr^fttoupyol , puis les deux trinites inf6rieures ; et tout compense , ce dernier ordre d'exposition paratt avoir 6t6 ordi- nairement pr6f6r6 par Theodore. Yoyons maintenant quelles sont ces deux trinites (1) Comm, Tim, , p. 98. (2) 76., p. 225. (3) ib. STSaPLES £T SLGGBSSSURS J>B JAMBUQGB. 258 iDfiSrieures. La premiere peut Stre appel^ , d'un nom commun , la ^yrj , et la seconde Favroi^&ov* La t{/vx>3 vient en effet apres la zpux(; fefxioupypt)?, car Proclus nous dit dans un autre passage, que Theodore admet deux intelligences au-dessus de I'dme , Tune qui con- tient les idees universelles, I'autre les id^es particu- li^res (!)• Quelles sont ces deux intelligences? Sans contredit la triade des dieux intelligibles , 6 ov(ivi>h<; yov<;, et le second 573j!J«oupyo;, vou<; /uiepotc&Tepo;. PfOCluS dit encore ailleurs , qu'apr^s chaque principe (c*est- i-dire apres chaque drtfito^ipyoi) vient une Ame, ce qui fait en tout trois dmes ^ V&me qui est la source de toutes les autres, Vkme universelle, et V&me du monde (2)« Enfin , il dit express^ment dans le passage que nous avons pris pour guide : Atto de Tavrrj^ t>5; Tpiado^y oXXt} xpti^f )) aixo^\>yYj9 ym n xaGoXov^ nod in toO TioLvroc, (3). II appelle ici odno^Yi ce qu'il appelait tout k YheuvemyY} twv f^rj^t^v, etje serais tent6 de voir dans cette seconde appellation une inadvertance de Proclus ; car le troisi6me Sw/jiioupyo; portant ce nom de iryjyiS iJ/vxSv, se peut-il que le second terme du premier dn[iio\)pyk » c'est-i-dire le premier terme de la seconde trinity drifimpyuYj soit d^siguig de la mSme fa^on? (1) 01 Sk dvoytipw x^powv^sc , 6uo vrfoi? itp6 aO-nqc 0^VTec, t6v jib^ twv 5>i(ov xbt/i Wo/i ixoy^fXt t6v 6^ t6v (jtepuuov , toOtcov eTvai (fctaX (jl^^t^v i«>< die' dji^oTv 69eaTaiiiv7iv. Outw y^ip d XOYivaio? (XiT|VTi?'4V aCtxb xaX icTjYaCav, ATL^nv tJ^v xaSo'Xou, dX>L7jv ToOSe toO -rcavK^. Pag. 206. (3) /6., p. 225. 254 BISetPLBS ET SUGGB8SBUAS D£ JAKBLIQUB. La troisi^me trinity Sn^mpyiyJi est moinsclalremeDt Bp^cifiee par Proclus, et donne lieu i d'assez grates difficult^. Puisque les infuo\)pyoi sont places apr^ les vovrroe' re Kai voepoe Seoi , et quO Chaque Syj/xioupyoi; COm- prend deust extremes et un moyen, comme nous Favons tu prec^demment , il est clalr que nous de- vons avoir trois trinltes apr6s la derniere trinity du sept^naire; Nous avons Jusqu'ici la trinity des 3>j- fxtoupyoe et la tiioite des Ames : quelle peut 6tre la Iroisieme? Elle ne peut 6tre ni Tfitre, ni rintelli- gence, ni rien qui leur soit analogue; car Tfetre et rintelligence existent dans le septenaire , et par con- sequent ne doivent plus se retrouver dans Fenn^ade dyifjitoupytx>5. D'ailleurs, la trinity que nous cherchons, n'est ni la premiere , ni la seconde de son ordre, mais la troisieme. Elle est plac6e au-dessous de la trinite des ftmes, et il n'y a pas d'exemple d'un Alexandrin subordonnant I'etre ou rintelligence h la f^^xri. Un seul terme, necessaire k la construction d'une th^o- logie neoplatonicienne , n'a pas encore 6ie employe jusqu*ici ; c'est Y auTo^65oy, la cause exemplaire, L*av- To^oMi/ doit 6tre en eifet la troisieme trinite $n[impyix^ , et je ne vols pas que Ton puisse inteipr6ter d'une autre facon le passage suivant de Proclus : 0$d3ci)pQ(;3i , IxaoTov rwv d»fAWVpy^v Tptrv/jv t/iiv njy wap^tv "kiy^v, xb h l)C(^aTcp Tp(Tov> avToi^coov dim Trpoaccyopsusm (!)• Alusi Se trouve accomplie Tenn^ade drj/xtoupytx)? , comprenant les trois dy^/xeoupyoi , les trois ames et les trois causes (I) Pag. 130. DISCIPLES £T SUGGfiSSEURS DB JfAMBLIQUB; SI55 exemplaires ; et ces trois trinit^s , r^nnles aux denx trinites du septenaire, forment aussi tin nombre sacr6, le nombre cinq, Ix t^g d^iSoc, avroiS roO e fAoyou* Mais il reste deux questions r quelles sont les dispo^ sitions int^rieures de la trinite de Favroijwov? Com- ment Theodore a-t*il pu placer Vaxko^a^v au-dess6tts der&me? Sur la premiere aucun renseignement ne nous est fourni, et c'est un point que Ton ne saurait (Sclaircir par des conjectures. Sur la seconde , Produs semble accuser Theodore de n'avoir pas d^terniinS sa doo- trine avec precision. Dans le systeme de Theodore, dit-il, chaque Jyjfxtoupyo; est une trinite dont le troisiSme terme est la cause exemplaire. Le Sn[jLiovpyoq poss^de ainsi la cause exemplaire au-dessous de soi dans sa propre trinite , mais il apercoit cette m^me cause sous une forme plus parfaite dans la trihit^ su- perieure. Ainsi, par exemple, levou;, qui est le se- cond dnixiovpybf^y possfede ravToSwoi; dans la trinity dont il est le premier terme; et cet airoi^mv est la demi^re forme par laquelle il se rapproche, sans sortir de lui- mfime, de la multiplicity qtfil produit; mais, pottr aglr, ce n*est pas ce modele qu*il contemple; e'est FauToSwov de la trinity superieure, le troisi^me terme de la trinit6 dont le to 6v est le principe. C'est ainsi que dans Porphyre Tunlte est le module que contemple le Jyjfxtoupyo; , quoiqu'il existe dans la nature divine une cause exemplaire. Par cette disposition de son sys- tfeme Theodore evite d'altribuer 4 Dieu cette ma- ladie des araes inferieures qui les pousse a regarder 256 DISGIPLBS ET SUG€C$SEUAS D£ JAMBLIQUJS. au-dessous d'eltes , et a teadre au multiple au lieu de seramener iTunite. Mais, ditProclus, Theodore ne semble-l-il pas oublier qu'il a etabli plusieurs causes exemplaires et plusieurs Syjjtjitoupyoi? Si le voi3c , dans son syst^me , a pour module IVuto^wov de la tri- nite de F^tre (to oiaitdStc, ?wov), quel sera le modele du 3-/)f;.toup70(; de cette m6me trinite de Fetre (o ouaiw3ri^ irifiiovpyoc,) (1)? Cette savante th6ologie, si laborieusement con- struite, et qui r^pond k toutes les n^cessites de la pliilosophie alexandrine , montre bien avec quelle facility les esprits s'attachent aux details artificiels d'une hypothese et oublient les principes philoso- phiquessurlesquels cette hypothese repose. Qu'est-ce que la trinite de Plotin? line tentative impuissante, mais serieuseet philosophique, pour concilier Fim- mobility divine avec la production du mouvement, au moyen de la th^orie des proportions et des doc- trines numeriques , si favorables i Fextase. Rien de plus faux et de plus inadmissible que la th6orie de Plotin; mais enfin, cette th^orie repond k un be- soin philosophique , elle a pour premisses une doc- trine tr6s-profonde et tres-vraie sur les consequences qui resultent, pour la nature de Dieu, soit de (1) Tpi'co<; 8fe 6 0auiJ.aTc6? 0eo'6wpo?,TriV STjjuoupYixV tpidSa Siaipoupisvo;, xa\ kv IxdoTTd jiovASt, orptoTov xa\ |ji^aov xa\ Te'XeuTatov 6pwv, t6 Sxaorov d?* ^xiTHj? atjTol^6ov irpojTiYdpeudev, xa\ oOtqc Jcpaxo xbv vouv el? t6 auxo^wov 6pav, el? Y^p t6 ousJiwSe? J^wov dvYipGrjaSat 'Tcpoae}^;^?. Qjxe xa\ xaxi touto, oCty). irpft? t6 aOxo^wov d';co6X^ircov dYijxioypYei, i\ oO itoXkit. tit icapa6eiY[MtTixi alxia , l| oO ira? 6y)ijiioupy6? xotTdl ti irapiSeifH-* f^v olxei'av icpoC^SXtjTai icoCY)(nv , fva jjL-?i t6 TtoioOv el? t4 jieO' lauxb pT^^irov -itotxi , xa\ ouxw xTib tt^^ jiepix? 4*"/^? Otojx^vov >av6av6i irdOo?, Pr. Comm. 7Vm. , p. 98. DISCIPLES BT SUGGESSBURS DE JAHBLIQUE. 257 I'etemit^ et de la perfection absolue, soil de la pro- duction du multiple et de Texercice de la Provi- dence. Oil est, dans Theodore, la trace de sembla- bles preoccupations? II ne songe qu'i repondre aux difflcult^s 61ev6es dans I'ficole sur les rapports des hypostases entre elles , c'est-i-dire qu'il cherche k am^liorer Fhypoth^se dans ce qu'elle a de purement arbitraire, sans remonter jusqu'i son origine, et que, par consequent, sa speculation est toute en de- hors de la philosophic proprement dite. Encore ces pretendues ameliorations n'ont-elles lieu qu'aux d^- pens d'un principe essentiel , puisque Theodore ne detruit les difflcuUes qu'en multipliant les 6tres. Gette theologie repond , dans Tordre de la metaphy- sique , aux exagerations de la demonologie et de la theurgie, qui ne sont d'abord, pour les chefs de rficole , que la doctrine de Tenthousiasme et celle de la grdce, et qui, plus tard, en cherchant de la precision et de la fixite dans des denominations et des divisions arbitraires, aboutissent h ces hierar- chies qui ne manquent en effet ni de clarte , ni de details sur la nature des dieux, et seraient une science accomplie, si elles n'etaient de pures chi- meres. La presence de la totalite de I'^tre , sous sa forme eminente , dans le premier principe , et suivant une proportion decroissante , dans tons les principes suivants, jusqu'i la realisation formelle de tons les etres particuliers , dans le monde de la multiplicite , est une doctrine qui n'est pas propre a Theodore , II. 17 258 DISCIPLES ^t SUGGESSE13RS DE JAMBLIQUB. et que Ton retrouve , plus ou moins nettem^ent ex- primee , chez tous les n^oplatoniciens. C'estainsique le ri ev peut ^tre appel^ la source de T^tre , quoique le ^y^f/ioupyi? ne vienne qu'aprfes lui , ou la cause fi- nale et exemplaire, quoiqu'il pr^Me VAvro}^(hov. C'est le resultat nalurel de la doctrifie des analo- gies universelles, qui forme un des aspects de la theorie des emanations ; et Ton peut d6ja , dans Pla- ton ^ en apercevoir la trace , puisque Tidee est ho- monyme avec Tobjet sensible qui en est la copie , et <|ue la m6me definition se trouve ainsi applicable i i*6tre en soi, et au pur ph^nom^ne. C'est dans ce sens que Theodore a pu dire qu'il y a une terre ma- terielle, une terre intellectuelle et une terrfe intelli- gible (1). Tout platonicien doit pouvoir parler ainsi ; et cela ne signifie rien autre chose , sinon que les id^es possMent eminemment la meme r6alit6 que leui^ images. Theodore confondait la fetaliti et laProvidenee (2); 11 admettait , au-dessons de ses dieux multiples , en- fermes dans la divinity simple du cinq , roO £ fjtov(w, des legions de demons et de demi-dieux (8) ; pr^oc- cup6 k Pexc^s , comme Numenius , de ia -geom^trie theogonique des pythagoriciens et du TimSe^, il ex- primait par tin nombr*e chactm des qftatr* elements, la terre, par le nombre 7, ^n vertndeta piHlyportion (ij Pr. Comm, Tim.^p, 296. (2> Pifoel., de la Providence^ o. 2. (3) 6 (jilv oOv 6e66o)po( dcX>^ov Tpdirov xauxa pLeTaxeipi9dl|ievo< Sai{i.ova( (ji^v TdTTcov auxouc ^pe^i xoO iocvtoc xd(7{Juou , iX)«U( dXXcdC ^uxoj9otvT0fic t6 inrv* Comm. Tifn.y p. 287. DISCIPLES £T SUOGESSJSURS DB JAMBLKH^it. 959 geometrique , dont le type est compose ^ ceft trois nombres 1 , 2, & (=7); Teau psir te iira&lM p, ea vertu de la proportion arithiii6tique 2;, 8,4^9); rair» par le Qooibre l& , en vertu «te la jwofKurtiion barwcmique, etc. (i). En psychologie, il di^tuigui^t le i/fu^ , parfaitement isole et ind^peiidaat , la vie qui se meke k tout ootre Stre et circule dans tout le corps » et Fdnie » qui est une sorte d'intermedkire entre rintelligence et la yie(^)« II croyait que- toutes les kvaeSi sont fornixes de la m&me essence, paroe qu'elles i^e difii^rent pas dans leur fond de TesseuM meme de Vkme universelle (3^ ; et enfin 11 s'accor- dait avec Flotin h ]%connaitre en chacun de now un principe inaccessible aux passions, et qui pense sans cesse (&). On voit encoi^ ici les traces de i'in- flueoce d'A)ineliu&, car iious savons qu'Amdlius iden- tifmit les &mes partioili^es avec TJime uBiveri^le, tandas que le mailore de Theodiire , Porphyre , main- teaait lew ^paration (5). A oe peu s^ail)le devoir ^Vm viimt ce que Dfous pou¥ans sav^ar d'Uiiie doctrine si fort astimde de Proctus , ^ *^*^»P i£w?. Eun., Porph. ad calc. d'Apbrodise et die Pdrphy^e (i). Celte indication est pr^cieuse, piiisque I6i3 commentaires dePerphyre^ sur les Analytiqnes , sont perdus , k Texceptidrt de TeiWywy)?. Dexippe, tel qu'il nous paralt dans cet ^crit, doit s'6tre tenu plus prts de Porphyre que de Jambllque. II est logiciett comme Porphyre, U a comme lui d6 !a pr^cidiott dans l^esprit. 11 le cite seul avec Alexandre d*Aphrodise dans son second cfaapitre, Cbntme la source k laquelle il a le plus abondattiment piiis^ , quoiqu'il eonnilit 1«B 6crits de Jamblique sur le ttietoe sujet, et qu*ll les aitcit^s daiis le Prodemium avec cetix As Plotln et de Por- phyre. Ges inductions confirment celles que Ton pent tirer de la fa^on trts-sommaire dont Eunape s'est eiprim^ en parlaht de Dexippe , et nous igno- rons d'ailleurs le lieu ou 11 enseigna et tdutes les cir« Constances de sa vie (2). Sopater pafait avoir 6t6 le successeur imm^diat de Jamblique (S). II ^tait, suivant Eunape, leplus ^lo* quentparmi ses contemporains (4) , et Sozom^ne, qui loue son Erudition, le di^signe comme ayant (fet6 & son tour le chef de T^cole d'Alexandrie , TrpoeertfiTa t>5(;tou JIXodTtvoy SixioxHc, (S). Mais il ne s'enfbrmapas^ comme ses pl*6d^cesseurs , dans les travaui de Tfe* cole; et tandis que les autres philosophes, effray^s (1) Dex. , in priBd, , K 1 , c. 2. (2) li dlt lut-m^me dans le Pr^ambule de son traitd snr les Categories quMl vient de perdre sa fille. (3) Foyez Jonsius, Historieni de iaphiL^p, 298. • (h) Eun. , Edisius. (5) L. 1 , c. 5. USCIFLES £T SUGGESKBURS D£ JAHB];n}06. 3B& par Pascendant d^sormais irr^istibie dn diristiA** nisme , 6@ dispei'saient mv les diffi^ents points de rempJre, et Uchaietit de se faire oublier, plus sQr de lui*m6me) c^nptant sur son habilet^ et son ^lo-* quence ^ et m6me , comme Eunape I'avoue , pqusftii par des d^sirs ambitieux , Sopater se rendit aupr^s de Gonstantin , et se flatta de Temporter dans son es- prit snr Pinfluence des cbr^tiens et de d^tonm^ le^ mBXJLX dont I'hellenisme ^tail menae^ 8*il est vrai que Temper-eur le chargea de eonsacrer, par dea operations th^urgiques, la vtUe de Qyzsynee k la- quelle il venait de donner «on nom (1) et le fit mSme dsseoir k sa droite dans yne c^remonie publique (3)^ on peuten concliire que Ti^loquence de Sopater servit k mervelUe ses projets , et lui ouvrit promptement k voie de la puissant;e et d^ honneurs, Ge qui est plus certain, c'estqu'il ne tarda pas &expier ses prosp^rit^a par un supplite ignominieux. Sa condamnation eiit^ dlt-on , pour motif secret le d6sir que formait I'empe- reiir de rompre & jamais aVec les croyances dont So- pater itaitle repr^sentant le plus illustre (8). Le recit d'Eunape est rempli dUnvraisemblances et tend» eomme toujours , k relever la gioire de la philoscH phie. S'il faut Fen croire, G>nstantin repandfeiit des largesses , multipliait les spectacles , pour entendre autour de lui des acclamations et forcer les ap^lau- dissements. Cette immense population , qu'il avait (1) Of. BitiGk^r^ de seat. «d?«^., p. ^9. (2) Eun. , 1. 1. (3) Suidas, p^, Sopater. 36& DISCIPLES ET SUGGESSEI3RS D£ JAMBUQUE. attir^e k Constantinople de tous les points de Tern- pire , n*avait point de ressources dans le sol , et Toa faisait venir k grands frais des subsistances d'£gypte, de Syrie et de Ph^nicie. U arriva que les convois manqu^rent, lepeuple aifam6 n'applaudissait plus, Fempereur etait constern^. Les ennemis de Sopater, jaloux de ses honneurs et de sa puissance « Faccusent de cette famine. G'est lui qui a enchaine les vents, retenu les vaisseaux : le cr^dule Gonstantin punit ses mal^fices en Tenvoyant k la mort (i). Ed^sius, apres la mort de Sopater, se trouvait plac6 & la t^te de r£cole. N6 dans la Cappadoce , d'une famille noble , mais pauvre , il eut d'abord k lutter contre son p^re, pour obtenir de se livrer & la philosophie. A Tecole de Jamblique, il n'eut de superieur que son maitre. Jamblique mort, il fonde une ecole en Cappadoce, puis Tabandonne k Eusta- the , pour aller se fixer k Pergame , oil Fappelaient les voeux de toute FAsie. C'est Ik qu'accoururent pour Fecouter lesChrysanthe , les Maxime , les Pris- cus , les Eus^be de Mindes , et que Julien lui-m6me, heritier de Fempire, vint humblement demander des lemons. Mais dej& les forces d'^desius le trahissaient, et il dut abandonner k ses disciples Fhonneur de cette conversion 6clatante (2), S'il y a quelque incertitude sur le lieu ou Sopater se retira avant de se rendre k Constantinople , nous (1) Suldas, 1. 1., attrtbue k Sopater un Ihre iur la Providence ^ et un autre sur VInjuste distribution des Biene et dee Maux, (2) Eun., lidie. DISGIPLBS ET SUGGESSEURS DE JfAMBLIQOE. 265 pouvons saivre les peregrinations de r6cole d*A- leiandrie , & partir de ce moment ; car Eunape ne nous laisse rien ignorer de ce qui concerne ses mattres. Apres la mort de Jamblique , T^cole d*A- lexandrie sembie dissoute pour un temps , si l*on s*en tient du moins k I'enseignement de la philoso- phie platonicienne dans la ville oil avait enseign^ Ammonius Saccas. Tons les disciples de Jamblique se dispers^rent , dit Eunape, & cause du malheur des temps (1). Mais ces debris illustres emportferent avec eux , pour ainsi dire , T^cole d'Alexandrie et la tradition recue. Nous verrons plustard, et pendant le plus grand 6clat de T^cole d'Athfenes , les chaires d' Alexandrie attirer de nouveau le concoui's des phi- losophes; raais I'^cole platonicienne est plut6t i Ath^nes. L'616ve de Plutarque et de Syrien , Proclus, qui etudia d'abord dans Alexandrie, y suivait les lecons du peripat6ticien Olympiodore (2). Hi^ro- cl^s , £nee de Gaza , qui enseign^^rent le platonisme k Alexandrie, ne pouvaient balancer les Syrien , les Proclus, les Damascius, qui faisaient la gloire de recole d'Ath^nes ; et Marinus a pu dire , en parlant de Proclus, qui vient de quitter Alexandrie : Enfln les dieux le conduisent k Ath^nes , c'est-i-dire , k Platon (S), D^ji, sous Constance, c'est k Pergame et k £mese que recole s'est r6fugiee. Cependant fidesius a beau enseigner k Pergame, il Ta choisie comme Tun (1) Eunape, (2) Marinus, f^ie de Proclus ^ c. 9. (3) lb., c. 10. 96i9 DliOIPLBft IT SUeCECHffiUHS BE iAMBLIQOE. des grands cehtres littfirnires de r^pdque^ parce qu'Alcxandrie lui manque ; mais s'il enseigne A Per** game , aiiprds de Fi^cole de Pergame, il ne se rat-r tathe pas aux traditions de oette ^ole , il n'en Mt pas partia li est ie disciple de Jamblique F Alexan-^ drini et e'lest de lamUiqae aussi que descendant, par iddiAUB , Maxime , Chrysanthe et Julien(l). Eunape n-attribpe & Jamblique qu'un seiil genrd de Bup<$riorit6 sup fei^sius. Jamblique , dit^il , dtait inspire ^ il a?ait oommeree avec les dieux; mais eoihm« i»41 ^raignait de trop rabaisser J^^sius en lui fltattt W don suprftme de Tinspiralion {^maixiv) , il ajoute attssitdt qtt*il Tavait peut-^tre re?u conime JambU^ue , et que ie malheur des temps robligea de le cacher. Constantin, tout bccupe d-abattre les temples et 6.%Xotxtkv la philosophie, n'oiSrait pas de Sitouritift 4 ces Mseurs de miracles , que lei ancien- nm lois de la r^publique condatanaient h. la mort sous Ie nom die niagieiens. Bqnape lui-m6me^ apri^s avoir totkfessd en cbmnlencant I'impnissance A^id6- siuS) ne se fait pas ftiute de lui attribuer des mira- cles. Lorsqu'l^d^sius 8e vit h la tftte de r^Gole par ia mort de dopater, i^b^ayi^ de ostte catastrophe et tiremblant pour lui-mtoie s^il recueille I'ta^ritage philosopbique de ison ami , il consulte les dieux la dult au mbyen d*une formule apprise sous Jambli- ffiie* Le dien apparatt et prononce son orade en vers hexam^tres ; mais la vision flnie , fid^sius a tout ou- (1) Jonsius^ Hiitor. de la Phil., p. 293. DSKaPLES ET ftUCGBISBURS DB lAllBUQUB. 967 bli^, si ce n^est le i^tis de la proph^d. 11 appellee ofl entre avec des flambeaux » et il Tolt sa main pleine de lettres : ce sont les vetn qiiie le dleii a prononc6s. Un avBnir glorieux lui est promts, s*il reste dans les villes; mals s'll se retire aux ebaittpB, pour 6tre pasteur^ il detiendra un dleii immorteh ^d^sius n'hesite pas ; il va partir, quand tons les amis de la philosopltie et des lettres, avertis de son dessein^ entourent sa demeure, et mebacent de le mettre en pifeces , plut6t qne de sooffrlr quMl enseve- lisse k jamaiis^ parmi les rochers et les montages , cette vaste et prdfonde Erudition, la lumiftre de rhumantti^. Qui n'avait pw alors sett Dleu familier , ses horos- copes, ses prodiges? Get Eustathe, d'abord cottdls- ciple d^^d^ius , puis son 6lAve, et enfln , son succes- seur en Cappadoce , *tait si Eloquent , dit Eunape (I) ^ et les resultats de cette Eloquence 6taient si merVeil- teux , qne cela m6me ressemblait A la magie , tm g|a) yoTTEwc^- Constance, dans tin danger pressant, veutett- voyer un ambassadeur k Sapor , roi des Perses ; le s^nat d^gne Eustathe d*une voix unanime. II part , accompagn^ de tous les Voeux, et ne tarde pas k charmer Sapor lui-m6me 5 mais bientdt des intrigiies de Gour le d6truisent dans Tesprit du roi, el cette pompeuse ambassade , oii la glotre de V^cole devait eclater , et qui peulHfttrB n*a 6ti inventefe que pouif sa gloire, flnit mis^r^Jem^nt, dp Y^ym I»6i»e d'Eunape. L'^pouse d'Eustathe, Sosipatra, vers^ (1) Eun. , Edi$, 268 DISCIPLES ET SUGGfiSSEURS DE JAMBLIQUE. comme lui, et plus que lui , dans les mysteres de la th^urgie , devenue veuve au bout de cinq ans , re- tourne k Pergame, pr6s d'Ed^sius son vieux maitre. Eunape fait un long r6cit des merveilles dont sa vie fut entour^ , de ses predictions ^tranges , des g^nies qui lui apparaissent et se chargent eux*m6mes du soin de son initiation. EUe eut trois tils, dont le plus illustre , Antoninus , fut v6n6r6 par les Alexandrins comme un saint et un proph^te. U avait annonc^ une persecution g^neralede Thelienisme et la destruction du Serap6um; k peine eut-il quitt6 la vie, que ses predictions s'accomplirent. II faut lire ces details dans Eunape : < Des hommes qui n'avaient jamais entendu parler de la guerre , dit-il (1) , s'attaquerent brayement k des pierres, les assi6g6rent en regie, demolirent le S6rapeum et s'emparerent des offrandes que la veneration des siecles y avait accumuiees. YaJnqueurs sans combats et sans ennemis, apres avoir courageusem^nt livre bataille aux statues et aux offrandes , il fir^nt la convention militaire que tout ce qui aurait ^te vole serait de bonne prise. Mais enfin , quelle que fut leur bonne volonte , comme ils ne pouvaient emporter le sol, ces grands guer- riers, ces heroiques conquerants, tout glorieux de leurs exploits, se retirerent et se firent remplacer, dans I'occupation du sol sacre, par des moines, c'est-i-dire par des 6tres ayant de Thomme Tappa- (1) Nous citODS la traduction de M. Cousin , qui nous permettra blen cet emprunt apr^s tant d'autres que nous lui avons faits dans ce chapitre , ou pour mieux dire , dans tout le cours de notre enseignement , et dans tous nos Merits. Gf. Fragm. hist. , p. 240. DISCIPLES BT SUGGESSBURS DB JAMBUQUB. 269 rence , vivant comme les plus vils animaux , et se li- vrant en public aui actions les plus d^gotltantes , qu'ii est impossible de rappeler. G'^tait pour eux un acte de pi^te de profaner de toutes mani^res ce lieu r6- ver6; car k cette ^poque , quiconque portait une robe noire avait un pouvoir despotique. Nous en avons parl6 dans notre histoire generate. Ces moines cam- perent done sur la place du S^rap^um ; et alors, au lieu des dieux de la pens^e , on vit des esclaves et des criminels obtenir uu culte : k la place des t6tes de nos divinit^s , on montrait les t6tes sales de mis^- rables repris de justice; on mettaitun genoudevant eux et on les adorait. On appelait martyrs , diacres et chefs de la priere des esclaves infid^les, d6chir6s par le fouet et tout sillonn^s des marques de leurs crimes. Tels ^talent les nouveaux dieux de la terre (1). » Apres les disciples de Jamblique , Sopater, £d6- sius, Eustathe, Eunape nous donne Thistoire de T^- cole d'£d6sius; mais ici il ne parle plus d'apres autrui : ce sont ses souvenirs qu'il raconte, et les philosophes dont il decrit la vie ont ^t^ ses amis ou ses maitres. Le premier est Maxime, le ma- gicien qui, par ses conjurations, animait les sta- tues; le guide , le conseiller et plus tard le favori de Julien. Eunape ne nous ditpas quelle ^tait sa patrie ; Socrate et Ammien Marcellin le font nattre k Eph^se (2). Ileutdeux fr^res, Glaudien, quienseigna (1) Fun. , id. Bss. , p. kh sq. : (2) SocraU, Hist. wcL, I. d, c. 1$ Amm. JkTarCi 1. 29, c 1. 370 DISCIPLES BT S€CG£SS£URS D£ JAHBLIQUB. tesiettres dans Aiexandrie, et Nymphidianus, qui professa avtec 6clat 4 Snayrne (1). On lui attribue ie poeme mfl 'nscr^^y&vi publie par Fabricitis (2); et Siinplicitts cite de lui ua commentaire sur les ea^igo^ rieB d'Aristote (3). Gest k Ephesci que Juiien le con- nut , et c'est de Ik quMl partit pour se rendre k la ooar du nouv^ empereur, on Texercfce du pouvoir et la possession ^e la faveur du souverain ^ d<^truli- 9irent TaustMt^ de ses ba<3eur8 et «n firent un par^ venu voluptueifti et superbe. U suivit Texp^diticm centre les Perses^ et Animien Mareellin le feit as*- sistar, avec Priscus , aux derniers moments do Juiien* Lk finirent ses ix*0spi6ritd$i Bieii traits par Jovien, qui epargna les favoris 6e son pF^4eoes9^ir<, il fut }et6 en prison sous Yatens et Vatentinien^ tour- mente , condamn6 k ramende et 4 Texai , arr^t^ de nouveau , et mis 4 mort par Festus , qui se hdta de Je Mre p^F au ^mommt ou il allait 61re absous. Maximo ^ dans aes rovers ^ se re^souviat de lui^^iidMe. H avait v^cu ^b ^our tisan , et il mourut •en pbito- sophe. On di4 qile ^ da^ns sa premiere captilTitd^ ti^- perant plus de gpkce^ et tratti afvec ufie Jiattj^riie •sans ^^omple , M r^lnt de mouiir, ^ dettaadu h 0a &mrB& de lui donnar du poisoB ; eUe Tap^orta ^ mais {loor eite, etmomluft enftre ses bras, iikve d'l^di^sius^ comme Ma&ioM, eippoli .coniHie lui |ir^ de J^lien , Ppiscos ne se randit k ia coat que (i) Nyiiipliidi^iniis fit partie de la inalsbh (le Juiien, dont il ^tsAi secretaire pour la langue grecque. Eun. , JVymphid, (2) Bibl. gr.y t. 8, p. 415. (3) Sioipl; , 4» earng. j^iit.^ 9. 1* DISCIPLES £T SUGCESSEUAS DE JAHBLIQUB. 27i malgr6 lui » et apr^s avoir 6t6 mand^ inutllement une premiere fois. Reserve ^ prudent , habitu^ k ne pas livrer sa pensee et k considerer comme uiie sorte de sacril^e philosophique cette liWralit^ d'fklesiiis «t de Maxime toujours pr6ts k repandre leura doctrieea, il resta au pouvoir ce qu'il avait et6 dans I'obscurite et sut, par cette moderation^ eviter le (ort fuo^te de Maiime. Emprisonne uo instant sous Yalens, puis absous , il se retira daps ies temples de Grace , oil il vecut solitaire jusqu'a phis* de quatre-vifigts ans , rare exemple de longevity dans an temps oil tant d'hommes distingues se tuerent de d6seaip«ir ou furent 6gorg6s par les barbar^ (1). Eusel^e de Myndes ne joue pas un grand r61e dans Eunape. Ob lone son Eloquence, son habilet6 k x6- soudre les diffieult^s les plus epineifises ; mais on te place bien au-dessous d'£d<^siUs et de Maxime ; c'est qu'en eiffet Eus^be s'attaohait de preference 4 Pla^tin et 11 Porphyre, et ne donnait pas k la tbeurgie la m6me importance que ses contemporainf, II ne ta niait pas; 41 croyait anx merveilles op&'^ee f«tr Maxime ', maisil valait mieux, selon lui, s^attacber aux ess^ices veritabies, c*est-i-dire aux idees, pereepti- bles par la raison, que de faire illusion aux sens par le secours de la magie(2). Lorsque Jultea vintA Per game pour soUiciter les lemons d'Ed6€lins> et q«e celui-ci Tout renvoye k Eusebe et a GbrysantliQ ^s (1) Eun., 4d, Bss., p. 67. (2) fi? TowTa 6^ tat 6vTwv »vi*i, al 6^ T>iv aXa^tsiy (hcax^ticii pLarfyoivetat ^aX YOTjTeuouaat eauixaTOTcotwv Spya , xa\ Tcp6? uXtxd? xiva 6uvAiJ.eK Tcapaicaidvxwv xa\ {jLe{jL-nvo'Tb>v. Eun.* Max* 272 DISCIPLES ET SllGCESSEURS D£ JAUBUQUB. disciples , Julien se degouta promptementd'Eusebe, qui le detournait de la tii^urgie , et nous ne voyons pas qu'il se soitsouvenu delui, apres son avenement au trdue. II n'en fut pas de m6me de Gbrysanthe , que Julieh ne pouvait point s^parer de Maxime, et qu'Eunape n'avait garde d'oublier. Chrysanthe estle parent et le mattre d'Eunape; c'est lui qui prit soin de sa jeunesse, et lui conseilla d'^crire. Sorti d'une famille patricienne et petit-fils d'Innocentius , qui jouit d'une grande autorit6 aupres des empereurs et dont Eunape loue les ouvrages, composes en latin et en grec, il ^tudia sous £d^sius les doctrines de Tan- tiquit6 et s'attacha surtout « a cette partie de la phi- losophic que cultiverent Pylhagore et son ecole, Archytas , ApoUonius de Tyane et ses sectateurs , • c'est-i-dire sansaucun doute la th^ologie ouplutdtla theurgie, 11 s'6tait , d6s sa jeunesse , donne Socrate pour module , et il le rappelait en effet par la dou- ceur et la puret^ de son commerce , par la noblesse de ses pensees , Tausterit^ de ses moeurs et la mode- ration de son caractere. 11 refusa constamment de se rendre aupres de Julien (1). Des presages mena- 9ants que Maxime m^prisa, le retenaient dans sa so- litude ; pent 6tre pr6voyait-il deji que la reaction de Julien serait 6ph6m6re, et d'ailleurs tous ses goiits tendaient k I'^loigner de la cour. C'est en vain que Tempereur ecrivit de sa main k Chrysanthe et a M61ite sa femme : tout fut inutile; et Julien, d^s- esp^rant de I'avoir pres de lui , le nomma grand (i) Foyez ci-ap'to, 1. 4, c. 1. DISCIPLES ET SIOGBSSEIIRS DB JAMBLIQUE. 275 pr6tre de Lydie, conjointement avec M6iite, leur donnant a i'uu et k Tautre une pleine autorit^ pour gouverner les pr^lres^ les nominer, relever les tem- ples et remettre en honneur les anciennes ceremo- nies. Telle fut, dans I'exercice de cette charge, la retenue et la prudence de Chysanthe, qu'aucune voix ne s'^leva contre lui api'es cette tourmente. La province qu'il avait administree fut seule exenipte de troubles ; et la revolution chretienne y reprit son cours , sans dechirements et sans orages , tandis que partout ailleurs toutes les existences etaient bouleversees* Chrysanthe mourut dans une ex- treme vieillesse , au milieu de sa famille , etranger au monde , ayant support^ jusqu'au bout Tindi- gence avec dignite. « II avait, dit Eunape, compose plus d'ouvrages dans sa vieillesse, que les jeunes n'ont coutume d'en lire. » Mais tons ces ecrits sont perdus, et nous n'en connaissons pas m6me les titres. Tels sont les derniers representants de Fecole au moment ou Tavenement de Julien va donner une noqvelle impulsion a la philosophic et I'identifier de plus en plus avec le paganisme. Tons ces grands per- sonnages d'Euiiape, si importants k ses yeux , s'effa- cent dans I'histoire , derriere Jamblique, qui fonde toute leur doctrine , et Julien qui resume leurs ten- dances , leur action et leur esprit, feleve par eux , uni avec eux de conviction et de sentiments , ce sont leurs esp^rances qu'il realise , ce sont leurs idees qu'il applique. Le mouvement des id6es s'arr6te un II. 18 91k DI8CffL» BT SUGGSSSBUR6 DB J4MBLIQUB. iDBtant dans Ttieole; nous changeons pour ainsi dire de thMtre, et aprte avoir suivi, de Porphyre k Maxime, le developpement speculatif de la pens6e de Plotin , nous allons voir les Alexandrins transport's tout k coup au milieu du monde et des affaires, s*ef- forcer de prendre en main la direction de la soci't^, et de Tarracher au christianisme. LIVRE QUATRIEME. DE L'EMPEREUR JCLIEN A L'ECOLE D'ATHENES. CHAPITRE PREMIER. L'EMPERECR JULIEN; SA VIE ET SON RfU^NE. Principaux eYenements de la vie et du regne de Julien. Histoire de Bon Apostasie. Sa lutte contre les Chretiens. En succMant k la popularity de Porphyre et en pre^ nant , pour ainsi dire , de ses mains le gouvernement de r^cole , Jamblique n'avait point continue les luttes acharnees de son pr^ecesseur contre la religion nouvelle. Si Diocletien n'etait point ftivorable aux philosophes , on pouvait du moins , sous son regne , attaquer en liberty des novateurs , des s^ditieux que «es 6dit« iivraient an stippliee. Mais la conversion de CkHistantin amena , pour le christianisme et pour te philosophic, une ^re nouvelle. Les ^rils de Por- l^yre furent iivres au biicher ; et I'^cole , reduite h rimpuissance , ne fit plus qu'assister au triomphe de sesadversaires. Laoausede rhelWniBmesemMaitdM- nitiivetneiit Taifitcue. La philosophie, toujours sn«^ pe<^ aux emp^eurs, eanemts ti^cessaires dB l'empersur julibn. Fint^rite de la fai cbr^tienne semble , pendant un demi-si^cle, attach^ & sapersosne. U avisiit combattu AfIus d^ft le premier jour, par son eloquence, dans le concile de Nicee, par ses Merits , et plus encore , dans le] cours de son 6piscopat , par sa ferniete beroique. R6duit k se cacher au desert, sousle poidsd'une con- danmation canonique , extorquee , il est vrai , par la violence de Tempereur , il apprend que le pape Libere, exile pour lui, Tabandonne; que le grand Qsius, le patriarche de Tepiscopat, le president du concile de Nic6e, a flechi ; mais il apprend en m^me temps Vb^- resie de Mac6donius, qui conteste la divinite du Saint-^Esprit^et retrouve, pour la combattre, toute cette force que Tarianisme avait 6prouvce. La mort de George de Gappadoce rendit saint Athanase It son 6glise. George de Gappadoce, ev6que arien d'Alexan- drie, le mfeme qui avait ^renverse les vieilles mu- railles du S6rapeion , restees debout au milieu de la ville, sans couverture et sans idoles, voulut raser le temple de Mitbra ; mais les pai'ens , stars de Timpu- nite parl'avenement de Julien, massacrerentrev6que, et, pareils k des cbiens qui s'acbarnent i leur proie , vengerent sur son cadavrele temple de Serapis d^truit et de longues annees d'oppression et de souflFrances (1) . Atbanase rentra dans Alexandrie pour lutter contre I'empereur, aprfes avoir terrass6 les heresies. De ce si6ge d' Alexandrie sur lequel il monte, dit saint Gr6goire de Nazianze, c'est Ffiglise entiere qu'il do- mine. On reconnait , en effet , dans saint Atbanase » a (1) Amm. MarealU^ U 33, c. 11. J la haine constante de JuUen , k yeritable ch^ de V&- glise cbretienne.. L'histoire de Julien (1) ^ ses talents, ses vertus et s(m crime , car e'en e&t un sans doute , aux yeux m^mes des incr^dules, d' avoir tent6 de ramener le monde en arri6re , sent dans tons les souvenirs. II etait neveu de Gonstantin ; et lorsqu'^ la mort de cet emperenr, ses trois fils se partag^rentses d^pouilles, il echappa seul , avec son fr^re Gallus , au massacre de toute sa famille , sacrifice a Tambition et k la s^- curite de Constance. Julien n'avait alors que sixans; ildut son salut k Marc, ev6que d'Arethuse (2), et vecut obscur^ment avec son frere au fond d'une pro- vince (S) , jusqu'i ce que Constance , devenu seul empereur et n'esp^rant plus de posterity, dopnale titre de C^sar k Gallus , « pen de temps avant de Tas- sassiner, dit Julien , oXcyw Trpotepov t>5<; (j(pay>?«. » Julien raconte lui-m6me ces premiers temps de sa vie dans son Discour^ au sSnat et au peuple atMnien (/i.) : « Pendant que nous ^tions relegu^s dans une cam- pagne au fond de la Cappadoce ou personne ne pou- vait approcher de nous , on s'occupait a nous repr6- senter Constance comme desol6 , comme ayant agi malgr^ lui. Nous y avons vecu six ans , isoles des vieux serviteurs de la famille , priv^s de moyens d'etude , et r^duits k nos esclaves pour tous compa- ct) Julien est n^ , eii 331 , d GonstanUnople. T-^v ^h-^v 7caTp(8oi Kcjvorav- t£vou icdXiv. Lettre 58. (2) S. Gr^g. Nai. ^ diae, 3 « p. 00. (3) Bn Bitbyniey el sur la fin , dans la forteresse de fliaceUuni y prte dft C^sar^e. (4) P. 497 sqq. ; Edition Pctau. 280 VIE DE l'empekeur julien. gDons. Si mon frtre contracta quelque rudesse , la faute en est h celuiqui nous condamna tyrannique- ment k une Education aussi barbare (1). Je pus me sauver par T^tude de la philosophie ; mais lui , cou- vert de la pourpre , il devint aussitdt un objet de haiiie et d'envie. II 6lait peut-6tre indigne de regner, mais non pas de vivre (2). Toute sa faute fut d' avoir ressenti trop vivement Tinjure d'un miserable , que Constance vengea par la mort d'un si proche parent, frere de sa premiere femme , mari de sa soeur (3) ! Pour moi , je fus sept mois traine de prison en pri- son (4) , et sauv6 seulement par la bonte d'Eus6bie (5). Et pourquoi cette persecution ? Je ne vis pas mon frere pendant toute cette affaire , et n'eus avec lui qu'un commerce de lettres rares et insigniflantes » Callus avait vingt-cinq ans lorsque Constance le norama Cesar , et lui donna sa soeur Constantina , qu'Ammien Marcelin appelle : Megaera mortalis , humani cruoris avida (6). Le nouveau Cesar eut le gouvernement de TOrient , et fixa sa residence a An- tioche. Sa cr uaute (7) , et la faiblesse de son administra- tion oblig^rent I'empereur d'envoyer deux commis- (1) Cf. Libanius, Orat parent, ^x6aa<; Tf,6e xdxewe , xat itOMfjod- {jievo? ^jjL^poupiov. lb, — Cf. Amm, Marcell. , 1. 15 , c 1,3, 8. (5) LMmp^ratrice Eus^bie fut )a coustanto aniic cl In protcctrice de Julien, qui ne se lasse jamais de faire ^claler sa reconnaissance, p^oyez T^loge d*Eu- s^bie, dans les Oliuvres de Julien^ el principaienient p. 219, 221, 250 sq. (6) L. l/i,c.l, (7) Cf. Anju). Marc. , I. l/j , c. 1 , 7. VIE DE l'eMPEREUK JULIEN. 281 saires pour reformer les abus ; mais Gallus , irrite de cette injure et de I'arrogance des envoy^s de I'empe- reur, les fit massacrer par le peuple d'Antioche. Mande h Milan , ou se tenait Constance , il fut arrfite des qu'il eut quitte ses fitats , interrog6 dans sa prison, et condamn^ sans avoir ete d6fendu. II ne lui servit de rien de rejeter ses fautes sur sa femme , qui venait de mourir. On le d^pouilla ignominieusement des ornements de Cesar , et on lui lia les mains derri^re^ le dos avant de I'ex^cuter ; c'est ainsi que Constance traita son cousin et son beau-frere (1). fichappe k ce p6ril , Julien se retira dans la maison de sa m6re , car ses biens paternels^taientdevenusla proie de Constance (2), On I'envoyaen Grece comme enexil, et on le rappela presque aussitdt (3). « Quelles larmesje versai quand je me vis appel6 k la cour, quels furent mes g^missements , vous le savez , vous en futes temoins; et que je tendis les bras vers le temple de Minerve , en la priant de sauver en moi son serviteur (4). » II v^cut six mois presdeFempe- reur , sans obtenir une entrevue (5) , environne d'es- pions , soumis k une surveillance severe , et n'osant m6me recevoir ses amis, de peur de leur nuire. Enfin, on lui donna le nom et les ornements de C^sar (6) , (1) P^oyex Amm. Marcell., 1. 14, c. 11. (21 P. 502. — Gallus et Julien ^talent flls dc Julius Constantius, frferc dc Constanlin ; mais leur p6rc avail eu Gallus de sa premiere femme , nommec Galla ; la m^re de Julien sc nommait Basilina. (3) Eloge d'Eiisibie, p. 221. (ft) P. 505. (5) P. 503. (6) P. 508. — On lui IH en ni^me temps ^pouscr Hdcnc , soeur de Constance ; il avait alors vingt-cinq aus (Amm. Marc. ^1. 15 , c. 8). 1 262 VI£ DE L'fiMPBRfiUR JULIEN. et il regut Tordre de partir pour les Gaules, au mi- lieu de Fhiver, avec trois cent soixante soldats. II n'y allait pas pour commander, mais pour obeir, car on avait ecrit aux g^neraux de se d6fier de lui au- tant que des ennemis (1). Son apostasie avait tran&- pir6, malgr^ le soin avec lequel il la cachait Lei^ Chretiens voyaient avec terreur un apostat dans rh6- ritier de T Empire , et saint Gregoire semble regretter le salut de Julien 6chapp6 aux bourreaux de Con- stance, staxw? cja>9£vTa (2). A peine arrive, il voulut rassembler des troupes; cela dependait del'autorite d'un autre. De puis , vers le commencement du prin- temps, Constance lui donna le commandement de I'armee. Les barbares s'etaient empares de quarante- cinq grand es villes , et infestaient tout le pays depuis le Rhinjusqu'a TOcean ; le reste m6me n'etait pas k I'abride leurs incursions; les Gaulois n'avaient plus de securite ; ils manquaient de p&turages pour leurs troupeaux. Julien commen^a par s'emparer de Co- logne , qui n'etait guere alors qu'un amas de ruines, puis de Strasbourg , et plusieurs victoires successive^ livrerent entre ses mains le roi Chnodomar (3) . Deux (1) Et certfe lllud rumore tenns ubique jaclabalur, qu6d Jfullanus non Icva- turu» liicommoda Galliaruin ekclus esset , sed ut posset per bella dfileri ssvis- sima, rudis etiam tiim, ut aestimabatur, ac ne sonitnm quidein duraturus armorum. Amm. Marcell.,1. 16, c. 2.— Cf. Euiiape ^ Maa;..» p. 53 Bss; So- cvate, BisU eecLy 3, p. 137; Sozomtoe, I. 5, c. 3; Zonar., Ann,^ 1. 13, c. 10; Zosime, 1. 3, %\ Libanius, Oratio parentalis, 17; el enfiu JuUen, Discours au S. et au P. ath, 01 ptkv iljoirep iv xoupeCcj) cruveXBdvcs?, dicoxti- pouai t6v Tttiy^owoL , x^a{j.C$a 6e dji^tevvuouffi , xot o^^TijiatCliouaiv , (b? tot« 6ict- Xdii6avov , icdtvu yeT^oXav arpaxKOTTiv , p. 277 Bss. (2; Saint Gr^g. , t. 3 , p. 50. (1) JuU^ p. 513 sq« ~ Cf. Amin. Marcell , 1. Id, c. 12 , et Libanius, di§e. 10, p. 274. \m D£ l'smpeaeua jdlien. 28S aos apres, la Gaule ^tait delivree, et JuUen se voyait & la t6te de six ceots oavires , dont quatre cents coDStruits en six mois. Avec cette flotte , il entre sur le Bhin. Florentius , qui gouvernait la Gaule avant lui , et qu'on lui avait laisse pour pr^fet du pr^toire ^ avait jusque-1^ achete la paix a prix d' argent. Julien repousse cette boute, supprime tous les subsides, passe le fleuve , attaque les barbares sur leur propre territoire , leur prend vingt niille prisonniers , et au bout de quatre aiis , leur impose la paix et se fait donner des otages (1). En racontaut ainsi en pen de mots , et avec modestie , ses campagnes et ses vie- toires, Julien ne parle pas de son administration in- terieure, des places fortifiees, de la legalite retablie, des imp6ts regies et mod6res, des approvisionne- ments tir^s de la Grande-Bretagne , et repandus sur les deux rives du Bhin, au moyen de la flotte qu'il avait ereee (2). « Au milieu de ces succes, je fus pour CoDStauce ce qu'aucun Cesar n'avait |amais ete pour un empereur ; aussi ne pouvait-il alleguer que des motifs de plainte ridicules. — II a retenn , disait41 , Luppicinus et trois autres (3) ; — c etaient mes calomniateurs. Je pouvais les condamner , je me bornai a les tenir sous ma main sans leur faire ancun mal (4). » On Fentourait de ministres et de lieutenants, moins (1) p. 514. (2) Foy9z Amm., 1. 16, c. 5; I. 18, c. 1; et Alamcrtiu, Pamsyr. «#«., 1. 11 , c. 6. (3) Cf. Amm. Marc, 1. 17, c. 1, 10, et 1. 18, G. 2. (ft) DUoours au S. et au P. ath. , p. 515. 284 vjE DE l'empejreuk jllien. occupes a le seconder , qu'& entraver toutes ses me- sures , et i les denoncer a Tempereur. A force d*in- stances , il obtint d' avoir aupres de lui Salluste (1) ; k peine le lui eut-on donn6, qu'on s'en repentit (2), 11 ecrivait k Constance : « Tons ces hommes dont vous m'entourez me sont inconnus , mais je les recois de votre main comme des amis. Seulement, pour me rassurer, donnez-moi une regie de conduite, afin qu'en la suivant , je sois siir de vous complaire (3). » Salluste fut remplac6 par Lucien , et Florentius , dont Julien arrfitait les dilapidations , devint son en- nemi (A). Us obtiennent de I'empereur un ordre qui r^loignait de I'-arm^e et rappelait en m6me temps ses meilleures troupes, pour le laisser desarme en face des barbares. Get ordre , qu'il voulut executer , remplit les soldats d'indignation contre Constance. Au lieu de faire leurs pr^paratifs de depart, ils s'assemblent , ils deliberent en tumulte, et d^cidentde proclamer JulietNempereur. « J' atteste Jupiter, leSoleil, Mars, Minerve et tons les dieux , que jusqu'au soir de ce m6me jour, je n'eus aucun soupcon de ce qui se passait (5). Vers le couch er du soleil , on me mit au (1) On a distingue Salluste , miuistre de Juliea en Gaule, et depuis pr^fct dela Gaulc et consul, et un second Salluste, prdfet de I'Orient, que Julien chargea de prdsider le tribunal devant lequel comparurent les minislres et les favoris de Constance. Gf. Uahh€ de la Bletterie, p^ie de Julien^ p. dd3. Gette opinion ue paralt pas suffisamment d^montrde; dans tous les cas, le Salluste dont il est icl question ne saurait dtre Tauteur du Tcepl 6eb>v xa\ xda^iou qu'oii lui a quelquefois attribu6 , ct qui a ^td dcril par un disciple de Proclus. (2) Discours sur le depart de Salluste, (3) Discours au S\ el au P, ath. , p 517. ih) P. 518 sq. (5) P. 521. VTE DE L'EMPEREUR JILIEN, 285 « courant de tout. En m6me temps mes soldats entou- rent le palais, et font retentir Fair de leurs cris, tandis qu'etonne et incertain je m^ditais sur la con- duite que j'allais tenir. J'etais dans une salle , a c6t6 des appartements de ma femme qui vivait encore , et j'adorais Jupiter pendant que les clameurs ne fai- saient qu'augmenter , le priant de manifester sa volonte par un signe. Les presages furent favorables. Je r^sistais cependant; mais que pouvais-je, seul contre tous , et contre la volont6 d6clar6e des dieux? Enfin, vers la troisieme heure , je prends un collier que m'oflfre je ne sais quel soldat , en guise de cou- ronne, et je rentre au palais en g^missant (1). » Les amis de Constance employerent le reste de la nuit h des manoeuvres secretes , r^pandant I'argent k pleines mains , et s'efforcant de detacher les soldats de la fid61it6 qu'ils avaient vou^e au nouvel empe- reur, ou de les tourner contre lui. Les soldats, dont Julien etait Fidole, s'indignent de cette trahison, courent au palais » embrassent leur g6n6ral , le sa- luent de leurs acclamations, le portent en triomphe, et demandent i grands cris la mort des amis de Con- stance , qui ne durent leur salut qu'k la moderation et k la fermete de Julien. Tel est le recit qu'il nous a laisse de son avene- ment. Ce r6cit est-il bien sincere? La perfidie de Constance, la trahison de Luppicinus et de Flo- rentius sont aver^es; il n'y a rien non plus que (1) p. 522 sq. (2) P. 523. 386 VIE DE L'EMPEREtliV iULIEN. 4e vraisemblable dans Tespfece de violence faite k Julien par des soldats qu'il' avail lui-m6me dis- ciplines et aguerris, et qu'on envoyait, sous des chefs sans talents ni popularity , k Tautre extr6niit6 de Tempire , pour y mourir sur des champs de ba- taille oil les Romains n'avaient guere trouv6 , de- puis plusieurs regnes, que d'humiliantes defaites. Mais Julien m^rite moins de confiance lorsqu'il pre- tend avoir faittous ses efforts pour refuser Tempire, et ne Tavcir accept^ qu'en g^missant. Ses craintes, ses hesitations quand on le nomma Cesar, se com- prennent mieux : « J*ai accept^ le titre de Cesar, dit-ii lui-m6me dans Viloge (TEus^inB , sans I'avoir souhaite et sans trop de plaisir (1) , par obeissance aux ordres absolus de Tempereur et aux d^sirs de rimp6ratrice. Quand k mes habitudes tranquilles et obscures eut swcc^d^ la majesty de mon nouveau rang, je m'en trouvai tout 6tonne(2). J'^tais comme un homme qui ne veut pas etudier Fart du cocher et qui, tout k coup, forc6 de conduire un char, le fail avec fatigue , malgr^ iui , mais avec succ^s et cou- rage (8). » C'est qu'il ne s'agissail alors que d'une autorite empruntee , restreinte ; il se voyait esiW d'Athfenes dans la feryeur de ses 6tudes , il n'avait point encore gout6 le pouvoir; et puis, il avail dfevant les yeux Texeraple de Gailus. foait-ce bien (1) Eloge d'Eusibiey p. 226. (2) Ib.^ p. 228. (3) En arrivant k Milan , pour y recevoir le titre de Ccisar, il ^crivit k Eus^bie : « Que le ciel vous accorde des h^ritlers et vous combte de bienfalts. Je vous supplie de me renvoyer chez moi au plus tOt. » Mais ayant pris les auspices , 11 connut que renvoi de ce billet serait fatal k Eus^bie, et le supprfiiii, p. 8W. J VIE DE l'eMPEREUR JtLIEN. 287 le pouvoir qu'on lui donnait avec ce litre de C6sar? On jetait la pourpre sur ses 6paules, et il restait en r6alit6 dans la dependance de ses ministres. Cette m6me pourpre n'avait pas prot6g6 son fr^re. Quel aliment pour Tambition de Julien, que ces vains honneurs et cette' servitude r^elle? Les fa- voris de Constance auxquels on le livrait , pour ainsi dire, tout garott6, croyaient n' avoir entre les mains qu'un jouet imperial, Mais apr^s ses victoires, apres cet exercice heureux et habile du commandement , et quand il s'agissait du pouvoir absolu , son caractere ardent et aventureux dement Taust^rit^ dont il se vante. Julien 6tait ambitieux et nepouvait pas nepas Ffetre. Si jeune, si prfes du tr6ne, avec une telle pas- sion pour la gloire , enHamm^ pour une cause k la- quelle il donna sa vie, plein d'un jiiste m^pris pour Constance » le bourreau de tons les siens (1) , com- ment aurait-il souhait^ Tobscurite et regrett6 rficole? Tout s'y oppose : sa jeunesse proscrite , son heritage ravi , les sanglantes catastrophes de sa fa- mille , r^tat de contrainte ou le reduit son apostasie , le caractfere soup^onneux et tyrannique de Con- stance , les voeux , I'attente passionnee des philoso- phes Alexandrins , ses amis, ses confidents, ses com- plices. Pen de temps avant r6v6nement il 6crit k (1) Sa haioe contre Constance est l^itime, et delate partout dans ses lettres. Cependant lorsque le corps de son ennemi fut apport^ h Constantinople , il le sulvit jusqu'^ r^glise des Saint^Ap6tres avec toutes les marques d'une pro- fonde douleur (Amm. , 1. 21 , c. 16). £tait-ce hypocrisie? A quo! bon? 11 est plus probable que Julien ob^issait & sa nature vive et mobile. Sa vdont^ seule ^tait ferme, mals son imagination et sa sensibility s'allumaient at4^ment.( y aYait en lui beaucoup de Tempereur et beaucoup du poete. 288 VIE DE t'EMPEUEUR JULIEN. Oribase le r^cit d'un songe qui lui presage rem- pire (1); c'est que son esprit est plein de cette es- perance. Les serments de sa lettre aux Atiieniens ne prouvent rien ; cette lettre est une apologie ; et qui ne se trompe soi-m6me sur ses secrets motifs? Ju- lien , dans cette lettre , serable rougir de sa re volte, et les mots qu'il emploie indiquent un sentiment vrai(2). Soit II a ete combattu; maisen cMant, si cela pent s'appeler ceder, il n'a fait que se laisser imposer ce qu'il desirait dans le fond du coeur. Julien eut du moins le merite d'user avec mode- ration et dignite de sa nouvelle situation : « A parlir de ce moment , dit-il , comment me suis-je conduit en- vers Constance? Dans les lettres que je lui ai ecrites jusqu'i ce jour je n*ai pas pf is le titre que les dieux m'ont donn6 , mais seulement celui de Cesar (3). J'ai obtenu des soldats la promesse que si on nous lais- sait la Gaule , ils ne chercheraient rien au dela. Que faitJl ? 11 ameute les barbares contre moi et me sus- cite des ennemis de tons c6t6s. Ses lettres aux bar- bares ainsi que les approvisionnements faits contre moi sont tombes entre mes mains. L'6v6que fipictete vient de sa part me promettre la vie , sans ajouter rien de plus. Moi qui sais que ses serments sont 6crits sur le sable, et qui , par fidelite k mes amis, ne pouvais abdiquer, je n'en suis que plus affermi. • L'empire 6tait menac6 d'une guerre cirile, lors- (1) Leitre 17, (2) P. 521. ^3} P 524. viB DE l'empbrbur julien. 289 que la mort de Constance laissa Julien sans comp^- titeur. L'h^ritier legitime de Tempire 6tait en armes pour s'en emparer, et n'en protesta pas moins qu'il Tacceptait malgre lui (1). II T^criti Maxime (2), k son oncle Julien (3). « Je prends i t^moins le soleil , Jupiter et tons les dieux , que je n'ai jamais souhait^ de tuer Constance. Je suis venu , parce que les dieux m'y poussaient clairement. Je ne voulais que Tef- frayer et le ramener par la crainte. Forc6 de com- battre , je n'aurais compt6 que sur la fortune » Julien arrivait au trdne avec une renomm^e de talents et de vertus que la suite ne dementit pas. La fermete et la justice de son gouvernement dans les Gaules, son habilet6 et ses succes comme g6n6ral, sa vie austere qui sentait plutdt le philosophe que I'empereur (4) , la purete de ses moeurs (5) , la droi- ture de son jugement, sa magnanimity , sonhorreur de la delation, son m^pris pour les courtisans etla vaine pompe (6) , p^omettai^at i Tempire la s^curite au dedans, la gloire au dehors. Simplifier les formes (1) £loged'Eu$4bie, p. 22&. (2) Lettre 38, (3) LeUre IS. Ih) Phasianum, et Tulvam, etsumen exigl Tetuit et inferri, munificis ml- litis vill et fortuito dbo contentus. Hinc contingebat ut noctes ad offlcla divi- deret tripartita, quietis, et publics rei, et musarum : quod factitdsse Alezac- drum legimus magnum , sed mult6 hie fortibs. Amm. Harcell. , 1. 16. (5) Primdm it& Inviolate castitate enituit , ut post amissam conjugem , nihil unquam venereum attingeret. Id , 1. 25, et Cf. 1. 24. — Cf. Mamert., Panegyr. vet. , L 11 , c. 13. (6] Evenerat ut ad demendum imperatoris capillum tonsor venire praecep- tas, introiret quidam ambitiosd vestltus. Ego, inquit, non rationalem jussi, sedtonsorem acciri. Amm. 1. 22, et pass. Cf. le Misopogon, Libanius, Or. parent^ c. 02; Socrate, 1. 3, c. 1 ; Mamert., Pan. vet,^ 1. 11, c. 11. 11. 19 290 vifi «15 Vmmtitm ivtmn. d^ la justice (1), d^barrasser les Idis de tout ce qui les l*endatt obscures et d*Une application difficile, ^ffacer les derniferes traces d^un gouverneliietit des*- potiquc, diminuer les irapdts (2), abolir les taxes extraordinaires, rappeler les exiWs (8) , l6ver contfe les PerseS une arm6e fofmidable et , reprctiant Tof- feusive, porter eu un instaut une aftn^e nolnbreuse au cceur des itals de son ennemi , tels furent les actes de Jullen pendant tin r^gne qui ne dura pas deui ans. Mais ce qui nous importe plus que t6ut le reste, et ce qui eflface toute cette gloire , c'est la guerre J)erflde et cruelle qu^ll entreprit coiitre la religion Chrdtienne. Laissous done Thistoire politique et tnili- taire de son regne , et nous attachant exclusivement i cette lutte ou les destinies du monde sont engag^es, essayons d'en montrer le vrai caractere , et pour cela recherchons d'abord quels 6taient sur le christia- hisme et la mythologie, les sentiments et les convic- tions de Julien , comment il y avait 6t6 amen6 , et quelles furent avant et apres son avenement , ses re- lations avec r^cole d'Alexandrie. Lorsqu'il arrfita cette resolution, que la puis- sance toujours croissante de I'figlise et le nombre (1) Jura correxit in melius, ambagibus circumcisis, indicantia liquid^ quid juberent fieri , vel vetarent Id. , 1. 22. - Tout le monde connalt cette belle r^ ponse de Julien k un juge qui lui disait : S'il suffit de nier, qui sera coupa- ble) Et qui ^era innocent, dit Julien, s'il suffit d'accuser? — Ou doit pourtant rappeler que s'il pardonna k ses ennemis, s'il donna des Juges aux favoris de Constance, les palens eux-mfimes lui reprochent d'avoir foul^ aux pieds le droit et la justice dans les derniers temps de sa lutte contre les chr^Uens* Voyez ci-aprte , p. 332. (2) Amm. Marc. , 1. 1. (3) Julien, (e((re 52. VIE M L*]BMt»ER£tJR JULIEN. 291 immense ded Chretiens rendait tragique poar Tern- plre et pour lui-m6me , quels furent ses secrets mo- tffe? Julien ne croyait pas aux foui dieux , rel^gu^ depuis des slides parmi les fictions et les chimeres, et ^dor^s tout au plus dans les derniers rangs de la 6oci6t6 (1). Comme tons les Alexandrins, dont il 6tait le continuateur et le disciple, il ne gardait de la vieille mythologie que ses noms et ses c^r^monles consa- cr^es , enveloppe poetique propre uniquement h frap- per Timagination et k mat^rialiser, en quelque sorte , dans la pratique de la vie , des id6es d'un ordre ^lev6 sur la nature de Dieu fet des puissances 6Wmentaires. Lorsqtie le respect exag^r6 des traditions et I'amour du merveilleux , signes infaillibles d*une civilisation ^puis6e , encombrferent la phiiosopMede tout cet ap- ^fmreil ttiythologique, il n*y eut pas d'alliance entre la science et le sattctuaire ; et cetle m6me philoso- phic , qui usurpait pour elle-m6me le caractfere sa- cr6 des religions, portait uncoupm'drtel aux dogmes religieux qu'elle d^naturalt en se les assimllant. Si Julien Tut un sacrificateur intrepide , dont les mdins ifet^ent sans cesse rougies par le sang des victimes(2), «*il prit les auspices avec le zele et la soumission tfuncroy^nt , s'il fit partoul relever les temples, c'est (1) Cf. cl-dessus,Iivre 1*% eta. 3, p. IBO. Gibbon attrlbue son aposUsle k un fanatisme religieux pour les idoles du paganisme , parce qu'il ne connalt pas assez quelle ^Uit alors la situatiou des esprits dans les ^coles philosophiques. Foyez son Hist, de la Diead, de Vemp. rom.^ t. h , p. '360. (2} Superstltlosus magis qukm sacrorum legitlmus observator, tnnutneras sine parcimonlft pecudes mactans , ut xstimaretur, si revertisset de Parthis , )[)oves ikta defuturos, Marci illius slmilis Caesarts, In quern id accepimus dic^ tarn : OlXeux6\ p Hist sect 1. 10, c. 5, et Fie de Constaniin^ 1. 11, c 45.— — Zozime, 1. 2 , p. 104. — Socrate , 1. 1 , c. 17. — Sozom^ne, 1. 11 , c. 4, 5. — Tli^odorct, 1. 5, c. 21. — Orose, 1. 7, c. 28. — Of. Libanius; Orat pro templis. Id., Orat parent ^ c. 10. — Le code Th^odosien, 1. 16, tit. 10, 1. 4, attribue i Coustance la loi dont void le texte : «PIacuit omnibus locis atque urbibus universis claudi protiniis templa , et accessu vetitis omnibus licentiam delinquendi perditis abnegari. Volumus etiam cunctos k sacrificlis abstinere. Qu6d si quis aliquid fortd hujus modi perpetraverit , gladio sternatur : facultates etiam perempti flsco decernimus vlndicari : et similiter adfligi recto- res provinciarum , si facinora vindicare neglexerint. » Cette excessive s6v£rit^, et le fait bien constats quMl existait des temples palens sous Constance , et que lui-m£me pourvut k des dlgnil^s sacerdotales ( Symmaque , ^p..lO, par. 54), ont inspire des doutes sur I'authenticit^ de cette loi ; mais la barbaric des pres- criptions pdnalcs n'est pasune cause de suspicion pour un d^cret de Constantin, et surtout de Constance ; et d'un autre cOt^ , 11 n'est pas surprenant qu'au mi- lieu de tant dc troubles , et lorsque les empereurs changeaient eux-mdmes fr6- quemment de religion ou de secte , leurs lois aient ii6 m^connues , ou rappor- t^es, ou m^me oubli^es. Cette s^v^rit^, qui denote un gouvernement irr^solu et peu sdr de lul , serait plutOt une preuve de rauthenticit^ de ce dteret. 294 VIE I>£ l'^mpbe^ur julien. et Libanius sans troubler les chretieos, saM le$ tx^U ter comme des ennemis publics. Tel ^tait en effet 1q sens de ses premiers 6dits (1), Cette moderation ne dura qu'un moment ; et Julien , qui d'ailleurs na cachait pas son aversion pour le christianisfme , ne tarda pas h commencer contre lui la guerre qu'il m6ditait depuis longtemps, line sorte de fatality le poussait. Son apostasie consomm^e, il ne pouvait pju^ Tester neutre entre le christianisme etles faux dieux , c*est-Mire entre ce pass6 glorieux, mais caduque^ auquel il s*6tait donne , et cet avenir plein dei v6rit6 et de force qu'il avait m6connu, Qu'on y pense ; la religion chretienne avait un caractere, objet de sqan- dale pour les paiens, qui n'en comprirent jamais la n6cessit6 et la grandeur; elle 6tait intolerante. Que de fois, pendant les persecutions, les procon- suls se d^clar^rent prftts , pour servir d*exemple , k sacrifier k Jesus-Christ ! Les martyrs souriaient de piti6 ; ils allaient mourir pour leur religion ; et les juges qui n'avaient i la bouche que les mots do re- ligion et de pi6t4 en vers les dieux , ne savaient m6me pas que Tessence d' une religion est d'exclure h ja** mais toutes les autres. La philosophie toWrante et ^clectique des Alexandrins pouvait appeler k elle et (1) A Artabius , Letire 7. « Je ne veux pas que l*on tue ou que Ton pour- suive les Galil^ens contre le droit et la justice. n—Zettre 42. « On pourrait les contraindre sans injustice, mais nous permettons i tous de s*infecter de ce mal. . Notre principe est qu'il faut instruire les Insens^s et non les punlr. « — Lettre 43. « Telle a ^t^ macl^mence euTers les Galil^ens, que j'ai d^fendu de les violenter, de les trainer au temple, et de les contraindre 4 quol que ce fftt contre leur volenti. » — Lettre 52. « Point d'injustice enver? |e9 Chretiens; ils sont plus dignes de pitl^ que de balne. » aecaeiUir tpqs les cultes ; mqis le chrisU^Qi^me m popy^it faire alliance avec un autre dieu , sans perir, Le ])om d'ath^es que Julieu donue aux phr^tien^ etqu'Athanage lui reodait avec wdignatioa, a , dans sa boucbp, ub seqs profoud* Us sont ath^es , seloq JutieQ , parce qu'ils refuseat de respecter et de re- connaitre Jes religions de tous les peuples , el qu'ils se mettent par li en opposition directe avec le senti- ment religieux tel que le comprejipiient ceux mfime d'entre les paiens qui ji^admettaient pas le poly- tb^isme, ou ne Tfitdmettaient qu'eii le transformant. Pour lui, qui admet tous les dieux, les Chretiens sQpt des atb^es eu les m^prisant tous* Qu'importe que les dieux ne soieut aux yeux de Julien que les ministres d*un Pieu supreme, seul parfait, seql cr6ate«r? Qu'iwporte m6me qu*il portage au fond le mepris des Chretiens pour Thistoire de pes dieux telle que la rapportent les th^ologiens et les pr6tres? La gloire , et en mfinie temps la sagesse de la philoso- phie est k ses yeux de pous avoir accoutum^s k adorer le m^me Dieu ^ternel sous taut de noms et par tant de opltes diff^repts, h r^vqrer dans les demons et les demi-dieux ses euf^nts , ses ministres et ses messa- gers ; h conserver avec un pieux respect les formes consacr^es par les prfetres, parce que les lois et les moeurs spmWent atta^ch^es h ces antiques traditions^ et qu'en le^ respectant c'est au g6nie m6me de la patrie que VpD rend bommage. Au lieu de voir dans )$ P|eu del qhr^tieap I'im^ge de ce Picu uniyergel des ?latOQ et ^e^ Aristotfi, d'ftutfijpt plps 4i^t*pcl.e et 296 VIB DE l'empereur julien. plus parfaite , que les formes trompeuses de la my- thologie sont bannies avec plus de rigueur, il ne veut y voir que le dieu particulier d'un seul peuple, c'est-ft-dire, la proscription du'culte universel au profit d'un culte particulier et restreint. Cette m^me adoration d'un seul Dieu , cette m6me horreur des dieux Strangers que Ton reprochait aux Chretiens, avait, depuis des slides, rendu la nation juive odieuse au reste du monde, L'id^e d'une religion r6v616e etait tellement contraire i I'essence du paganisme, qu'apres le triomphe de la religion chr^tienne, les esprits les plus eclaires parmi les paiens se refusaient en- core k I'admettre. On avait beau leur dire que Dieu lui-m6me avait parle, qu'il avait ^nonce les verites necessaires au salut, et prescril la maniere dont il voulait 6tre adore ; cette revelation alleguee comme un fait positif, materiel, dont on citaitla date etles temoins, se confondait toujours dans leur esprit avec ces revelations confuses , incompletes, obscures, qu'ils attribuaient k leurs th^ologiens , et consid6- raient comme des extases mystiques ou des Eclairs de g^nie. Selon les Chretiens, les prophetes par- laient en quelque sorte la parole m6me de Dieu et n'etaient que les organes de la pensee divine ; mais les paiens s'obstinaient k n'entendre par Ik qu'une sorte de gr&ce illuminante , qui rapprochait les pro- phetes de la divinity , sans toutefois que I'homme dis- parut compl6tement, en sorte que dans la doctrine ainsi annoncm, il pouvait y avoir un fonddivin, VIE DB l'empbaeur julien. 297 mais cach6 et comme enseveli sous ce que le pro- phete y avail mis de lui-m6me. Pour rincarnation de J^sus-Christ , elle n'avait non plus rien de nou- veau suivant eux. Si J6sus-Christ n'^tait que le flls de Dieu , il n'etait qu*ua Dieu inKrieur, un demi- dieu , un demon; k ce point de vue , ils pouvaientle prendre pour un revelateur et Faccepter parmi les divinit^s , mais non le pr6Krer k toutes les autres. Si Jesus-Christ etait Dieu lui-m6me , c*est-i-dire SeJ; hi itdGh cette doctrine , aux yeux des paiens, se confon- dait imm6diatement avec les theories alexandrines surle A0705, et nous voyonsen effet qu'Am^liusne Tentendait pas autrement (1). Que r6sultait-il d*un pareil dogme contre leurs hierarchies divines ? fivi- demment rien , puisqu'eux-m6mes distinguaient avec soin la trinity suprfime de tons les vioi Sri/xioupyoc et de la multitude des dieux inf^rieurs. ^identification de Dieu avec I'homme en J6sus-Christ , fort delicate k exposer pour les croyants eux-m6mes, puisqu'elle constitue dans T^glise une doctrine surnaturelle , avail d'ailleurs trop d*analogies apparentes avec To- pinion des Alexandrins sur Torigine et la destin^e du Uyocj dans chacun de nous, pour qu'il leur fut pos- sible de ne pas prendre le change, S'ils n'avaient eii jusque-li que des doctrines puremenl phildsophi- ques ♦ s'ils n'avaient jamais envisage la verite que comme une conqu6te de la science, ils auraient compris sur-le-champ de quoi on leur parlait , en introduisant ainsi tout k coup une virile donn^e k (1) f^oye;? d-dessus , 1. 3, c. 3, p. 72. 9^ Viy PP L'sHPEREOa JUME1I(« rhomme par up miracle au lieu ci'^tr^ a<;bet6e par de longues meditations et ravia en quelque sorte par Tusage naturel de ses fecult^s; mais cette autre source b&tarde, qui q'etait pas la r^velatiou, telle que la compreaaleot les Chretiens , et qui ^tait quelque chose de plus que I4 raison , portait le trouble dans leurs esprits et epgendrait touta cettf) confusion. Comment une r6v61ation de plu^ 6tait-eUe un ar- gument centre la possibilit6 des r6v61at|ons et par consequent centre la l^gitimitd des revelations an^ ^erieiires? l]^ ^e trompaient wnsj doute j \l n*y avail de commun , tout au plus , que }es niqts , enlrg ces extases , ces inspirations po^tiques et I9 r^vei^ttion formelle, expUcite, precise que ronalieguaitcontre m\ ; mais voil4 precis^ment cq qu'ils ne pouvaient concevoir. Si la religion chr^tienne avait 6t6 enseig|i6e ^ Platon , serait-il trop t^meraire de croire qu*il en au- rait ais6roent con^u I'esprit et le caract6re? L'unit6 de Dieu pour lui 6tait enti6re, et il faisait i grand'- peine aux dogmes mytbologiques la gr&ce de lesciter, non sans m^pris, apres avoir derouie ses grandes et sublimes pens^es sur 1' Essence et le ^nfiiovpyoi;, Mais r^clectisme des Alexandrins les eioignait de toute fa^on de cette doctrine s^v^re, dont la sim- plicity fait la force. Pour avoir taut travaill6 k conci- lier le polyth^isme avec 1' unite de Dieu» ils Qe recon-* naissaient plus le dogme de Tunite de Dieu quand U se presentait accompagn^ de l^ negatiQu du poly- theisme. lis jugeaient le qhri^tianisme du point de vue pmen oii ils s'etaient places. lis Tauraient raiem juge et mieux compris s'ils etaient restes purement et simplement philosophes. Cette idee si naturelle que Tunite de Dieu entralne Tuuit^ du culte ne leur venait ra6me pas, Cela n'etait pas asse;? savant, assez compliqu^ pour eux, Rien de simple ne leur allait. Lorsque Tillustre peripatelicien Tb6mistius plaidail 1^ cause des cathoUque^ devant Ten^pereur Valens , dont le z61e pour rarianisme etait plus fatal k la religion que ne Tavaient 6t6, un peu auparavant, les tentalivea r^actionnaires de Julien in Vous ne devez pas vous ^tonner , lui disait-il , de trouver, chez les Chretiens , plqsxeurs sectes differentes, puisqu'il y eu a, dans les ecoles grecques, plus de trois cents. Chacun en^ Yisage la verite par quelque endroit, et il a plu k Dieu de confondre ainsi notre orgueil et de se ren* dre plus venerable en cachant i nos yeux ses nays- tferes (1), » Dieu se r^jouit de cetle variete de tem- ples et de c^r^monies, comme un general qui voit diverses milices manoeuyrer avec ensemble sous ses yeux. Symmaque plaidait aussi, dans les memes termes , la cause des faux dieux sous Tb6odose. « Ce ne soot, disait-il , que des differences de rites. Cha- cun a le sien. Dieu donne aux villes naissantes leurs divinites protectrices comme une dme h chacun de nous (2). » U unite de Dieu n'en est pas alterte; et ces divinites plus familiferes , qui diminuent, pour la (1) Cf. M. Viet. Le Clerc, Biogr. tim'v., art. Th^mlstius. (2) SuuB cuique ino», suus cuique rltui est. VarkM cmtod^i prbi)Hi« ci^qeUi mensdivina distribuit. Ut animae nascentibus, \ih populis fatales j^^nii divi- duntur. Symm., 1. 10 dss I^UrUy letu 01. j 300 VIE D£ l'eMPEREUR JULIEN. peiis6e, Tabime qui est entre Dieu et nous, donnent aux traditions un caractere sacre, et font de Famour de la patrie, une des formes de la pi6t6 envers les dieux. Telles sont les id^es dont Julien avait 6t6 penetr^. II eut ete digne d'un philosophe de comprendre le vrai caractere d'une religion r6v616e, necessairement exclusive , et surtout de rejeter les formes du poly- th^isme apr^s avoir proclam6 , comme on Tavaitfait depuis longtemps , I'unit^ absolue de Dieu ; mais de- vait-on attendre d'un Alexandrin, tout imbu des principes de I'^clectisme et de cette vaine theorie de la religion universelle , qu'il reconnut k un culte le droit d'etre intolerant? Et Julien, qui venait apres Jamblique , et se croyait , comme lui , environn^ de dieux et de demons, pouvait-il abandonner cette forme nouvelle du pantheisme Alexandrin , qui n*a- vait fait que diviniser les Emanations inf6rieures , et qui croyait sauver assez TunitE de Dieu par la loi des Emanations? L'empereur, sans 6tre veritablement paien , faisait cause commune avec les adorateurs d'idoles pour combattre ce qu'ils appelaient Ta- thEisme chrEtien. Sans en pEnetrer la cause, ils voyaient bien , paiens et philosophes , que le chris- tianisme n'adopterait jamais leurs faux dieux , et qu'il n'y avait pas de paix avec cet ennemi. Lui-m6me n'en voulait pas. II disait sous les persecutions : nous remplissons vos places et vos rues ; nous ne vous lais- sons que vos temples. Mais le lendemain de sa vie- loire , il avait detruit tous les temples. VIE DE L^EMPERECR JULlEN. 301 Julien voyait la force du christianisme , et n'en ^tait que plus ardent h Fattaquer. Jaloux de son au- torite comme tout souverain absolu , cette organisa- tion formidable de I'^glise chr^tienne lui faisait om- brage. II avait vu Constance , irrite de la fermete d'un concile, s'emporter jusqu'& tirer Tep^e contre des prfitres et des vieillards , sans rien obtenir. II con- naissait le courage des Chretiens, leurs lumi^res, leur inviolable attachement a la foi et h la hierarchic eccl^siastique , leurs richesses et leur pouvoir nou- vellement acquis (1), leur nombre toujours croissant qui deji couvrait I'empire. Pour arracher saint Atha- nase de son si^ge Episcopal , il avait fallu des legions. George, F^vfeque arien, 6tait plus puissant dans Alexandrie , sous le regne de Julien , que Julien lui- m6me. II faisait sous un prince paien , la guerre aux idoles , et k d6faut de Fempereur impuissant , ce fut le peuple qui vengea Mithra et S6rapis dont il avait renvers6 les temples. Enfin , n'etait-ce rien que ces disputes theologiques des Ariens, des Valentiniens, des Donatistes et de tant d*autres pour lesquels le sang coulait sur tons les points de Fempire? Julien ne jugeait que les faits , et ne voyait que son temps. Plein de fermet6 et de courage , esprit brillant et 6claire , politique habile , il n'avait pas cette h^roique intelligence qui va droit aux principes eternels , et s'y attache au milieu des revolutions. II 6tait trop de son siecle pour le connaitre et pour le juger; (1) Foy. Gibbon, Hiitoire de la dicadence de V Empire rofnain^ t. IV, p. 157 , sqq. 602 VIE DE L^fiMPEREtJA JfULllBN. il s'est d^vou6 avec resolution et courage i Ce vieux monde qui n'en pouvait plus , et ce qui (Stait vivant alors , ce qui avait la jeunesse , la force et Faveiiir, 11 Ta proscrit. Eniin, si les 6v6ques n'avaietit pas trait6 Cori*- Stantin comme un cat^chumfene ordinaire , 8*ils Ta- vaient admis avant son bapt6me aux c^r^monies les plus sacrees, s'ils avaient srfuffert qu'il presiddt les conciles, 11 n'en 6tait pas molns Evident, qu'aux 6gards dus au chef de rempire , se nielait la resolu- tion in^branlable de soustraire ^ son autorite le gou- vernement spirltuel de Ffiglise, de regler sans soft concours tout ce qui touchait la fol et m6me la discipline Interleure , et de ne trailer I'empereur , pour la participation des sacrements, que comme un simple laique. Cette 6gllse , qui se gloriftait avec raison de la fermete avec laquelle elle avait instruit, et au besoin r6primand6 un empereur qui 1' avait combine de bienfaits (1) , faisait assez paraitre par cette con- duite , qu'elle se regardait comme une puissance s6- par^e, ettout k fait independante d'une autorlt6 que chaque Chretien s'empressait d'ailleurs de recon- naltre indivlduellenient dans Tordre civil et pure- ment temporel. La religioti paienne , au contralre , dont rinstltutlon 6tait en grande partie politique, avait toujours 6t6 comme un instrument entre les mains de Taristocratie soils la republique, et la di- gnity de souverain pontife avait ete reunie d6s Tori^ gine k la couronne Imp^riale. Cette union du pouvoir (1) Gf. Th^odoret, I. 5, c. 18. VIE DE t'tMPEREbR JtJLIEN. SOS f eligieux et temporel consacrait les droits de Tempe- feut , rendait son autorit^ v6n^rable aux peuples , et supprimait , en d6tf uisant toute occasion de lutte , I'un des plus grands dangers qui puissent menacer la security de Ffitat (1). C'est done comme enipereuf en m6me temps que comme philosophe , que Julien s'est tourn6 contre le cbristianisme. 11 ne Ta rejet6 ni pour le dogme de I'u- liit6 de Dieii , qn'il adttiet lui-m6me (2) , ni pour sa morale qu'il connait et qu'il admire (S) ; mais il a craint cette puissance capable de dominer la puis- sance imperiale , cet esprit d'envahissement et de propagande, suite necessaire eti certains 6gards legi- time deFintolerancereligieuse , ces ardentes querelles qui introdulsaient dans le monde des Causes de guerre jusqu*alors inconnues , et divisai6ut les Iiommes par les doctrines, comme ils I'etaient autrefois par les inter6ts, les lois et les moeurs. Aprfes avoir subi dans Sa jeunesse cet esclavage de la pens^e , qui nous oblige de refouler en nous-mfimes nos convictions les plus chores , et de cacher comme un crime les adorations que nous rendons k notre Dieu , il respirait enfin , en saisissant le pouvoir absolu , et quand la liberte ne dependit plus que de lui , il la donna k tons les cultes , hormis k celui-li seul qui proscrivait tons les an- tres (4). (1) Cf. Mimoirei de VMadimU det InseriptioM ^ t. XV, p. 88, sqq. (2) P'oy. ci<-apri&8, 1. 4, c 2. (3) Lettr§ A9, d Arsace. [li) C*est k tort qu'Amm. Marcell. a pr^tendu que Julien ne se d^clara ou- f ertement contre le cbristianisme qu'i^ Constantinople , apris son av^nement. 504 VIE BE L*EMPEREOR JULIEN. Enfin , pour achever de nous rendre compte de r6- tat des esprits a cette epoque , et des sentiments que Julien trouvait autour de lui et en lui-m6me , compre- nons bien que cette exclusion des dieux Strangers n'a- larmait pas seulement la pi6t6 des paiens et Find^pen- dance des philosophes. Le paganisme avait une double origine et un double caract^re , et r^pondait sous cha- cune de ses faces , a un besoin different de Tesprit et du coeur humain. N6 longtemps avant Thistoire, de cette n6cessit6 oil nous sommes de rattacher notre 6tre et nos esp^rances k une nature superieure , il reposait avant tout sur une theogonie confuse , souvent alter^e par la fantaisie des poetes , mais dont les traits prin- cipaux se retrouvaient partout , sous des noms et des symboles divers, comme les formes constantes de la pens6e impriment a toutes les langues un fond d'affl- nit6 et d'analogie. Plus tard , chaque naiion s'etait emparte de ces solutions ind^cises , et pen k peu les avait accommodees a son genie et k ses besoins. Les dieux eurent bientdt deux noms, et pour ainsi dire deux formes ; sous Tune , ils tenaient leur rang dans lath6ogonie g6n6rale; sousTautre, ils appartenaient k la ville qui les avait choisis , ils en 6taient le genie tut^laire , ou plutdt le Dieu n'etait que la ville elle- m6me, la patrie personnifiee et divinis^e* Ainsi ve- naient se fondre dans un m^me culte , avec le respect que Ton doit aux dieux , Torgueil national exalt6 par Julien lui-m6me, dans sa lettre aux Athiniens^ declare qu'il a offert publl- quement des hteatombcs. Cette longue dissimulation (elle dura pr6s de dix ans] devalt lui pcser; et ses victolre? dans !a Gaule la rendaient moins n^cessalre > sa sOret^. r VIE BB l'bmpbreur juubn. 305 une image sensible, et tout cet ensemble de senti- ments chers et sacr^s qui nous attachent au sol et constituent dans le coeur de Thomme. une religion veritable. Lorsque le progr6s de la philosophie eut fait triompher le dogme de Tunit^ de Dieu et chass6 le poly th6isme de tons les esprits 6clair6s , on res- pecta dans ces idoles grossi^res le symbole de la pa- trie et I'image pr6sente de la protection divine. Les Alexandrins surtout, qui connaissaient k fond la na- ture humaine etl'histoire deThumanit^, constataient dans le pass^ , ressentaient en eux-m6nies le pouvoir des longues et v6n6rables traditions ; et ils ne com- prenaient de progr6s pour la pensee qu'i condition de concilier lesd^couvertes nouvelles avecles croyan- ces antiques, et Tessor ind^pendant du genie philo- sophique avec la foi soumise et confiante. Comme ils reliaient toute chose en m^taphysique par une pro- portion continue qui embrassait toute la serie des fetres, ils voulaientque rhumanite sedeveloppat dans I'histoire sans secousses, sans revolutions; c*est par li que , malgre leur incredulity tres-r^elle , ils te- naient encore aux vieilles formes de la religion paienne , i ces dieux consacres par une longue ado- ration y et qu'ils ne s6paraient dans leur fidelity , ni des grands poetes qui les avaienl chantes , ni de la langue , ni des arts immortalises par tanl de chefs- d'oeuvre , ni des doctrines philosophiques fondees sur les mythes , et conformes , suivant eux , k la sagesse des oracles, ni des lois , aussi anciennes que les tra- ditions religieuses sur lesquelles elles s'appuient, nl II. 20 806 vil8 l>fe L*B»MM!jR iviiiAii. des moeUr» ettfdlit6e« ^t feanctionn^es ps^r e6s tradi- flons , fit d^ let Gi^ce 61ifin , patrle commune de tous leshonttraw 6cl»ir6s, m^te et protecfrice de la civili- sation dtt tiionde. DSs Tapparition du christiatiisme , eeux (|ui piirent pr^sager »a force, trembl6^reiit pour rhelWiiisroe tout entier; et les premiers chr6tiens, qui se glorifiaient dfe t*oinpre avec la i^agesse du sifecle, et d'abatidonner toutes chosei^ pour J^sus cruciM , ne leui" parui'eilt pas moiris impies en me- prisant Hom^re etles lettres, quequand ils foulaient aiux pieds les idoles et se d^tournaient des temples avec hbrreur. Mais lorscjae leS Chretiens , qiii pendant les pre- miers si^cles ne sortaient des catacombes oft s'ac- complissaient letlrs inyst^res , que pour mourir sur les places publiques dans d'affreux supplices, eurent recu de Constantin la Hberte , quand les eglises s*^- Iev6rent partout, comrtte par enchantement, k c6t5 des temples, quand, h la voii de Fempereur nouvelle- ment eonverti, les temples furent arraches au culte des idoles, surmont^s de la croii, et consacr^s k J^- sits-Christ, ou d^vast^s, prives de leurs honneursetde leurs ceremonies, et laisses dans les villes, sans portes, sans toitures , et sans idoles , comme des monuments de la victoire du fchristiaftisrne, quand les livres de Porphyi^e eurent 6i6 livr<5s^ aux flamfties , ef son nom d^oti^ k reiteration pubUque , et que les Alexan- drins n'osefent plus qu'eh tremblant, offrir aux dieux des hommages clandestins , leur indignation et leur ftainef s'aecrutet^t encore de leur Impuissance , et VIB DB l'smperbub julien, 307 forces qn'ils ^talent de se taire sur le cbristiatiisme dans leur enseignement public et dans leurs ecrits , lis n'en ftirelit que plus attaches k leurs supersti- tions , et plus ardemment d6vou6s 4 la cause de I'hel- l^nisme* C'est alors , c'est k ce moment que Julien , & peine adolescent, conduit de Constantinople (1) k Micom6die, et ensuite i Athfenes, y connut ces op- prim^s d'hier, tout fr^missants sous le Joug, et pre- sentant k sajeune imagination, les arts et le pass^ glolieui de la Grdce, dont lis se disaient les dernlerd soutiens, poursuivis et opprim^s arec eux, Tel est le jugement que portaient sur le christia- nisme et sur les besoins de leur temps, non-seule- ment Julien et les sopbistes dont il etait le protecteur et Tadepte, mais tons les esprits ^clair^s qui avaient r^siste k la revolution cbr6tienne , et n'attendaietit que de la philosophie et des lettres le salut de leur vieux monde 6pui96 et croulant. Comment s'^tait accomplie cette intime alliance , cette commutiaut^ d*ideeset de sentiments entre I'^cole de Jamblique et le neveu deConstantin, beritier de Femplre, 61eve par des Chretiens sous rautorit6 de Coiistance? Chretien fervent pendant ses premieres ann^es (2) , et meme rev6tu d4ns F^glise de la charge tdi ieep% 6eta«r)ibv auv^otxtt&v. /#. (4) Occultl Mercurio supplieabat i utqut omneii nullb tanpedlentc ad lut fa* vorem lUlcertC, adbdoreto cidttii c&Astlano flngebat, It quQ|am iivideii oc»Ulti aesctverftt, awinormn ^arUci^bviB pau^is, arufplMkisa MgWiltoffm iKtMtus, 312 VIE D£ L*£MPEREUR JULIEN. christianisme (1). Un de ses familiers, k la fois son confident et son complice , Taidait & accomplir les rites de sa nouvelle religion. II remplissait en public tons les devoirs d'un chr6tien ; mais d6]k il s'etait fait initier au culte d'fileusis par Thi^rophahte de Mythra (2). Les liaisons qu'il forma vers cette)6poque furent durables, et exercferent leur influence sur toute sa carri6re. L'hierophante de Mithra , dont Eu- nape tait le nom par un scrupule religieux (3) , de- vint son guide et son ami. Plus tard , lorsqu'il prit la resolution de se d61ivrer de la tyrannie de Constance, il I'appela pres de lui dans les Gaules, et ce fut, avec Oribaze (4) et fiv6m6re , Funique confident de ses desseins contre la religion (5). A peine se fiit-il de- et caeteris quas deorum semper fecere cultores. Amiii. Marcell , I. 1. Cf. le passage ddj& cit^ du discoprs aux Ath^nieos, ci-4essus, p. 303. (1) Ay^Oti 6e goTw too crxoTOLK; fexeCvou, p. 247, Disc, k Sallnste sur le soleil. Cf. la lettre aux AlexandHnSy d^j^ clt^e. «Croyez-en un homme, etc. » II appelle aiUeurs le christianisme une maladie , lettre 17 , k Libanius. (2) Eunape ne mentionne pas IMnitiation de Julien, quoiqu'il insiste sur la fa- miliarity de ce prince avec Thidrophante. J^oyez , sur ce passage d'Euuape et le culte de Mitbra, I'article d<|& cit^ de M. Cousin , Fragm, hist,, p. 246 , et I'^dition de M. Boissonnade , p. 298, p. 300 sq. ; Wyttenbach, p. 183 sq. (3) Tou 5^ lepo^dvTOu xttT* ^xeXvov t^v /P^vov 8oti^ -Jiv toijyo\ut , o^j ptoi 8^|jli? Tiiytw kxOiti yip t6v TaoTa ypd^ovxa, xal el? EiijioXirCSa? -JiYe. Eun. ,1. 1. (h) Oribaze, n6 k Pergame et ^lev6 k Ath^nes, et le disciple le plus illustre du m^decin Z^non, que Julien envoya plus tard k Alexaadrie, fut le con- fident et rami dc Julien ; c'est k lui que Julien ^crivit le r^cit d*un rdve qui lui pr^sageait Tempire (Julien k Oribaze, lettre 17. Pet. , p. 132) ; c*est de lui qu'il parle dans sa lettre aux AtMniens (Pet. , p. 500) comme ayant ^t\K7TQCVT(vou Tupavv(6o<* I viB Ds l'empbreuh julibn. 313 Clare , qu'il ne cessa de donner k tous ces fauteurs de son apostasie secrete, les marques de ramiti^ la plus tendre et d'une confiance sans limite. II 6crit k Liba- nius aussitdt apres avoir 6t6 proclam6 Auguste dans les Gaules : « Nous adorons les dieux publiquement; rarnai6e a de lapiete; nous immolons desboeufs sans myst^re. Nous avons offert beaucoup d'h^catombes en actions de graces (1). » Libanius , dont il n'avait pas entendu les lecons (2) , n'en 6tait pas moins Fun de ses maitres les plus chers; il se nourrissait de ses Merits, et s'eflForgait d'imiter sa maniere et son style (3). Ses lettres a Libanius, k Maxime, k Prohe- resius, k Aristomdne, respirent Tenthousiasme le plus outr6 pour leur science et leur g6nie. II appelle Libanius , mon frere , o^eXtps 7to9etvoT«Te (4) , il le comble d'61oges sur ses ouvrages (5); il ecrit k Maxime : N'oublie pas qu'en ton absence, je ne vis que quand je puis lire tes lettres (6) ; et ailleurs : « L'aigle, pour reconnaitre ses petits , les enl^ve dans les airs , et les abandonne k leur vigueur native. Imite-le ; si mes ecrits te vont, ils sont murs pour la post6rit6 (7). » Mais c'est surtout pour Jamblique qu'il est prodigue de flatteries et de louanges (8) . « II m'est permis, dit-il, Taora Sk {jLaioi, xotxi x6 icdTptov tt^(; •'('havzri^f Euiiiupo?. Eun. Bss. (1) Lettre 38. (2) 6 St (iouVotv.) oO cpotta (xh* ittxp^ k\3Jty x.t. X« Libanius, Orat. parent. , vol. 1 , p. 526. (3) Fabric. , bibL gr, , Harles. , t. 7, p. 721. (4) Leitre 3 , p. 117. (5) Lettre U. (6) Zc«rc* 15, 44. Kl) Lettre IQ. (8) II s'agit ici , non du divin Jamblique , maltre d'^d^us et de Tti^odore , sin Vin DB L*£Mt>EftfiUR JULIAN. do vous admirer, car on peut admirer nm statue sans rien connattre ^ I'art du statuaire (1). ^i Une autre fois , il lui 6crit pour le remercier de quelque critique amicale que Jamblique lul avait adresse^ par Sopater : « Dds que j'ai vu Sopater , votre envoy6, j'ai couru i lui , je I'ai embrass6 , et le plaisir d'avoir de V08 lettres m'a fait pleurer de joie...., Paime mieux p^cher par omission en ne vous 4crivant pas assez, qu'en accablant de lettres un si grand homme..... Vous qui avez 6t6 6tabli pour sauver rhell^nisme, navrii; ToO JEXXviveKou (T^-rtpi >t«9e^t&)Ti, C'esl k Yous de m*encourager , de me soutenir, de me pousser. Une lettre de Jamblique iraut II mes yeut tout Tor de la Lydie (9). » Toute cette correspon- dance est pr^cieuse pour rhistcrfpe. Gbaque ligne y d^Yolle Tenthousiasme de Julien pour ses mattres^ et son d^Touement 3ans bornes aut doctriQes qu'il a embrass^es. II 6crit i Libanius : t Arriv6 k Batna..... » j'ai6t6re?u par un amibien cher, que pourtant je voyais pour la premiere fois, Sopater, autrefois le Gompa* gnon de Jamblique. C'est un crime k mes yeux de ne pas aimer toyt ce qui touche de tels hommes. Mais pour aimer Sopater, j'avais une raison plus grande encore. Sopater a rei^u souveat mon ancle et mon cousin ; et vivement soUicit^ par eux d'aban- donner le culte des dieux , il a eu assez de vertu et de courage pour ne pas tomber dans cette maladie , mais d'un autre Jamblique , du ni^me pays et de la m^me famlDf . Qf. Fab^p. , Bibl. gr.y Harl., t. 5, p. 760. Brucker, t. 3, p. 268. (1) Lettre SU. m Mtrt 40. a II. VIE D& l'eupereuk julibv. 815 ou3t IW^g*) t^ voao) (1). » Lorsqu'il veut persuader & Basile de se fixer pr^s de lui, « nous vivous ici comme amis, lui dit-il. On s*yreprend, on s'y oc-r cupe d'aflFaires ; on jouit d'une liberie aipiable et de-f cente ; jetravaillepourlebonheur de tous (2). » Danij ses Lettres , daqs se£ Disceurs , Julien ne parle jamais de la Gr6ce qu'avec transports ; c'est sa patrie Y6ri^ table ; Ik sont ses dieux , ses modules , ses maitres , toqt son ccBur (3). Si on I'enYoie ^n Gr^ce comme en exil , cet exii le cpmble de joie (4) ; si on le rapn pelle k la cour , il ne part qu'en gemissant (6) ; sa premiere d-marche est pour refuser les honneurs , et redemander son cher exil (6). Uhelli^nisme est le Bom que lui^mi^me donne ji sa cause; ce noufi dit tout : rhellenisme est en eflfet la vraie religion de Ju- lien. Lorsqu'il se revolte contre Constance , ce n'est pas au monde entier , c'est au centre de la civilisa- tion, k cette patrie commune des esprits ^claires, c'est au s^nat et au peuple d'Ath^nes qu'il adresse sa justification (7). Nous le iroyons entour6, d^s le premier moment, de rhi^rophante deMitbra, d'Oribaze, d*£v^m£$re. II envoie rhi6rophante en Grfece, combl^ de pr6- (1> Lettre 27. (2) Lettre 12. (3) £loge d^'Eusibie^ p. ^?1. (4) « Quand je fus renvoy^ en Gr^ce , ce que tout le monde regardait comme itn «xil » n'al-je pas au cpntralre c^lebr^ moh retour comme une fitp , b^ni la fortune et regard^ qe ch^ng^epient con^me r^T^neoient le plu^ Ueoreux? p. /(78. (5) Discours au s&nat et au peuple ath4n» (6) Jb. et au Peuple athdn. 316 VIB D£ l'eMPEREUK JULI£N« sents, charge de I'autorit^ iinp6riale, pour relever et prot6ger les temples, nommer despontifes, rani- mer partout le culte des dieux. II trouvait Themis- tius plac^ par Constance dans le s6nat, il le fit pr6fet de Constantinople. II se h&te d'appeler pr6s de lui Chrysanthe et Maxime. Ses lettres portent k lafois Fenthousiasme et Tinquietude dans les ecoles d'fi- m6se et de Pergame. Maxime et Chrysanthe se r^unis- sent , delib^rent , interrogent les dieux. Les presages sont menacants. II faut rester, dit Chrysanthe, et mSme il faut nous cacher. Est-ce li , r^pond son ami , la doctrine qu'on nous a enseign^e des Tenfance? Devons-nous perdre courage aux premieris signes de- fa vorables? Et n'est-il pas d'un homme prudent et ferme , d'epuiser toutes les evocations , et de forcer les dieux i seconder nos desseins? Chrysanliie per- sista dans sa premiere resolution. Ni les conseils et les prieres de Maxime, ni les instances de Julien qui lui ecrivit une seconde fois , ne purent Febranler. II recut, ainsi que Melite, sa femme, le souverain ponti- ficat de la Lydie (1) , et vit partir son ami , comme en triomphe , au milieu des acclamations de tout un peuple. Priscus ne tarda pas a se rendre aussi pr6s de Tempereur; mais il conserva k la cour du sou- verain toute raust6rit6 de ses moeurs. Maxime au contraire , enfl6 de son credit et de sa puissance , admis pr6s de Julien nuit et jour , appel6 k tons ses conseils, prit, k I'insu de Fempereur, des habi- (1) Sur les souyerains ponttfes, voyez Godefroy, Code de TModo$e , t. 4 , p. 483. VIE DE l'eMPEAEUR JULIEN. 817 tudes d'616gance et de moUesse , et devint superbe ct difficile. Cetait un spectacle nouveau, pour un peuple accoutume au faste des empereurs de FOrient , de voir des sophistes et des rheteurs prendre aupr^s de Julien la place des courtisans , et Julien lui-mfeme , v^tu comme eux, plus simple dans ses moeurs, plus neglige dans ses habits que ces nouveaux venus, tournet en derision le luxe et la mollesse de ses de- vanciers (1). Cette vie austere avait et6 un de ses se- crets pour aller au coeur des v6t6rans , lorsqu'en ar- rivant dans les Gaules, et tout nouveau dans le metier des armes , il avait partage la nourriture des soldats , port6 leurs v6tements , couch6 sur la dure au milieu d*eux. Un g^n^ral n'a pas besoin de pres- tige, la renomm^e de son courage et de son g^nie lui suffit, toute sa majeste est dans la victoire. Mais sur le tr6ne , il faut Tappareil de la puissance. II faut qu'on puisse oublier un peu Thomme dans le souverain. Get eclat dont le souverain s'environne ne pese pas a I'orgueil des sujets ; tout au contraire , il le met k False en eloignant la comparaison. C'est ce que Julien ne sut jamais comprendre, dans son ardeur de reformes et de gloire. Get entourage de philosophes, Famiti6 et m6me la deference que leur t^moignait (1) On salt que Julien ayant demand^ nn barbler, le barbierde la cour entra couvertde splendides vetements, et que Julien dit en riant : J'ai demand^ un barbier et non pas un s^nateur. II fit main basse sur I'innombrablc doniesticiid du palais. Saint Gr^golre de Na2ianz« (1 disc, contre Julien) afTecte de ne Toir dans ces reformes qu'une persecution ntai d^guis^e contre des amis de Constance, trop d^vou^s k ia religion chr^tienne. 818 YiS OS L^«llP£fiSU& JI7LIEN. Fempereur, son m6pri$ pour la repr^seotsltidti exte^ rieure (1) , lasimplicite peut-6tre affectee de sdft ma^ nleres, ses longs discours ^ souvent eloquents , tou- jours spirituels , mais plus con^enables k un rh6teur qu'i un prinCe , ont trouv6 un censeur dans Ammien Marcellin lui-m6me , et ce n'est pas sans une sorte d'indignation qu'il nous repr^sente Fempereur des- cendant deson tribunal^ et quittant rassembl^e sur« prise pour courir au-devant de Matiine dont on lui annon^ait la venue (2)* On ne peut pas dire que la place de Julien eut ete plutdt dans une acad^mie que sur un tr6ne , puii»qu'il f ut grand general et grand enapereur ; naais le earao t6re du philosophe , de I'homnie lettr6 , ou comme on disait alors ^ du sophiste , dominait eit lui tous les autres« Get amour de Tetude qu'il avait manifeste d6s Fenfance^ s'etait accru arec T^ge. Envoye dana les Gaules , comme en exil , avee le titre de Ceaar, qui devait 6tre et ne fut pas un vain titre , il se con- sole , parce qu'Eus6bie , sa bienfaitrice ; lui donne une biblioth^que , General , il emporte ses livres au camp , «pour sa nourriture, » dit-il ; et Ton voit, par I'erudition , souvent puerile et superfine, repan- due dans ses 6erits ♦ qu'il s'en nourrissait en efifet. 11 faisait trois parts de ses nuits ; Tune 6tait consacrea au repos ; il donnait les deux autres aux affaires et (1) Foyez dans le MUopogon ce qu'il dil lui mdme & propos de sa barbe. Ses paroles ne sont pas d'un stolcien , mais d'»n cynique. (2) Amm. Marc, 1. 22, c 7. Julien eut quelquefois k se plaindre de la tid- deur ou de la prudence de ses amis , qui pr^voyaieat sa d^faite et songeaient au lendemain. p^oyex leltrc 62, lettre Odt via J>« li^iMi^BRElJH ititlE*. ^19 km tnuses (< ). Ce gi^n^ral ^ui a yaincu les AUemands^ ^clfi6 la Gatile, r^par6 des villes, organist Tadmi- nistratlon de tadtes provinces , d^jou^ les intrigctesi de ses proprds ministres, ligu^s contre lul avec Constance; cet emperetir (}ui a diminu^ les impdts, r^form^ les laid et la justice, ct66 une arm^e et port6 la guerre juscju'en Perse; qui, en arrivant au trdne , sans tegarder le danger, s'est mis k I'oeuvre pour arracher le monde au christianisme d^j4 tout- puissant, et relever partout les autels abolis et m^pris^s des faux dieux ;'lorsqu'6 trente-deux ans, il moorait sur 16 chanlp de bataille, apres tant de grandes entre{^ses accbmplies ou tent^es, laissait h la post^rit^ des otivrages confus, bizarres, tout charges de mauvais goAt et de digressions inutiles, mais atusi d'une originalit($ et d'une verve incom- parables, d'un style souple, vif, p6n^trant, ac6r6 dans rironie, ^nergique dans la plain te , ferme et precis dans le cammandement, t^moignages cer- tains de profondes coiinaissances philosophiques , d'une Erudition presqueunivel^elle et d*une vigueur de pcins^e capable, h elle seule, dMnimortaliser son noiii. Quecette longae fascination, i laquellecon- eoururent ramonr des lettres, la philosophic, le Baalheof et ta cause vaincue^ si puissante sur de telles &mes , que les d^sordres sanglants de Taria- nisrae, el la sodet6 traubl6e j usque dans son fond (1) Amm. MarcelL, 1* 16. Of. Lettre de Jiilieo^ Ecdicius, ftf^fet d'$gypt« (tetire 9). alt en est quf aim^nt les chevaux, lesoiseaux, la chasse; moij'aime les Ifevnv) il fst «bmtfo d« laUM 4e t«Btft rIelMiscs i dB9 «variel«taK quf n'orif JaoiiUs assez d*or » 320 VIE DB l'bmperbur julien. par ces luttes ^tranges et nouvelles , que surtout cet amour ardent de la Grece, sa veritable palrie, comme il aime k I'appeler, protegeat sa m^moire et la d6- fendent centre les exag^rations d'une colore legi- time. Ni la gloire, ni le genie ne peuvent justifier un prince d'avoir tente d'arr6ter le mondeetun philo- losophe d'avoir 6t6 persecuteur et intolerant. Crime ou malheur, son erreur est de celles que Fhistoire ne pardonne pas. Maintenant que nous avons decrit les sentiments de Julien et fait Fhistoire de son apostasie, il nous reste i raconter cette lutte c61ebre qu'il commcnca en pbilosophe et finit en persecuteur. Tout sophiste qu'il 6tait; Julien ne devaitpas jouer sur le trdne le personnage de Claude. II garda dans son r61e d'empereur les passions et les convictions d*un sophiste ; mais il avait cette babilete pratique , cette ferraete de vue etde coeur sans laquelle le pou- voir souverain n'est qu'un hochet dans les mains d'un homme. Lorsqu'il re?ut le titre de C6sar et le gouvernement des Gaules, son apostasie etait con- somm6e, mais secrete. Dans ce hautrang, qui le rapprochait de la toute-puissance imp6riale , il con- coit sans doute I'espoir d'une reaction contre lechris- tianisme; son projet et son ambition murissent en- semble; mais, en politique profond, il cache tout au fond de son coeur, et ne s'6panche que dans le sein d'amis 6prouves, unis k lui par la conformity de leurs opinions et de leurs voeux , et dont il est de- yenu tout i coup T unique, mais solide esperance. viE.DE l'bmpereur jdlikn. S21 Eofin la mort de Constance ne laisse plus d*obstacles entre lui et ses projets: que fait-il? II se declare sans doute (1) ; mais au premier moment il ne parte que de tolerance (2). Philosophe , il ne pent perse- cuter sans renoncer ouvertement k I'essence m6nie de la philosophic ; chr6tien apostat , il a vu de pres les courages qu- il faudrait affronter, il s*est agenouill6 dans les 6glises 4 c6t6 des martyrs ; il salt pour qui a coul6, en definitive , le sang vers6 k flots dans les persecutions (8). II compte en quelque sorte avec sa haine , et il comprend que pour Tassouvir, il faut la regler. Julien d'ailleurs a un sentiment profond et une intelligence claire de la justice. II la connait et il Taiine. Dans ses Merits il en parte comme un sage ; dans les actes de sa vie priv^e et publique, un point seul except^, il ne s'en 6carte jamais. A ses yeux le christianisme est bien r6ellementuneimpiete, non parce qu'il attaque les idoles, mais parce qu'il me- nace la philosophic , les lettres et les traditions ; il combat pour ce qu'il croit juste et vrai contre ce qui lui paratt dangereux et crirainel; il use de son pouvoir dans Finterfit de ses convictions. La tole- rance qu'il proclame d'abord n'est point cette indif- ference du pouvoir temporel telle que nous la conce- vons aujourd'hui , et qui consiste k garder la paix publique en protegeant tons les cultes sans en prefe- ct) Ubi ver6 , abolltis quae yerebatur, adesse sibi Uberum tempus faciendi quae vellet , advertit , pectoris patefecit arcana : et plan^ absolutis decretis ape- riri templa, arisque taostias admoveri, et reparari deorum statuit cultum. Amm. Marcell., 1. 22. (2) P^oyez ci-dessus, p 29a. (3) Cf. Saint Jean Chrysost6me , Orat. in Juvent, et Maximin. MarU II. 21 rer aycun^ Pfte Ipngiig e^p^rw^nc^ 4Uacbe^layer^ Piaganis^e de^s tenril^^s ax^cur «atioiis .doDt touteB les eglises r^entis^eBt Qontn^ ]^i{^, iivcun wlt/B n'est puWie 4m^ s«p 'ji«rg6«^& Le^ Jtfi^, R«tez .pQur/voi le .pliM^nuul ^ di^ei^Mie $n|uo(4pY^<; q^i jyi^'a doq^ la«OunWN^..)>.Il'Seipropi)9«>xie.r4pai^ etd'i^t»it«r,^^ilMMl^ ,^1 il imiWw^mxim<^^ Ql«u.dM awlioitt d^igrAota, S24 Vlte DE I'EMiPfitlEUft JtlLIfiN. que leur culte a de commun Avec le christianisme pour ne voir en eux que des ennemis des Chre- tiens (1). Les temples et les biens qui en depen- daient avaient 6t6 saisis par Constantin et ses fils et r^unis au domaine imperial , ou distribu^s au clerg^ ; Julien fit restituer les richesses provenant de cette source ; et de telles restitutions , exigees a la rigueur aprfes une longue possession , troubl^rent F^tat des fortunes dans tout I'empire et donnferent lieu h des condamnations vraiment tyranniques. L'empereur obligeait ceux qui avaient d^truit des temples de les releveraleursfrais (2). En m6me temps qu'il vienten aide aux faux dieux , il defend aux Chretiens de faire des proselytes (3). Baptiser un adulte devient un crime. La predication de Tfivangile est interdite, parce qu'on ne pent annoncer Tfevangile sans prfecher le m^pris des idoles, et le m^pris des idoles est ce que Julien appelle I'atheisme. En represailles des livres brul6s de Porphyre, on jette aux flammes les livres Chretiens que Ton parvient k saisir (4). Gnn*6te plus (1) Le r^tablissement du temple de Jerusalem , commence par Julien et interrompu par un miracle, estun faU clairement attest^; inals les prodiges ^taient cms et racont^s , ik cette ^poque , par les chr^tlens et par les palens avec une telle cr^ulit^ qu'oTi ne peut attribuer i de tels faits aucune sorte d'importan€6. Consultez les explications que propose Gibbon, U 1., p. 418, et la note de M. Gulzot. (2) A cette occasion , Marc, ^v^qtie d*Ar^thuse, souffiit le martyre. Julien , «auy£ par lui vingt-six ans auparavant , lui fit grftce de la vie et non du sup- plice. (3) Lettre 6 , & Bcdlcius. (4) Vous me rendrez le service personnel de chercher tons les livres de Georges ; 11 en avait de philosopble , de rh^torique , un grand nombre renfer^ mant les dogmes de ces impies Galtkens. Je voudtaii d4tru%re ees demiers aans exsK>ser les autres k p^rlr. Le bIbliothAoaire de. Georges vous atdera ; VIB BE L*£flil>£R£UA JCLIBN. 525 aux Chretiens , comme autrefois , les droits et le rang de citoyens; mais, sans les exclure touti fait, I'em- pereur a soin d'ordonner qu'on leur pref^re tou- jours les hommes pieux (1). Les voili, par ce seul mot » en dehors des fonctions publiques ; et quel ma- gistrat pent ignorer, dans TiStendue de rempire, qu'un Chretien est rennemi de I'empereur? Julien leur dispute jusqu*i leur nom. Dans ses ouvrages comme dans ses ^dits , il affecte de les appeler tou- jours Galileens; et Ton croit que le nom de Chretiens fut supprime par une loi (2). Est-ce une ftiiWesse in- spir^e par la haine? £st-ce I'espoir de troubler dans les esprits I'image de I'figlise universejle et d'inter- rompre sur ce point la tradition ? Const^ntin , tour a tour arien et ortbodoxe , avait banni Tun apr^s Fautre Arius et saint Athanase; Constance, d6vou6 h Tarianisme , avait envoye en exil les eveques or- thodoxes. Julien rappelle les bannis , et active ainsi le feu des disputes theologiques. II se vante , dans ses lettres , comme d'un bienfait , d' avoir rappel^ les exiles (3) ; mais son intention n'est pas douteuse , et cette cl^mence pr^tendue ne trompe personne (4). s'il sert bien,Ia liberty ; sMl montre du mauvaisvouloir, la question.)) Leitre% k Ecdicius. Cf. leUre 36 , k Porphyre. (1) Je ne veux pas que Ton tue ou que Ton poursuive les Galil^ns conlre le droit et la justice ; cependant U leur faut toujours pr^f^rer les hommes pieux , les honnfites gens. LeUre 7, k Artabius. ( 2) Saint Jean Chrysost6me , discours sur saint Baby las, — « Saint Gr^goire de Nazianze , discours 1 sur Julien. (5) Lettre 52 , aux Bostriens. (4) Dbi ver6 abolitis quas verebatur, adesse sibi libenim tempus fociendi quae Tellet, advertit, pectoris patefecit arcana; et plan^ absolutis decretis, aperiri t^nipU, ari$(|ue hQstias adpioyeri, et reparari deorum statuit cuUuri, Ulque S3^ vjte Bti L'i^pjfiWicR jt^um. lies' emperei^i (itttitiem tftatetft enrfcM le^ 6y^ que* (4 J ;• ife av^ieftt do'mi^ i prtfsi6ui'*' d^enti*6* eui xrhe mAotit^ cMfe (2). Telle ^fafd, p(ar e^eiftpfe , la pfiissaiiice de saiat AtWanase ^'apr^s F avoir fait eo*t- daiiiner par im coWd*6', Pempereur Coili'starrce fee vft coirtraint de le' ti^e surprendre i miftuit dins F6- glis^ de satiiit TMonas , peridatft les eei'^taonies^ du ctJlte , ^r 16 pr^tet SyrianuS i ta t^te de cin^ mille soldat* , en mi^ hi iiisiiit^ YAuttOrke de Georges , TS- v6qu€f ari^n qui Tat^it remplax:^ , (^ae tant qtf it v^cW el maflgt^ P'^dSI qui: rappietai* leS' feiT^s, saiut Ath«- riaise nife pert refttrei^ (tensi Afex^ftdrie. C'est c6^ m^me GAorgeS qui , daFfis ecfite ville etaeo^reft dfemi paiteftne*, ahrait pu teWterSter deS tc?i!tffiles e^t (ihateiser* liu' g6a^er- nfeli* qtf* JiiH^H fee fi« tfne ^r^ de r(5«abl» (3)' j il dispositorum roboraret effectum, dissidentes christiBnorum antistiles cum pitis, quisqne uuUq vetante sum r^Ugloui- secviret- iiUrepldttf, Quod asebait> ide6 obstinate , ut disiseiisiones augente licentid , non timeret unanimantem jf6iX^ p\emk. Ainfdi Maicelfc, 1. it\, d.k (1) L'^dit de Milan accordait aux^gHscsle droit de poss^der : ad ju» cor- poris eorum, id est, ecclesiarum, noQ iiomiiVum singulorum ^ertltiehtla'. tie (ecc.lesiae) venerabiligue couciiio, decedens bonoriiio) qu9d optayit ^c^ng^e^e, C6d. TMO'd., 1 16,4. i'^l i —Ct EusSbe, J^tV^ eScL, i. l6\ t. 6;' Ptifde Const. y 1.4, c. 28. (2) Lenrs jugements deyaient €tre mis k execution par les magistrats civUs. Le droit d'asile des saiictuaires Ait transr^rdaux 6glises'(us ne m'^rivicz rien sur tout le reste, vous deviez au moins m'terire au sujet de cct ennemi des dienx , Atbanase. Ne connsdssiei-TOtts pas deptiis longtempg mes volontds d eet dgard? Je prends les dieux k tdmoinsque si , avant les Jcalendesde d^cembre cet ennemi des dieux , 6 Beoc^ ^x^p^<;« n'est pas c&ass^ de la ville et m^me de tonte r£grpte> la oahom que TDuseoimnunideK seta fratppde d'une amende de cent livres d'or. Vous savez combien je suis lent k condamner, et combien plus encore je suis lent k pardonn^r. II m'est trfes-ptfhible de voir, par ses efforts* totts BOS dieux' m^s^s. Hien ne me sera pttisagr^abkeque'd-appratcHre que Tous avez cbass^ de r£gypte ce sc^erat , x6v .^(tiap^v, qui a osd sous mon r^e baptiser des dames grecques appartenant k dMUoatres families. » (3) Lettre 51 , aux Alexandrins. (A) £0//re6; & Ecdicius. (5) LeUrt $1 , aux Alexandrins. (6) Saint Athanase , 1. 1 , p< 094. tion de Diett ^t des hdmtiies (l). Avant d'fetre ten- hetni le plus redoutable def la reaction paienne , it avait 6t6, sons Constantlti et sous Constance, la co- lonne de rortho^d^ie. Sd gloire 6tait qu'on ne pM attaqiTer Fint^grit^ de la foi chr6tienne sans perse- cuter AthahalS6. l)aris cette 6glise de Saint-theonas , oil des l^gidtis 6taien(t menses contre lui, il avail attendu la mort sans sourcillef , et s'^tait retir6 le derriier de so* fclerge atr milietf du Sang et du tu- multej. Pendant six ans, cach6 parmi les moines de saint Antoine ei de saint Pacfitoe, il avait 6cliapp^ k totites Ids tfecherches. DesKgions, Ae^ a*m^es en- tierfes parctfuraient ffigypffr dainS tctii^ les sens, fouillaieni l^s ilriotaSst^i^es ,- poi-tarit avec elles les in- strumeftte deiorttirfe \ leS rfloinfes aiixqiiels on detiian- dait sa tetraite pfr^eirtaieDrf letir gorgd. i)e cet asile impenetrable, il 6clairait toute Tfiglise par ses Merits qui se succedaient avec rapidit^; et rendaient inu- tiles les d6cf6ts dete empet^tn^ eti fttv^tfr d6 rarid- nisme. Julien sentait qu'il ne briserait pas ce cou-^ rage que Cottsfaritiii ei Coristanc^ atvaient 6pronv6 avant lui « et sa baine ooBtre saint Atbanase et omi* tre les cbr6fiens, dont il 6ta(it fa f6rce et Texemple, ne faimit' qm s'en aecroitre; Enfin ^ tprtsr arolr r6^ siste iongtemps aux supplications de ses amis, Ju- lien consent , dfmme m8f)gr* lui , * donner des jnges aux Chretiens: (2j. II declare qui! a rappele le^ ev6. (1) Tribuni, prafecti , comites , exercitus qiMfm, Hfl pM vcrtiMidttm cpm nioyentur edictis imperialibus. Rufin. , 1. 1, ce sont elles qu'il defend , quand il croit combattre an nom de la seule philosophie. Julien n'est pas un philosophe; c'est un adepte de r^cole de Jamblique , un sophiste de I'^cole de Li- banius ; c'est un 6rudit , un lettre , qui se passionne pour la doctrine de ses maitres , sans chercher k la renouveler ou h Tapprofondir. Si le monde ne lui etait pas 6chu h gouverner, il tiendrait sa place dans rhistoire au-dessus de Libanius , de Chrysanthe etde Maxime, mais bien loin des Plotin, des Porphyre, des Proclus , des Jamblique , et m6me de ces com- mentateurs assidus et infatigables qu'il efface pour la grdce et la vivacit6 du style , mais dont il n'a point la gravity , T^rudition , la profondeur. Les ouvrages qui nous restent de lui sont des lettres^ desdiscours, une satire , les Chars , une autre satire encore, le Mi" sopogon. Ce ne sont pas li de ces livres dont les an- ciens disaient : « qu'ils sentent I'huile , » et dont la forme exacte et severe atteste de longues medita- tions, et denote Fceuvre de toute une vie, Julieq DOGTHINB DB JULIBN. 339 itait trop eccup^ ailleurs ; il avait rempire k rtgler, le christianisme&renverser. Les sanglantes tragedies de sa jeunesse , les angoisses poignantes de Tapos- tasie , les enivrements et les terreurs de rambition , les vastes projets , les longues coleres dissimuiees , contenues, enfin d^chain^es, ne laissaient k son es- prit ni le temps ni le calme. II jetait entre deux acc^s de fl6vre, ces compositions brillantes ou Tironie et la colore dominentpresque toujours, et qu'il remplit de lui-m&me , comme un homme dont les passions et les sentiments sont de rtiistoire. Get ^clectique , ce restaurateur du poly tl^^isme , qui entretenait avec les dieux un commerce assidu « et qui toujours pench6 sur le corps des victimes , in- terrogeait curieusement leurs entrailles pour conr naltre Tavenir; cet initio, ce*pr6tre de Mithra n'a- vait pas abdiqu^ sa raison au point d'admettre comme des genealogies divines les fictions invraisemblables des poetes (1). II respectait Tenveloppe mytholo- gique , mais ce qu'il chercbait au fond des mysteres, c'6tait le dogme scientifique, inconnu du vulgaire^ et cacbe sous ces vaines apparences. L'ind^pendance de son esprit restait entifere, pendant qu'il s'agenouil- (1) AX^ BfA, T^v 6icep6oX^v ^< kxi^yf xt xa\ idepdictuov dpsrii^ aO'Ciby ivofii- ^ovTo vibv dsc^v icat6e<;. Diseours 3, sur Constance, p. 152. Ce passage dun discours oil JuUen dissiinuJait sa croyance , ne pourrait dire admis couune preuve d^moostrative , s'il ^tait seui.— Dans le troisi^me Discours (T^ioge d*Eus«bie), II dit en parlant des Muses : Tou«o v^v d^i, xa\6i di( xi Toioutev Irepov iMi8tj> (idXXov l| Xdy^ icptwrixov, dicoXciic«^ov , p. 108; — dans le qua- tri^flEie Biicoun (sur le Soleii, adress^ ^ Saltuste) : M^dl (juv^otaaii^v, luyfik fd^uf uicoXai{i6dvct>iuv , dmora xa\ icapdSo^a ?coiT)Tixvi< (iouot)^ dOup^jiami* p. 255 , etc. 3/l0 DOCTRINE DE JULIEN* lait devant des idoles ridicules ou infdmes (1) , et tout courbe qu'il 6tait sous d'absiirdes pr(5jug6s, il revendiquait, il exer?ait le droit de libre examen. Dans r^cole m6me a laquelle il s'etait donne, malgre r^nergie de son admiration pour les Jamblique et les Maxime , il se montrait plutdt credule et enthou- siaste que docile , et s'il ne s'ecarta gufere de la doc- trine de ses maltres , c'est qu'il glissa , en quelque sorte , sur les principes philosophiques , et ne prit point la peine de les approfondir. « Les anciens, dit-il, cherchant , sous la conduite et rinspiralion des dieux, les causes de ce qui est, les envelopp^rent sous des fables invraiserablables , pour nous apprendre par cette invraisemblance m^me , k ne pas nous arr6ter i cette enveloppe et i creuser plus avant (2). » Toutes ces fables sufflsent aux esprits faibles (3) , mais le philosophe cherche la v6rit6 qu'elles contiennent ; il la cherche moins dans rhistoire que dans la pens6e , et se soumet a la raisoh 6clair6e par les dieux , plutdt qu'i tout autre guide. (1) L'auteur des MyiUres^ qui s'indigne contre les adorateurs dMdoles, justifie le culte du pballus. F'oyez ci-dessus , p. 240. (2) XXXdt ol ica^io\ Twv dvTwv 4e\ x^t? aWa?, ^ixot twv Bewv icpYiYoujUvcov , vofzh. (Tcpd< aOxoi;? $iepeuvci)^evoi* p^Xtiov 6fe tdco; el-rcelv ^tjToOvTe; 6«p' i\'^t^^ Toi; 6eoX(, liceita eOpoVxec, Ivx^icaorav aux^ {lOBoi^ icapa6d^oi< fva §idi xoO itapoi' .6o'5ou , xa\ diceix^aCvovxo? x6 itXduixa pa6kv IiCl xi?1v Wxt^wv fijiok xtj? dXir^Oetoc icpoxpd<)/i|l. Discourse ^ sur la mire des Dieux ^ p. 318. On irouTe la m^nie id^e dans Salluste, irep\ decbv xa\ x(^{jlou, c. 3, od co/c* AXXdi 8idt xl ^v/tia^^ xa\xXo7tdt(, xa\ xax^pcov 8e9(&o6<, xal x^v &XX-nv dxoicCav ^v xoU yiOOoi^ elpi(- xaviv; fj xa\ xoOxo d^iov OaujjLotxo^, ?va 8i3i xtjc «aivo(i.^v-)r){ dxoT:(a{ eu6[i^c Vj 4^x^ Tot;< {JlIv Xdyouc if)-pfi9Tixai icpoxaXOtipiaxa, x& $^ dXv)Ol< d7cd^^T|xov eXvai vo|&(9^. Cf. sur Tauteur du icepl 6ecav xa\ xckr^iou, ci-aprte, livre 5 , c. 7. (3) To1[; |Jb^v I8u6xai< dpxo69Y)<, oTfjiai, x. x. X. Julien, 1. 1. DOCTlllJNE D£ JULIEN. S/il Hom^re, H^siode, 6taient-ils inspires? IlsT^taient sans doute ; leur enthousiasme, qui a cr66 tant de merveilles , venait des dieux (1). Mais avaient-ils eux^mSmes le secret des dogmes qu'ils ont chantes? N'6taient-ils pas comme la Sibylle , qui ne comprend pas ses propres oracles (2)? Aux oracles divins, les hommes n'ont-ils rien ajout6 (3)? Julien se raille sans hesiter de ces inlerpr6tes opinifttres qui font violence au lexte des poetes , et le tournent de telle sorte quails lui font toujours exprimer leur propre syst6me(ft). Un philosophe, un th6ologien doit sa- volr distinguer, dans les traditions sacr6es, ce qui appiirtient en propre k la fanlaisie des poetes (5) , et poui" ce qui vient r^ellenient des dieux , il ne pent Taccepter qu'en Tinterpretant. C'est dans cet esprit que Julien a ecrit Teloge de la mere des dieux : Por- phyre ni'a devanc6 dans cette carrifere , dit-il ; mais je n*ai point encore lu son livre ; et si nous nous ren- controns, cet accord doit 6tre attribu6 au hasard (6). (1) Mtj irore ouv xa\ 6£tcf tioCpqi touto OjXTipo?' fjv yip, clx; elx6?, OedXiqicT(K. Diseours '• , sur le Soleil, p. 279. (2) Cki 5$ oM. vsapdi icavTs^dx; loxiv i\ Sd^a* icpo0^ai6ov y*P oiMi^f ol icpw- Cutaxoi Twv TtotTfiTcbv, 0|X7ipo? It xa\ HvTe? icpd< t^^v dXiiOsuiv. Diseours k , sur le Soleil , p. 255 (3) AX)A zdi jA^v Tcbv TTOiTiTfov x«ipf tv idi«i>|uv i'/(ti Ydp ti juxi toO Oetou imkb xa\ dv6p(6mvov. Disc, h , p* 257. {l^) OOxe iio'^pwOev 'eXxovxs^, xa\ gta^o'iitvoi twv ipfijuv xi; 6iioioTTiTa(;* xaBA- icep ol Tol>? iJLuOou^ g^TiYOujifivoi TWV icotTiTwv , xal dvaXOovre? i; ^dyou? mSavouc, xa\ &v8exo(&ivou< Ti itXaffiiaxa, sx jiixpa? iravu T^t? OirovoCa? opixwpievoi , xal djiu- 6p4? >k(av iRxpa\oi6dvTe; Tac dp^^c, iceipwvTai ^u{i.ice(Qsiv , (b? 8-^ TauTd ye awT^ IxeCvwv ^OeT^dvTwv X^y^iv. Due. 2, 138. (5) Ti jiev ouv Ti? loTopta?, si xa; Tiai ittOavi Sd^ei, xa\ ^iXoad'fto Tcpoorjxeiv ou6£v , o6Sk OeoXdyt)). Z>i«c. 5 , p. 301. (6) Xxouw {jL^v i'^ttr^t , xal Dopcpup^) Tivi irs^iXooo^TioOai ic8p\ aOTwv* oO picV a ye , o05^ ivixuy^ov , el 5i avvevex^ivai ttov wfi6a(Tj to) Xdyci). ib, , p. 302, 842 DOCTRINE DB JUUEN* Le caract^re particulier de r^clectisme de Julien est tout entier dans ces paroles; Julien ne porte point ^ dans Tinterpr^tation des dogmes et dans las recherches historiques, une critique plus exacte que celle de ses contemporains et de ses devanciers ; et comment le ferait-il? Son esprit est trop imp^tueux > trop leger ; I'erudition le charme , parce qu'elle in- teresse sa curiosite et flatte son orgueil , mais une erudition qui touche k tout sans rien approfondir; la seule Erudition qui convienne k un esprit etendu^ entreprenant, plein de confiance en lui-m6me, qui d'ailleurs ne bait pas le paradoxe, et que la nou- veaut6 seduit et attire, sous son air aiSecte d'lii6- rophante et de philosophe ^clectique* II lit k peine Porphyre, il fait bon march^ des recits d'Hom6re» il rejette en deux mots la secte d'fipicure (1) ; Aris- tote m6me et son 6cole ne trouvent grAce k ses yeux que si Ton ajoute k leur philosophic incomplete celle de Platon, et surtout la doctrine exprim^e dans les oracles (2). La tendance des autres Alexandrins est de concilier toutes les doctrines et d'en montrer ridentit6 ; la sienne de les contr61er et de les com- pleter Tune par Fautre. Ce serait un progres sand doute , si cette ind^pendance s'alliait k une critique prudente et reserv^e; maisil n'en est rien, ce n*est que precipitation et leg^rete. Julien, dans ses6crit8 (1) AXkk Totkcov el |at{ tic oilxia icpor^TaxTai , Xav6dlvoi|xev Av iauxot^c elodYOV- Te< T^v Emxo6peiov 6(^av. Discours 5 , p. S03. (2) El jJL^v ouv dp9d>c, fi jjn?) xaOra ixelvo? 2^/j, toi; dy' hftia^ UtpvnaviiXU' xoi( dvu^lCsiv , X. T. X. , p. 304. comme dans sa vie , est & la fois entbousiaste et in- docile , cr6dule et opini&tre. On congoit que plus occupe de la th6urgie que de la science veritable , il ait connu h fond toutes les subdivisions introduites par Jamblique dans la d^- monologie , toutes les ceremonies k suivre dans les Evocations et les sacrifices , tandis qu'il se contea- tait de connaissances g6n6rales sur la nature de Dieu et I'origine du monde. II n'a rien de profond ni m6me de bien pr6cis6ment determine sur les pre- miers principes. Le monde n'est point Eternel, car r6ternit6 et Tinfinite >^c'est-a-dire la pleine et abso- lue possession de I'etre , ne peuvent appartenir k ce qui est corporel (1) ; mais il n'a point eu de com- mencement et n'aura point de fin (2) , 1$ ai$iou yeyovev dyevvi^Tw^CS). Quoique Platon, et Jamblique, dont le genie Egale celui de Platon, aient racontE la naissance du monde pour le d^crire ensuite plus ais^ment, cette hypoth^se, de Taveu du divin Jamblique, n'est pas sans p^ril {k). Tout l'6tre du monde est emprunte et d^coule par une s6rie d' Emanations non interrompues de la source incorruptible qui Etant I'fetre et la vie par essence, cr6e et renouvelle sans cesse le monde , et lui donne k la fois la substance , la forme, le mouvement et la vie; mais tandis que tout decoule incessamment de cette source (1) UistX \ki/k df^vvnTt^ ivn (960^ Qti>\iaxfK) , ^''fi^ ai>Oiiic^irwRK. DiiCj A , p. 257. (a) ririoTTiv 6 ^aivdjuvo? xdujjio? k^ al6vo{. lb* , p. 272. (3) lb., p. 247. (A) Ib.^ p. 272. Cf. Proclus, Comnu Tim,^ p. 71, 65 et 80. 344 DOCTRINE DK JULIEN. unique, tout y retourne, car la substance vivifiante, si elle produisait sans absorber, se diminuerait et s'^puiserait (1). C'est le itoleiioq des anciens, Top- position constante entre Tamour, qui fonde I'u- nit6,. et la haine qui engendre la diversity et le nombre ; ce sont les deux courants de la vie uni- verselle qui, dans Plotin , ram^nent tons les 6tres 4 runit6 d'un m^me 6tre , par la communaut^ de la cause g6n6ratrice et de la cause finale. Le monde des corps , avec ses ph6nom6nes sans cesse detruits, sans cesse renouvel^s , est Timage de cette unite vi- vante , cach6e sous le multiple ; le soleil s'approche pour fertiliser la terre; quandil s*eloigne, tout s' 6- puise et p6rit : f6condes alternatives par lesquellesse consolident la dur^e et rharmonie du mohde (2). Ce monde 6ph6m6re de la sensation n'est done rien par lui-m6me , et il se rattache au Premier par son fetre et par toutes les formes de son 6tre ; mais , comme il n*y a point d'abimes dans la nature , comme la di- versite n'y est que dans les apparences , comme tous les 6tres se suivent et se touchent dans une propor- tion continue et dans une alliance intime, I'in- fluence du Premier n' arrive au monde des sens qu'a travers une s6rie d'interm^diaires , dont le plus voi- sin de nous et le plus immediat est ce moteur mo- bile dont parle Aristote , et qu'il appelle le cinqui^me (1) Ax & TTf|; oOoYi; el irdvTCix; ^Y^veTo' Tt auve^^w? , dve^uexo & el? ait^v jir,- 6fev , kTzi^vKt av Twv yi'p'ojjivwv oOato. Disc, k , p. 257. (2) Ti^v Sk ToiauTy)v (puaiv 6 6e6<; 6$e ^xpt^ xivoOiJievo? Tcpootcbv (i^v dp6oi, xa\ 6teYe(pef icd^^(o Si dirubv feXaxrol, xaX (pOeipef {JLdXXov 5^ aOt^? C>oicoiei xivb>v , xoc\ iiroxeTcOwv oiOt^ T?iv J^wtjv, x» t. Ts, Ib^ DOCTRINE D£ JDUEN. 3&5 corps (1) , c'est-i-dire le soleil , ses rayons et sa lu- miere , et toute la sphere dans laquelle il se meut (2). Le cinquieme corps lui-mSme s'appuie sur le monde intelligible (3) , qui repose sur la cause supreme et derniere , sur le roi absolu de qui tout d^coule , k qui tout remonte (ft). Telle est la chaine 6ternelle et indestructible de Tfitre. Du temps de Julien, les commentateurs d'Aristote avaient dejk fait subir k la doctrine de leur maitre cette transformation Strange qui fait d'Aristote un sensualiste, malgr^ ses categories, malgre son dieu immobile et absolu (5). Aristote avait tant et si bien combattu la doctrine des id^es , que cette nega- tion opini&tre des intelligibles avait paru le carac- tere dominant de son systfeme, et on avait oubli6 que tout en detruisant le monde imaginaire de la dialec- tique, il avait conserve et approfondi le principe m6me de la philosophic rationalists Demontrer que les formes essentielles de I'fetre ne constituent pas des r6alit6s concretes interm6diaires entre Fabsolu et le contingent , ce n*est pas demontrer que le vi- sible seul existe ; mais quand le p^ripatetisme eut ete ainsi mutil^ et reduit k sa partie negative, les disciples d'Aristote refuserent au mattre , au nom de ses propres principes mal interpr6tes, le droit (1) AW 6p(b(uv... TouTcov atTiov 6v t6 ic^^jltctoV xa\ xuxXix6v vd^au Disc. 5 , p. 303. (2) OOx' ^it' AWoo ToO 9poupou{j£V(K , ^ icpooej^w? jiiv 6ii6 toO iti^mou ffc6- {iaTO<* ou t6 xeqpdT^idv loriv dxt\< ifjXtou. Disc, k , p. 347. (3) BaB^jip 8^ CtoTCBp $&iiT^p()> Tcj> vot)T^ xdff^jup. lb, (h) Upia6\rzip^(«>< xev-^v Oicdvoiav. DUe* 5 , p. 304. <2) Mxewo 6e XtnK ^tov icvO^ou icu^ t^ xuxXtx6v owiia ^(ivaxaa. «a^ d(vci»(&dt- Tou^ iX^vsf alxiac tu>v ivu>^(dv el6a>y. Dise^ 5 , p. 304* (3) ndSev 6fe d{l>^ev xa\ OriXu; itd8€V Sfe ii xaxa y^vck wv ivrwiv fcv tbpttJtUvoi^ etSeon fiio^popdi, el ^"^ Tive< eUv 'repoUicdpxovre^ xail 'KpoeoxiyfK >^Y<^i «It(ou vt iv icapa6e(Y(jLaT0< \&fi^ 'TcpoU^evrtova'.. lb, , p. 305* DOCXaiNB DB JULIENs &kl r6el parle possible , le concret par Tabstrait , et faire du monde une hypothese. D'ailleurs quand les cate- gories expliqueraient la pens^e, elles n'expliqueraient pas la r^alit^ mat^rielle. II faut done admettre , en definitive, tout pr6s du monde, le cinqui^me corps, aux derni^res limites de T^tre et de la pens^ , rAb-- solu , et les intelligibles entre Tun et Tautre. Julien ne s'accorde pas toujours avec lui-m6me sur la place des idees , puisque ailleurs il les confond, sous le nom de monde intelligible ou d'avcot^&w^ dans la nature du Dieu absolu , et place entre elles et le soleil visible , la divinity dont le soleil est le corps* Mais quoique sur ce point comme sur plusieurs au- tres , son systeme demeure inachev6 , on pent dire que pour lui les principes de toutes choses doivent s*enoncer dans Tordresuivant : Dieuou Tabsolu, avec les idees intelligibles , ou dieux intelligibles ; le soleil vo6fo<;, avec les dieux ou anges vospoi; et le soleil vi- sible (1). Comme notre soleil (Tpiro^ocpacvo/ixEva^ouroac dimoc ) , f^conde et vivifie le monde que nous habi- tons, le soleil vocpo^, 6 i^lyac, >5Xio;, pour le monde interm^iaire, et le Dieu absolu pour le monde intel^ ligible, sont la source de Tessence, de la perfec- tion, de r harmonic, ouata^, TeXetoryjTOi;, 6V(i(j6&)(; (2). Sur le Dieu supreme, et sur le dogme de la tri- nity, eternel objet des meditations de tout philo- sophe Alexandrin , Julien se tait absolument ; ou plutot , ce qui montre bien qu*il n'est point un dis- ci) Disc. 4, p. 247, sq. (2) Jh. , p. 248. 3&d DOCTRINE D£ JULIEN. ciple de Plotin , il donne k Dieu les diverses appel- lations dont on se servait dans I'ecole , sans 6tablir entre elles aucune hiirarchie, aucune distinction hypostatique. Peut-6tre son aversion pour le cbris- tianisme contribuait-elle k Tecarter d'un genre de speculation quioffrait de frappantes analogies avec le dogme de la trinity. « Dieu , dit-il , est le principe premier , et le souverain roi du monde ; soit qu'on Fappelle cequi d^passe Tintelligence, to hi^eiva tw voO, ou Texemplaire de toutes choses, le monde intel- ligible, iSiocv tfSv ovTWv, TO voxTov (SV(n:avy OU 1' unite, puisque Tunit^ est le principe le plus simple et par consequent le plus parfait , ou enfin , selon le Ian- gage de Platon, le bien, to ayaSov, il est la cause 6minemment simple , de toute beaut6 , de toute per- fection, de toute harmonic et de toute puis- sance (1). » . En Dieu , T^tre , la puissance , et I'acte , ne se dis- tinguent pas (2). Comme il est par lui-m6me , et en lui-m6me, il n'y a en lui ni d^faut, ni d6sir; il est et il se sait complet; il s'aime dans cette plenitude, il veutfitre ce qu'il est en eflfet ; sa volont6 est eflScace par elle-mfeme, et ne pent rencontrer de limite, ni (1) Dpe9€uT^p(o< Si ixi Si& Ttov inivTcov ^kiaCkia, icepl &v itavra ioxiy. ToOtov Tofvuv , tXxs xb feicexeiva toO voD xa^eXv a0x6v 6^{jli<* etxe I5^av twv 6vt<*>v 8 8-i\ v alTte -jcdfft tot? oOdiv k^Tifoij^ivri xd\'ko\j<; xe , xa\ xeXetdxrixo? , ivt&aew^ xe, xot\ 6uvd- \u^£xai, xaiixa fe5Xiay.ov; ayyeXouG, puis les astres (2) , les demons bienfaisants , les heros , et ces demons jnalveillants k qui Dieu a remis sa vengeance , et qui punissent les crimes (3). Les demons et la matiere sont la cause du mal. Dieu ne Ta ni produit ni or- donn^, oute inkxlev dvai; il I'a au contraire chasse loin du ciel et en a pr6serv6 ses fils, Trawi >ca« Ixyo- vok; (4)- L'influence que Julien attribue aux astres sur les 6v6nements (5) , ne tient pas seulement , comme dans Plotin , i la theorie des rapports universels des choses (6). II y a, selon lui, une analogic reelle entre le corporel et I'incorporel ; non-seulement il attribue au soleil dans le monde des sens , la mdme action qu'exerce Dieu dans un monde sup6rieur (7) , (1) Disc. U , p. 267. (2) lb. et Cf. p. 269. (3) Disc. 2 , p. 166 sqq. (4) lb. (9) Discours 4, p. 258. (6) Foyex i. 2, c. ?; U I, p. 501. (7) Voyeas Disc, sur le Soleil. 850 MGTRINB DB JULUN. mais il soutient que la lumi^re du soleil est aux vi? sibles ce que la v6rit6 est aux intelligibles. II revient sur cette id6e k plusieurs reprises ; la lumi^re, dit-il, est le plus immateriel des 6tres , elle est incorporelle , ToiJ (pci)TO(; ovTO(; aaw/xorou ; les rayons sont la perfection et coiume la fleur de la lumi^re (1) ; comment un corps serait-il la source d*une substance immatMelle? La lumiere est 6misedirectement par Fintelligence pure k laquelle elle est analogue (2) ; elle se propage dans les espaces du ciel sa veritable patrie, et se repand de li en flots inalt^rables et brillanls par tout le reste du monde (3). Sur la nature de Fdme humaine, Julien s'en tient aux id^es g^n6rales , communes k tons les Platoni-- ciens. II attribueA Platen Topinion que Dieu a donn^ k chacun de nous un d6mon qui le garde et le pro* t6ge. Notre corps n*est pas nous, mais k nous; le veritable moi, c'est Fesprit, lasagesse, et en un motj le Dieu interieur : AXki vw, xat (fpovriaei, xai to 6Xov te5 Iv Yj^Tv Sew. Ce Dieu interieur demeure dans la partie 61ev6e de notre corps , in axpcd tw acS/xart. II est impassible , mixOk , parce que des parties inf^rieures ne peuvent agir sur un 6tre plus parfait, et que d*ail- leurs il a une parente avec Dieu ; mais comma il a aussi commerce avec la matiere , il perd dans cet abaissement , Fimpassibilite de sa nature , to d-naQk (fiaiiy et quelques philosophes ont 6t6 jusqu'^ croire (1) Axpdnr)? &v eXti xi? xa\ <&(ncep AvBo^ dxttve?. Disc. 4, p. 250. (2; H jiilv ouv Twv ^oivCxcov 66?a dj^pavTov elvat ivip-yewiv aOxoO toO xaOa* pou vou ^v diwivwtxou icpolouTOV aCif^v If yj. lb. p. 251« (3) lb. DOCTAIHB BB ItUSH. 551 que par la predominance de r^l^ment materiel , il p6rit (i). La morale de Julien est pure. Pour les prescrip- tions morales , il est vraiment digne de son ^cole. On peut & peine dire quelque chose de plus. Les absur* dit^s de la th^urgie ne d^tourn^rent jamais les Alexandrins des pures et nobles doctrines que Plotin puisait k la fois dans Platon et dans son Ame. Lois , moeurs,. religions, tout p^rissait autour d*eux ; mais dans ce reldchetnent de tous les liens qui attachent rbomme au devoir, Tamour fervent de Tid^al les sauvait. lis regardaient le ciel comme leur patrie , et il Tetait v6ritablement par leur continual com- merce avec rid^e, et leurs aspirations vers TAbsolu. Les d^sirs que nos passions allument sont inOnis et tendent au multiple ; la sagesse est de les dompter^ de les etouffer, de soumettre notre &me au de-« voir: rfegle austere et inflexible, qui plie notre vo- lenti et la module sur les desseins de la Provi- dence (2) . La r^gle simplifie la vie en 6tant le caprice i Tamour simplifie les affections, en tournant vers Tunit^ absolue toutes les aspirations de notre dtre. Dans une telle voie, on peut s*^garer; mais si Ton se perd, c*est du c6t^ de Dieu et non de la cr^a* ture* Combien le fardeau du polyth^isme , accept^ par ks uns en haine du christianisme , et par les autres par respect pour les traditions, dut paraitre pesant h (i) Di99^n t, p. iH aqq. (3} P. 316. 352 DOCTRINE DE JULIEN. des philosophes platoniciens , k qui mdme la morale de Platon ne suflisait pas , et qui empruntaient k rinstitut de Pythagore ses regies austferesi Uauteur des Mysteres descend jusqu'ii expliquer et justifier le culte du phallus. Julien approuve la mutilatiou des pr6tres de C6r^s, parce que la mere des dieux arrfete , dit-il , Taction creatrice , et Tempfeche de s'6- tendre k Tinfini (i). II defend de se nourrir de ra- cines, parce que ce sont des semences; les feuilles, au contraire , sont attir^es et purifi6es par le so- leil ; les fruits qui rampent sur la terre et que Ton recueille dans son sein sont d6clar6s impurs; le pois- son est interdit, au moins dans le temps de Tabsti- nence,mais on pent manger les oiseaux, parce qu'ils s'616vent. Ainsi Fair est plus pur que la terre : la terre est souill6e; un ordre hi^rarchique est 6tabli entre les elements. Les demons qui sont au-dessus de nous habitent aussi une sphere plus ^lev^e^ les bons anges sont attaches aux astres ^tincelants. La philosophic semble se perdre dans ces prejug^s in- sens6s , et Ton dirait que Julien imite le compagnon d'Apollonius de Tyane, qui croyait se rapprocherdu s^jour des dieux en montant sur le Caucase. Mais ApoUonius lui disait : c'est la vertu qui nous rap- (1) p. 31G. — Porphyre, avant JuUen, avail aussI cherch^ k d^m^ler le symbole cach^ sous la fable d'Atys et la mutilation des pr^tres de Cybile. Voyez SaiDt Aug., CM de Dieu^ 1. 7, c. 25, Damascius, dans Photius, p. 107&, et Porphyre lui-m^me, dans Eus^be, Prip.^ i. 3, c. 11. Xxttc ft xa\ ASwvi? T^ Twv xapic(i>v elev iyfakayief. irpoaiixov-ce?. XXX* 6 jifev Xtrtc twv x«Tk xb Cap ']cpo9aivo(jLivv &v6(ov nuCi icp\v TeXe9tY0VT)9ai 6ia^^edvT(ov 86ev xal t^v Tibv alSoCcov dicoxoitfjv aOxtp icpovaviOevav , (jl^ ^Ootadvrcov ^XOeXv tu>v xapindv etc T?|v oicepiiATix-^v Te\e((i)9iv* 6 Sk X6Av. prochg des dieux (1). Julien n'avait pas trouv6 ces pratiques ridicules dans la morale chr6tienne; et Porphyre qu'il devait aussi connaitre, entendaitau- trement le culte que Ton doit k Dieu , quand il pres- crivait I'abstinence comme le plus sur moyen de faire la guerre aux passions, et de se detacher de la terre (2). Quand Julien declare que la vertu, la science et mSme la pri^re ne suffisent pas sans le culte ex- t^rieOr (3), cela est d'un politique et d'un philo- sophe ; mais des dogmes contraires k la raison, revol- tants pour la pudeur, des ceremonies ridicules ou ob$cenes, une abstinence uniquement fondee sur des superstitions pueriles, \oi\k ce que lui imposait la th^urgie. Lui qui comparait avec amertume la conduite de ses prfetres avec celle des Chretiens (4)^ que ne comparait-il aussi les pratiques du culte qu'il avait abandonn^ avec celles dont il se faisait le res- taurateur et le grand-pr6tre (5) ? 11 avait sur la nature hiiinaine, sur notre desti- nee , sur les devoirs d'un roi (6) , des idees dignes d'un platonicien et d'un prince qui, en montant sur le tr6ne, s'^tait propose les Antonins pour mo- dules (7) ; mais il n'avait pas au m6me jdegre le sen- tiiment de la dignity qui convient k un cfmjpereun Ses (1) Phitostrate, jipolloniui, (2) Gf. ci-de»iis,p. 164. (3) P. 130. (U) LeUre 49. (5) II s*^tait fait nommer sourerain pontife apr^ son av^ncnioat k I'empire. (6) Disc k Tempi re Constance, pag. 16G sqq. (7) Voy. p. 357. 35& DOGIKLNJB D£ JL(.I£N. contemporaini^ (1) , et mSme ses partisans (2) , ont bl&m^ la familiarity de son commerce avec les so- pUstes/rexc^s de simplicity de son v6tement et de sa demarche , ses ^lats de voix , ses discoors etur di6s, qui le faisaient ressembler k un avocat plutdt qu'i un prince , son empressement k remplir dans les temples des fonctions presque serviles et a se donner en spectacle aux femmes et aux enfants^ Les m£mes d^fauts se retrouvent dans ses ecrits k cdte des m6mes qualit^s. Le Misopoffmt , par exemple , malgr6 la verve brillante qui Tanime d'un bout k Taufare, parattrait indigne de la gravite d'un philo^ i»>pbe et ne pouvait certainement qu'abaisser un empereur. Bepondre par dei^supplices aux railleries des citoyens d'Antioche eiit 6t6 d*un tyran ; leur r&- pondre par des plaisanteries de mauvais godt sur leur religion et sur Constance, son pr6d6cesseur, etail d'un rheteur et d'un sopbiste : « CTest un pro- verbe p^mi vous que ni X , ni K n*ont nui k la ville d'Antioche ; et vous entendez par \h le Christ (Xpt^j- Toc) et Constance (Kwv^ta'vno^) (ft). Vous regrettez Constance et vom avez raisan , et je k regrette pour vous. II n'a eu qu'un tort eavers Antioche\ c'est de ne .me point assassiner.»... |^ peuple d*Antiocbe m'en veut pour mon attachement k la religion de mes p6res , et parce que je me soucie des jeux du (1) Saint Jean Chrysostdme, de Sanct, Bahyl, , adv. GentiL et Julianum. (2) Amm. Marcell,, 1. 22. — Cf. ci-dcssus, p. 289 ct 336. (3) La lettre X P. n. (3) Les ddUs de Gonstantin contre les Ariens i^taient remplis de railleries ct tfhivecihres. /^oytfiSocrate, 1. 1, c. 9. {k) Gf. eHqprte, p. 361. (5) Cf. ci-dessus, p. 291. C6) Lei C4aarSy init. 356 DOCTiUINE DE JULIEN. habilement concue dans le goftt qui r^gnait alors. Romulus, « ou Quirinus, pour nous conformer i la tradition sur sa divinite (1) , » donne un banquet aux dieux etauxC^sars. A mesure quechaque prince entre dans I'assemblee, Sil^ne le caract^rise d'un seul mot. On propose de d^cerner une couronne au plus digne -.Alexandre, C^sar, Trajan, Constantin la disputent vainement; elle est d6cernee a Marc- Aur^le. La raillerie de Julien est am^re et n*epargne pas les plus grands noms : « Octave s'avance , r6fle- tant toutes les couleurs du cameleon. Quel est done cet animal multiple, demande Silene? Ne raillez pas, dit ApoUon, Z^non va le transformer en or pur. Zenon n'eut qu'i lui chanter i Toreille quel- ques-uns de ses preceptes pour en faire un homme parfait. Le troisieme 6tait Tib6re ; austere et grave par devant, on le vit, quand il s'avanca, couvert sur le dos d'une 16pre aflTreuse et des traces de ses debauches La bfite f6roce qui entraensuite (Ca- ligula) , excita taiit de dugout et dlndignation , que Nemesis la jeta aussitdt aux dieux vengeurs. Claude entrait: quoi, dit Sil6ne, sans Narcisse et Pallas? Sans eux et sans Messaline , Claude n'est qu'un per- sonnage muet de trag^die.... » On pouvait croire que le frfere de son pere trouverait grAce k ses yeux. II avoue en eifet que Constantin « n'etait pas absolument d^pourvu de vertu militaire ; » mais il le represente comme amoUi par les voluptes. Lorsqu^i la fin du banquet chaque C^sar se choisit un Dieu pour pro- (1) Let Cisars^ p, $. DOCTRINE DE JULIEN. S57 lecteur, Constantin qui ne trouve pas parmi eux de niodele , « voyant pres de lui la deesse des voluptes , se r^fugie dans ses bras: elle I'accueille, Tembrasse et le revet d'un somptueux habit de femme. » Au mi- lieu de ces traits de satire, le philosophe stoicien se retrouve par intervalles. Le discours d' Alexandre est noble et vraiment royal : c'etait le h^ros de Julien. II avait pour Marc-Aurele une admiration raisonn^e et en quelque sorte acquise; mais toute son &me le portait vers Alexandre, jeune, puissant, victorieux, disciple d'Aristote , enthousiaste d'Homfereet n'ayant v^cu que pour la gloire. On aime k Tentendre accu- ser la lenteur de Trajan qui n'a pas achev6 la guerre persique : Trajan se rejette sur sa vieillesse; « tu as regn^ vingt ans, dit Julien!» Pour lui, quand il fut sur le trdne , il ne connut pas de loisirs ; et s'il m6rite un reproche, c'est pour avoir trop os6, pour avoir aborde k la fois , et de front , sans tempera- ments, les entreprises les plus di verses etles plus grandes. En d^cretant des lois, qui etaient k elles seules des revolutions , en supprimant d'un coup les charges innombrables de la cour, en creant une arm6e, en se portant de la Gaule k Ctfeiphon , pendant son regne ephemere , il avait sans cesse devant les yeux ce reproche qu'il fait k Trajan dans les Cesars : « Alexandre n'a r6gn^ que douze ans! » Nous avons encore aujourd'hui Fouvrage de Julien contre les Chretiens. Saint Cyrille et Th6odoret , qui Font refute, nous Font conserve par extraits. Julien avait 6t6 prec6d6 dans cette carriere par plus d'un 558 DOGTAINB DB JULIBN. philosophe. Celse et Porphyre sont les plus c^- Ifebres. Combien de fois, depuis cette ^poque, tous ces arguments ont-ils 6t6 repris avec une critique supe- rieur^f Combien de fois ont-ils 6t6 r^fut^s? Mais si Touvrage de Julien contre le christianisme n'a rien 6 nous apprendre sur le christianisme, il nous ap- prendra beaucoup sur Julien lui-m6me, et sur la situation veritable des esprits au moment de la reac- tion paienne. Qu'est-ce que Julien pour nous , s'il n'6tait empereur? Un bel esprit des temps de d6ca. dence , un litterateur brillant et frivole , un philo- sophe capable de tout approfondir, et qui n*en a ni le temps , ni la volont6. Mais parce que Julien , aprfes avoir 6t6 le disciple fervent d'fid^sius et de Maxime, a tent6 de r6aliser tous ses r^ves, et que les senti- ments et les d6sirs de I'^cole se sont traduits, grdce k sa puissance souveraine, en dv^nements histo- riques, en revolutions « il est Texpression la plus complete, la personniflcation de la lutte soutenue contre les Chretiens parl'ecole d'Alexandrie, Ce livre, rapidement 6crit comme tout ce quMl faisait , faible* ment compost, si &u moins nous pouvons en juger dans retat de mutilation ou il nous reste, inf^rieur m6me k la plupart de ses autres ouvrages , est pour nous, en quelque sorte, une explication de la con- duite de Julien fournie par Julien lui-m6me. S'il est superficiel ou ignorant dans la critique des Ecrltures , on ne doit pas s'en etonner ; car tout son amour est pour rhelienisme , et il ne voit que barbaric en de- hors des lettres grecques. II ne faudrait pas conclure DOGTAINJB D£ JUU£N. 359 de cette 16g6rete que Julien n*^tait pas convaincu de la fausset^ du christianisme , ce serait mal raisonner. Au contraire , toute la teneur de cet 6crit confirme ce que nous avons essaye de mettre en Iumi6re, en racontant la vie de Julien ^ c'est-ci-dire , qu'il regar- dait de bonne foi le christianisme comme une impos- ture , que la xnythologie n'etait pour lui tout au plus qu'une enveloppe des dogmes philosophiques > res- pectable dans son antiquity , et qu'enfin , par Jine contradiction bizarre , mais qu'explique I'esprit du temps et toute Vhistoire de T^cole, & ce mepris complet des formes po^tiques de la mythojlogie, se joignait une croyance aveugle k Tefficacit^ des Evoca- tions , des talismans et.des sacrifices. Les objections de Julien, quoique developp^es sans art, ne manqueat pas d'habilete. On pent les diviser en trois parties, dont la premiere roule uniquement surles croyances particulieres aux Juifs. II cite le commencement de la Genese, qu'il compare avec la cosmogonie du Titn^e , et il ne manque pas d'attri- buer la superiority i Platon. Le Dieu de Moise cr6e laterre, et le firmament, et la lumi^re; mais on ne dit pas s'il cr^e aussi I'abime et les t^nebres : ce Dieu n'est done qu'un organisateur du monde; il le forme et ne le cree pas. Voili d6ji le Dieu de Moise im- puissant, et la matiere necessaire et eternelle. La G^n^^^ d^crit longuement la production desanimaux et des hommes ; elle ne dit rien de celle des anges , et dans tous les livres de Moise , on ne voit pas s'il admet des 6tres incorporels , de purs esprits. Cette question S60 DOCTniNE DE JUUEN. des anges est importante pour Jalien , car c'est sui- vant lui la question meme de la pluralite des dieux sous Fempire d'un dieu unique qui les a formes. 11 trouve bien dans les fecritures , des anges qui depen- dent de Dieu et lui servent de ministres ; mais il n'y voit ni leur origine , ni leur nature, ni leurs attributs divers. Comment done^ si les anges ou les dieux n'ont pas regu des fonctions diverses , pourra-t-on expliquer la diversity du monde, la diff(§rence des races, celle des moeurs , celle des fortunes? Le grand Dieu qui dominetout, n'explique que Funit^; d'ou il suit quie Fhypoth^se des cbr^tiens est impuissante en m^taphysique. Ainsi, loin de rougir du poly- th^isme, Julien s*en glorifie, parce qu'il I'interprete. Et pourquoi n'aurait-il pas le droit del'interpr^ter? Rien de plus ridicule que les fables du polytheisme : est-ce k de telles chim^res que nous croyons? Gette tour de Babel , avec laquelle les Chretiens expliquent la variete des langues et des moeurs, est-elle done moins foUe, si on la prend litteralement? Si on I'in- terprete comme une allegoric , et il le faut bien , sous peine de passer pour insens^s , nous avons done le droit d*interpr6ter aussi nos poetes ; et ce principe admis une fois, allegoric pour all^gorie, la n6tre explique tout, et la tour de Babel ne rend compte de rien , et ne pent cacher un sens raisonnable. Comment vient le p^cb6 et le mal , selon les Ven- tures? Dieu met Adam dans le paradis terrestre ; puis il se dit : il n'est pas bon que Thomme soit seul, et il lui donne une compagne. Cepend«int celte com- DOCTRINE DE JULIEN. 361 pagneTa tenter rhomme, et amener sa condamoa- lion. Dieu ne le savait-il pas? Quoi que vous repon- diez , vous 6tes 6galement perdus ; car il est imparfait s'il Fignore , et s'il le sait , il est mechant. feve elle-m6me , la tentatrice , est d'abord tentee. Le serpent la s^duit* Dans quelle langue lui parle-t-il? H^siode ou Hom^re ont-ils rien de plus difficile k croire? Ce serpent est Fennemi du genre humain , c'estle prince des ten^^bres. Cependant quelle est sa faute? II conseille ktve de goiiter du fruit d^fendu , du fruit de la science du bien et du mal. Mais si Adam et feve ne connaissent pas la science du bien et du mal , ils n'ont ni vertu , ni sagesse. lis sent au- dessous de Fhumanit6, tant qu'ils ri'ont pas cette connaissance. Le serpent les conseille bien. Que dit Dieu lui-m6me dans Moise : Slls mangent du fruit de cet arbre, ils deviendront comme Fun de nous. Ainsi Fesprit de tenebres veut 61ever F horn me au rang des dieux, et c*est Dieu qui le rejetle et le con- damne au malheur et au crime. Dieu est done un dieu jaloux; il a de Fenvie , il n'est point parfait , ou plut6t il n*est point Dieu. ficoutez Platon dans le Tim^e : « II 6tait bon, et celui qui est bon ne pent con- cevoir d'envie». Oil est la sagesse? Qui a vraiment connu la nature de Dieu, Platon ou Moise? les H6- breuxoulesGrecs? Le dieu des H6breux est en eflfet un Dieu jaloux et m^me un Dieu cruel. II s'irrite de la moindre faute ; il condamne toute la nation pour la faute d'un seul. II n'est apaise que quand Phinee a partage ses trans- 862 DOCTRINE DE JULIEN. ports et Ta veng6 avec barbaric. Voili les exemples qu'il donne aux hommes. II defend le culte des autres dieux, il veut 6tre ladore seul. Dans quel sens les Alexandrlns, et Julien en particulier, interpr^taient ce pr^cepte , nous le savons (!)• Ce Dieu des Juifs n'aime aussi que son peuple. Ainsi ce Dieu estle seul Dieu, et ce peuple est le seul peuple aini^ de Dieu. Gom^ ment done Dieu a-t-il choisi , parmi toutes les nations dela terre, la plus miserable? Cornment, apr6s I'avoir choisie , ne lui a-t-il donn^ ni la richesse , ni la puis- sance, ni lu gloire? Le Di«u des Juifs est aussi le Dieu des nations, selon Paul, qui se contredit sans cesse. Mais s'il est aussi le Dieu des nations, pourquoi pre- f6re-t-il les Juifs? Et s'il n'est que le Dieu des Juifs, comment les nations priv6es de Dieu Tont-elles em- port6 sur le peuple 61u, en sagesse et en prosperite? On fait grand bruit des lois de Moise. 11 est vrai , ce sont des lois sages. Mais 6tez le pr6cepte de c61e- brer le sabbat et de ne pas adorer d'autres dieux , ces lois sont la morale de tous les peuples. a Tu ne tueras pas, tu ne rendras pas de faux temoignage : » Su- blime morale en effet, et que les Grecs n'ont pas m^me soupconneel Pourquoi Platon, Pythagore, Orphee n'ont-ils pas 6t6 en Jud^e , apprendre du plus m^pris^ et du plus abject de tous les peuples , ces lois divines , inconnues au reste de la terre? Aprfescette discussion des ficritures juives, Julien s'efforce de raontrer que Jesus-Christ n'a pas 6t6 pr^dit. II discute Tauthenticit^ des passages all^gu6», (f) F'oyiz ci-dessus, p, 395. DOCTRINE DE JULIBN. 363 il en rejette Tapplication. « Un chef sortira de Judas; » C'est David ^ ce n'est pas voire J6sus. On veut que J^sus aussi soil sorti de Judas : le t^moi- gnage en est-il plus clair? Mais en cela m6me, vous ne faites que vous contredire ; car si Jesus n'est pas fils de Joseph , il n'est pas de Judas; et s'il est fils de Joseph , il n'est pas Dieu. Quand m6me les predictions s'appliqueraient k J6sus, qu'annoncent-elles? Un Dieu, un second Dieu? Non certes ; « un proph^te tel que moi, » dit David. Partout, en mille endroits^ les Ventures in- sistent sur runit6 de Dieu : un seul Dieu , un seul sauveur, un seul maltre. Lorsque Jean nous an- nonce le verbe fils de Dieu , et par consequent un second Dieu , qu'il ne s'appuie done pas sur les Ven- tures , puisqu'il les contredit et les condamne. Vous pr^tendez que Dieu nous a donne deux lois , une premiere , celle de Moise , plus imparfeite , et la seconde , qui est celle de J6sus- Christ. Mais expliquez- nous alors pourquoi Moise a dit que la loi serait eternelle et que Dieu ne la changerait jamais. Infldeies aux livres juifs , que pourtant vous ac- ceptez 9 vous ne TStes pas inoins k ce Jesus , dont vous faites votre Dieu , car les dogmes que vous r6- pandez , il ne les a pas enseignes ; ni lui , ni ses pre- miers disciples n'y avaient jamais songe. C'est qu'ils n'avaient pas organise leur doctrine pour la duree et I'influence que la superstition lui a donnee. Ni Paul , ni Mathieu , ni Luc , ni Marc , n'ont os6 dire que J^sus-Christ fut un Dieu. Et qu'a-t-il fait, ce Dieu ,. iSk DOCTRINE DE JDLIEN. de si extraordinaire? II a gueri des aveugles , des pa- ralytiques ! Mais a-t-il change les moeurs ou la des- tinee de son peuple ? Ce Dieu qui se fait homme , meurt sans avoir rien renouvel6, rien fonde; il meurt obscur , condamn^ a une mort infdme. Yoila le Dieu que vous pr^ferez aux Dieux de vos ancetres , k rhellenisme , k la philosophie, k la patrie! Pourquoi , disciples de J^sus , n'offrez-vous point de sacrifices ? Pourquoi mangez-vous de toute chair? Pourquoi n'6tes-vous pas circoncis ? Votre J^^siis n'est pas venu pour abolir la loi , c'est lui-m6me qui le dit, mais pour Taccomplir. Ou Jesus n'a pas dit la verite , ou vous 6tes des d^serteurs de la loi. Julien insiste encore sur le culte des martyrs , sur lestombeaux qui servent d'auteis, sur Tabolition de la p4que et des azymes ; au moins , dit-il , les Juifs ont un culte raisonnable et digne des dieux ; mais vous , apres nous avoir quitt^s pour les suivre , vous recevez ce qu'ils ont de criminel et de sacrilege , et vous renoncez k leurs ceremonies et k leur culte. Ainsi les, Chretiens paraissent doublement impies aux yeux de I'empereur apostat, pour n'admettre qu'un seul Dieu et pour rejeter les sacrifices sanglants et la th^urgie. Mais il avait beau s'ecrier , en commen^ant son ouvrage : Repondez i mes reproches , ne r^criminez pas ; ce que vous direz contre nos fables , ne prouve rien pour vous-mfimes : les apologistes Chretiens sa- vaient trop bien Todieux etle ridicule du paganisme, pour n'en pas triompher k outrance. C'est en vain DOCTRINE DE JULIEN. 365 que Porphyre et Julien reprouvaient ces recits in- flimes ou pu^rils ; on avail le droit de leur demander compte de cette alliance avec un culte qu'eux-m6mes jugeaient si s6v6rement. Qui les for^ait a garder les nonis , puisqu'ils repudiaient les doctrines? N'etait-ce pas 1^ v^ritablement tromper le peuple par une ma- noeuvre indigne de philosophes et de gens de bien? lis voulaient sans doute concilier k leurs opinions cette espece de consecration que donne une antiquity v^n^rable ; mais il fallait tout rejeter ou tout ad- mettre. II fallait 6tre franchement et uniquement philosophes; ou si Ton r^clamait le privilege des temples et Tautorit^ des myst^res , prendre le paga- nisme tout entier et quitter le Dieu d'Aristote et de Platon pour Saturne et Jupiter. M6me en inter pr6tant le polyth^isme, n'6tait-on pas conduit k diminuer la perfection de Dieu? Pour Platon , il est vrai , et pour Plotin , Dieu est tout , les ve'ot $r,iJ.moyoi ne repr6sentent guere que la variete des lois de la nature; et telle est la predominance du Dieu souverain , que Ton sent bien dans tout le sys- teme que Tunite de Dieu est accept^e sans reserve* Mais k mesure que la th^urgie succede au niysti- cisme , k mesure que la philosophic , apr6s avoir am- nisti6 les religions positives comme des formes de la religion universelle , s'accoutume au contraire A leur emprunter leur consecration etleiir prestige, dans cette reaction inierieure, k laquelle Porphyre s'etait oppose, qui triomphe dans I'ecole avec Jamblique, et qui est definitive sous Julien , n'est-il pas evident 366 DOCTRINfi DE JULIEN. que , bien qu'on laisse toujours de c6t6 , comme des allegories, les fables des poetes, la multiplicity des dieux intermediaires arr6te et occupe les esprits , et les emp6che de contempler avec la m6me ardeur I'u- •nite parfaite , qu'ils appellent encore le Pere des dieux et des hommes? C'est avec les dieux que Jam- blique , Maxime , Julien out commerce ; ce sont eux qu'ils invoquent. lis leur o£frent des sacrifices , ils leur 616vent des autels domestiques , ils decrivent leurs genealogies, leur hierarchic , leur puissance. Le vulgaire qu'on rappelle dans les temples, reprend ses anciens prejuges, et les sages eux-m6mes, de plus en plus preoccap6s des symboks , oublient et negligent la grandemetaphysique, et deviennent po- lytheistes aussi , presqu'i leur insu. Qu'est devenu le temps oil Plotin condamnait I'astrologie , oil Por- phyre s'indignait contre les sacrifices sanglants , oil Fauteur des Mysteres proscrivait avec d6dain le culte desidoles? Les pages eioquentes ott saint Cyrille re- proche au Dieu de Julien de n'6tre qu'un Dieu imr puissant , qui a besoin de se d^charger sur des dieux inferieurs , du gouvernement du monde , auraient- elles pu etre adress^es k Plotin ou k Porpbyre? C'est Qn Dieu unique et tout-puissanl que veut adorer Ju- lien ; mais la religion qu'il relfeve ♦ et qu'il veul vai- nement epurer , n'en est pas moins le polytheisme. On a beau faire ses reserves ; on est toujours de son parti , et quand on a pris I'erreur pour auxiliaire» il faiit tdt ou tard qu'on la subisse. Quels auxiliaires pour la raison et la philosophie DOGTRIi\£ DE JIJU£IV. 367 que tout cet attirail sacerdotal, toujours ridicule quand 11 n'est pas v6ner6 , que ce» miracles timlde^ ment allegues , r^fut^s par les adeptes eux-m^mes qui u'osent m les rcgetar, ni les admettre, que ces oracles imposteurs , ces talismans , ces tables con-- stetlees^ oes sacrifices sanglantsl Julien triomphedu culte que les cbr^iens rendent aux martyrs; mais ce cuite qui s'adresse & des tombeaux , netransforme pas en donxi-dieux les saints et les martyrs ; il n'al- t6re point Tidee du Dieu tout-puissant ; il ne divinise pas le meurtre et I'adult^re ; il a quelque chose de touchant et de sacre , surtout pendant les persecu- tions , quand chaque famille conipte ses morts , et quand on s'encourage k perse verer et k souffrir, en glorifiant la d^pouille de ceux qui ne sont plus. Cette assimilation ne pouvait tromper Julien lui- m^me; c'est un argument de mauvaise foi. Le dogme de I'unit^ de Dieu , chez les Chretiens , est clair comme le jour ; il est tres equivoque chez les paiens, il est au moins obscur chez des philosophes qui pre- tendent le concilier avec les fables du polyth^isme. Ainsi, grkce k cette imprudente rehabilitation de la mythologie, les Chretiens seuls represenlent d6sor- mais le dogme de T unite de Dieu, hors duquel il n*y a que folie* Les philosophes se sont volonlairement r6- duits k n'6tre plus que les prfitres des idoles ; prfetres sans foi, qui ne laissent aux dieux que leurs noms, qui detruisent leur religion parce qu'ils I'interpretent , et la philosophic parce qu'ils Favilissent; et qui se croient vainqueurs de toutes les superstitions , parce 368 DOGTAIAJB DE JULIEN. qu'ils ont remplace les impostures des pretres par les evocations et la th6urgie. Ce n'est pas la philosophie qui a et6 vaincue avec Julien, quoiqu'elle ait ^t6 n^cessairement enveloppee dans la defaite d'un prince philosophe. La cause des Chretiens 6tait gagnee avant Julien , rien ne pouvait plus pr^valoir contre elle; mais dans eettelutte ou Julien se pr^cipita , la religion chrcitienne avait deux raisons de vaincre : sa propre force , et les fautes de ses ennemis. LIVRE CINQUIEME. rifeCOLE D*ATHfeNES DANS SES RAPPORTS AVEG L'ECOLE D'ALEXANDRIE. CHAPITRE PREMIER. PLDTARQUE ET SYRIANDS. Rapports de I'ficole d*Athenes et de T^cole d'Alexandrie. Sejonr de Ghrysanthe a Alhenes. loflaence de Syrianus sar les opinions de Proclus. Nous avons presque achev6 Fhistoire de F^cole d'Alexandrie , car ce qui importe i Ihistoire d'une grande 6cole de philosophie , c'est le d^veloppement de la pensee qui la constitue, et les ^crivains obscurs qui, h partir du cinqui^me si^cle, enseignent encore le platonisme dans Alexandrie , ne font que repro-- duire sans originality ni 6clat les doctrines de T^cole d6ji d^figur^es et affaiblies par £desius, Ghrysanthe et Maxlme. Au moment oil les successeurs directs de Jamblique, vaincus avec Julien, s'effacent et dis- paraissent en qnelque sorte de I'histoire, T^cole d'Ath^nes releve un moment les destinees de Teclec- n. 24 370 PLUTARQUE ET SYRIANUS. tisme. Pendant cet^e 0ourte p^riade, iJUi, de la mort de Julien, s'6tend jusqu'i la fermeture des 6coles sous le consul^t de D6cius (I), c*eBt Ath^nes qui remplace Alexandrie et Pergame. Rechercher les origines de F^cole d'Athe^nes en remontant jusqu'i Longin, indiquer ses rapports avec les Alexandrins, raasembler tout ce qui nous reste sur Plutarque, sa famille et ses disciples, re- construire la doctrine de Syrianus et marquer avec precision le rang qu'il occupe parmi les commen- tateurs d'Aristote, d^velopper dans toute son ^tendue et dans toute sa profondeur le vaste systfeme de Pro- clus , retrouver dans ses oeuvres, avec la philosophie de Platon i laquelle il se rattache , Tordre entier des speculations de Plotin, de Porphyre, de Jamblique, de Theodore ; faire ressortir les liens puissants par lesquels il enchalne toutes ces doctrines si com- pliquees , si subtiles et k quelques 6gards si diverses, pour en faire une magnifique et r6guliere encyclo- pedia; dws cette philosophie oil se trouve resume et contenu tout le travail de ses devanciers , mootrer encore lii trace du g^nie original de Produs qui s'ap- proprie toutes les speculations de recole en les transr formant ; s'arrfiter apres lui au dernier repreaentant 4e la secte^ au savant et ingenieui Olympiodore, k Salluste, le seul des eclectiques dont la pensSe ait ete nette et le style concis , k Damascius , le dernier de tons et non pas le moins habile ; raconter enfin les derniers nioments de la philosophie paienne, et en (1) En 539. l>LUtAtt0t}E ET BVtiUt^tJB. 871 ^uelque sortfe ies fun6railtes de cette grande 6Gole , tfe serait la mati^re d'une loogue et magnifique histoire, MII6 laquelte le dernier mot ne saurait ifetre dit ni suf I'anliquit^ grecque, Hi sur le systeme philosophique fond^ par Plotin et dont Ficole d'Ath^nes h&ita. Nous repre&drons ailleurs eette mati*rfe, et nous retrouvtroHs aiasi, daas Syrianus, dans Proclus, Bous une forme plus sarante et plus r^guli^re , Ies doctrines dont nous avons racont^ I'enfantement et Suivi Ies progr^s. Nous ne prenons ici T^cole d'A- thanes que dans ses caraet^res Ies plus g6n6raux, et iaissant de c6t6 son histoire int^rieure , ses travaui sur la mythologie , ses commentaires , nous esquis- serous k grands traits la philosophic de Proclus, dans Tunique but de montrer la dernifere transformation que la doctrine de Plotin pouvait subir. Les rapports de T^cole d'Ath^nes avec ViScole d*A- lexandrie sont nombreux et 6vidents; Texposition sommaire des doctrines de Proclus fera ressorlir les diflKrences qui les s^parent. De Plotin k Proclus la filiation est interrompue. La chaine sacr^e se suit de- puis Plotin jusqu'4 Maxime par Porphyre, Jamblique, Sopater et fid^sius; mais que! avait ^te le mattre de Piutarque, dontSyrianus et ensuite Proclus furent ies successeurs , Thistoire ne nous le dit pas ; et rien n'autorise h penser que Piutarque ait Hi le disciple ou de Jambiique ou de quelque autre platonicien d'Alexandrie. Pour relier plus directement les deux 6coles n6oplatoniciennes , on a suppos6 que Chry- santhe , •s'^tant retire dans la Grfece aprfes la chute de 372 PLUTARQUB ET STRIANUS. Jiilien , ^tait venu k Ath^nes et y avait enseign^ la doctrine qu'il tenait de Maxime. Cette supposition , comme noua le verrons tout k Theure, est li peu pr^s gratuite , et quand nous saurions avec certitude que Ghrysanthe a professe quelque temps k Ath^nes , on ne pourrait rattacher k cet enseignement affaibli et d^g^n^r^ la tradition de T^cole d'Ath^nes d'un ordre ^videmment plus 61ev6. Si I'^cole d'Alexandrie avait eu ainsi, dans la personne de Ghrysanthe, un repr^ sentant direct k Athenes, ne le saurions-nous pas? Eunape , qui s'etend avec tant de complaisance sur tout ce qui se rapporte h son mattre, aurait-il omis une circonstance si capitale? Et pour que Plutarque ait pu sans sortir d* Ath^nes connaitre la philosophic 6clectique , est-il n^cessaire d'y amener un disciple de Maxime , et de supposer que dechu du pontificat par la mort de Julien , au lieu de se tenir cach6 dans les temples et d'y chercher I'obscurit^ et Toubli, il ait enseigne publiquement la doctrine qu'on venait de proscrire? Athenes ne manquait pas d*^coles de philosophic ou Plutarque a pu se former. Depuis plusieurs slides aucune des grandes 6coles n'avait cess6 d'y 6tre representee. Longin n'y avait pas fait ecole, puisque les traces de ses successeurs ne se re- trouvent pas dans les siicles qui ont suivi; mais si le platonisme y avait jet6 moins d'6clat qu'ailleurs, peut-on dire qu'il en ait 6t6 absent tout k fait? II faut se rappeler ce qu'^tait Athenes, la ville litl6raire par excellence. Son 6clat, comme centre littiraire et phi- losophique, avait commence longtemps avant Alexan- PLUTARQUB BT SYRIAISLS. 373 drie, avant Pergame, et surv6cut longtemps k leur decadence. Adrien y avait fond6 des chaires publi- ques , noH-seulement de litt^rature , mais de philoso- phie. Le nom d'Ath^nes et Fantique reputation de ses ^oles avait toujours fait refluer vers elle les es- prits avides de s'instruire. Du temps de Julien comme du temps de Ciceron, comme du temps de Porphyre, Athenes restait la capitale du monde litt^raire. Les ancieus auteurs nous ont conserve de curieux details sur ce petit monde d'ecoliers et de sophistes , sur ces revolutions de sectes et de partis qui n'^taient pas tou- jours pacifiques, sur le traitement des maitres (1), la forme des concours (2), la reception des 616ves (8), et les heures m6me destinies aux divers enseigne- ments (/i). Gette ot'ganisation rappelle, avec moins de r6gularit6 peut-6tre et de magnificence royale, mais avec plus de vie et de puissance veritable , le Mus^e et les institutions litt^raires d'Alexandrie sous les Ptol^m^es. L'^cole d'Alexandrie avait eu trois phases princi- pales : Plotin I'avait constitute comme une forte 6cole de m6taphysique , h la fois rationaliste et mys- tique; Porphyre, Am61ius, Theodore se rattachent k cette impulsion et la continuent sans Talt^rer; Jamblique marque la seconde p^riode; avec lui la th^urgie remplace I'extase; la science des Evoca- tions, la d^monologie, les myst^res commencent k (1) Gf. Phllostrate, p^ies de$ Soph,^ 1. 2, c. 8, et VEunuque de Lucien. (2) Eunape, ProhMsius. (3) Saint Gr^g. Naz. , S. Basil. Ik) Eunape, Chrysanthe, 874 PLUTARQDE BT SYAIANUS. prendre la place des speculations m^taphysiques } r^cole rey6t de plus en plus le caract^re sacerdotal, A Jamblique se rattacbent ^troitement Sopater, £d&^ sius I Chrysanthe , Maxime et m6me Sosipatra, Anto-r ninus et tous ces sophistes d'Eunape qui ressemblent plut6t k des initios qd'k des pbilosophes, et cbea lesquels Tinspiration veritable s'^teint et disparait k mesure que la superstition s'accrolt, Enfin T^cole d'Aleiandrie , humili^e par les triomphes du chris« tianisme , r^duite au silence et k Tobscuritii , siinsf port^, sans cr^it, sans influence, prend tout k coup par rav^nement de Julien une attitude nouvelle , et §*eflForoe d'employer le pouvoir souverain dont un de ses adeptes est rev6tu k Vextinction du christian nisme et au triomphe de la philosophie. Cette inters Yention active de T^cole dans la politique et les af- faires, ne lui rend un instant d'eelat que pour la perdre presque aussitdt Julien mort, que resta-»t-il? fid^sius Ta pr6c6d6, Maxime poursuivi par la haine publique expie par la persecution sa courte prospe- rite ; Priscus, Chrysanthe s'efiacent volontairement et caehent leurs regrets dans la solitude (1)« Th^mistius est d'une autre ^cole ; Proher6sius est un lettr6 plu- t6t qu'un philosophe ; Eunape n'est qu'un biographe, etranger k la philosophie dont il ^crit rhistoird sans la conaprendre. Dans cet affaiblissement, dans cette defaillance de T^cole d'Alexandrie, I'^cole de Plutarque et de Syriaqus reste sans rivale. On ne salt presque rien de Plutarque , sinon qu'il (1) Of. cl-de88U8, 1. 3, c. 6. PXUTABQUB BT STHIAMUf. %?& fut le maltre de Syrianujs (1)4 et m^taie^ pendant les deux dervli^Fes ann^es de aa vie, tielili de Proclus (9). On I'appelle Plutarque fils de Nestorios , pdur le distinguer de Plutarque de Cheron^; ses disciples et ses contemporains Fappelaient, dans le mSme but, le grand Plutarque (8). II 6tait n6 dans Ath^nes , et il y inourut en &S5 ou ASi , parvenu k une extreme vieillesse. II enseignait , comme la plupart des ^clec- tiques, Taccord de Platon et d'Aristote, et si Ton eti juge par les r^cits extravagants que Damascius (h) nous a laiss^s sur soil fils Hierius (5) et sa fille Ascl^- pig^uie (6) , 11 n'^tait Stranger k aucune des supersti- tions th^urgiques dont F^cole neoplatonicienne etait infect^. II eut un grand nombre de disciples , et Synesius les d^signe par son nom, ixiourapxetoij comme on a coutume de le faire pour Plotin, Porphyre et Jamblique (7). Sur son lit de mort, il recommanda Proclus & Syrianus qui lui succ^dait. Proclus n'avait pas encore vingt ans ; mais dans cet enfant extenu6 de je^lnep et de travaux^ Plutarque et Syrianus avaient devin6 la future lumi^re de T^cole (8). Suidas, etui nous a donne i'ordre de succession entre les mattres de T^cole d'Athdnes, Plutarque^ (1) Suidas, F* Plutarque. (2) Marin. , Fie de Pr. , c. 12. (aj Id. ib.^ nDaiBuscius, f^ie d^Isidore, Phot. , Cod. 242, (4) Suidas, F. Domninus. (5) II avait, dit Damascius, la t6te de la grosseur et de la forme d*uii pois chiche , etc. (6) Ascl^pig^nie abandonn^e par les m^d^cins, f«t gu^rie psir I^ priires de son marl. Marinus, 1. 1., c. 29. (7)^p.,17. (8) Marin. , 1. 1. , c. 12. 376 PLUTARQUE ET SYRIANCS. Syrianus, Proclus, Marinus (1) , ne nous dit pas quel ^taitle maltre de Plutarque, et ce renseignement ne se trouve nuUe part. On est r^duit aux conjec- tures sur un point si important, d*oii dependent les Hens de filiation entre T^cole d'Ath^nes et celle d'Alexandrie. Uopinion de Priscien qui repr6sente Plutarque comme un disciple de Jamblique (2) ne r^siste pas i Texamen. Jamblique est mort avant Constantin, puisque Sopater brille & la cour de Gon- stantin apres la mort de Jamblique (3) ; la mort de Constantin lui-m6me est de 337 , et celle de Plu- tarque de &33, de sorte qu'en lui accordant m^me un si^cle de vie , il n'aurait pu entendre Jamblique ; et il resterait encore k savoir s'il est possible d'attri- buer une aussi longue vieillesse k un homme qui mourut, pour ainsi dire, en enseignant la philo- sophic. Si Jamblique est le mattre de Plutarque, c^est sans doute comme Num^nius F^tait d'Am^lius et de Theodore , qui avaient puis6 ses principes dans ses livres et n'avaient point entendu ses lemons. Uopinion de Brucker (4), que le maltre de Plu- tarque est Ghrysanthe, ne nous semble pas plus exacte, mais elle offre du moins, il faut Favouer, plus de vraisemblance. Ghrysanthe en effet dut ha^ biter Athenes, puisque Eunape nous appreud qu'ils y v6curent ensemble dans Fintimit^ (5). II est (1) ^. Syrianus. (2) Cf. Fabric, Bibl. gr.y t. m, p. 370. (3) Foyex ci-dessus, 1. 3, c. 6. (4) Hi»U crit. phil., t. II, p. 313. (6) Eun., Chrys, PLUTARQUE JET SYRIANUS. 377 vrai qu'Eunape dit tantdt qu^il se rendit k Ath^nes k I'Age de seize ans , pour y 6tudier les leltres sous Proh^r^sius (1) , tant6t qu'il ne vint k Ath^nes que pour y trouver Chrysanthe (2) , et qu'il avail vingt ans r^volus lorsque Chrysanthe Tinitia k la philoso- phie de Jamblique (3) ; mais il n'en est pas moins certain qu'il vecut k Athfenes aupr^s de Chrysanthe , qu'il passait k I'entendre exposer ses doctrines la se- conde partie de la journ^e, apres avoir donne la pre- miere k I'enseignement des lettres, et qu'i plusieurs reprises il donna ses soins k son vieux mattre , comme m^dedn, car il avait appris la m^decine Ji I'^cole d'Oribaze (4). Mais si le sejour de Chrysanthe dans Athenes ne parait guere contestable, il n'en resulte pas que Plutarque ait re^u ses lecons. Eunape dit bien que Chrysanthe lui enseignait alors i lui-mfime sa doctrine , mais il ne dit pas qu'il I'enseign&t aussi au public. Au contraire , il resulte des termes dont il se sert, que ses entretiens avec Chrysanthe se pas- saient entre eux et n'avaient pas d'autres t^moins. Chrysanthe avait enseign6 la philosophic k Pergame sous £d^sius, i c6t6 de Maxime ; mais lorsqu'il se re- tira, a la mort de Julien, dans les temples de la Gr6ce, il vecut d6sormais solitaire, retire, occupy seulement d'^crire , et le faisant si constamment, que ses doigts (1) Eun., ProMr. (2) Eun., Chrys, (3) Eun., Edisius, « Chrysanthe , dit Eunape, au commencement de la biographie d'£d^ius, ne m'enseigna la philosophic de Jamblique qu*apr^s que j*eu8 atteint ma vf ngtlime ann^, quoique Je fusse auprto de lui depuis mon enfance. » (4) Evm.f Chrys, t ad fin. 378 CLUTABQUB BT SVRIANUS. 3* ^talent recouFb^s ^ et ae d^tachai^nt avec peine du stylet (!)• II n'y a done pas Yraisemblance k supposer que ce disciple d'6d6sius , ce repr^sentant direct dea Alexandrins, ait tenu ^cole dans Athenea, et reli6 ainsi par Plutarque^ son disciple, la premise 6cQle ^clectique k la seconde. Dans tous les oaa, Ghrysanthe n'est gu^requ'un illuming, un pontife (2) , et quoique Plutarque et ses successeurs presentent aussi au plup haut degr^ ces deux caract^res, on tie pent m^eon- naitre en eux une vigueur pbilosophique quMl est impossible de rattacher aui derniers debris de Tecole d'A^exandrie. Nous sommes done r^duits a partir de Plutarque, comme Suidas , sans remonter au delk ^ et a r^peter avec Priscien, que quel que fut son maltre, rinfluence k laquelle il a surtout ob^i, est celle de Jamblique. L'antiquite ne nous a transmis aucun detail sur les doctrines particulieres enseign6es par Plutarque. Est-ce de lui qu'il s'agit dans un passage du eom- mentaire d'Olympiodore sur le PMdan (3) , oil Jam- blique et Plutarque sent mentionni^s comme les deux interpr^tes modernes qni admettent Fopinion des deux interpr^tes anciens, X^nocrate et Speu- sippe, k savoir que Timmortalite comprend jusqu'i la partie irraisonnable de notre ^tre? II ne paratt (1) Eunap , Chryi. (9) Gf. ei-dessus, 1.3, c. 6. (3) 6xi ol jiiv disb Tfi<; XoYtxfi^ ^uxtj? 4xP* W ^w¥^X^^ ^^«^ di»6ttV«T(5oy«v, dikoyia^ , cb( Tb>v {xkv icaXaitov !£evoxpdT7i< xa\ ZiceOaiinroc , Tb>v Sk vectir^pcDy idii6>iixo; xa\ ll)^ouTapxo<;. 01. , Comm. PMd, , S po^'- r PLUTARQUE ET 3YAIANUS. ^79 p^s que Ton puisse en douter; Plutarque de Gh^rot n^ n'etait pas pour Olympiodore un interpr^te mor derne de Platon ; il ne I'aurait pas cite apr63 Jam- blique; eufiu, il I'aurait specifie de quelque fa^on^ car le grand Plutarque, pour Olympiodore , o'est le maitre de Syrianus (1), Voila done un point qui noua est connu de la doctrine de Plutarque , du premier representant illustre de T^cole d'Athenes, de celui qui partage avec Syrianus Thonneur d'avoir 6t6 le maitre de Proclus. C'est que preeisement Proclus a efface ses maitres et rendu, leurs livres inutilea* Un jour Plutarque lit le PMdon avec lui , en le commen- tant k mesure, et I'exhorte k rediger les remarques qu'ils faisaient ensemble; ce sera, dit-il, pour la posterite , le commentaire de Proclus sur le Ph^dan, tsrai X0ec IIpoxXov VTTOfivrjfJiara cpepojuieva ek roy $o((3cku^a (3). La prediction s'est veriflee; le commentaire de Pro- clus est c^lebre , et personne ne songe k placer le nom du maitre k cdt^ du glorieux disciple. Plutarque mourant recommande ses Aleves k Sy- rianus , qui lui succede, et Proclus au-dessus de tons les autres. Syrianus, en eflfet, est le maitre de Pro- clus, son guide, son ami. II lui inspira une admira- tion , une confiance sans bornes. Proclus , dans tons ses Merits, le met sans h6siter sur le rang de Plotin et de Jamblique. II le cite sans cesae» toujours avee 61oge , et ne s'^carte presque jamais de sa doctrine. II Tappelle mon maitre, mon guide, raon pere (8). (1) Cf. M. Cousin, Fragm. hist, 2* 6d., p. 558. («) Olymp., Cumm. Phid.; Cf. M. Cousin, 1. 1. (3) Proclus, Comm, JVm., past. 380 PLUTARQUE BT SYRIANUS. II voulut 6tre enseveli dans le m6me tombeau , et se composa une ^pitaphe oil sa vie et ses esperances d'avenir 6taient unies k celles de Syrianus. L'enthou- siastne d'un tel disciple dit assez ce que valait le maitre. On pourrait reconstruire la doctrine de Sy- rianus, en prenant celle de Proclus pour base, ou plut6t c*est la m6me doctrine, enseignee par Sy- rianus, d^veloppee, regularisee, fecondee par Pro- clus. Marinus va jusqu'a dire que la plupart des ouvrages que Proclus a composes dans sa jeunesse ne sont que des redactions du cours de Syrianus. II est certain du moins que , dans le commentaire sur le Timde, compost par Proclus k I'age de vingt-huit ans , il lui arrive souvent , apr6s avoir discute la doc- trine de ses devanciers , d^exposer enfm celle de Sy- rianus , sans rien ajouter de lui-m6me , comme s'il se bornait au r61e de rapporteur fidele et de disciple soumis. C'est ainsi qu'il adopte le sentiment de Sy- rianus sur le quatrieme interlocuteur de la Repu- blique, dont Tabsence est signal^e au commencement du Timee (1), sur la transmission des qualit^s morales et intellectuelles des peres k leurs enfants (2), sur le sens general de T Atlantide (3) , sur le rapport des diverses classes dont la r^publique se compose avec la hierarchic des dieux et des demons qui peuplent le monde {k) , sur la distinction du ro dd ov et du to (1) Comm^ Tim. , p. 7. (2) lb., p. 16. (3) lb., p. 2ft. (ft) Ib.y p. ft7. PLUTARQUB ET SYRIANUS. 381 yevTjTov (1) 5 Sur le imfiiovpyb^ (2) , sur le TrapoJeiyiuta toO x6o xb ivapiirfCeiv xi itXowO^vta to itdvxt , x. t. X. , p. 109. (5) Jb.y p. 113. (6) /*. , p. 171 sq. (7) Ib.y p. 218. (8) /6.,p. 224. S8S PLUTARQUE ET SYAlAlN€8b que disait Syrianus : II faut, entre les nioyens termes d'une proportion doat les extremes sont des soUdes^ le m6me rapport qu'entre led cdt^s de ces solides \ il y a done deux luoyens eutre deuK Bolides , parce qiie leurs c6t6s ontdeux dimensions (1). Proclus combat ausd Topinion de Syrianus sur le sens des propor- tions i, S) ftv S, et 1^ 3, 0, 27, d'apr^s lesquellesle drif^i^upyo; forme TAme du monde. Syrianus ^xpliquaitv par cette double proportion , la nature k la fois divi- sible et indivisible de T&me t Tindivisible a pour syinbole Funiti^, et le divisible, les six divisions qui viennent apr^s T unite , les divisions en nombre pair indiquant la procession^ Tordre descendant de Dieu k la creature, et les divisions en nombres impairs indiquant le retour» Tordre ascendant de la creature h Dieu (2)» Proclus r^ftite cette opinion par des rai^- sons pythagoriciennes ; mais en m^me temps 11 n« manque pas de d^larer que cette interpretation est f^conde en applications admirables , et qu'il Tavait d'abord adoptee (8). ProcluB n'est pas le seul qui place si haut Syrianus. Olympiodore, sur le point d'exposer une th*orle^ s'ar- r6te , parce que son maitre , dit-il , a trait6 ce sujet. Quand le maitre a parl6 , le disciple doit Se tains. Syrianus a compt6 un grand nombre de disciples, parmi lesquels Hermias , p6re d'Ammonius , et Dom- ninus , sont les plus c61ebres apr^s Procius. Son en- (1) /6.,p. 150. (2) Cf. JEtudes sur le Timie de Plaion^ par Th. ffenKi Martin, t. I, p. 383 sqq. (3) Comm, Tim,, p. 207 sqq. seignement embrassait, outre la philosophie, la phi- lologie et la grammaire. En phUosophie , 11 s'attachait comme Plutarque k montrer Taccord de Platon et d'Aristote, etil y joignait Drph6e, dont les oracles pr^tendus contenaient k ses yeux par anticipation toute la sagesse humaine. Avec la plupart des Alexan- drins, il placait Textase au-dessus de la raison, et reduisait le mysticisme k n'6tre guere que la th6ur- gie (1). Suidas cite de lui un Commentair6 sur Ho- mere, en sept livres, un autre sur la R^ublique^ un autre sur la TMologie (TOrphSe , un TraitS des Dieux d'Hamere , un E^sai d€ conciliation entre OrpMe, Py- thag&re et Platon , din livres sur les Oracles. 11 nous reste de lui un Commentaire sur la M^taphysique d'A- ristote, ^mX le but est beaucoup moins d'^claircir la doctrine d'Aristote, que de faire n^olater la superior- rite de Platon « et de r^pondre au$ (ittaques des P^ri- paticiens. II faut ajouter k ces ouvrages des conimen* taires sur plusieurs dialogues de Platon , sur le Pr&^ mie^ Jkibiade (2) , sur le Philebe {&). On ne sait rien de sa vie. II £tait n€ k Alexandria (k) ^ vers d80. li se rendit k Ath^nes pour ^tudier sous Plutarque , dont il devint Fami , et plus tard le sue- cesseur. II mourut vers &50i (1) Cf. Marinus, Fie de Pr. , c. 13, (S2) Gf. M. Cousin, 1. I., p. 277. (3) lb., p. 347. (4) Suidas, V. Syrian, 38& YIB DB PROGLUS. CHAPITRE II. VIE DE PROCLUS, Principaux eyenemenU de la vie de Proclus. Son caractere, ses rer- tus, ses miracles. 11 distingue la philosophie et Textase. Sa methode. II nous suffira d*esquisser en peu de mots la bio- graphie de Proclus avant de montrer le nouvel as- pect que prit, sous son influence, F^cole de Plotin transportee d'Alexandrie k Ath6nes. Marinus nous a laiss6 une Vie de Proclus , ou plut6t un pan^gyrique dans lequel , au lieu de s'astreindre i suivre Tordre des 6venements , il parcourt la s6rie des vertus divines et huniaines , pour montrer que rien n'a manque k la sagesse accomplie de son maitre. Avec ce secours , qu'il est ais6 de cohtrdler par d'autres temoignages, on connait i peu pr^s, de la vie de Proclus , tout ce qu'il est utile d'en connaitre. Proclus est n6 k Byzance (1), en 412 : on conclut cette date de son theme de nativite , qui nous est parvenu , et de sa mort afriv^e en 485 ; Proclus est mort kg6 de 75 ann^es lunaires (2). Sa mere se nom- mait Marcella , son p6re 6tait un Lycien de Xanthe , (i) Marinus, Fie de Proclus ^ c. 6. (2) Cf. Bruckor, t. II, p. 320. VIE DB PAOGLUS. 386 noble et riche ; et quoique Proclus fAt n& k Byzance, on lui donne souvent le surnom de Lycien , k cause de la patrle de ses parents , et parce qu'il fut de bonne heure ramen^ k Xanthe, qu'il consid^rait comme sa veritable patrie. D6s les premiers temps de sa vie , des prodiges annonc^rent ses brillantes des- tinies; la d^esse de Byzance, quipr^sida k sa nais- sance et ne cessa de veiller sur lui , lui apparut plu- sieurs fois pendant sa jeunesse et Fexhorta k Fetude de la philosophie (2). Dans une maladie quMl fit k Xanthe, ApoUon lui apparut sous la figure d'un beau jeune homme, le toucha et le guerit (3). Proclus 6tudia d'abord eji Lycie chez un grammairien , puis il se rendit i Alexandrie, oil le rb6teur] L^onas, charm6 de son nierite , en fit son disciple de predi- lection. En m^me temps, il entendait le grammai- rien Orion , et s'appliquait k la langue latine (4). Les lettres et I'eloquence lui suflSsaient alors, et il com- mengait k s'y distinguer , lorsque des affaires ayant appele Leonas k Byzance , Proclus Ty suivit dans la crainte d'interrompre ses lecons, et ce Jut Ik, dit Ma- rinus , que la deesse se fit voir k lui de nouveau , et lui fit prendre la resolution de se rendre k Ath6nes pour se donner & la philosophie (5). Proclus retourna cependant a Alexandrie , mais il abandonna les rhe- teurs, et prit pour maitres le p^ripateticien Olympio- (1) Marin. , 1. 1. (2) Marin. , ib. (3) lb. , c. 7. (4) lb. , c. 8. (5) Jb. , c. 9. II. ^5 386 VIE DB PROGLUS. dore, et le math^maticien H^ron, II ne tarda point k Jeter le plus vif 6dat dans cette nouvelle carriere, et comme k I'^cole de Leonas il avait et6 plut6t un mat- tre qu'un disciple, Olympiodore et H6ron le traitferent sur-le-champ corame un ami , et le premier vouiut m6me lui donner sa fllle. Olympiodore n'eut bientdt plus rien k lui apprendre ; malgre la profondeur de geg lecons et leur obscurity, Proclus les comprenait k rinstant , les retenait tout enti^res , et au sortir de Tauditoire les reproduisait , en les comnientant, k ses compagnous d' etudes (i). La philosophie d'Olym* piodore s'appuyait principalement sur Aristote , san^ 6tre exempte cependant de cet eclectisme, qui se retrouve aux premiers si6cles de notre 6re dans toutes les 6coles, et elle tendait par consequent k concilier les doctrines p6ripat6ticiennes avec Platon et Pythagore. Proclus d6vora d6s lors les Merits d'A- ristote. Port6 par tons ses instincts vers une philo-^ Sophie plus poetique et plus ambitieuse,,il avait pour- tant , comme Plotin , sous ces 61ans mystiques, assea de penetration et de rigueur, pour n'6tre point efiFraye des habitudes s^v^res de la pens^e d' Aristote. Dans son vol le plus haut , et lorsqu'il semble se li- vrer tout entier au mysticisme , on sent encore le metaphysicien , et mdme le logicien sous le po^te. Enfin, dit Marinus, les dieux I'amenent it Platon , c'est-i-dire dans Ath^nes (2). Dans ce voyage, des presages heureux I'accompagnent. Recu au Pyr^e (1) ^b. (2) lb. , c. 10. VIE OB paoci^ys. a87 par le rWteur Nicolaiis , il s'arrfite fatigue avant (J'entrer dans la ville , et le lieu oix il se repose estun temple 6lev6 k Socrale ; il boit de Teau d'une source cQDsacree a Socrate, Quand il arrive . on ^tait sur le point de ferraer les portes : « J'allais fermer si tu n'elais venu , p dit le portier ; et Marinus ne manque pas de voir nne prediction dans ces paroles. Si Pro- clus n'etait venu , T^cole d* Alexandrie etait eteinte (1) . Proclus Be rendit sans delai chez Syrianus, qu'il trouva en compagnie de Lachares, a la fois rh^teur et philosopbe, et deji, dans celte premiere entrevue » il donna des marques de piete qui charm^rent ces deux maitres de la jeunesse d'Ath^nes (2). Syrianus se chargea de le mener lui-m6me k Plutarque ; et tel fut Teffet produit sur ce vieillard par I'ardeur et le gi^nie de Proclus, qui n'avait pas encore ses vingt ans , que tout casse qu'il etait , il voulut pour lui se remettre h enseigner; ils commenterent ensemble le Tiepi ^\>xri il ne se mfelait pas directement de politique , mais il donnait des con- sells ^ quaiid il allait aux assemblees ; il sollicitait des recompenses pour ceux qui en etaient dignes^ il bl&mait s^verement ceux qui n^gligeaient leurs de- voirs (2). Ce rdle presque public ne depassait pas les droits etles devoirs d'un philosophe illustre, place a lat6ted'une ecole puissante , reguliere, organisee. Athenes ne vivait plus que par ses ecoles; et les maitres qui faisaient sa gloire et son influence , qui d'ailleurs disposaient de cette nombreuse jeunesse accourue de tous les points de I'empire, etaient ne- cesaairement les premiers citoyens. Ne voyons-nous pas dansEunape tout le peuple assemble avec le pro* oonfiul pour assister k une lutte entre deux rh6- teurs (3) ? Et ne dit-il pas de Julien de Cappadoce, qu'il r^gnait dans Athenes , pour faire entendre qu'il etait le chef de I'ecole la plus illustre (4)? Proclus ne s'e- tait pas mari6 (5) ; il usait sobremient des plaisirs de Tamour (6). A I'exemple de Plotin, surcharge de tu- telles , il regardait les fils orphelins de ses amis comme (1) lb. , c. 15. (2) /*., c. 16. (3) Eun. , Prohdr4sius. (4) Eun., Julien, (5) Marinus, f^ie de Proclus, c. 17. (6) lb., c. 20. 392 VIE D£ PROGLDS. sa propre famille (1). Ambitieux, mais seulemeht de gloire, port6 k la colore, mais accoutum6 k se vaincre (2) , temp^rant , plein de courage et de pru- dence (3) , il resta maltre delui-mfeme jusqu'alafin, dans sa derniere maladie ; et sur son lit de souflfrance , il se faisait chanter des hymnes , qu'il apprenait par coeur, reprenant ses amis quand ils se trompaient, et leur donnant jusqii'au bout, Pexemple de la fer- mete et de la pi6t6 (4), II observa toute sa vie, et de- puis sa jeunesse , Tabstinence pythagorique , et ne mangea jamais de viande que sur d'instantes prieres , et seulement pour y gouter. Pr6tre de toutes les re- ligions , comme il se qualifie lui-m6me , il ne les ad- mettait pas toutes afin de n'en admettre aucune, comme ceux qui ne prennent des religions diflF6r^tes que ce qu'elles ont de commun ; au contraire , il embrassa toutes les croyances de chacune , en les in- terpretant, il est vrai, et se soumit sans hesiler k toutes les prescriptions , k toutes les pratiques. Aux jeunes 6tablis par la religion grecque , il ajoutait tous ceux qu'ordonnent les Chald^ens et les figyptiens (5). Tous les moisil se rendait k la mer , pour y accomplir les purifications commandoes par les oracles (6). II avait contract^ une amiti6 pythagoricienne avec le neveu de Plutarque (7) . lis s'exhortaienl Tun Tautre (1) lb. , c. 17. (2) lb., c. 16. (3) 76., c. 21. (4) Ib.y c. 20. (5) lb., c. 19. (6) lb. , c. 18. (7) 76., c, 17, VIE DE PROGLUS. 393 a la sagesse , et s'excitaient k bien faire par leurs dis- cours et leurs exemples. L'^loquence de Proclus^tait surtout persuasive. Un jour que Rufmus vint assister k sa lecon, il adora Proclus comme un Dieu, et voulut, mais en vain, lui faire accepter de riches presents (1). Marinus essaya de le determiner k commenter Or- phee, mais il lui r^pondit que Syrianus lui etait ap- paru en songe, et le lui avait d^fendu avec menaces (2) ; il s'occupait cependant d'annoter les commentaires de Syrianus , quand la mort le surprit. II avait passe cinq ans k faite une bonne collection des Oracles et des commentaires sur les Oracles. II composait en m^me temps des t^trades sur les oracles chald^ens , et Plutarque lui annonca dans un songe que le nombre de ses ann^es serait egal k celui des t^trades qu'il avait faites. Proclus compta qu'il en avait fait soixante-dix (3j. Cette prMiction ne laisse pasd'em- barrasser le biographe, parce que Proclus v6cut 75 ans ; mais , dit-il , ces cinq dernieres ann^es doi- vent 6tre retranch^es de sa vie , car bien qu'il fit en- core des discours et des hymnes , il les passa dans un etat d'affaiblissement presque complet, et disait lui- m6me qu'il n*avait v6cu que 70 ans. Cette longue vie fut remplie tout enti6re par 1*6- tude , la pratique de Tenseignement et la production de nombreux ouvrages. Proclus avait embrass^ I'ordre entier des connaissances humaines : I'astronomie, la (1) lb., c. 28. (2) lb. , c. 27. (3) /*.,€. 26. 30& ViB VK PR0QLU5* HiUBique, la g^om^trief la politiquei rien ne lui etait dtrangor. En philosophie » il condaissait k fond toutes les ecoleft; en religion, touteil les sectes. La theurgie n'avaitpas pour lui de aecrets* Son Eloquence, grave et inspir^e, servie encore par la beaute de sa per- sonnel rappelait la mani^re et left triomphes de Plotin. II excellait dans la po^sie. Tel 6tait« parmi tant d'oo^ cupations, son z^le pour rebseignement, qu'il faisait parfois jusqu'^ cinq lemons dans la m6me journee (1). Parmi les ouvrages de Proclud qui nous sont par- tonus ^ les plus importantssont les EUmeuu de Tiieo- iogte , la ThMogie selan Fiaton , le conimentaire sur le TimSe , et le commentaire sur le Patmenide. Sa m^thode est celle de Plotin; mais ella est dans Plolin plus libre, plus bardie; dans Proclus« plus r^* gulidre et plus savante^ Gbacun d*eux reste dans son son rdle ^ et la diff(6rence qui ka s^pare est precise- ment celle que Ton doit attendre » entre celui qui fonde une ^ole , et celui qui la termine. Comme dans Plotin « comme dans toua les Alexan* drins ^ 11 y a deux hommes dans Proclus » le pbilo^ sopheetriUumin^f le platonicien et le mystique. U ne conclut pas sa doctrine par lea in6inea moyens dont il sc sert pour la fonder^ La m^thode atec la- quelle il commence ne le conduit pas jusqu'au bout de ses speculations ^ etal les proq^d^a dq mysticisme pouvaient encore s'appelef das m^tbodes, on dirait que Proclus a employe deux m6thodes. Quelle est la m6thode de Proclus dans la pbilo- (1) lb, y c. 23. VIE DB PROGL03. SOS sophie propremont dite^ c'est^i-dire , dans cette partie de i^es recherched ou il n'aBpire pas k d^ passer la port^e de la raison humaine? C'est la dia^ lec11que« tn^tbode n^cesdaire de tout platomeieQ. Mais les Alexandrins ne sont pas seulement disciples de Platon « ils le sont aiissi d'Aristote ; Aristote, il est vrai, n'est pour eux qu'un g6nie d'un ordre inf&« rieur, incapable de suivre Platon jusqu'au bout^ et volontairement confine dans les regions moyennes do la philosophic , an de\k de laquelle il ne voit rien ; mais tout en le subordonnant ainsi k Platon^ ils nt tneconnaisdent pas la profondeur de ses yucs sur la nature du monde, sur les facultes de Fesprit^ sur la logique. Le trait saillant de la doctrine d'AmmoniuS Saccas ^ le fondateur de Tecole , est precis6ment la eoncillation qu'il a tent^e entre Platon et Aristote ; etdepuis, toute T^cole, en restant avant tout pdato* nicienne^ a ^tudJ6 Aristote au second rang, et s'est efforc^e , comme Ammonias , de montrer que la doc« trine d^s p^ripateticiensi identique dans tout ce qu*elle affirme nvec celle de Platon , n'en diff^re qu'en ce qo'elle contient d'Atroit et denegatlf. Dans cet 6clec* tiame oft Platon domine ^ quelques Alexandrins ont ^tudid Aristote arec plus de profit et de respect que les autre*; de ce nombre sont Plotin, Porphyre et Proclus. Si Procltis puise surtout dans le TMitete^ le Sephiste et le Parmdnide, il apprend d'Aristote A donner une forme r6guli6re et syst6matique > k del prindpes que Platon se borne presque loujours k A^ velopper par des exemples, au lieu de les exprimer 396 VIE DB PROGLUS. en pr^ceptes g^n^raux. Si pour d^montrer les id^s, U recourt, comme ferait un pur platonicien, h la reminiscence (1) , il profile de Tanalyse des ele- ments de la pensee , que la philosophic doit a Aris- tote , pour etablir que toute demonstration repose en definitive sur des axiomes , et par consequent sur des principes qui ne se demontrent pas , car si les prin- cipes eux-m6mes se demontraient , toute demonstra- tion deviendrait impossible et tournerait dans un cercle vicieux (1). Or, ces principes necessaires de tout raisonnement , ce sont les idees. Yoili done une transformation evidente de la doctrine de Platon et de celle d'Aristote ; et cette transformation a pour but de les rapprocher Tun de Tautre : c'est le veri- table eclectisme , tel que Fentendaient les Alexan- drins , eieve k sa plus haute puissance. En efiet , dans la stricte realite du systeme de Platon , les idees ne sont point des axiomes, mais.seulement des etres; etdanis le systeme d'Aristote, les principes, ou du moins , les principes de la pensee ne sont pas des etres, mais seulement des axiomes, c'est-a-dire les formes necessaires, soit de I'entendement , soit de rintelligibilite. Donner i ces formes supremes dans lesquelles la science resout tout etre et toute pensee, le caractere d'une realite concrete , ou comme aurait dit Platon, le to x^pwy^Qy dv£. PBOCLUSL Parm^nida^ la mi^e transformation que k metbidde d'Aristote dans les hgiques du moyen &g^ (i). Les ddveloppements qui vont suivre sur la doctrine de ProcluSr, que nous consid^rons surtout dans ses rapports avec Plotin » montreront le caraclere de son mysticisme, plus restreint, plus circonspect que celui de Plotin » et dans lequel nous virifierons cette loi g^D^rale de Thistoire, qu'^ mesure que le zele pour. la th^urgie augmente, le mysticisme veritable d^crolt. Proclus possede & fond la mythologie. Le& oracles et les Orphiques lui sout aussi familiers que Platon (2). II n'est sorte d' Evocation qui ne lui soit connue ; on trouve partout dans Fhistoire de sa vie des apparitions, des predictions (3). Au moyen d'une sphere constell^e, il faisait^ k son grd, venter ou {deu- voir. II delivra T Attique d'une chaleur insupportable ; il arrfeta un tremblement de terre (/t).^ En un mot , il ne se distingue pas sous ce rapport , des derniers re- pr^sentantade I'ecoled'Alexandrie,. qu'il kdsse sLlcdn derriere lui par T^tendue et la vigueur de la pens6e. Un seul point na^rite d'etre signal^, parce qu'il lui est propre » c'est la distinction profonde qu'il 6tal>lit entrele my the et la science proprement dite. Jusqu'^ lui, on s'etait dans I'ecole preoccup6 siwtout des analogies entre ces deux formes de la pens^e reU- gieuse ; c'est la gloire de Proclus d' avoir moatre combien eUes diiTerent, Les abus qa'avait engendr^ (t) Cbmmk Parm. , t. V, p. 2M-3». (3) Marki., c. 26, 27 » 28, (3) Mirlnus, c. 9, c, 26. (ft) Ou^C », dans r^cole cette confusion perp^tuelle desmythes et des philosophfemes> lui avail ouvert les yeux, et tout en convenant que la m6aie v^rit^ ^tait au fond des uns et des autres, il voulaitqiie ce9 c^ux expressions, que ces deux langues d'un dogme unique, restassent toujouFS distinctes^ et s^par^es (^i). Qise seraht41 r^- sult6 de ce principe f6cond, si Proclus, au lieu de clore la philosophie n^oplatonicienne, avait eu derri^relui une league suite de disciples? Qu'en eut-il tir^ lui- mdme , s'il en avait senti tOQte la port^ et qu'il Teut appliqu^ k la rigueur? Se serait-il encore ap- p^6 Fhi^rophaMe du monde? Entre une doctrine qui prend la philosophie pour la religion universelle comme le faisait certainement Proclus, et cette autre th^orie qu'U aaeulement entrevue , et. qui tout enconservant rideiitit6 du fond entr^e le mythe et la philosophie, les distingue compi^tenient, absolu- meot, quaat k Tautorit^ et quant & la. forme, il y a tout ua ablme (2). (1) Thiol, selon Platan^ 1. 1, c. 29 sq. (2) ConstOtesr, snr ce^ qui fait Tobjet de ce einpitre ef 4m qaaXK cftapUtM (rine. Paris, 1840. kOk PRINGIPES D£ LA THMoLOGIE DE PROGLUIS. »*> "^ ■ ■ f ...... ■ -■ ■ ■ ■ ... ■ ,. . ■ i.» II .Hi » I .■, . ..,— ^, . , I . . , CHAPITRE III. PRINQPES DE LA TH£OLOGI£ D£ PROCLU^.— TJlIMTlL La theologie de Procliis repose sur les monies principes que oelle de Plotin. Proclus admet les m^mes hypostases, dans le mSme ordre. II differe de Plotin en ce qu'il di vise chaque hypos tase en una trinite noarelle; en ce qu'il enveloppe, dans chaque hypostase, des unites, des monades ou des dieux ; en ce qu'il donna moins de realite aux divisions qui separent les unes des auires les hypostases dont est formee la nature divine. La th6ologie de Proclus est le r6sum6 de toute la philosophie Alexandrine comme la th^ologie de Plo- tin en est le point de depart. Plotin, malgre ses tendances 6clectiqoes , est un penseur original qui porte k grand'peine le joug de Thistoire ; Proclus est un esprit 6tendu, souple, pr6t i tout, qui connait toute Fantiquit^ , toute Thistoire de sa propre 6cole dans les plus minutieux details , qui se meut ais6- ment dans cette Erudition immense, qui ne veut perdre aucun des points de vue f6cond6s par ses pr6- decesseurs, et qui pourtant les r6unit, malgr6 leur variety et leur nombre , dans un syst^me savant et bien ordonne ; capable d'ailleurs , s'il le fallait , de trouver par lui-m6me, mais au fond plus grand historien que grand philosoplie, et v^ritahlement idekitifi^ avec ces principes eclectiques de son ^cole , PBINCIPES DE LA THEOLOGIB M PKOCiUS. 40^ qui font de Terudition et des lettres , noD pas les auxiliaires, mais le fond m6me de la philosophic. En esquissant k grands traits la philosophic de Pro- clus , e'est dpnc encore Plotin que nous aliens re- trouver, mais Plotin commente, discute, approfondi par trois generations de disciples , ^leve en qtielque sorte par Proclus , a sa plus grande puissance , en- toure de toutes les preuves, de toutes les distinctions, de tousles rapprochements que sa doctrine comporte, expose dans un ordre syst^matique, compl6t6, ter- mini partout oil les Enndades laissaient des lacunes. Apres Plotin , tout un monde s'ouvrait 6 la pens^e; 11 fallait le suiyre dans ce monde , ou il s'avan?ait en maitre » en conquerant, en initiateur. Apres Pro- clus tout est explore, regularise, toutes les questions sont vid^es , les disputes closes. II ne reste rien k faire pour perfectionner le platonisme; Thumanit^ n'a plus qu'a se detourner, et entrer dans une autre voie; le systeme est entier, tout pr6t pour les juge- ments de Fhistoire. L'6cole d'Alexandrie a eu ce bonheiir singulier d'6tre fondee par un g^nie inven* teur, et close par un genie 6clectique; Fun et Tautre sont venus k leur place, et ont excell6 dans leur t&che. C'est par Plotin que I'^cole d'Alexandrie devait commencer , et par Proclus qu'elle devait finir. Proclus, en vrai platonicien , rattache a Dieu tout son systeme. Au d6but de la pens6e , nous voyons en face de nous le monde , avec ses ph^nomenes , em- porl,e3 dans un torrent (1), et ses immuables lois , fl06 PRmCIFBS DS LA THl^OLOGIE D£ PROGLUS. qui rattachent 4 lar^aliti, 4 r6ternit6, ces appa- rences 6ph^mferes (1). Nous-mfemes , spectatetirs et acteurs de ce grand drame , que les premiers sages appelaieut une guerre, woie/jio?, parce que le monde en efiFet ne contient que la guerre , et doit attendre de plus haut la paix, c'eet-i-dire Tunit^ , ne sommes- nous qu'une partie du monde ? N'y a-t-il pas dans notre fond qudque those de plus , de r6ternit6 , de runit6 (2)? L'homme de Proclus a, comme celui de Plotin , les pieds dans la fange , et la t6te parmi les nues. Notre premifere pens6e nous r^v^le k la fbts notre grandeur et notre n^ant , notre exil et notre patrie , Dieu qui est notre tout , et le monde , qu*ii faut traverser et raincre, pour remonter jusqu'A Dieu (3). Voili la triple base de la philosophie de Proclus : Texistence du parfait, 6ternelle, absolue; celle du monde , emprunt^e , 6pb6mfrre ; Thomme entre ces 9tttvdjieva xa\ twt,' xol Svtffoi, xa\ Sfiota, xoft dv({{jioia, xat\ itdfcvra liitX&Cj <5wt iTdrrii ev toutoi? icp^? t^v AvwdTTiTa dvajjLejiiYjJi^vT) ; itoia, Sk ijioicfnri? iXTiW^? ^v Tot<; t7|? dvojiotrfrifiTO? dvflC7cexXt|aiJivoic ; iroO Sk tb otdtb xdXXo]ucaL , el 6e©po(tjc dxpiSterepa i*lv y^cp bcetva twv ivOXcdv , cSXX* aiCk 4v ^6- Toi< TcdvTK) ^ dxpi£^, X. T. 1« 0»«Mn. Pamu, ^d. Gouain « t. Y, pu 9* (1) niv ic^TfjOo? iiet^j^et ict) toO Iv6c... M-ri8ev6? yap Iv6? {jLT^Saixxi pi^Tlj^ov, tit^Te xaS* 6Xov Iaut6, ftflve'MiO'SMastov t&v iv aOi«p* tt&^s^ dmipov Imt xa) xatdt «dv. Smx* Oeo^.« prg|p« 1. — IlXii)Ooc .dpa tjqO hb<; £pt))iov d^pvaxov elvaw Comm. Parm., t. IV, p. 144. <2) ElTtt ill -(jLb^ (Kpodj ijlUl^^i fi^VatKl tCKklOV ^Kda^ fMUMDIfttVCiM nrfTQp<^y9H*^ kKiwxQ^i , Sxav T^ atxia yvwpCawtJiev xwv dviwv. Hiwg^. fieoX.^ prc^ IJL (2) JDe la ProvicU^ c. 42. (3) Comm. Ale. , t. Ill, p. .97. LwxpdxTi? jjifev y^p eU t?1v xat' .ivipfewtv oujCav £x^^ feiciTnliJnfiv , 8t' i^v xal otexat elSdvat, A ji-^j oX5£i^,^o^ix ^X^i. xf^v -el- tceXv t?!? jxe9e^£(o<; aOxri;' i^ dl'SCou y^p aur^v gx<>H>£V. C4) ndaa ta^i? dic6 iJLOvd5o<; dp/ojA^vYi icpoewtv el; it>^Tfi6o<; rji jxovASt jO(jToiyov , liOS PRINaPSS DE LA TflJ§0L06IB DB PROGLUS. rien dire , ni rien penser de lui , pas m6me qu'il est inflni dans tous les ordres de la perfection , car les premieres categories de r6tre ne sont elles-m6mes possibles qu'& la condition de ralt^rit^. Dieu n*a pas besoin du monde pour 6tre; il en a besoin pour 6tre determine, pour 6tre actif, pour 6tre intelligible. II est solitaire parce qu'il est parfait, et, par la mSme raison de sa perfection infinie , il ne saurait 6tre seul (1). Le monde k son tour ne pent exister sans Dieu; car il est imparfait, non ^ternel par consequent et non n^cessaire ; il a done un cr6ateur, un nioteur et un mattre; il a une cause finale. Et pour que le mouvement et le mobile aient une cause v^ritat^le , pour que Ton ne tombe pas dans une succession infinie, il faut que cette cause et cette fin soit parfaite, c'est-i-dire 6ternelle, fixe et immobile; c'est-i-dire enfin qu'elle soit Tunite, qu'elle soit Dieu (2). Ainsi coexistent n^cessairement Dieu et le monde. Tun et le multiple ; Dieu, la cause et la fin, le monde, le produit et la manifestation. Que sera Dieu? Dieu, tel qu'il apparait dans la pens6e, est la perfection, Funite pure (3). Qu'on i/pixm^dyo^f ^ dicoYevvqi t6 olxeXov iau-qi icXtiBo?. Stoix- Oeo)^., prop. 21. — Aet ydtptft jiiv ic^TJlkK ^v6? fe^dircetv too auvreraYiiivou* xb St auvTstafH^vov Iv , toO ^pt){jivou. Comm, AU* , t. II , p. 335. (1) Cf. Plotin, Enn. 4, 1. 8, c 6; ci-dessus, 1. 2, c. 5, t I, p. 348. (2) Msxiiti ftpa ToO Iv6c xaTot t^v aOtoO ^Offtv , xal oufi^ S^rcii at>ToO Xa6elv , h iJLTi &JTIV gv pii^ Iv Y^tp 6v, 1^ dicefpto? lorai , 6< UStwxaLi. Stoix- 6eo>.. , prop. 5. — Cf. Comm* TVm., p. 79. T6 yiyvdjievov d66vatov x^9^ alxtou f^TVwOat, toOto & Otc' altiou Ttvb? dyd-pcirj ^(yvsaOai , itav 4pa t6 YiYvdiievov , 6ir' alxCou Tiv6< fe^ dydyxTic ytYvetai. (3) Tl^M. fefon PkUon^ 1. t, c. 20; L 2, c. 1. PBINGIPES DE LA THEOLOGIE D£ PEOGLUS. &09 6claircisse cette premiere id6e, qu'on Tapprofon- disse; que les passions se taisent, que Ykme purifi^ se rapproche de la perfection divine pour la mieux comprendre; que la science, aid^e de rabstraction et de la dialectique , parcoure toute la chaine des id^es, pour mieux s^parer Dieu de ses oeuvres, et Tapercevoir plus distinctement en lui-m6me , cette unite parfaite et absolue , cette 6ternelle immobilite reste toujours au fond de notre pens^e comme le supreme objet de I'intelligence , et la derniere reali- sation du possible dans Fordre de la perfection. Mais si au lieu de nous attacher d'embl^e par toutes les forces de notre 6tre k cette id^e de Dieu , que nous trouvons en nous-m6mes , nous le cher- chons dans le monde , k travers ces voiles qui le ca- chent et le r^velent tout ensemble ; source ^temelle de r6tre et de la vie, cause de la vari6t6 et du mou- vement comme de Fharmonie et de runit6 (1) , il nous apparait alors , moins grand , moins inacces- sible, moins parfait peut-^tre, mais puissant et fecond, anim^ d'une vie ^ternelle, intelligent de lui-m6me et de son ceuvre , et tout resplendissant de justice, de beaut6 et de puissance. II y a done, pour ainsi dire, plus d'une nature dans la nature unique de Dieu ; il y a le Dieu en soi , dans le dernier sanc- tuaire de la divinit6, et le Dieu de la creation, le Dieu (1) nav rb ftetov aCttb jiiv 6A t^v 6TOpo6fftov Ivawiv df ^TjTdv kvn xol ApMovTOV ToSoi TOK Seut^poK* dic6 & xcov iJxxex<^rctov 'Xi^icxdv iori xoi^ fvcaoTdv. Ztoix* Oeo)^. , prop. 123. — £x fdip tti^ tcov (leTex^^vTcov dta^ofok f^y '7«>v iJXTexoiii^vpl(o(jLev* oO f^p av tou aOxou (JXT^ovTa d'Rapa>.\db(xciK» coaauxr^v l^t xf;v icp6^ AWr^kx $i9i(popdv. Comm, Parm.^ U VI, p. 16. ftlO PBINGIPBS M LA THjSOLOGIE M PROCLUS. providence , le Dieu roi , le Dieu vivant. Cette autre nature de Dieu , quelle est-elle ? Quelle est , apres FUnit^ , la forme la plus accomplie de la perfection ? C'est FEsprit, et TAme au-dessous de TEsprit. Et comme en vertu-des principes platoniciens, une Ame est le lieu n^cessaire d'un esprit, comme uu esprit ne pent exister que dans une Stme, leDieu de Proclus, semblable k celui de Plotin par son unit6 et sa tripli- cit6 , par les attributs et la hi^rarchie de ses hypos- tases, est un seul Dieu en trois termes, TAme, rEsprit,etrUn, ou leWre (1). n y a done communaut6 d'origine et de caractferes g^n^raux entre la trinity de Proclus et celie de Plotin. Suivons maintenant Proclus de plus pr6s dans les details de son hypoth^se , et royons si la m6me ana- logic subsrste entre les deux doctrines dans la deter- mination particulifere de chacune des trois hypo- stases. Quels sont , selon Proclus, les caracteres propres de chaquehypostase? Cette question mfemfe se^om- ptend k peine lorsqu'il s*Bgit de YfJn (2). N'est-il pas en eflFet sup^rieur A Vessence , et par consequent k la pensie (3) ? Et n*en r6sulte-t-ii pas qtfon ne peut (1) Cf. PloUa, Enn. 2,L 0,c. 1 sqq. ^«it». S,<1.'1, c.'^.^^m. 5,1. 6, c. 2. Et voy. ci-dessus, 1. 2 , c. 3 , 1. 1 , p. 291. (2) TMologie 90U>n ^imon^ ). 3, «. 6. (3) ATi^d? eoTiv 6 ^7.(i)v &v jifaoK; Bfe 8aa oux SiceTai , o, oOxe TaOtbv tdi? ST^'Xoi?, o'Sxe IxEpovTwv S^T^wv, oOxe 8iJ.otov , oOxe dvdpiotov (bvaOxcoc i oOxe Aictdjxevov , duxe ^wpt? 6ijlo(o><' lictxi'Xei 8e 8aa oux* girexai xe, de- Yiaat par Ik compr^hec^ble , et ils i^el^^^t au delft du pnenuer ^tre et du preasuer .peasaMe , ces darai^cs profondeur^ de la pearfectioa iafiaie, k }anaais<>ach^e3iiBotre raisoa., et que Textase seule eatrevoit sans les expliquer ai les compreadre. Ge dagxae de I'iacomfMT^heasibiUt^ de Dieu i^euteexiiiler 6o5owt6v, ouxe lirtonriTbv , oSre fiT^w? ^vcoaTdv loxt tivt twv HXKtsiW, Comm, Parm.^ t. VI, p. 79 sq. (fl) OS-w oOv dtijgasT^v -tft Beiov , o6ue 8toevoY|t6v , oO-ce voTjTdv. HSv Y^tp t6 dv , ■fi «la6irj«dv icrxt , xa\ 6t4t touto 6ci§oWT6v , ^ 6vTtd? ^v , xa\ 8 A ^toOto voTfiT^v , ii jie- ftflti TOt^Tuv , 6v (2{MC xat Y«vvYiTbv , xa\ M toOto 8tavo7jtdv. El-oiSv ol 6€o\ OicepoO- oioi x«\ itp6 '•fev dvTiov 6tx. 6£o^. , {>rop. f2S.— ^f. Oevnm, *7%n. , p. 03. &12 PUNCIPBS DE LA THl^OLOGIfi Dfi PROGLtS. dans leur syst^me k c6t^ d*une description de la na- ture divine ; il n'y a pas \k de contradiction. C'est la raison qui ne peut comprendre Dieu , mais il est ac- cessible k I'extase. D'ailleurs , mSme aux yeux de la raison , et en dehors des preoccupations du mysti- cisme, si rincompr^hensibilit^ de Dieu est un fait d^montr^ et n^cessaire, apr^s cette demonstration faite la th^ologie n'est pas close. Ce grand Dieu, tout cache qu'il est, est le bien qui nous est promis. Tendre vers lui est toute notre loi , et la loi de tout noire 6tre. Uamour, Taction , la pens^e , tout nous porte k ce m6me but ; et par consequent si nous ne pouvons le saisir et Texprimer dans son fond , nous devons esperer du moins d*approcher de plus prte, d'ecarter les nuages, de le (Jistinguer plus nettement de tout ce qui n'est pas lui. La science n'est pas assez forte pour 6tre Textase ; mais c'est par elle que Fextase devient possible (1). EUe ne nous introduit pas en Dieu, comme Fextase, mais elle nous porte k la derniere limite du monde. Elle 6te ce qui est entre Dieu et nous. Elle paratt nier, quand au fond elle afBrme. Elle nie tout le reste , afin que notre pensee reste seule en presence de Dieu. On peut done k la rigueur comprendre le principe d'apres lequel les Alexandrins, m6me apr^s avoir (1) Aei ydip Tdc^ uicd Ttvo< TeXeico^oojiivoK ^^u^^C > ?cdxeCv icp09U>uo'Qi< , Stdi ti< xeXdaeiev, 6 \iytSk ^Y^uwev. Cdmm. Parm*y t IV, p. 68.— Of. Comrn. Aldb. , t. Ill, p. 10, p. 105 sq. PRINGIPES DE LA TEt^OLOGIE DE PROGLUS. 413 ddstingu^ en Dieu FUnit^ ineffable des hypostases inferieures, s'efforcent cependant, mais avec la claire conscience de leur faiMesse , et de Tinfirmit^ de notre pens6e et de notre langage, de balbutier quel- ques mots sur la nature de l*Unit6 (1) , de retrouver dans la veille, comme dirait Porphyre, un sou- venir lointain du r6ve mystique (2). Nous verrons sur ce point une diff(Srence plus apparente que r6elle se manifester entre Plotin et Proclus (3). Plo- tin, pour decrire Fineffable, accumule les nega- tions (&) ; Proclus tout en lui conservant son nom de TO d^pp»Tov, TO htMiua ToO ovTo^ , lui attribue au contraire la possession simultan^e de toutes les perfections relies et possibles. C*est qu'ils sont Tun et Tautre d' accord sur Tincompr^hensibilit^ formelle de Dieu, et que dans les efforts par lesquds ils tentent de le faire connaitre, Plotin songe surtout i montrer qu'il differe des creatures , et Proclus k faire voir qu'il en est I'auteur et la source (5). Quelque opposes que pa- raissent ces deux principes par leurs r6sultats, ils le sont si peu en r6alit6 , qu'au contraire le dogme de rincomprehensibilite de Dieu les enveloppe n6ces- sairement Tun et I'autre; et Ton pent dire indiffS- remment avec Plotin qu'aucun des attributs de Tfetre n'est en Dieu , ou avec Proclus que tout ce qui est YV(6iii(^ OeiJL^vouc \i.-rfit>f in 2^ir)Teiv. Enn. 6, 1. 8, c. 11. (2) F'ayes d-dessus, 1. 3, c. 4, t. II^ p. 104. (3J f^oyex d-apr^, 1. 5, c. A. (4) ^v dufaip&jti lodvTci xit icepl xoCtwij ^Yd^Mvou Enn» 0> K 8, c. il« (5) Omm* r»n»M P* i?5. kik PBONsna DB hk TntoLOcoE be wmeixa. perfection et r^iti^ dans Ie& dtreit zevetmme ea Dieu souft one fornie dminenteir Je ne oonnasi pas l!iinit& , maisje ominds le mot- tipte. Je lui suis analogue, je m de sa vie, je k comprends et je le p^nitre tout cntien rwmi^im degr^s, la hi^rarcbie, iesrappcorts; j'en sais le neant et j'en saisTare. Le mnltiplen'est pae te eontrabre de Tunit^; mms il en est Toppos^: sarroir cela, ce n'est pas connattre Funit^ sa»s donte, et pourtant e'est ccmnaitre, ou entrevoir quelque ebose de Tu- mt6 (1). Plus le multiple est muttiple, plusr il ert loin de Tunit^ absolue. Aller do compost au simple, remonter de degr^en degr6 T^cbelle des dtres, n^est^ ce pas se rapprocber de Itteo, quand m^me , au sommet , le dernier degr* ne pourrait 6tre fraochi , cpiand m6me, entre la seconde et la praoi^re bf- postase, il y snirait on abil&e? Telle est tocrte la dia- lectiqoe, telle est la scdience ; tout son £tre est d'aspi* rer i Dieu et de s^en rapproebcr; le poss^er est au-dessus d'dte. Voil& sa feiblesse, el roiik sa force; Quand elle a troav6 et d6crit les premiers genres de FfitrOy sa tAche est accomplie; elle cc»inatt Toeuvre de Diea, et elle sail que Dieu est au del&, infininoent plus parfait, infinimeot plus grand, maisinaecessible et ineffable. Daps oes hafuteurs, raeti^it^ de la pent s6e expire , tout se passe en silence entre Vkme et Dieu (2). II ta saisit et la remplit de teii-m^foe : ce (1) kW iiA Twv fe^TjpTTiii^vay, gZqk itipel^iy a^Wwv at ISc^Tc;, yvMfffiJavwi, )ta\ TOUTO dva-pcalci)?. Kaxdt y^P f 3^ "cwv juxexopt^vtav iStdTTiwe? leaV «V twv jwce- X(^VTo>VTOv8eQKpowv«wat«9op^CTtTt?.I?wc3c.«teoXM prop. «»> (2) ToOto ydp i< itoidv. — Oi^oCav ^k Oeou ZT^vcbv \jd^ (jLa elvai , (J>< IXeyov ol ditd t9i; Sroa^ , ouTe ^puX^v Gbc&piacTov, cb? Avoi5«Y<^pa^ CXe^ev, outs, vouv dxCvTiTOv, dq Apwzovi'kiii CTcepov. Comm, Parm.y t. VI, p. 217. (A) Ol^y&p itotpxi vou< fUTOUoiqi, TauToc YV(6grE(i>c dvdyycri \xiix&)(&,y. Aidti i^ voepdt yvUxjiq feortv ipx^ ^^^ alxia -TCpcirn toO Yivcooxetv hUxzwct &pa xb Ev xoO voO. Stoix- 6€oX. , prop. 20. — Ex Sk toutou cpavepbv (be oux iaxi t6 a6xb §v wv eC6(i>v ti Sv Tcfiv Y^p elfio? {J^pCK ^^rl toO vottitoO itavr^? , dXV ^^tip'H'c^i xa^ ^^ 8Xou voTjToO xalTwv iv auT(j) el$a>v (xepcov dvttov. Comm. Parm. , t. VI, p. 212. (5) Etirep TOwa ^(o-?! x(v7jv i\ <{/ux^* ^^^^X- ^^* 9 dv TOO jji^ ivTO? t ucpeijiivov 81 xoO dvTO)? ivTO<;' t6 xax' ouff(av jjifev ir?i dv alcjviov , tdi4 A 4«tfYt(a( iv xf^ itpdofiov x6 aux6 iauxb xtvouv , Twv jifev ^xepoxtviixtdv fi^oTtd^ov^ xwv fife dbttVT^xwv ucpeijxdyov x6 {jiexdl xe A'XdxTiXO? xa\ [lepixcoc ^[J.cpaXvov xgixit jifev x6 -jiAvxa? Ij^eiv xol^c ^^dyou? , 8^ov itw; 6vj xoc^di fife x^v Gjpeaty , xa\ x6v mpi9^y , xal x^v iJLexcf6oiffiy x;^? fevspyfiCa? , jfe- pix5v (paivdiuyov* t6 xa\ iaitxb xe^etouy , xat 6ic6 xu>v icpb aOxou ^e^eipu{X£vov , xa\ Te>£idxepoy fiy t&v 611' dLXXou jidyov x^^eiouvOQii icecpuxdrcov x6 (x;>Td^(^v , xa\ Oicfep fkXKfdw 5ay?iv Oicofiexdiieyov, Oeidxepoy fiy xwv xaxi jx^Se^iv iidvov ?|a)vxwv, &20 PRINGIPBS D£ LA XH^OLOOIB DB PROCLUS. Tunit^f par participation. Dernifere hypostase de Dieu, interm^diaire entre rintelligence immuable et la na- ture mobile , elle est & la fois ^ternelle et engendree, universelle et particuliere , indivisible dans sa nature et divisible dans ses operations. InKrieure k rintelli- gence , parce qu'elle est mobile, sup^rieure h la na- ture et au monde , parce qu'elle se donne k elle-mSme son mouvement, telle nous la montrent le Phedre, le Phedan, le TimdCy telle nous la retrouvons dans Proclus. C'est le moteur mobile d'Aristote, d^chu du second rang (1) , parce qu'auT7 , une expo- sition syst^matique de la philosophic contenue dans les EnnSades (1). Nous verrons cependant que les dif- ferences abondent; et pouvait-il en 6tre autrement, aprfes qu'Amelius (2), Jamblique (3), Theodore (4), s'etaient exerces i Tenvi 4 decouvrir de nouvelles hypostases dans chacune des hypostases du Dieu de Plotin, apres que la mythologie avait usurpe la meilleure place dans la science, et transporte ses triades de Dieux intellectuels et intelligibles jusque dans Tessence du Dieu 6lernel? Ce n'est pas Ploiin toutseul que Proclus repr^sente, c'est Fecole, ou plut6t c'est rantiquit6 tout enti^re; et si les £»- trades se retrouvent dans ses Merits, elles y sont avec tout le travail dont elles avaient 6t6 Tobjetdans Tecole avant la venue de Proclus. Parmi les diff(6rences qae nous avons k signaler entre Plotin et Proclus , les unes se rapportent aux details int6rieurs de Thypothese de la trinit6 hyposta- tique , et ne peuvent avoir d'importance que si Ton admet le principe m6me de cette hypothfese; les autres tiennent k la nature m^me des choses, d'ou (1) Gf. Initia philoi. ae theol. , ex platonicis forUibuM 4ucta^ pan t«rUa, praf. Creuz. (3) Of. ci^essus, 1. 3, c. 3. (3) Cf» d-detsus, 1. 3, c. 5. vA) Gf. ci*(^es»uSf }. 3, c. 6. 622 PRINGIPBS I>E tk THJtoLOCXE I>E PROCSiUft. il suit qu'elles sont ind^pendantes des theories pu- rement Alexandrines, et rentrent dans la grande philosophie* De cet ordre est la doctrine ^mise par Proclus, que la possession et Texercice de la puis- sance cr^atrice est une augmentaticm de T^tre , comnoe Jamblique Tavait d6}k entrevu, et non^ comme le pensait PlotiUf un abaissement et une diminution. Nous examinerons avec soin la valeiir et la port^e de ce principe fScond, qui sur beaucoup de points modifie profond^ment la morale et la mir taphysique de T^cole (i) ; mais nous devons d'abord r^sumer les th^ries moins importantes par lesquelies Proclus se rattache aux traditions de ses devanciers. Pour cela, distinguons avant toutce qui« dans la thtologie des Alexandrins , constitue une decouverte d^finitivement acquise h Vhistoire^ et ce qui n'est qu'une opinion sans impcnrtance, exclusivement propre a F^cole, et ne pent plus avoir qu'une valeur historique apr^s que T^^ole a disparu. Ce qu'il y a de vrai et de profond dans la th^logie AlexaAdrine^ c'ei^ la mani^re dont elle a pos6 les conditions dans lesquelks la nature de Dieu doit ^tre coAfue i ce qu'il y a de faux et de chim^rique , c'^t rbypoth^ par laqueUe elle a essay^ de resou- dre ce que ces conditions pr^sentent de contradic- toire en appar^ce. Nous avons vu en eflfet quelath^ologie des Alexan- drins repose sttrlA n6ces9it^ d^ concilier l€is r^SQttats opposes de la speculation pure, qu'ils appeUent la (1) ^oyc* ci-apris, 1. 5, 4j. ft. dialeetique « et de re&p^ri&iice^ Ce point de vae est juste et vrai, et le& Al6iandriQ» qui Tcmt mieox compm que le» autres 6cek& sent dau^ les laoeit- leureft condilions pos&ib(e& pour faire uue bofiiie tb^cdogie^ Ito Be risquent pa^ de supposer, comiuie le» El^atesk, un Dieu,tr6sMxmftKrme ib Vid^al de per- fectiou que noo^ d^eouvrons speculativeiH^nt ^ mate incapable, par sa grandeur st^BAe^depfodttire F6tre au deb0r» ^iui; oi de s'eB tenir, comoQie les^eeoles empiriqi;ie»« it un Bleu humalBf qui ser^BOUt^ veul: et agit comrne nou3*m^me», qui r^fl^bit p^r pro- duire le moiide> qui s'y prend i plu&ieui^ foi* pour le produire^ qui cocrige son oeuvre, la repare,^ la gouYefne^ beureirx de Favoir produit^, toujows oc- cupy d'dle^et plus aeifiiblable&imouiFfier iBotmortel, qu'i cet id^al de la peilsfe et de I'amour, qta sc soffit h lui^xn^fiie^ et ne peut riei^ d6sir^ ni rien ▼0uk>ir bors de kii , sans d^cboi^r Jusque-Ui> toot estprofdikl dans la pbilosopbie des Alexandrins; YeilJi bien^ dans sa grandeur, utre pbilosophie eelectique. Les enseignem^vts def Fhis^ toire ne sont ps^ perdus po^r une teller ^cdle. Elle ▼oit rinMiffisance des r^uhafts obtenfUs, et rattacb^ la faibleidt des cons^quenees k cdile Ae^ prineipes. App^^e k son totnr k recondtruire T^ifice tam de Ms essay^^ toujioiirs ineoaafpletf elte u©it deux pria- eipes fteonds, (pn, s^pafi^s, ne cm^tienneBt Qu'uM moiti6 d« la v^rite, et F^fmris doiv^t Itf feceler tmrt esltiiFeii Mais ess detrt prineifpes, dont Vim c6ficlitt k Ymt- &2& PRINGIPES DE LA THlSOLOGIB DE PROGLUS. mobility, et I'autre au mouvement de la cause su- preme, ne sont pas seulement difiS^rents, ils sont opposes, ou plutdt contraires et presque contradic- toires. Assur^ment la contradiction, dans la nature de Dieu , n'est pas aussi choquante que dans la na- ture des choses; car dans les choses, dans notre monde , dans ce qui est pr^s de nous , analogue k notre propre essence et k celle de notre esprit , la contradiction est le n^ant de la connaissance , le contradictoire est Timpossible; mais dans cet 6ternel objet oil aspire notre pens6e, sans jamais le com- prendre , le contradictoire n'est plus Timpossible , il n'est que la limite de notre raison. Li le myst6re pent 6tre admis; car le mystfere, qu'est-<:e, sinon la limite de la science humaine? Or la science humaine n'est limit^e que du c6t6 de Dieu. Cependant, est-ce tout mystfere? est-ce toute in- comprehensibility? Si ce Dieu est connu tout entier, certes cette contradiction lev6e en engendre une plus forte ; c*est que j'aie la comprehension claire et complete du premier principe des choses, et ne sois pas moi-mdme ce premier principe, Dieu est done incomprehensible 4 quiconque n'est pas infini, c'est- i-dire qu'il n'est comprehensible qn'k lui-m6me : c'est la consequence directe de I'identite necessaire du premier pensable et de la premiere pensee. II est done incomprehensible, il faut qu'il le soit, non pour humilier la science humaine , pour la fonder au contraire, pour la rendre possible. Mais il y a des degres dans I'incomprehensibilite. Descartes a beau PRlNGlPfiS D£ LA TH]£oLOOI£ DE PROGLUS. /i25 nous dire : rincomprehensibilit6 est contenue dans la raison formelle de I'infini. Dteu n*est-il pas le sou- verain intelligible? II Test; je n'existe que par lui, et je ne pense que par son id6e. II me substantifie et m'illumine ; et c'est ainsi qu'il est veritablement men tout. II n'est pas seulement le premier intelli- gible, par la raison qu'il est I'objet propre de Tintel- ligence absolue, mais parce qu'il est Tobjet de toute intelligence. Je sais done beaucoup de lui, si j'en ignore encore plus. Je sais son action creatrice , son gouvernement , sa bont6 , sa justice. Je sais son ^ter- nit6, son immutability. Ainsi attir^ vers lui par la loi m^me de mon 6tre, separede lui h jamais par la loi de la permanence des 6tres , et par la faiblesse de mon intelligence , il ne se pent que je ne lutte sans cesse contre cette barriere derrifere laquelle il se cache. L' amour m*y contraint ; la curiosity philoso- phique, qui est un grand et noble principe, m'y pousse. Et pourquoi n'essayerai-je pas , non d'aller jusqu'au fond, puisque cela est d6montr6 impos- sible, mais d'avancer plus avant, et par \k de con- naitre un pen plus du monde , en p6n6trant mieux la nature de son 6ternelle cause? C'est une foUe et t6meraire doctrine qui partage les esprits en classes profondement distinctes , et y voit des especes di- verses, au lieu de puissances 6gales parlour defini- tion , diverses seulement en degr6s. Mais qui pourrait nier la difference des dons? Et surtout qui pourrait nier que Tusage de la dialectique, la meditation habituelle nous elfevent au-dessus de ce que nous 426 PMNCIPBS S£ LA THiOLOfilE BE PROGLU& sommes? Or« si rincompr^bensibilit^ divioe ne de- pend pas de Fessence de Dieu , mais de ceUe de notre esprit , eUe doit diminner k mesure que notre esprit s'^leve^ et si jamais « seloo la fausse et sacril^e es^ p^rance de Plotin, notre esprit a'itendait jtisqu'a devenir infini , rineomprigb^Qititnlit^ de Dku cesser rait d'6tre. £crire ce dogme , en t6te de la th^ologie, ce n'est done p^s remoncer & expliquer la nature de Dieu; mais d^]&, eomnfe il ne s'agit plu$ ^e d'induire, la philosophie , une fois Dieu d^montr^ » avec 9a perfee* tlon et son immobility d'une pati , et la Providence de Tautre, ne procMe plifs que par hypoth^ae; ell£ tAtonne , elle l^ite : ti-op beureuse si son hypoth^se compar^e aux faits r^mte ii une f(^e ^renvcil EUe i^ tentera m6me pad la sliconde ^preure^ celle qiii ferait de son bypoth^se ilneoertittidey end^tnoBtrasit la re^lit^ du principe suf leqnel elle est fondto^ Les Alexandrine &at done pu l^timement ^wr'- cber une bypotbtee qui expliqndf la prfeecice en Diefii de deux attribute en apparefiree ecratFsdBctoires. Sea* lement il importe de distinguer cette bypoth^se ar« bitraire ^ des n6ce9sit^ de la dialtetique et de edles de Texp^rienee strictea^&t d^nMBlr63» Tun^ eiran- tre r et des cons^uenceft c»taine» qui en r^aultent pour la Dature de Dieu. Sur ce dernier point ^ ie tra** vail des Alexandrine est \m r^sultst acquis k k science. Sur Ie second, swr Tes^plicartiotf^ il» n'otrt pu £ailre qu'une bypotbise, et leiir bypo4rb^$e» o» k salt , est la doctrine de la trimte bypMtati^ftte^ PRINCIPES PE LA TKlSOLOGIE DE PROCLUS. 427 Prabl^me : Dieu etant n^cessairemcBt mobile^ et n^cessairement immabile^ sauver la contradiction qui cxiste entre ces deux termes. Solution : Dieu est un seul Dieu en trois hypostases; la premiere est immobile y et exclut toute multiplicity; la derni^re e&t mobile » et n'est niillement immuable : un moyen terme les unit dans une proportion parfaite qui fonde la simplicite de leur substance (1). On le yoit,N la contradiction qu'il s'agissait de r^*- soudre est en effet r^solue^ car chacun des termes contraires est rel6gu6 dans une hypostase diiKrente; seulement, k cette contradiction^ on en a substitu^ une autre. La raison rejetait une essence immuable et mobile^ on lui propose k croire une nature une et multiple^ Ubypoth^se des Alexandrins n'aboutit done qu'ii une transformation de la difficult^ ^ et non k une solution. Instruit par Plotin des n6cessit6s de la thdo- logie^ Porphyre devait garder la position du pro- bl&me^ rejeter la solution propos6e , et ehercber ail^ leurs. S'U Feut fait, il commen^ait une nouvelle 6cole. Au lieu de cela , il accepta en principe la solution de son maltre ^ mais il la voyait h^iss^ de diffi-r cult^. Tout son eifort fut de diminuer la multipli- city dans les termes multiples (2). II y d^p^^sa beau- coup de subtilit^. Yaines tentatives! Dieu ne peut d^g^n^rer de lui-m^me par aucun endroit Vhipimt; (i) Foyez cl-dessus, i. %f c. 3; i 3, €• 1, »» 4 et fr. (2) Foyex cldessus , 1. 3 , c. ft , t. H , p. 110 sqq. 428 IPRINCIPES DE LA THlSOLOGIE DE PROCLUS. a beau s'extenuer. Si petite qu'elle se fasse, Tunit^, quand VtTZfioxrti; vient s'y joindre , perd sa definition et devient le multiple. II ne s'agissait done pas de diminuer Vir&p6zY,qf mais de la rejeter de la nature du divin; e'est-i-dire que le remade essay6 par Por- phyre, 6t3it impuissant, et que I'liypothfese de Plotin 6tait fausse. Jamblique essaya d'un autre c6t6, II eut foi dans le syst^me des proportions continues (1), Ainsi Por- phyre s'efforce plut6t de diminuer la difficult^ d*ou la trinity est sortie , tandis que Jamblique se preoc- cupe de la trinity en elle-m6me , et t&che d'en sauver le principe en Fexag^rant. Quel est le vice de Thypo- these? C'est cette unite composee de trois termes. En eflfet, de Fun absolu k I'intelligence , de Tintel- ligence k Tdme, la distance est bien grande; ce sont des abtmes. Dans ces abimes, Jamblique jette de nouvelles triades : voila, selon lui, les intervalles diminues. Mais il se trompe, I'intervalle est le m^me. Les intermediaires ne changent rien k la relation naturelle des principaux termes entre eux, lis amusent I'esprit peut-6tre; ils cachent Tabtme, sans le com- bler. Toute r^cole s'epuise dans cette double voie, ouverte par Porphyre et Jamblique (2), Nul ne re- monte jusqu'i I'hypothese elle-m6me; tons Tac- ceptent en principe, et s'appliquent k la transformer. On ne saurait le nier; de tons ses pr^d^cesseurs, (1) Foyez cinjessus, 1. 3, c. 5, t. n, p. 198. (2) lb. , c. 6, PRmCIt>ES DE LA THJ^QLOGIE DE PROGLUS. 429 celui que Proclus suit de plus pres , c'est Jamblique. Assurement , Jamblique n'est pas un philosophe de la valeur et de la portee de Proclus; il reste dans I'ecole au second rang, separ6 de Plotin par un abime et inf^rieur m6me k Porphyre. II faut faire deux parts de ses Merits; ce qui est vraiment philosophique et digne d'une grande 6cole^ appartient presque completement k Platon et k Plotin ; des raffinements dans les details de I'hypothese trinitaire , une con- naissance profonde des mysteres, un enthousiasme sans bornes pour la th^urgie , \oilk ce qui lui appar- tient en propre. Le point de vue fecond par lequel il concilie le culte, la priere, la providence avec I'im- mobilite divine, constitue aux yeuxde Fhistoire son seul titre s^rieux (1) ; mais dans I'ecole , cette idee n*a pas eu de post6rit6. Jamblique a triomph6 par ses defauts, comme il arrive dans- les temps de deca- dence ; et quelle que soit la vigueur et la portee de Tesprit de Proclus , ayant trouve I'ecole dans la voie oil Jamblique I'avait mise, il n'a point essay6 de Ten detourner. II est sans doute plus pr6s de Plotin , de Platon et d'Aristote,,que Jamblique, parce qu'il a plus de genie, et qu'il penetre plus avant dans la science proprement dite ; mais pour toutes les theories si cheres aux Alexandrins, pour la trinity, pour les puissances intermediaires , pour les Evocations, il ne s'61oigne presque jamais de Jamblique. Son admira- tion pour Porphyre ne I'empfiche pas de combattre sa doctrine sur plusieurs points importants, et de (i) Foyex ci-dessus, 1. 3, c. 5, t. II , p. 231 sq. 4S0 PRfTfCIMS tW lA TH^OLOGIB DB PROCXOT. s'associer aux reproches dc p6ripat6tisme qtfon lui faisait dans T^cole (1) ; mais il se montre presqiie toujours de Tavls de Jamblique , et ne met point de reserve aux hommages qu'il lui rend. Si Plutarque , qui futle maltre de Syrianus et de Proclus, a 6t6 en eflfet, par CSirysanthe, le disciple de Maxime et de Jamblique, ces analogies de doctrine et de langage entre Jamblique et Proclus n*ont plus rien qui puisse surprendre (2). Quo! qu'il en soit, d6s qu'en suivant Proclus dans Texposition de sa tb^ologie, on s*61oigne de la double demonstration du dieu immobile et du dieu-cause, qui est la conqu6te des Alexandrins, et de rhypoth^se mfime de la trinity, qui appartient k Plotin , ou qni du moins se trouve pour la premiere fois expos6e et concue avec profondeur dans les Enniades ; dfes qu'on arrive & la determination plus precise de chacune des hypostases dont la trinit6 est form^e, on trouve le princIpe de Jamblique, qui multiplie les divisions pour diminuer les intervalles et accompllr ainsiTunite; les divisions de Jamblique, le sept^naire , les enn^ades ; et enfin , cbmme dans Jamblique, la pr6sence dans chaque terme simple, d'une multitude d'id^es ou de monades qui coexistent hi la fois unies et distinctes, et rendent les princlpes capables de fonder en m6me temps la multiplicity du monde et son harmonic (3). Cependant, malgr6 ces analogies qu'on ne saurait m6connaltre , une diflGSrence importante entre Jam- (1) Comm. Tim,y p. 64 sq. (2) Gf. ci-dcssus, U 5, it, 1. . (3) Cf. ci-dessus, t. II, p. 200. PRIFfCIPEfi WB LA TfflSOLOGIE DE PROCLUS. 481 blique^t Proclus, c'est que la dmston des hypostases est en quelque sorte plus r6elle, plus formelle dans Jamblique. Proclus construit plutdt ses triades des pointe de vue diflKrents d'urie mfeme hypostase que de troi« hypostases diflferentes. Ce sont pour lui les manifestations diverges d*une m^me nature , une hi6^ rarchie «itre les fonctions d'un m6me 6tre. Comme son analyse est plus profonde , il salt mieux conserver Tunit^ radicale de I'fttre sous la multiplicity qu'elle developpe. II est vrai qu*il ne fiiudrait pas aller jusqu'& ne plus vtrir dans les hypostases de Proclus que des at- tribttts et des modes. Proclus alors cesserait d'etre un Alexandrln, carles divisions temaires, si elles ne roulaient plus sur des hypostases, ne suffiraient pas pour ie rattaefaer k I'^cole de Plotin. Mais on pent dire du moins qne si toute T^cole a accept^ les divi- sions hypostatiques , Am61ius et Theodore, accuses d'^mettre trois dieux , sont de tons les Alexandrins ceux qui ont le plus exag6r6 la r6alit6 de ces divi- sions, tandis que Proclus est peut-^tre celui qui a dmin^ le moins de valeur k la division hypostatique, (Test done en suivant Jamblique que Proclus s'ef- force d'approfondir la doctrine de la trinity, et de rem^dier aqx inconv^nients qn'eHe pr6sente. Plus il s'enfonce dans cette voie, plus il s'^carte de Plotin, Sa doctrine est la conclusion d« travail de toute T^cole sur la trinity, et il o'ea ei^t qm pbjs important de la Men connaltre. Nous essayerons , sans eatrer dans trop de details, d'en presenter le tableau avec q«el« A32 PRINGiraS D£ LA TH^OLOGIB DE PROCLUS. que precision; mais s'il arrive k tous les Alexan- drins dans une hypoth^se si arbitraire et si com- pliqu^e, d'h6siter, de se contredire, que doit- on attendre , m6me du plus habile et du plus systema- tique d'entre eux , lorsqu'il vient le dernier, avec la pretention d'etre plus complet que tous les autres , et quand on salt quMl s'agit nioins pour lui de dis- tinctions physiques, que de distinctions logiques, inoins de divisions hypostatiques, que d'attributs et d' aspects divers des mSmes hypostases? La trinity de Proclus ne se compose pas , comme celle de Plotin ou de Porphyre , de trois termes sim- ples, r Unite, Tesprit et r&me, mais bien, comme celle de Jamblique et de Theodore, de trois triades^ la triade intelligible, la triade intellectuelle et la triade psychique. Nous voyons en effet que Proclus declare explicitement que le paradigme est le troi- si^me terme de la triade intelligible (1) , et Tintelli- gence cr^atrice le troisieme terme de la triade intel- lectuelle (2). Quels sont pour chaque triade le premier et le second terme? II n'est pas facile de les determiner pour la triade intelligible. L'Un absolu fait-il ddji partie de cette premiere triade? Tantdt il est present^ comme etant d^ji, par necessite, x^P^J/^; 'rt^ yeve- (1) Thiol, selon Platon, L 5, c. 12. (2) fva icdvra d^Xt^Xoi? licfivu, xb Sv t6 irapdSetYjwt , twv vottitwv , 6 et? voyj- t^ «Yiii.ioupY6<; , 6 eX? \uiycrfiwt\ipYl« <;^v, xaO' -i^v icapdyet t4 8Xa, itdvro Sk imarp^v tU ^aurftv, x. t. X. Omm. Tim. , p. 95, PRINOIPBS DB LA TBOSOLOCIB DE PROGLDS. &33 066K (1) 9 tantdt on insiste sur son ind^pendance com- plete , sur sa solitude , sur Fabsence de tout rapport entre lui et le Second (2). Dans I'^cole, les pr6d6- cesseurs de Proclus varient sur ce point. Am^lius engage rUnit6 dans la premiere triade (3)^ Jamblique la fait subsister k part, et n'arrive k constituer le premier Sept6naire, qu'en ajoutant cette hypostase solitaire k la triade intelligible et k la triade intel- lectuelle (4). M6me incertitude sur le second terme. Est-ce la dyade? c'est-idire, le flni et rinfini, dans leur unit6, oXotyji;, consid6r6s alors comme le double principe dont toutes les id6es sont engendr^es (5) ? Si tel est le rang que Proclus assigne k la dyade , il est difficile de n'y pas voir une interversion formelle de la doctrine de Platon , k laquelle il se pr6tend si fiddle. La dyade de Platon , c'est en eflfet le grand et le petit, c'est Tind^termin^ en soi; non pas, comme (1) Ilaoa Tdt^w Aic6 (LovdiSo^ dp^o^jivT) icpdeiotv el< icXtjBo^ v^ |jL0vd8i ouoroixov , i)l(Q\jmL Xd^v , dicoYewa t6 olxeiov koLuv^ Tikrfio^. Ztoi^. deoX. , prop. 21. (2) Mdvov 51 t6 Iv ditXtt)^ o06aiJiou iorfv* ou§e y^p ^v toi{ {ist' aOrd iortv, 6ixt i(i[\pT)iJidvov dkic6 TcdvTwv , 8itou yt oOSfe 6 voO;, oOfic i\ 4'UX^' *^ V^'^^ *^ ^^ ^PX*^ > oOts bf iauTtf, oOte dzXouv dv xal icavxd^ icT^yjBouc AdexTOV, odxt iv T(j> icp6 aCxoy, Sidxt jx'iri& fiori xpeiTcov too iv6c,T0UT0 4pa t6 dtTcXb);, oOdaixoO* icdvTa Ik xh iOOiOL , 6eut^p(o< Ix^i t6 oOSaixoO* xa\ iccb< )jl^v ioT\v o06a{jioO , ic£d< St oOx loTiv. Comm. Parm. , t* VI , p. 120. (3) F'oyez ci-dessus, I. 3, c. 3, t. II, p. 67. (&) Voyez ci-dessus, 1. 3, c« 5 , t. II, p. 200. (5) MYiicoT£ S^, 6< eticopiev, t6 itoXXd 'cou iv6c $ Exepa (i^v xdi no^X^ xal 4X^a TcAvqi icAvtok te\v , oO^' S-cspa Sfe toO Svd?. Q< yAp aOxb? itpoe(pifixe t6 Irepov ixipou &Tepov* xal el X^yoito ouv £XXa xol Stepa tou ^6^ , oOx' oCtn est point qui soit ind^fini , et par con- sequent multiple. Proclus les appelle sans doute , le fini et rinfini; mais pour lui, k ce degr6, rinflni, loin d'exprioier la privation, marque au contraire Tener- gie illimlt^e. Cest un mot qui a change de sens , de- puis que le monde s'est accoutmni A mieux com- prendre , non pas Tuniversalite de Dieu, qui est une conqufite de Platon, mais runiversalit6 de la Pro- vidence , c'est-&-dire dans le sens actuel, rinfinit^ de la tonte-puissance divine. Qoast^u troisi^e terme de cette {>remi^re triade, nous Tavpns vu , c*est le paradigme. Le paradigme est done le dernier des intelligibles , quoiqu'il soit app^lS dans lE^aton le plus l)eau des intelligibles; et FRBVCIPJIS PE l^ jnioiOGlE DE FftOCLUS. ftSB Proclus^ qui feitcette remarque, s'empresse d'ajou- ter qu'en parlaat ainsi du paradigme , Platon le com- pare sans doute aux intelligible^ vivants (1), S'il y a quelque obscurity sur les divisions int6- rieures de la triade intelligible , il n'y en ^ aucune sur celles de la triade intellectuelle. Cette triade cor- respond au vol); de Plotin , qui est en m6me temps Tessence (2) ; Proclus ne fait qu^approfondir la na- ture de cette premiere intelligence, qui trouve ne- cessairement en elle-m6me le premier pensable , de cat 6tre en soi qui n^cessairement se refl6chit et se comprend lui-m6me, JL'intelligence est-elle le fond m6me d'une hypostase, d'un igtre existant? Cela ne se pent , car Fintelligence est le retour d'un 6tre sur lui-m6me, c'est une fonction, ce n'est pas un 0tre, et une fonction qui suppose necessairement une dua- lite, soit que I'objet de la connaissance -existe au dehors , ou que celui qui connait soit lui-mfime I'ob- jet de sa propre pens^e. L'intelUgence parfaite est intelligente d'elle-m6me; elle inxpjique da^c la no- tion d'6tre comme sujet et comme objet k la foi^. L'etre €st done, pour que J'inteUigence soit, et il est en elle , pour qu'elle soit parfaite ; mais quoique existant en elle, il est conifu comme ajit^rieur, puisqu'il faut 6tre pour penser, et qu'il faut frtre encore pour 6tre Tobjet de la pensee. YoUk done d^]k dans le vo{5; deux termes. Plotin aura beau dire qu'ijs sont jns^paral)les , ils Bmt inseparables en effet , . tl) Comtn. Tim. , p. 152. (3) Cf. Plotin t Enn. S» 1. 1, elk. &36 PltlNGIPES DE LA TH^OLOGIE DE PROGLUS. mais ils sont deux. Uesprit est-il separable de r&me? et cependant I'&me n'est-elle pas , de I'aveu de Plo- tin, autre chose que Tesprit? La distinction sans doute est plus profonde entre Tesprit et Vkme qu'en- tre Tessence et Tintelligence ; aussi Proclus met-il I'esprit dans une triade , et Tdme dans une autre , tandis qu'il distingue Tessence et Tintelligence comme deux hypostases diverses d'une m6me triade. Ce n'est pas tout : c*est l*6tre sans doute que pense Tintelli- gence; mais le pense-t-elle uniquement , dans sa sub- stance immobile, ou le pense-t-elle dans son energie? fividemment dans son Anergic ; car Tessence est en acte , mais si elle n*est pas renfermee en elle-m6me, (et rUn absolu est la seule hypostase incommuni- cable), elle s'epanche, elle se developpe, tout au moins elle se manifeste. Cette Anergic que developpe Fessence, c'est la vie, et la vie est Tintermediaire entre Fessence, actuelle, mais immobile, et Fintel- ligence (1). L'6tre subsiste en soi, la vie est le pre- mier developpement de F6tre en lui-m6me , sa pre- miere expansion ; Fintelligence est le retour de F6tre sur lui-m6me, ce qui le determine, le fixe, Faccom- fl Cw-fj , tulX twv tow «vto« t6 dv. AOxcdv fife toutcov, t6 (ih^ dv icpd ttji; ^ojti? , ^ & ^co-f^ icp6 ToO voO. Aidxi jiiv y^p iv 4xdaTT[i xd^et twv dvrwv itpb twv (xerexopLivuv loTt xh d|ji8€XTa, 6et icp6 twv voepwv eTvat t6v voOv, xaX Ttpb twv CtiivTcov r^v ^w^v , xa\ itpb TWV ivTwv t6 «v. Awkt Sk irpoTayewat t6 twv irXeidvwv arxiov ii t^ TWV l^orodvwv , ^v foceCvoi? t6 jxfev 6v forat icpCi&TtaTOv itam yaip itdpeortv , ol? j;««>^ wxX vou?. Zwv ydip icdv xal votiaew? jut^xov eorW fe? dvd-pcTi<- oOx g|MtaXiv 6^. OOfife Tfip Tdi «vTa itdvra ;% xaX voct- eeurdpa «fe ifj ^wij. ndwt -j^p , ol? vou {lireori, tmX CwTi? iJirecjTtv otix IjjitoiXiv 6^. DoXXai ydtp ft jtkv, -fvc^oewc 6i (i(W>ipa dito- Wiwtai- TptTo^ ^ 6 vou?, X. T. X. Stoix. 6eo^. , prop. 101. PRINGIFBI^ D£ LA THl^OLOGIE BE PROGLUS^ &37 plit. Telle est, suivant Proclus^ la triade intellec- tuelle (1). Mais cette triplicite mSme , quelle est-elle? Si Tes- sence , et la vie , et Tintelligence , sont des hypos- tases, peut-on dire que les trois hypostases suprSmeSy c'est-a-dire les trois termes de la premifere trinity, de la trinite qui se decompose en trois triades, sont aussi des hypostases? II n'en est rien sans doute ; les hypostases que Ton distingue dans le sein d-une hy- postase primitive, diflF6rent moins entre elles que rhypostase dans laquelle elle coexistent ne differe des hypostases avec lesquelles elle se trouve coordonnte dans une trinite sup6rieure. Les termes de la pro- portion sont 6videmment plus rapproch^s. Les trois termes de la premiere trinit6, Tun , Fesprit et Time, sont des series ; les trois termes de la triade de Tun » de celle de Fesprit, sont des aspects divers d'une m£me hypostase ; ils constituent une distinction lo- gique. lis sont un ou ils different selon le point de vue oil Fon se place, soit que Fon se borne k la syn- these , ou que Fon recoure k Fanalyse. Non- seulement Fintelligence se divise en trois termes inf^rieurs , et devient la triade intellectuelle compos^e de Fessence , de la vie et de Fintelligence , mais chacun de ces trois termes est encore une nou- velle triade. En effet, chacun d'eux comprend une substance, et une id^e ou forme qui la determine, et toute substance est une dyade qui comprend deux termes, le flni et Finfini; de Ik toutes ces trinit6s. (1) Cf. Thiol. Melon f^lalon, 1. 8, g. 0. Mais ce principe est Itnportant et demande k dtre 6clairci. Dans la th^ologie de Proclus , k partir de la dyade , second terme de la triade intelligible , tons les dtres participent du fini et de I'infini (1) ; le fini et Finfini sent la substance commune, que modifie diversement l*id6e particuli6re k chaque hypostase. La dyade re* prend ici la fonction, mais non le caract^re de la dyade platonicienne. La dyade de Platon n'est que mat|6re, c'est la substance si Ton veut, mais la substance inerte, sans autre rapport avec Tessence qued'en 6tre le contenant, on comme il est dit dans le Timtfe, le Vase. Dans Proclus Finfluence d'Aristote se retrouve , et la substance , outre le 7r«vdex^ pfop. 80. (3) p^oyBi ci^prteyL 5, c 4. (3) Comm. Parm.^ t. VI, p. 99sqq. (4) /ft., p. 102 sq. — Cf. Comm, 7¥m., p. 8a. Avd^ov o3v icdvra t* ivTaG8a xoi? ixeX towi, x6 jifev STijAtoop-jfoOv T«j> £v\, t6 5fe eT6(K T«j) Tcepdtt, ill ft OXij Ttj) diceipcp , t6 8fe YevTfjT^v Ttj> (intr^. — €Jf. Mb, , p. M7. Proclqs dans led id^es et le langatge d'un attt^e sys^t t^me, ne risquait pas d'en alt^r la physionQmie^ que deii deux ^l^ments de }a s^ub&tanM ridfipi eet la pwe virtualite , et le fini eateloppa I'eltort Ajoutoos toutefoia, pour ne r|en ei;ag^rear, que Proclvis e&t fovt ^loigo^ dUdentifier riufini avec le mouYeinoiit et Iq divisible, ou de coufondre le fini avec I'owjfc; ear 11 Itti arrive ailleurs de pafler d'uB6 puisaaoce iB$]ue^ pour signifier la toute-* viduel de Ffitre, k cette participatioti de runiversel qne rstre regoit de rid^e^ et qui est sa liormfi prot? prement dite. Ainsi, FeolecUsme commence k pea&i trer daQS la physique apres avoir agrandi et ^clair^ la th^ologie; mais no^algr^ tous Im efforts de reclec-» tisme Alexandrin, la generalisation d'Aristote, qui sacrifie le genre k Findividu , et la dialectique de Pla* ton, qui sacrifie Tipdividu au genre (1), ne scmt entidrem^nt recoQcilies que dans la monade de Leibf nitz (2)* Grdce k cette analyse qui distingue la substance et rid^e, et dans la substance, le fini et Finfini, cbaque terme de la triade intellectuelle, compost d'abord des deux elements de la dyade , et ensuii^ de Fid^e qui le determine , pent s'enonoer t^ou» la fDrma d'une triade; ainsi, au lien de Fessence, on aura : le fini, Finfini, Fessence; puis le fini, Finfini, la vie; (1) Foyez ci-dessus, I. 2, c 2) 1. 1, p. 327 sqq. (2) Foyez ci-apr^s, 1. 5, c. 4, et la Concl^siQnf MO PEINdPBS DB LA TH^OLOGIB DB PAOGLUS. le fini, rinflni, Fintelligence (1). Nous verrons plus tard que rintelligence est le dy]/jLioup76<;, qu'en un sens il n'y a qu*un seul 3y}fjiioupyoc, et qu'en un sens il ^ en a trois ; que si Ton consid^re le dyifxioupyo^, non plus dans sa nature , mais dans les caract^res de son action , on y d6couvre encore une nouvelle triade, et qu'enfln le voO^, le dvipovpyo^, qui n*est pas intelligible, con- tient pourtant en lui*m6me, conune le premier terme de la s&Tie k laquelle il donne son nom, le para- digme universel , dernier terme de la trinit6 intelli- gible, et celaen vertu de ce principe general que le dernier terme d'une s6rie est en m6me temps le pre- mier terme de la s6rie imm^diatement inf6rieure (2). Est-il possible de ne pas voir qu'il ne s'agit plus de v^ritables distinctions hypostatiques , mais d'une analyse compliquee et savante des conditions de Tfitre, de ses attributs et de ses modes? Sauf la r6gularit6 de ces triples d^nombrements, qui sentent trop le pythagoricien , on ne pourrait accuser qu'un exces de subtilit6 dans ces divisions minutieuses. Proclus lui-m6me prend soin de montrer qu'il cherche seu- lement k ^puiser ]a description des hypostases di- vines ; il s*61eve tout le premier contre les trois Srh poupyot de Num^nius et d'Am61ius. C*est qu*il n'y a pas pour lui trois d^iuicoupyoc , c'est-i-dire trois dieux, mais trois aspects difii^rents d'un Dieu unique. Cette m6thode de Proclus, qui multiplie les divi- sions k mesure qu'il se place k un point de vue nou- (1) Thiol. iOon PUaon^ 1. 3 » c 2, 0, 11 sqq. (2) Foyex ci-aprts, 1. 5, c. 4 PBINGIPBS DB LA TEDSoLOGIB DB PBOGLUS. kM veau , a un avantage sur les precedes de ses devan- ciers, en ce qu'elle est moins formelle ; mais si d'un c6te elle diminue la valeur des distinctions hyposta- tiques, de Fautre elle en augmente le nombre, et expose Proclas i des redites et m6me k des contra- dictions inevitables. Cest ainsi qu'il lui arrive , apr^ avoir distingu6 en Dieu trois hypostases , qui devien- ment chacune une serie, et appel6 la premiere serie, triade intelligible, la seconde triade intellectuelle , la troisi^me triade psychique, de recourir k une distinc- tion toute nouvelle , difflcilement conciliable avec la premiere , et qui consiste a presenter la seconde se- rie , c'est-ii-dire la trinit6 intellectuelle , comme com- prenant en elle un terme intelligible , qui est Tes- sence, un terme k la fois intelligible et intellectuel , qui est la vie , et un terme purement intellectuel , qui est rintelligence (1). Comment Fessence, si elle est intelligible, appartient-elle k la triade intellectuelle, et non k la premiere triade? Cette contradiction est- elle suf&samment sauv^e par ce principe de Proclus, que chaque premier terme de Fordre inferieur par- tage la nature des termes de la s6rie prec6dente (2) ? L'incertitude du syst6me de Proclus se trahit d'une maniSre encore plus 6vidente dans la limitation du divin. Tantdt il affirme que le divin s'^tend depuis (1) TMoh selon Platon, 1. 4, c. 1. (2) ndoTic Td^eciK '^ np<6TtOTa (&opfi?|v it/ti tfjjv ic^ qiOt&v. Tdt ydcp xaO' lxdaTT)v dxpdTV)Ta y&v^ 6tdt t^v djJuoidnQTa cruvdircetati TOtc 6iroxetijivoi< , xa\ Bidt T^v 9UV^eiav xr\^ icpocJdou tuv fUktav, Oore old kaxw bcelvoi icpcikcoc , ^rotaOrnv €kx/t xol taxka (&op9-?|v,9UYYsvvi icp6< t^v ^xeCvcav (pO^iv xal ^aiverat eXvat TOtaOxa xanit r^y Ifibdrnxa rr^^ OicooTdffed)^, ola xk icpd a6x£^v. Stoix* Oeo^* > prop. 112. — Of. prop. 110. ft&2 PBIKaFM DB LI TH]folOaiB M nOGlUS. rUnit^ jusqu'au yoOc, ce qui exdut TAfioe (1); le plus souvent, il compose la nature divine de trois hypo- stases, ou sMes, dont V&me est la derni^re (2). Id encore^ devons-noua recourir au principe de I'iden- tit^ du dernier terme de la s^rie supdrieure avec le premier de la s^rie infSrieure? L'4me, en vertu dece principe, ferait partie h la fois du divin et de la g^n^ration (ft). Quant k la triade psychique, elle n'est autre que la division m6me introduite par Platon dans Tana- lyse des facult^s de TAme , le Xoyog, le dv^H et ViiKv^ %fdoL (4). Dans toutes ces divisions , sans profit pour la pen- s^e philosophique, et qui ne font que d6montrer de plus en plus Fimpuissance de Tbypothese trinitairet par les efforts mSmes que Ton tente pour la perfec* tionner, Proclus a ili devanc6 par Am^lius , Jam- blique^ Theodore* II en est de m6me pour Tintro- duction dans les hypostases divines des id^es et des dieux. Nous avons d^'k vu Jamblique placer les idees intelligibles et les id^es intellectuelles dans son Dieu absolu et dans le second Dieu , et identifier ces di- verses sortes d'id^es avec les dieut de la mytho- logie (5). Nous retrouvons dans Proclus cette m^me (1) Comm. Tim., p. UO. (2) Comm. Parm, , t. VI, p. 119. (3) noffoi ^l^yii (uOexT^ Tb)v xe del xa\ dvxco^ dvicav hsx\ ^ %i\ icpii&TY^ twv fcv- VT^wv. El Y^p alcivw^ ioti xaT' oOff^v, 5vT(i)v dvTOi)( 6v iffTt yuxzk Tfjv Gicapjtv , xa\ de\ 2v* t6 y^p aUovo^ (ut^^qv tou del elvai {ifTeOiTifev el 6^ xax' iv^pYeidv egrtv iv XP<^9» YevvYj-niv eoxt, x, t. X, Stoij^, 6eoX., prop. 192. (4} Comm. Rip. , p« 4^5 sq. (5) Foyez ci-dessus, 1. 3, c. 5, t. II, p. 198; PBnfGIPBS IXB lA THtoiOQIE BE PfiOOMSv A&d doctrine, plus nettement exprim^, et plus r^gulid^ remeot C(mstruite« D&11& la Trinity iatelUgible , il pkce les Unit^, li/ide^, qui sont k chaque classe d'ld^es ce que rUnit6 absolue est au tout (1)^ Non- seulemetit elles poss^dent, on plutdt elles sont la r^alit^ parfaite de tout ce qui fte retrouve dani^ la classe d'idees qui leur est subordonute ; mais ellei^ sont les causes ^miuentes de la production de leur bomonyme le plus ^loign^ , et led causes dlrectes de la production de leur bomonyme le plus voislii. Pla- e^es dans la triade intelligible ^ et m^me au premier rang, puisqu'elles sont le produit le plus imm^diat de Tabsolu , elles sont par consequent sup^rieures k Tessence, et k plus forte raison sup^rieures k toute multiplicity (2) ; elles sont done identifl^es dans le sein d'une bypostase unique (8) , et nul doute que quand Proclus isolait Funit^ absolue de la premiere trinity , cette seconde unite , form^e de Tensemble des ivdke,i superieure k Tunite cEistante qui est Tessence et ne se trouve que dans la s4rie des in«- tellectuels, devenait le premier terme de la premiere triidte, it constituait, avecla dyade 6t le paradigme, la s6rie des inteUigibles« Francbissons deux degr^s sans sortir de cette trl-* nitd supreme, nous arrivons au ttapSayfi^ Lk se (1) Cdmm. Tim,^ p. 5d. Thiologi^telonPlaum, 1. S, e. i ^. (2) nfi? Oeb? xaxi T?iv OirepoOatov iyaMtnixa icp^onrixs AW ^ ha^ , tOL^r^ dYaWnrj?, xa\ ^ dfaOdnr^?, IvA?. STOt^* 6eo^.» prop. 119. (3) naaai y^P ^^ ivd$e( ev dXXipiatc elat, xal ijvcovTai icp6c dXXYfXa;* xal icoXT^cp (uUitov Vt Ivvytii ixtCvcov X7^( iv tok ou9i xoivo>v(a( xa\ TaOxdn^To;. Comm. Parm.^ t. VI, p. 14. kkk PBINGIPBS DE LA THiOLOGIE BE PROGLUS. trouvent aussi les id^es les plus universelles, qui engendrent et contiennent toutes les autres (1) ; mais quoiqu'elles y paraissent encore supirieures i Fes- sence ^ elles sont d6ji plus voisines de la g6n6ration. Une nouvelle transformation nous les montre dans la trinity intellectuelle , et jusque dans le dyjfxioupycK;, troisi^me terme de cette trinity ; et de chute en chute, nous arrivons ainsi k Tid^e la plus voisine de la ma- ti^re, et enfin k Fid^e agissante, k celle qui imprime une forme k la substance, et qui, par consequent, est moins une id^e proprement dite que la partici- pation de rid^e. G'est ainsi que tout est contenu dans le premier, et que Tordre entier de la generation n'est qu'un d^veloppement et pour ainsi dire une expansion du divin. Si Ton ajoute que Tid^e , tant qu'elle demeure dans les regions du divin , est identifi^e avec les dieux su- p^rieurs de la mythologie (S) , et que dans Tespace interm^diaire entre Vkme divine et la forme engag^e dans la matiere , elle repr^sente les demi-dieux et les h^ros, on aura devant les yeux une esquisse k peu pr6s complete de la trinit6 de Proclus, et il sera facile de voir qu'elle n*est que le r6sultat du travail accumuie de toute F^cole , et la reproduction exacte, sous une forme plus systematique et plus s6vere , de la th^ologie de Jamblique. Maintenant que nous avons devant les yeux une (1) Thiol, selon Plaion, 1. 4, c 29. (2) Comm. Parm.^ t. IV, p. 198. (3) £toix. OeoX., prop. 119.— Et Gf« Thiol. seUmPUUon^ 1. 1, g. 50; I. ft» 5, 6. PRINGiraS DE LA l^OLOCIE DB PROGLUS. &/i5 sorte de plan de la th^ologie de Proclus , et que nous sommes k m6me de distingu6r dans cette th6ologie ce qui reproduit la doctrine des EnnSades , et ce que Proclus y a ajout6, soit de lui-m6me, soit en s'ai- dant de la tradition, nous pouvons appr^cier cette demiere partie , et chercher ce qu'elle contient de s^rieux, ce qu'elle a de vain et de chim^rique. Un seul Dieu en trois hypostases , chaque hypo- stase divis^e elle-m6me en triade , et les termes de ces triades devenant quelquefois la synthase d'une triade nouvelle ; les unites et les monades , c'est-i- dire les grands dieux et les dieux inf^rieurs identi- fies avec les hypostases de ce Dieu un et multiple ; cette multiplicit6 d'unit^s on de monades n'alt^rant pas la simplicity de I'hypostase qui les contient ; ces innombrables degr^s qui s6parent le monde de Dieu , et qui pourtant Fen rapprochent , grAce aux liens de la n6cessit6 et de la proportion, tout cet ensemble si Men 116 , si 6minemment regulier et syst^matique , mais en m6me temps si arbitraire , si denu6 de preuves , semble au premier coup d'oeil recfler bien pcu de philosophic ; et un examen pen attentif ne voit dans cet ^chafTaudage qu'une savante organisation de doctrines chim^riques, assez semblable & cette science compliquee, si difficile k acqu^rir, et si vide quand on la possedait , que Tapparition des m^thodes et de I'esprit moderne a perdue et d^truite , Tastro- logic. Cependant nous avons vu comment Thypoth^se de la multiplicity hypostastique , fausse en soi , fu- neste, contradictoire, source des plus grands 6gare- ments de Plotin et de ses succasseurs , reposait i»w une n^cessit^ philosophique r^eUe» qoe de$ m^ta- physiciens de la puissance de Procliis, ou mfime de Jamblique et de Theodore , ne pouvaient pas perdre de Yue lorsquUls semblaient uniquemeDt occupes des details exti6rieurs de leur hypothese. U en est de m6me des unites et des mooades ; sous cette appa- reuce bizarre, se cache uue Y^ritable iududioo phi- losophique, d^uis6e sous cette forme puerile, et mutil^ ou vici^ par la n^cesslt^ de suivre en tout les regies de la g^mitrie pythagorique. C'est ce fond philosophique et s^ieux qui ressort avec uue nou- velle lumi^re de la th^ologiedeProclus, et qu'il nous reste maintenant k mettre en lumi^re. Nous Tavon^ d€}k dit : Proclus ne change pas la th^logie de Plo- tin. Cette th^ologie a deux aspects ; Plotin a d:ev^ lopp6 surtout le c6t6 ndgatif de leur th^ologie com- mune, et Proclus le c6te positif. C'est ainsi que son systeme , loin de contredire celui de Plotin , acb^ve de le developper et de le faire connattre. De m6me que Thypothese de la trinity est sortie de la neces^t6 de concilier les r^ultats de la dialec- tique avec Texplication des pheaom^nes physiques, les transformations successives que subissent les id6es supr^es h mesure qrfon s'616ve dans les hy- postases du divin , tiennent a la conciliation op^r^e entre ces deux points de vue. Toute la speculation des Alexandrins depend de cette double origine ; pour les comjprendre, il JEaut lt& placer sans cesse ^ntre ^ les phy^ciens et les ^l^al^ Instruits par Plaloa k fftHMlPgS f^B LA tHUaLOOlB BE PBOCLOS. ft&7 remonter du tnoixde des sens h rintelligence , et par notin h 9'<§lancer en Dieu da premier bond , et k redescendre ensuite jusqu'aux plus humbles limites de la oration , avec une connaissanoe des demiers secrets de Tfitre puisne aux sources de la perfection fnfioie, tant6t lis construisent la chatnedialectique, tant6t ils refont ce poeme du Fim^, et semblent ^crire Thistoire de la creation. La dialectique, on le salt, n'est pas achev6e par la d6couTerte de I'idte. Entrevoir au^dessus de chaque 6tre, Tfitre mdme dont il est rimage; sentir fortement que le type, I'uni- versel, a seul de la r^lit^, de r^ternit^; que le monde n'est que n^nt et poussi^re; rompre sans retour aTec ces apparences, avec ce flot de la vie et de la mort , auquel on ne petit se donner sans parti- ciper du n^ant qui est en lui; livrer son Ame k la m^itatioB des essences Intelligibles, qui la vivifient, Tanoblissent , la ram^nent k Dieu , son origine et sa fin , et la remplissent de leur r6alit6 et de leur 6ter- Bit6 , ce n*est Ifr que le commeiicement , le premier pas de la pbilosophie. Enfln , ce premier pas est fait : notre esprit connait ce monde des id6es , voisin de la terre, mais bien saperieur k la terre; le monde que nous quittons, que nous repoussons du pied, s'enfttit loin de nous , comme un long et p^nible r6ve qui nous laisse enfin k nous*mdmes ; Tamour a fait -ce prodige. Est-il assouvi? Loin de li, Tamour s'ac- crolt par la possession de son objet. Ces id6es, si yoisines de leurs images , nous cachent encore , elles Bous ?(H!ent ressenoe incr6i§e , et Tnuit^ qiA est au M8 PRINCIPBS DB LA THiSOLOGIE DB PROGLUS. deli de Fessence* Qu'est-ce done que ramour, s'U n'aspire pas i Tabsolu lui-m6me? Approcher, appro- cher sans cesse de cet id^al, de cette source unique du bonheur, sentir croitre k la fois et son amour, et son esp^rance, et sa force, ces trois conditions de la philosophie que Platon appelle des ailes, k mesure qu'on surmonte les obstacles , qu'on laisse fuir der- rifere soi les images, les voiles, les interm6diaires, et que Ton commence k entrevoir Dieu de plus pres, telle est la vie philosophique , sans cesse agit^e, in- qui^te, agissante, jusqu'i ce qu'elle ait trouv6 le repos dans Fextase. Les premieres id6es, c'est-i-dire les plus basses , doivent done 6tre simplifi^es encore; il faut done chercher des id^es de ces id6es , les r6- duire et les r6duire de nouveau, et marcher ainsi k Tunit^, jusqu'i ce que , par la conception des lois les plus g^n^rales, on arrive k faire tout d^pendre de quelques types universaux, dont les differences m^mes vont bientdt tomber pour faire pliSLce k Tunit^ pure. Mais ces iddes sup6rieures que sont-elles? Des abstractions? Quoi , inferieures k leurs images? C'est la n<^gation m6me de la dialectique. Le dialecticien abstrait sans doute , mais il n'abstrait que des limites; la reminiscence est proprement Tapp^tit de Tfitre. A chaque abstraction nouvelle, Tfetre s'acerolt, et le terme le plus universel est celui qui n'a plus de limites. Lorsque Aristote parcourt la serie des gene- ralisations (et il la parcourt a la suite de Platon , mais dans un esprit bien oppose), il va des conceptions les plus simples aux conerets, seuls complexes, et PRINCIPBS DE LA THlfOLOGIE DE PROGLUS. ftft9 qui sont pour lui la realisation des categories dans la mati^re. Mais Platon, qui donne de T^tre aux uni- versaux , et qui en fait les causes des individus mul- tiples, ne pent pas oter a la cause ce qui est dans reflFet ; ses abstractions ne peuvent pas porter sur r6tre mSme. Aussi fait-il consister Tessence dans le genre, Aristote dans la diflference. Chaque idee con- tient done tr6s-r6ellement tous ses homonymes. Ce qu'il faut ajouter k une id^e pour avoir un individu sensible, ce n'est pas, comme dans Aristote, la rea- lity; au contraire, c'est YiztpoxYi^^ c'est la diminu- tion par consequent, car la division, qui n'est que cela, n'existe et ne pent exister que par le n^ant, comme dans I'ordre physique , le mouvement suppose le vide. Ce n'est done pas une m6taphore que Ton emploie , quand on dit que Tid^e coutient le multiple, qu'elle le contient ^minemment sans cesser d'6tre une; c'est Texpression simple et pre- cise du r^sultat le plus general de la nature des idees. U ne faut done pas raisonner comme Aristote et les stoiciens ; il ne faut pas dire : Tid^e la plus ge* n^rale est celle qui poss^de le moins d'etre, ou le moindre nombre d*attributs r^els. Au contraire, Tidee la plus g^n^rale poss^de positivement tous les at- tributs r^els. On pent affirmer d'elle tout ce qui est objet d'afflrmation. On doit en nier tout ce qui est negation. EUe est le tout, non-seulement parce que d'elle tout doit sortir, mais parce que tout y est dejA. Tout y est enveloppe si Ton veut ; mais ii con- II. 29 i9b HiNfcrffes DE LA TIIJ^OLOGIE DE PROCLtJ^'. dttibn que cfet fenveloppement solt la plenitude" ' t't i fxt t * f ■ la m^me ressemblance que nous avons d^j& signalee sur un autre point entre la doctrine de Plotin et celle de Proclus. La doctrine de Proclus surle 3y}/xioup70(; , est la consequence l^^itipie, pu plut6t le corollaire de sa doctrine sur I'unit^ absolue. Quoique tou|:e }^ t||6ologip ^ps A|QX^pdrins, k Tex- ception de leur premier principe, soit construite en vue de la generation et y tende, cependant, parmi les liypostases dppt il§ component la divinity , il er\. e^t une qpi repr^sente pluji directemeu^ , plus com- pietement Taction de Dieu sur le multiple. Cette liyppstc}^^ m V4^^» sniyaut Plptin, e\ riptfilUgppce suivant Pf oclqs ; telle est , sans coDtredit , de toutf s les differences qui les s^parent, la plus importante et la plus r6elle, sinon en elle-m6me, du moins par les principes auxquels elle se rattache. De ces deux opinions , laquelle est la plus conforme i la doctrine de Platon , laquelle est la plus philosophique , Thy- pothfese de la trinity admise? On pent repondre que Platon tfayant pas distingu^ avec rigueur I'Sme et I'intelligence olivine , et n'ayant mfenie pas deter- mine d'une facon nette et precise le r61e et la place de la Tolonte, soit en Dieu, soit en nous-m6mes, c'est plutdt, sulyant lui, Dieu tout entier, qu'une des facultes' de Dieu, qui produit le monde; que cependant Platon a connu ef d^montre Timmobi- lite de rintelligence , qu'il a au contraire consi- dere TAme copame mobile , et qu*il semble par consequent assez conforme aux principes de sa phi- losophic, lorsqu'on etablit, commeles Alexaiidrins, DE LA PRODUCTION DU MONDE. 455 une distinction p complete entre Tesprit et |'4me de Dieu , de reserver |i I'^me la Jjualite de 3y3(jttpi;p7Q? , pt de laisser le vou(; dans son immobilite. Efailleurs, qpand on adipet I'hypotl^^se de la trinity, en vertu de quel ppncipe s'eflForce-t-oi:^ de d^cpniposei ainsi en trois hypostases la nature simple et unique de Dieu? N'est-ce pas ppur eloigni^r aptant que pos- sible la premiere hypostase (^ivine de la m||ltiplicit6 et du mouvemei^t? La doctrine qui attribue k la troisifeme hypostase la production de la generation , semble dope plus cqnforme k Fhypothese en elle- meme, que celle qui V^ttribue k la seconde. Poi^r- quoi une ^me, si le vov<; est driiiiovpyoql C'est que, sui- vant Procius, un esprit ne pent exister que dans une &me. Cela se congoit , lorsque I'esprit n'est ni mo- bile, ni au^eur du mquvenient ; qi^ais ce principe ne semblj^ plus ppuvqir etre admis qi^anji on fait venir le voO; apres la vie et I'etre, et quand on lui attribu^ une force'active et efflcace. Que sera d'ailleurs cetteame, si Je voO; gopverne le iponde directement? Quelle sera sa fonction, quel sera pon bpt? On dirajt (jue Ykme n'interyient dans la philosophic de Procius que pour acljever la trinite. ^orsque nops remontons k Dieu en partant du monde cre6 , la premiere hypostase qui nous frappe , c'est Tame ^ivine ; elle est done le rpi veritable , elle est le Dieu de la creation , ou elle n'est rien. Qu'impprte qu'elle recoive elle-m6me le mpu- vement et la vie qu'elle nous communique? L'intel- ligence est-elle done au premier rang? Ne descend- elle pas de runite?Si Ton 6te sur un tel fondement 456 DE LA PRODUCTION DU MONDE. la quality de Syj/utioupyo; k la derni^re hypostase , c'est k la premiere et non k la seconde que la creation doit appartenir. Mais au lieu de discuter dans Thypoth^se de la tri- nite , laissons Ik ces distinctions hypostatiques , et voyons ce que ces doctrines repr^sentent. Le vovc, paralt 6tre plut6t la pens6e de Dieu, et la vj^ux>7 sa volont6. Proclus a-t-il done voulu que la pens6e di- vine fut efflcace par elle-m6me , et Plotin que Tinter- vention de la volont6 libre de Dieu fut necessaire? Nous verrons, il est vrai, que suivant Proclus, la volonte est plac^e dans Tintelligence , et par conse- quent au-dessus de I'dme; mais nous verrons aussi que dans I'intelligence , la force qui s'exerce natu- rellement precede et domine la liberte ; que Vaixo- ^wov, anterieur iTactivit^ volontaire, est d6ji done d' efflcace , et qu'il fait sentir son influence , a travers la chaine des intermediaires , jusqu'aux dernieres limites de la creation. II semble done que cette th6orie soit contraire k la liberty divine et k la Providence, et que la doctrine de Plotin, en eloignant la production du monde de la premiere hypostase de Dieu , et en Tat- tribuant k la ^yjyi} , ait pour effet de marquer moins fortement la necessite de la creation et de ses modes. Cependant, il faut Tavouer, si Proclus sacrifie la liberte k Taction necessaire , il ne fait en cela que suivre I'esprit dominant de la philosophic de Plotin. Plotin dit bien que c'est la t\ivxri qui produit le DE LA PRODUCTION DU MONDE. ft57 monde; il s'attache m6me k 6tablir fortement le dogme de la Providence ; mais dans le fond , avant Foperation de la ^ux>7 9 la loi des Emanations existe ; la ^vyfi elle-ni6me 6mane du voOc , et le voO; de TunitE absolue. Gette succession n^cessaire des Emanations se continue en dehors de Dieu, en d6pit de la Pro- vidence. Proclus est infld^le k Plotin, mais en vertu des principes de Plotin. Dans les EnnSades , la Pro- vidence est k la surface , et la necessity au fond. On exalte la volontE libre de Dieu qui a produit le monde; mais derriEre cette volontE, et au-dessus d'elle, se place le trop plein de FunitE, wepoxv)! qui dEborde fatalement, et produit le multiple : mp7cX>5pe(; avToO TreTToiyjxsv aXXo. La diflterence entre Plotin et Proclus n'a done au- cune importance relativement au dogme de la Pro- vidence et de la liberte divine ; mais il en est tout autrement si Fon voit, dans cette attribution de la irr juttoupyta k une hypostase sup6rieure, la rehabilitation de la force active. Cette question cesse alors d'etre renfermEe dans les limites de Fhypoth^se trinitaire; elle touche au fond m6me des doctrines de F6cole. Et qui ne voit qu'on ne pent relever Faction crEatrice en Dieu, on la libertE dans Fhomme, sans ebranler les fondetnents du mysticisme? DEji nous avons vu Proclus placer la vie avant Fin- telligence, dans les hypostases divines. Qu'est-ce que la vie? n'est-ce pas Fexpansion de F6tre? Vivre, n'est-ce pas se dEvelopper? Voili dEji une place ele- vee assignee k la notion de force; la voili comptee &53 I>? ^^ PRODUCTION DU MOI{D^. R(]ur Vi^fi |iyppsta§p, popme Ffitre, cpij^aje la peps6p, et fifyant ja pens^e ellp-m6ine. H pst vraj, }'6tre esj; enpprp. ai|-dess|is. C'est que le d^velopppn^eut est d^4 fpntenu dan? Tessei^ce ; mais n'est-ce pj^s beau- coup que rstre ^'ar^iye qu'i trayers cet intermd- diaire ^ se comprendre et k se saisir lui-m6me? En m^mp t^mps que fcoclus repi'^sente le voi5G comme le 3eul $ri|woupy6; , il ue feit pas d^pppdre uniquement de }ui |f)pte action, J^e paradigi^e e^t d6ji eflicace. Coqinient ne le serait-il pas? N'est-il pas dans Tintel- ligible ce (ju'est Ip voO? dans Ja s6v\e inteljectuelle ? Si la pens6e est efficace , I'id^e doit ^tre efl|cace a tous les degres, et f^'autapt plus efficace qu'elle est plug parfaite. Allons plus loin ; se peut-il (ju'il n'y ait qu'un seul premier principp dans un systeme , et que ce premier principe |ie soit pas par excellence la force qui envelofjpe toutes les autres ? Ej; cel^ 6tant, par quelle confusion d'idees, par quej paralogignae parvien- dra-t-p^ k sputenir h la fois que le premier principe est pai'fait, et cjue la production pst une i|iiperfec|ipn? Jai^blique , sur ce point comn^e spr tapt d' autres, le guide e^i le veritable maitre de Proclus , £[vait pro- nopc6 une granj^e parole : Ilav to Serov jtal ^pav X9^ ^^ liv T:(xax6ine, c'est t|u*il tie repr^sente pas la puissance crtatrlcfe dans son fond; lui-m6me est d6j6 un produit; il est s^p^dftJ, determine ; il est en fapport avec to Hixi(to(iyi^T.) Y«^ vouv (Tvye^iK iisov^jf^Set x^v $iiiupupy6y , ij/ux^lv Sk ouSajjLox;. Comm. Tim, , p. 94. (2) /*. (3) Thiol. Melon Pfotan, }.&fC. 19 sq, e. 10. (4) Foyez ci-dessus , 1. 3 , c. 4 , 1. 11 , p. 121 sq. (5) Cf. d-dessus, 1. 3 , c. 5 , t. H, p. a»5 sqq/ (6) Cf. ci-dessus, 1. 3 , c. 6 , t. II, p. 249 sqq. (7) Comm. Tim.^ p. 121, p. 94, p. 80. (8) Comm, Tim., p. 159. D£ U PItODpCTION J>V UONDjp. 1^1^ ixmfyqif ne mf^t pa§ pour pxpliquer, pour sauv^r Y\xm\& du moude; quaqd in6me qn dir?iit avec Pro- clus que Tunite est d^j^ la cause , cela pourr^it ^^gW- quer ^ la rigueur pourquoi le monde est unique ; mais si njarmonie et la paix y r^gnent , si tout y est r^gjiliprement ordonne dans I'unit^ d'un merpe plan et d'un m6me but, c'est que Je po^Yoir ipiniediat qui Ta forui^ et qui le gouvernp est lui-m^me parfaite- ment un ei; simple , et telie est en eflet la naturp du dyjfxiovpyo;. Si I'pn ote les hypostases que la raison ne s^mrait atteindre , il est le premier dans I'ordre de la realite et dans Tordre de {a pens^e ; il est le roi de la cri^atiop. Cependant, tout simple qq'il est, la speculation decQuvfe dai^s son seiii une trinity pouveUe; il est m pt triple comme le paradigiflp , cpmwe la naturp cle pieu tout entiere. Tantdt Prpclus distingue Ip pfere, r^uteiir et le crpateur (i) ; t^nt6t le fjni , I'in- flni et le gonapos^ de Tqu et ^e i'autre (2) ; tant6t , ayec Jgimblique (3) , la conceptiQn , \^ yolont^ , I'ef-r ficacp (4). Touted ces division^ ont leur origine dans le Tini^^ de piatqn. Dans le Tiv\^^j en eflfet, Dieu r^fl^chit avant de produire le monde (5), il vent le produire (6) , enfin il le produit. l)e mfime les noms de p6re et d'auteur du njoncje s'y troqvent h (1) ThM. wlonPltHon. 1. 9, c. 16. (2) lb. (3) Voyez ci-dessus , 1. 3 , c. 3, t. II, p. 60. (4) Comm. Tim., p. 121. (5) Aoyiadiievo? ouv eOptcrxev,..|. Ai3i 6fi Tifv Xoyi^ii^v -vdv^E, vouy jilv iv +uxxi» i);uX'^v 61 &v 9(6(jLaTi cuvirrdf; Plat. , Tim. , p. ZXi. (6) Bou>^ir)Oe\{ ^^p 6 6e6{ dfaOdi pi^v i;dyca. lb. 476 DE LA PRODUCTION DU MONDE. c6t6 de celui de cr^ateur. II est difficile, dit Pla- ton (1) , de trouver I'auteur et le pbve du monde , et quand on I'a trouve ii est impossible de le faire con- naltre aux autres. Le fini el Tinfini , quoique Proclus les entende autrement que Platon, coexistent toujours dans chaque 6tre avec le to H a/xcyoFv. Quant k cette distinction du p6re et de Tauteur du monde , il est douteux qu'elle ait , dans le Tim^e , le mfime sens et la m6me importance que Proclus veut lui donner ; mais nous Tavons d^ji trouv^e dans Porphyre (2). II est vrai que Tinterpr^tation de Proclus est un peu diflf^rente. Suivant Porphyre, le p6re tire de lui- m^me la substance de ce qu'il produit; Tauteur, ttoit,- T):;, recoit la substance d'un autre et la faconne. Pro- clus combat cette explication ; k ce compte , le Dieu du Tim^e n'est pas le pere du monde , car il ne pro- duit pas la matifere ; d'ailleurs, le mot 7roiriT>7; signifie celui qui fait passer une chose du non 6tre a Ffitre. Et oil a-t-on vu , dit Proclus , que Platon fasse deux hypostases diflF6rentes de I'auteur et du pere? II les distingue comme fonctions , il les unit comme hypo- stases (3). La distinction qu'il faut ^tablir entre ces deux mots est celle-ci : le pere est xop^iyo; ^oO dvoci /.«i xrj(; evcixjew;, et le TTotTiT);; n?; ra^eoi);, twv 3uva/jtea)y , yjxl tj?; ^oXveiSoD; ojGia(; (4). Et Proclus ajoute que la fonction de p6re est sup^rieure k celle d'auteur, itpzmov toO (1) Tim. , p. 28. (2) FoyezcX-^essusl. S, c. A; UH, p. 118. (S) Comm. Tim., p. 02. (4) lb. y p. 91. DE LA PaODUCTION DU MONBB. 477 7:ot>3Tr/oO Ta Trarpixov (1). Le dy/jtxioupyoc est le terme COm- mun dans lequel les deux autres sont compris. C'est ainsi, que si Ton adopte une autre division que nous avons indiqu^e, le fini est le p6re, celui qui engendre Fessence ; Tinfini est le izomM qui la modifie et I'orga- nise, le to auvafAcpoTepov est propremenl le Jr/p-toupyo^ (2), Une fois cette distinction de I'auteur et du p6re admise, elle donne lieu k des distinctions nom- breuses ; car Proclus distingue une monade qui est seulement pere', une autre qui est seulement auteur, et entre elles comme interm^diaires la monade qui est k la fois p^re et auteur , et celle qui est k la fois auteur et p6re (3). Ces monades, qui sont en m6me temps des dieux (4), ont chacune un monde qu' elles produisent et qu'elles gouvernent ; ou plutdt la plus humble ne produit que ce monde terrestre et la plus 61ev6e produit & la fois tout ce qui est engendre dans tous les ordres (5), Proclus profite de ces monades ou de ces dieux envelopp6s dans le Jyjfxtoupyo; , et qui forment, dit-il, latetrade pythagoricienne (6), pour expliquer comment le Syj/itojpyo^ appartient k deux series , car il appartient k la fois aux intelligibles et (1) Comm. Tim.y p. 95. (2) Thiol, selon Platon., 1. 1. (3) 6 lilv -rific TOXTpixTi(; <2>v Oet^xo? iJ-ovat?, 6 8fe T?lv notYiTtx:?iv 4v tij) irdvxt xXTipoxrdyuvo? 60va|j.tv, pteTO^^ fife diJL«f>olv fke 6 itati^lp dfjia xa\ TonfjT^,;, x«\ 6 icoiTiT^i? (Sfjia xa\ ita-nip* oO yap taOxftv bedtxepov. Comm» Tim. , p. 95. W Voyex ci-dessus 1. 5, c. 4. (5) fixacTO? fife Twviaewv dirft tii? IfiwinfiTO? ivojidCetoit , xiv ict Sri^ioD^yvKoc vou; (5). A vrai dire, toutes ces clas- sifications rentrent les une^ dans les au'tres; et elles (1) Ka\ biKp bcetvo; kv xol? voiqTol?, Touto outoc iv TOt? voepot?. Il^pa^ yip 6 {jlIv Ttbv voTjTwv , 6 Sk Tcov voepwv 8s wv. /6. (2) /ft., et voyez ci-desdus, p: 471. (3) Ert\ Totvuv 6 di)ti.it>vpY6? 6 el? xax' Ki«6v , 6^ t6 icipo? Ttav voepu>v Oetiov e-^wi^^wv piovdScov, xa\ tbiv t7|(; ^v xda^JKOV pavi- XeOtOV , OitepouponKw^ te xa\ oupavCcov , Apx^Jv f e ^<'^' H-e^* i x*^ teXTj twv S^wv TOpiix^w. Oomm. Tim. , p. 9&. (5) T6 voiiT^ 8n|ip7jTflii Tpix,T?i, t^ 'ce ouaia, xal t^ duvdjjiei, xot\ tJ cvepyefa* xalaO voO? xaT^t t6v aOxftv Xoyov tptxni "f*!* ^vti, t^ ^w^, t^ voeptj),*.. H ^J^ux^ m LA PBDDUCltoN l5tJ JttONDli:. 479 sont, pai* ieiil* variete, qu'il est si facile de rame- her k I'unit^, ies itistrum6nts d6 I'M^clisme de i^rociiis (!)• Ce n'est li, pour ainsi dire, qu'une atialyfee de M determination par laquelle le ^r^iMvpyoc, se port6 k pi*o- diiire le ihonde. le systetne de JProcltis f oblige k introduire dans ie sein de cette unique hypbstase Une divisiob nouvelle d'uh c^'ractere tout different. Le 5ri(iiovpybq est la cause unique de tout ce qui est ; si done le ^yj/itoupyo; est parfaitement simple, si de plus il produit ndcessairement , quelle sera la iiatur6 'A6 soil pi*oduit? On ne pent fias dire, il est Vrai, qu'il se reproduii'a lui-m6rae , c'est-^-dife qu'il don- nera naissance k un produit aussi complet , aussi par- felt que lui-m6me ; car c'est un principe de la philo- Sophife des Alexandrins que la cause est phis parfeite que i'effet; et coiiime le signe de la perfection dsl pour eu'x Tutiit^ , et que par donsequenl la ttiultiplicitfi et Timperfection croisseht ensemble dans la tatmk proportion k mesure que Ton s'^loigne de tk cius6 tS) litioTTiTtj) , Txi eicwnriixTii , Ttj) iirwnqiJiovtxtj). Comm, Tim* , p. 113 ; et Cf. , ii. , p. 50. (i) llSx; Y&p QirijJLtoupYtJtTi? dirdtcni<; 8iotxo(jp.Tf^TCW(; t6 jiiv S(rt\ t&v 8XaJi» 6XiXa)(; , t6 81 ttbV 8Xiov [ie{)ixw?, xb Bk twv jAep&v jjieptxto;; TefpokT^^; 81 vf\(; SifJtJLioup- Vte? oOuT^i;, ii 87ijj.toupYixfi (lovA;, el? ioiuv^v d^b-^aaxo t^v 6Xtx"?iv tSv ST^wv Ttptivototv , S^iipTTiTai 61 aO'r?|<; -fj 8TrijxtoupYix:?i Tpt3t;, 6Xtxu>(; hrctpoiteOouaa t* [i^pTj xal T?iv TTi? Tpidt8o? SieT^ofL^vYiv SuvajJitv t3t 8Xa [leptxox; , xo(\ tti? t3i ji^pY) lieptxcb? 8iaxo5jJiouTri?* 'C7|? 6c TptdSo? t6 ffOjAiwcv irXrifK)? itepij^opeuov ttOft*?jv *a\ SwipoOpievov itept atiT?|v , xa\ jispil^djjLevov aOtri; t*? Trof»iffei? , xal itXTipoujievov fltit' aCiVTi^. QTKtp oOv Twv itoXXwv StjpLtoupYwv 6 eTi;, fva izdvvct AXXifXot? lirfytai , t6 £v t6 'icap48eiYiwi twv voirjTtbv, 6 eT? vOTjxb; 6YiiiioupY^<;, 6 el? {iovoy^vtj? xda- {lo;* el SI TaOta 8p97 voi><; iarlv o Syj/Jiioupyoc, >5 fJikv auTW Tw dvai Trotet > o^otoTarov aurw Troiet. ToCto $k kaziv etxova £3tuToO Troteiv (2). Plotin Tavait bien compris (3) ; et n'est-ce pas d'ailleurs sur ce fondement que repose en partie la th^orie des id6es (4) ? Plotin h Texemple de Platon distinguait la cause exemplaire de la cause efflciente, et tout en les distinguant les faisait coexis- (i) Lorsque Proclus ^tablit que toute cause n^cessaire se reproduit elle- m^me, il n*eii condut pas imm^iatemeDt que Dieu soit une cause n^cessaire; car il ajoute : Si la cause premi&re produit librement, il faut sans doute que SOD ceuvre soit digne d'elle. Ainsi « il ne fait U qu*un dilemme. Mais nous verrons ailleurs comment il interprite le dogme de la Providence ; et d'ailleurs, mtoie dans Thypothese d'uiie volont^ libre , & quelle condition le STifuoupyd; pourra-t-il vou/otr la vari^td? Ajoutonsque, quelques pages plus loin, Procliis affirme sans hfeiter que le^T^^iioupY^ produit n^cessairement , p. 103. (2) Comm* Tim,^ p. 98. (3) Cf. ci-dessus, 1. 2, c. 5 et 6. (4) Voir, dans le Comm* Tim. , la page 97 , ou Proclus en d^ontrant que (out ouvricr qui o'agit pas au hasard, agit d'aprfes un modHe, rdfute indirec- lenient la ]*:liitosop!)le d'Aristote , dans laquelle la cause e,\emplairc est sup- prinide , ^\. sacri/ivc h ia cause Oualo. DE LA PRODUCTION DU MONDE. 481 ter Tune dans Fautre. Quel est en efiTet pour lui le Jyiuiouoyo?? C'est la ^uxr}^ qui coraprend TauTo^woy. Por- phyre pourra bien reclamer le nom et le caractere de paradigme ou de module eternel du monde pour Tun existant, ou m6me Tun absolu; mais quoique Porphyre (1) , et plus que lui Jamblique (2), mettent en lumiere cette relation de Ycxvzolthov avec les hypo- stases sup^rieures dont il n'est que la reproduction d^ji moins parfaite , d'autant moins parfaite qu'ellc est plus distincte, FaCTol^wov n'en est pas moins la premiere forme du Koaiioc, voy,t6c; c'est dans WiroZtbou que pour la premiere fois la diversite des idees de- vient intelligible a la pens6e humaine ; de sorte que la ^yjyjr}, qui le trouve en elle-m6me, poss6de i la fois , par sa nature d'hypostase unique et de cause unique , et aussi par I'influence dominante du voO; , runit6 n^cessaire pour ne produire qu'un seul monde et un monde bien organise , et par TauroMov qui fait partie de sa nature, puisqu'elle le contemple en elle- m6me , riTspor/;;, ou le principe de diversite qui ran- gera les diverses parties du monde dans des cate- gories difiPSrentes, sous differentes formes specifiques. Tels sont les principes de Plotin; mais Proclus a change cette doctrine en trois points importants. D'abord il n'a pas distingue, comme Plotin, la cause efflciente et la cause exemplaire. En un sens, il les distingue ; car quel est le point de vue que Proclus omette? mais cette distinction est loin d'avoir. dans (1) f^oyez ci-dessus, 1. 3, c. A, t. H, p. 116. (2) L. 3, c.^ 5, t. II, p. 198. II. 31 sa tb^ologie, la gravite que Plotia et Pla).on lui ^tbr^r buaient, Aux yeux de Proclus , elle u'est gmere qij'une analyse , op^r^e par notre esprit pour simplifier son etude, pouF se mieux rendre compte dq la nature de la cause. Une seconde dilKreace eutre Plotiiti et Ini , c'est qa'il adopte la rectification oper(^^ piar Por- pbyre (1) daas le syst^me de son maitre, deveJoppto par JamNique (2) , Theodore (3) et tpi}s lee ilexan^ drins qui ont suivi , rectification qui consiste k voir dansravTo2;<>^av non rorigine pi6n)e des idees, car el}e$ sent d6}k coDtenues dans T Unite, mais leur pre- miere apparitiop aux yeux de ia raisoa. Proclus revient sur cette tlieorie , il la perfectionne , la regu- larise; elle convient en effet a I'esprit general de sa philosophie, puisqu'elle n'est autre chose que Tap- plication aux idees , de la doctrine dont il s'est c^eji^ servi pour la cause. Enfin ce principe mgiae de toqte sa philosophic , cette rehabilitation de la form qui lui permet de montrer plus ouvertement dans WmU la source de tout ce qui e$t, et de ne ps^ rotfgir comme Plotin d'attribuer k T^bsolu Ja qualite de principe , acheve de I'obliger k chercher pour la to- riete des espfeces une origine nouvelle. II r^suJte de ces trois differences nne th^orie dont voici les deux caracteres : 1^* l^e mod^l^ n'e^ste ni au-dessus ni an-dessous du ^yj^t^upyi;; le ^r^oupyoc ie saisit en lui-m^me , ou plutdt le module n'est qne )e (1) Foyez ci-dessus, 1. 3, c. 4, t. II, p. 112 sq. (2) L. 3,c. 5, t. II, p. 202 sq. (R\ 1.. a. r. fi- t TT. n- 9S7. [2} lt» Oy c. Oy I. 11^ p. AVZ I (3) L. 3, c. 6, t II, p. 257. D£ LA PRODUCTION pp MONDP. ^83 Stifimpyoq considepe aij pojnt de vije de la c^use exiem- plijirp; 2° pofpnaie )je ^/.//ipvpyoc cpotient en l»i-p(i6»iie des monades et des dieux dppt les vertos et I'^jjergje diffirent s^ns ialterer ^.^ simpliciji, le moidele cqn- tient la totalite des idees , ou le monde ipfelligifcle , et n'en est pas moins un et aimple. De Ik tout k la fois la variete du monde a cau3e djes cJiflKrepteg ideas, et son Ignite k ca^$e de T unite dfi ijaodele. S,ar }fi prej»ier point , il pe pent y avoir de diffi- culty; il mt yra| que dans Fanalyse du voO;, et lor$- que Proclus le decopipose en une triade intellec- tuelle, voepa, le TrapaSsiy^a occupe le pieiiiier rang, et le vov<;, jdentique avec le ari^^ovpyoi;, §eulenaent le der- nier. Mais $i le vwc, est au derpier rang de cette triade, 11 ne faut pas oublier q.^'il est en m&jne temp» la trigde tout enti^re; et par con^^quisnt cette friade est la triade d^njiiourgique, elle isst le Sn^impyou Ainsi, quoixj(u'une analyse plus profop^e place, au dedans de I'ouvrier, le modele au-dessus de I'executiop, il p'en est pas moins yrai de dire que Touvrier trouve le mo- dele en lui-n[u6me , et Prpclus le declare de la fgjpon la plus explicite, dans le comment^re sur le Timee. Porphyre qui confomJ le Syj/xwupyo; avec T^me, veut, dit-il, que le modele sojit avant le Srj/uiwvpyo;; et Lon- gin, (pii fait venir le Syjpovpyo*; immediatepient apres le voi^, adopte Topiniop CQUtraire. figale erreur de part et d'autre. Le modele ne pent en aucun sens 6tre apr^s le S/j^ioupyoc, car il est impossible que Touvrier cherche son modele au-cjessoys de lui ; et I'on ne pent dire non plus qu'il soit avant, si riotelligence en soi 484 DE LA PRODUCTION DU MONDE, est necessairement identique au premier intelligible. L'ouvrier trouve done en lui-m6me son module (1). Ec; yap eauTo (SXeirwy iroieT. Tld^ yap voO; eauio opa , xat o oLvroq ecJTi TTpOG TO Iv a^Tw vor^Tov. K«i au ly t&> TrapaSetyfzaTtxw to dyj/jitoupyixov (2). Le module, dit-il encore, est avant Touvrier, vox- T(S;, mais il est dans Touvrier, voepw; (3), c'est-i-dire, runit6, anterieure au voO; , est , il est vrai , le module, comme Porpbyre Ta pretendu; elle est le modele, la cause , la fin , 3i' o , Trpo; 8 , u^' o5 ; mais elle est tout cela evweito;, yoy}Tco;, d'une fa?on enveloppee et par- faite, et par consequent obscure, indistincte , incom- prehensible , tandis que le module veritable , celui qu'on pent saisir et determiner, est rel6gue au second rang comme le Sr/^wupyoc. Dans cette unique hypostase, que Proclus appelle le voO; et le Jyjfjiioupyo; , et qu'il met k la fois au dernier rang des intelligibles et au pre- mier rang des voepa , Tintelligence est la monade la plus humble. Le second point est 6galement incontestable. Pro- clus admet comme Plotin que I'ensemble des idees forme une unite intelligible qui est le y.o(jfxo<; voY,rQi (4), et que Fesprit est le lieu des idees , tov twv dStdv to- TTov (5). De plus, il croit comme Jamblique, que toutes ces idees , sous cette forme simple , coexistent dans le vovc et ne font qu'un avec lui (6) ; et, en eflFet, (1) Comm, Tim. , p. 98. (2) Jb. , p. 102. (3) 76., p. 98. (&) Cf. ci-dessus, 1. 2, c. 5, 1. 1, p. 378 sq. (5) /6., etcf. 1. 2, c. 2. DE LA PaODUCTION DU MONDE. 485 lorsqu'on a deja place les ivdS^q dans runit6 absolue, peut-on craindre d'alterer la simplicite du voOi; , par rintroduction des id6es premieres ou monades? Nous avons vu Julien, pour expliquer la vari6t6 du monde , recourir k rexistence des demons et des demi-dieux ; explication legitime aux yeux de Pro- clus, mais insuffisante. Selon lui, les forces person- nifl^es de la nature difKrent en effet ; mais ce n'est li qu'une premiere vari6t6 qui explique la seconde , et a besoin elle-m6me d'etre expliqu^e. On a beau faire descendre tons les 6tres et tous les principes d'un principe unique, cela ne sufflt pas k fonder Funite absolue de la cause , si les 6tres inf6rieurs ne tiennent pas de la cause premiere toutes leurs mo- difications et toutes leurs efflcaces. Ainsi, dans la philosophic d' Aristote, ou T unite du premier principe est exaltee en termes si magnifiques , Timpuissance et la sterilite de I'hypothese se trahit k chaque pas , car non-seulement le monde existe sans cause , mais rinfluence du moteur mobile qui s'exerce en sens inverse de celle du moteur immobile, ne pent 6tre ni expliqu^e , ni palliee ; et ce n'est pas seulement une existence suppos6e sans preuves, c'est une contra- diction. C'est, aprfesla plurality des existences n6ces- saires, la pluralite des causes. Plotin lui-m6me 6chappe-t-il toujours k un pareil reproche? II y echappe lorsqu'il avoue que tout est contenu dans le premier d'une mani^re ineffable ; mais il le m^rite, et •Ttpdewi St xa\ el? t6v fiTjji.toup'Y^v i\ eldix9^ Td$i;, xa\ ioxX jj.(a twv iv ouTtj) {iq. viacov 6 Tu>v iSewv 6)^o<; dpiOfJK^i;, Qmm, Tim*^ p. 98. il en est totnme accabl^ lorsC[ue dans resj[)dir dfe mi^ux faire eclater Fimmutabilit^ divine, il donne k la trdi- si6mfe hypostase un attribtit que rieil ne rdppellfe et ne prepare dans la seconde et datlfe la ptemifere. LA phi- losophie de Proclus est tout autretfleilt cous^quehtfe. 81 Proclus ddfiuait k Fabsolu la ibrtH^ 06tef ttlln^^ des causes vivantes et humaiues , II abaisserdit la tiature de Dieu jusqu'ii la cotifondre avee le toonde cr66; il uterait k la faison son principe Incompxeheflsible , et par Ik detruirait la raison elle-m6me, et rtl6rite- rait k peine de compter parmi les reltidttalistes. S'il supprimait en Dieu les distinctions hypostatiqiies, il renoncerait 6 la philbsophie aleiatidrine, eh dban^ donnant le principe prbpre ft I'ecole, te mystfere d'une multiplicity qui tie d6truit pas I'unit^, et par lequel sent r6concili^es Fexp^riencfe et la dialeetit(ue ; mais il cdttserve ft la fois la trinite hypostatiqiie et rincompr^hensibilit6 de la premiere hypostase : Sett- lement il met d6jft dans cette prfettliSf e hypostase , par la th6orie des lyceSes, tout ce qui doit se fetfouver dans les hypostases suivantes. Telle est la revolution profdnde qu'il a operiSe dans la metaphysique alexan* drine, ou, poui* mieux dire, telle est la r6vdltltidn qu'il a acheV6e^ car depuis Pdrphyre et Jdmblique elle se prepare feourdettlent; hiaiS si dh prend dans lent dppbsition les deUx extr^mit^s de la chftitie ^ Pld- tin et Prdcltis, la transfbrmation dp^r6e datis leS doc- trines de recole par rattributidil 4 la pretniere hy- postase de ce caract^re de cause incomprehensible , rliais fcottipl6te, deVleht niatiifestfe. Ett feiifet, hi6me ft DE LA PRODUCTION DU MONDE. A87 part leprincipe inadmissible d'uhe trinity qui coexiste dans un 6tre simple^ la secdnde et la troisiesme hypo^ stase, ajout^es i la premiere, soilt une contradiction dans Plotin ; dilns ProclU9 elles nb sont pas contra- dictoires , elles sont tout simplement inutiles. II reste k se demander si le Sriinovpyh^ produit tou- jours, et quelle est la nature! de son action. Sur F^ter- nit6 de Taction du drj/jttoupyo; , il ne peut y avoir de doute, puisque le monde lui-m6me existe sans com- mencement ni fin. Le monde, sans doute, n*est pas ^ternel, puisqu'il est etendu,et, par consequent, fini et divisible ; mais s'il n'est pas 6ternel , c'est-i-dire, pour interpreter dans le langage modertie les ex- pressions de r^cole n^oplatonicienne , s'il n'exisie pas pat- lui-m6me, s'il a une catise, il est du moins engendr6 de toute 6ternite, car Dieu est 6ternelle- ment tout-puissant; et comme il li'a ni faiblesse ni caprice , il n'y a jamais eu ni en lui ni hors de lui d'obstacle k la production du monde. S'il y avait eti un temps pendant lequel le futur cr^ateur du monde n'exerfait pas encore sa puissance cr6atrice, Dieu n'aurait pas toujours 6ie en acte, il y aurait quelque cbose de contingent dans la nature de I'Absolu ; le monde lui-m6me aurait pu ne pas 6tre, car celui qui n'est cr^ateur qu'en puissance peut ne le devenir jamais. Nous avons vu k pen pres la mdme demon- stration dans la secondeiSmK^arf^de Plotin (1). Comme il n'y a pas d'effet sans cause , il n*y a pas de cause sans effet, et si Dieu est cause et principe de toute (1; Enn, 2, 1.4, c. 9. 488 DE LA PRODUCTION DC lEONDE. eternity, c'est que, de toute 6ternit6 aussi, Foeuvre de Dieu 6mane de lui (1). Enfin Dieu est 6teriiel ; Tfetre 6ternel ne peut ni changer de nature , ni commencer une action , ni rinterrompre. S'il y a des moments ou il cr6e , d'autres oil il ne cr6e pas , il y a en lui uarepov xai Trporepov, et I'^temite est divisible (2). Le monde est done 6lernel k cause de la nature de Dieu , et il est produit k cause de sa propre nature (3). Si le 3r- pioupyo; produit toujours, le monde est toujours pro- duit : Fa Sk Sr,y.io\jpybc dti TTOteT, dti yiyvzTOLi 6 x6(j|xo;* a(8to; apa (4). II est plus difficile de determiner si, selon Proclus, Dieu produit n6cessairement ou volontairement. Nous retrouverons cette question en esquissant les principaux traits de la morale de Proclus ; mais nous la rencontrons ici sous son point de vue melaphy- sique , et quoi qu'il puisse advenir de la Providence, il faut bien que nous nous demandions d'abord si le Dieu de Proclus produit le monde par une sorte de necessite de sa nature, ou par I'exercice de sa vo- lonte. Cela ne fait pas question dans Plotin. Le fondateur de Tecole d'Alexandrie parle en termes magnifiques de la Providence de Dieu, de sa bont6, de sa liberte ; mais ce Pere des dieux et des hommes , qu'on nous represente quelquefois comme attentif k nos actions, comme inter venant dans les affaires (1) T-Jjv ip)rT^,v ev TOUT^Ix^iv -cd eXvat, iv xij) SifijitoupYetv el Sk touto (xXt^O^;, oOx oTovTe xdcjjjiou \Lii ovto?, cTvat tyiv dpx"»iv. Comm. Tim,, p. 84 sq. (2) Ou Y&p $7( '7ioT£'Rotei, xa\icoT£ oO icoiei, tva {ii^ ^6^ tou alu>vo^. £b. (d) Aei &pa aCixb [lit de>. elvai , dtXV del fCyveiTBai. lb. (4) lb., p. 111. DE LA PRODUCTION DU MONDE. 489 humaines et dans le gouvernement du monde, ne peut rien aimer hors de lui, ni rien connattre sans dechoir. II ne peut ni changer d'avis , ni se r^soudre sans un motif determinant. Cette parfaite liberie qu'il possede , n'est que I'absence de toute contrainte exterieure. II est si eloigne de vouloir le monde , qu'il le produit sans le connaitre et sans savoir qu'il le produit. Comment la fatalit6 ne serait-elle pas au fond du systeme de Plotin? Plotin est panth6iste. Dans ce grand tout , dans ce systeme du monde in- troduisez la liberte, vous fondez la separation des personnes, et le panth6isme est d6truit (1). Plotin d'ailleurs ne pouvait accorder la liberty de Dieu avec ses principes m^taphysiques. La liberte en soi n'est rien de complexe ; elle n'a pas de degr6s ; elle est egale , prise dans son essence , pour quiconque la possede; mais si la liberte est simple en elle- m^me, elle suppose des conditions inexorables. U faut d'abord, pour 6tre libre, 6tre une force, il faut 6tre une intelligence. Quand une cause se determine librement, elle a con?u d'abord Facte qu'elle accom- plit, elle a concu des motifs de Taccomplir, elle a refl^chi sur ces motifs, elle s'est efforc6e de tendre h un but qu'elle a aime, qu'elle a desir6. Aimer et de- sirer, pour Plotin, c'est d6choir, si Ton n'aime pas au-dessus de soi ; pour Dieu , c'est toujours dechoir. Penser m6me, ce noble attribut, deg6nere par quel- que endroit de la perfection absolue , puisqu'il n'est pas compatible avec I'unit^ pure ; et que dire de la (1) Cf. cl-dessus, 1. 2, c. 5, t. I, 373 sqq. force , cette d6gradfltlon , cet abaissement de la per-* fection divine , qui n^est pas plus tdt introduite dans la nature de Dieu ^ que Dieu a commerce iivec le moude, avec la multiplicity et le mouvement? Plotiii n'accorde i Dieu de la puissance que par n6cessite ; r^duit k Fadmettre, il Tatt^nue autant que possible; il suppritoe reflFort, le d6sir, la connaissance , et con- s^quemment la liberty , dont les conditions ne sub^ sistetit plus. C'est done en vertu de tons ses prin- cipes , et par Tapplicatioti directe de ses premisses, que Plotin est entraln6 au fatalisme. Mais pour Produs, toutes ces raisons fle stibi^istent pftsi Comme il place dans le premier ^tre la reality ^miuente du dernier, et dans le premier intelligible, la reality ^minente de toute pend6e m^nie dd la plus eiphem^re^ il donne aussi h la plus haute connais- sance^ dont robjet propre et immedlat est rintelli-^ gible lul^meme ^ la possession ^minente de tout ce qui dst pensable , au dernier degre de Tintelligibi- lit^ aussi bied qu'au premier. Ce prlncipe f6cond , sans leqtiel ne peuvent etre comprises ni la produc- tion d'un 6trei ni la l^gitimit6 d'une consequence, n'^clairfe pas seulement la nature des causes, et sur- tobt de la premiere cause; il contient le secret de son ^ernelle et totale Evolution, qui est le monde* C'est gr&ce k lui^ que Proclils pent tour k tour, sans se contredire, composer avec Plotin la nature de Dieu de tout6s les negations accumul^es ^ parce qu'il n'y a point d'id6e ni de langdge qui embrasse en m6me temps le oui et le non , I'fetre et le non 6tre , rirififli et le fiiii, et tependant ttttrlbucir h Dieii tdtlt ce c(oi fest r^el et positif k tous l€ls degr6s de I'^tre, parce que la cause possede ^rainemment tout cfe qu'elle met dans Ifes efTets (Ju'ellS produit. Ainsi, Voti n'est plus r6duit k Writer ou ft deguiSef I'eteruel aintagbnisme de la creation, cal- cet aritfegonistne n'est plus que la double fot^ttte d'une loi UUi^JUe. II est vrai que Dieu se sufflt a lui-in6me, et 11 est vrai qu'il ne serait pas Dieu i^'il tie pi^odilisait pas le det*- nief graiii de sable ; 11 est rrai qUe Dieu ne peut aimer que sdi, et il est vt-ai qufe cet fetilour infilii de DieU pdur lui-m^me embrassfe la Calise parfaite et eter- iielle dans sd r6alit6 actuelle de cause, fet pai' cotife^^ quetit dans la totalite de ses eflfets. Le Dieu de Prdclus peut done penfeei*, il peut aimei^, et par consequent , il peut votiloir. L'effort, daud la tolont^, esit le r6sul* tat de Fobstacle , et non de la volont6 elle-m^me. La puissance ^ pour 6tt*e attribute ft DieU , n'a pas besbin d'6tf e amoindrie. Le philofedpheirie le plus patftlit est sans ddUte de n'attWbuer poiiit k t)ieU Ce que ridUs entendons sous le nora de puissance ; mals si Ton ne peut tenir dans cette hauteur, si Tdn tombe d'Un degr6 , ce n'est pas la ttioindre puissance qU'll faut lui donner (je parle de Tessenee, ndti de I'^tendUe; de ce qui est en Dieu par sa nature, non de ce qui est en lui par I'absence d'dpposition et de limite), ce n'est pas la moindre puissance , c'est la puissahce la plus complete, la puissance intelligente, vdlontaire et libre. G'est en effet cette action volontaire que Proclus 492 D£ LA PRODUCTION DU MONDE. lui attribue. Ge n'est plus ici ce trop plein qui s'6- coule. C'est un Dieu vivant, qui, comme le Dieu du TimSe, r6flechit h ce qu'il produit, le produit parce qu'il le veut , le rend stable par la stability de son vouloir, et Taime quand il I'a produit. Cependant Proclus se tient-il ferme dans cette doctrine? On pent noter des contradictions entre ses paroles. Tan- tdt son Dieu r^fl^cbit , determine sa pens^e avant de passer k Facte, Texprime sous une forme precise, et la creation , attribu6e directement k I'^nergie active de rintelligence, devient une parole, mais une pa- role feconde et efficace par ellermfime (1) ; tant6t il produit par cela seul qu*il existe, et en quelque sorte par le benefice de sa nature (2), Entre ces deux doctrines, quel est le sens de Proclus? Que choisir entre la liberty et la n^cessite , entre la volonte et la nature? Proclus n'aurait-il pas admis les deux principes en les subordonnant Tun k Fautre, en les expliquant Fun par Fautre? II parle k la v6rit6 tantot de neces- sity et tant6t de volonte , mais c'est toujours le voO^, ou le modele , qui produit par cela seul qu'il existe; c'est toujours le SuitiLioupyo; qui se r6sout k produire. II est conforme k toutes les habitudes de Proclus d'unir ainsi deux formes analogues, quoique diverses, d'une mfeme nature ou d'une m6me fonction; et ce n'est \k en d6flnitive qu'une application plus ^tendue du principe sur lequel le dogme de la trinity est fonde. (1) Comm. 7\'m., p. 120. (3) AuT(j> T^ eTvl«w?. Comm» Tim,, p. 307. 494 D« L4 PRODUCTION J>V MONDE. s.e prononcer entrje eux. «Puisque c'est 1' Esprit qui est le Sriiimpyb;, , dit-il , i^'il produit par le fait seul de soQ existence, U (ikv uyz^ m dvai jiqaw, U produit un effet tr^s-semblable h lui-m6nie , c'lest-i-dire §a pfp- pre im^ge ; et s'il produit parce qu'il le veut, il dpil certa^pement produire une oeuyre digpe de lui , et coujforme au modele qu'il trouve en lui (1) . » De sorte que , mi^me dans ce cas, la volopte libre de Dj^u agis* sant dans le m6me sens que la n^cessiti^ 9 \^ pionde e$t une image de son cr^ateur. II importe de bien remarqu/er cette identite et^blie par Proclus entre les r^sultats des deux hypotheses ea ^pparencB opposees. Le monde sera ^image de Dieiji , spit qu'on attribue i 1^ nature de Dieu ou k sa volont^ la production du monde. Si done Proclus Attribue, comme nous le croyons, la production du monde, h la nature et k la volont6 de Dieu Iput i la fois , ij n'y h ni deux resultats , ni deu^ actipps 4^ff<^r^ntes ; mai$ uo seul et mSme resultat produit pm* vn# action umque. Seulement cette action est dopbl0nipnt d^l^ruiioi^e. Et ne trouvons-nous pas ep j^ous-o^emes des exem- pies de cet exercice de Tactiyite huwaipe , oil Tim- pulsion de la nature, nos desirs, notre volQute s'unis- sept pour nous diriger daps le pieme sens? II y a plus , la volonte et le pouvoir de cbx>jsir ne peuy/ent exister dans up 6tre qp'a la condition qu'il po$^de au^i cette puissance , dopt le c^ract^re lest de s'exer- cer natprellepjent, ^% sjans le concours de la yo- (1) Cmm, Tim', Pf 49 ^ 9«* Dig LA PRODUCTION pij MOND£. /^95 lopte (I). II semWe que 1* volo»t6 pp spit, m\ yeui^ 4e Pfqc}us, qu'une sorte de iQQdifiQation da it^QttjS puiftsapqe ftaturelle, et qjj'ien spprofondiss^m la yo- lont^ , on 4oiyiQ toujpurs trouver i»ii-de$8ou$ oejLte ibrce oecassaire el ipfailUble, qui n'a pat$ )>e$p|p d'^itre determip^e pour produire. Plu9 on w^dite la doctrine de PrpQluei, pins ceis^ conclusions prennent de force. Ap cppinj^pcement dp troisifepie livra du commen- taire sur le Parmenide, la production du mopde est explicitement attribuee k la nature de Diep , et non a S9 volonte. EI dk huv atSio^ 6 ^qofjuo^, 9v yip dr) zoizo vxjvi Trpoxdrat ^Jriiay, floir^) to) efi/at TipteT to tioiouv (2), Prpclps pe se contepte pas de cetjbe afflrmatiop , il d^pjipntra I'impossibilit^ de Thypoth^se cpptraire. ^ttribuer la production du monde k une cause libre at volontaire, dit-il, c'esjt rendre Texistepce du paonde contingente, et d^uijre 1^ necessite et la perjGectiop de ses Jois (3). Dan^ son zale , pour elever Dieu au-dessus du contip- gept et dp caprice , popr denvpptrar I'ipjmptabiUfce fjv ttijTtp TtJ) elvat icoiet. Ka\ ^ap t'i T^H-^^^pa '\'^X^ i^o>^>^^ 5«*'f^ irpoaipeciv feve^YO'^'* lievov, TEdywo? SiaCii •rt^v fexuxQu ^coi^iv, 3ca\ jjii^i icpoxeoniyifi*^ fiomm. Parm,^ t. V, p. 7. (a) Cdnm. Parm.,U V, p. l. — Foyfiz ami Cowin. Tl^fn., p. l»6. — T^iv dpx^v fev T0UT9 Sxeiv "^^ ^^^*^» ^"^ "^V SifijjLioupYetv. El 6fe toOto A^tiB^?, oux oTovce xdaiiou jjl^ «vto«, elvai x^v dpxniv. /6. , p. 119. — AOxtj) Y^p xy eXvai Sti- luoupYcX. ONum. Farm. , t. IV, p. 106. (3) AO-nj St Qyv ^ alxtoi iK)xepov xaxdi icpoaCpeoiv «oiei xal Xoywy^v. ii owxcj) X(j> elvflu sofdYei x6 ndv. Ei [x^v 8^ xatxidi icpoa£peatv, Aotosqc noliriffK £asfti , X9^ dfjupceo^o;, xa\ &)i);oxe (i)^>ico(; ^xouaa, xal 6 xdaiio; ouv 6ox«t T^ dvtxi; le drifjitoupyoc, qui est voepic, produit parce quMl veut produire (1). Li les idies im- mobiles; ici les dieux, vivanls et animus : ce double point de vue se concilie aussi ais^ment dans une mSme hypostase que le yo/ytov et le voepoy, qua la nature d'es- prit et celle de cause productrice. Proclus expose avec (1) K%\ 6p«k <^itb>c AvA t^ Ar>i^dtv|'Mx did ^ ^XvfgtttK ^\ v^y 1t|MJvoi«v xaTe>i7);ev 6 >»(^o^ Comra, Tim. , p. 135. IME LA PRODUCTION DU MONDE. 499 une aisance parfaite , toutes ces distinctions si sub- tiles, si superficielles, dont la puerility disparaft pour iui deniere les avantages qu'il croit trouver dans Cet eciectisme* AOrw tw dvai to trapoe^cty/JtaTtxoy cdxiov ofiota 6«ut5) isoulzd Seutepa. Aiacpcpst dk ojicdc, Snatovpysiv Trapa- 3eiy|tiari)tA$ ^ izocpiSuyiAoc efvat ^/i^caupytx«<; (1). Un pcu plus loin, il exprime encore plus nettement cette difference du TrapaSetyi^ta et du Jyi^xwupyot;, du voTiTo; et du yospoi; , du to auTW tw sTvai TToterv et de la ^ovlnatc. IIpcoTov /xev xata T>5y yovtfxoy tou iT«p«5eeypt«To; ^uvafxtv. At;t^ yap Tw sii/ai dcp e^vrou Tcapayct tt4v €«)tova* ^stJrepov 3e, xara Tw ^yifJttoi>pyut)5y otinccv xyiv «7roTe?.oi)(y«v to rrdcv , ofz-otoTaTov tw yWTCd , taFc; ti: avTov evepyswctc. Tptrov ie xaTa zijv auToO to3 xoofiou Ttpo; rm e«5o7rouay xat t)5v |iit£T0v<5tav twv v075TW CTrt- ^p^ijv 9 eitfQ{iQui yap xai iauToy IxeTvoi; (2). Le but de Proclus^ lorsqu'ii a ainsi reuni les deux aoiutioQB oppos(§es , a et^ certainenient , tout en lais- sant en Dieu la volonte , et les perfections qui ne subsistent pas sans elle, de faire dominer Faction toujours la ntenie* il obeit en cela aux plus ancienoes traditions^ k 1' influence de Platon ; frapp6 avant tout des avantages de 1' action reguliere et uniforme , et encore incertain sur la veritable nature de la liberte, k TeKempIe de Plotin , si eloign^ de placer la liberie dans la cause premifere, qu'il n'y laisse pas m6me subsister rintelligence. II est certain que quand on m laisse exclu«iveinent pr^occuper par le principe de rimmutabiUt^ absolue , la volc^t6 paratt moins (1) Coram. Tim, , p. 102. (5) i*., p, 103, 500 DE LA PRODICTIO-X DU MONDE. couforme que raclion necessaire a la nature de la cause premiere ; et quand m6me on ^tablirait, ce qui serait juste et raisonnable , que la volont^ dans une intelligence parfaite ne se laisse jamais d6tourner de la droite voie , si pourtant elle contient Terreur et la faute en puissance, n'est-elle pas par celamfime in- fSrieure k Taction necessaire? Cette subordination de la liberty a Taction fatale montre clairement, si je ne me trompe , que Proclus n'est pas alle jusqu'au bout de son principe. L'action creatrice a cess6 pour lui d'6tre une degradation de la nature divine , elle en est an contraire Texalta- tion ; elle n'est plus releguee au troisi^me rang des hypostases suprfemes, elle existe evoette; dans T Unite elle-m6me, et si elle ne prend un nom que dans le $TsiJM}jpyo<;, c'est parce que li seulement elle parait de- terminee, determine, c'est-ii-dire amoindrie; enfin T6manation necessaire n'est pas T unique forme lais- see par Proclus k Taction divine ; la Providence est pour lui plus enti6re , plus r6solument accept^e ; elle enveloppe la liberte et la volonte , et suppose en Dieu une bienveillance directe pour sa creature. Ainsi, selon Proclus, le Jx/xiovpyo; n'est pas la premifere cause ; mais il est la premiere des causes que nous puissions apercevoir, comprendre et nommer; et d^ji, dans cette premiere manifestation d'elle-mfime, la cause a le caractere de cause volontaire. Si ce n*est pas assez pour la v6rite , c'est deja une assez large conqu6te, et la preuve de progres incontestables, ac- complis sourdement dans Tecole, recueillis, constates DE LA PRODUCTION DU MONDE. 501 et etendus par Proclus. II semble tout d'abord , si Ton s*en tient k cette premiere donnee, que la vo- lenti est inh^rente k la cause , lorsque la cause est parfaite, et que la cause premiere, la cause inef- fable , ant^rieure au Sr^/xtoupyo; , poss^de elle-m6me la volont6 , quoique d'une facon trop parfaite pour nous 6tre comprehensible. Mais on doit confesser que Tanalyse int6rieure du Jyj/atoupyo; , que nous venons de faire k la suite de Proclus , est peu favorable k cette interpretation , et que la cause y apparatt avant la volont6; faut-il en conclure que la pens6e de Pro- clus, plus eclair^e que celle de Plotin sur ce point capital, apourtant chancele dans I'application? Faut- il penser que la volokte , quoique inh^rente k une cause parfaite , tarde plus k se manifester? Ce second parti, conforme du reste a I'esprit de la doctrine de Proclus , a de plus Tavantage de sauver toute con- tradiction , et d' assurer k sa doctrine , en tout ce qui touche k la cause , une superiority r6elle sur celle de tous ses devanciers. Le monde, en effet, pour les Alexandrins et dans la v6rit6, est tout rempli d' analogies, ou plutdt il n'y a dans le monde que des analogies. Gomme il a 6t6 coul6 d'un seul jet par un ouvrier tout puissant , il se ressent j usque dans ses derniers phenom^nes de Tunite de cette Parole cr^atrice k laquelle il doit r6tre et la vie. Quelle est la gloire de I'^cole platoni- cienne? n'est-ce pas d'avoir appuy6 les ph^nomenes passagers sur des lois 6ternelles, et toutes les lois sur une loi unique , qui les contient et qui les fonde. 503 D£ LA PAODUGTiON DU MOI!i(D£. et qui n'est elle-mtoie que Texpressicm la plus g6- n^rale et la plus abstraite de cette Yolont^ ^nergiqu^ et simple dont le monde est le produit? Or, cette unit^ , veritable image de Dieu , d^posee par lui dans le monde , existe-t-elle seulement dans le& lois qui gouvernent les phenomenes et en demeurent sepa-^ rees? Les lois elles-m6mes, quoique ^ernelles, ne sont-elles pas engagees dans la matiere? Chaque sub* stance ne contient-elle que le fond inerte de sa rea- lite , et par-dessus , les ph6nom6nes ephemdres que chaque instant lui apporte ? Ce serait mal comprendre la philosophic de Platon que de n'y voir que le syd*- teme des idees, et de ne pas tenir compte de la (xiSe^ig. Ge rapport de la loi i r*tre contingent est ol>- scur, il est vrai; le sens de cette participation reste indetermine, mais deux systemes de Tantiquite lui serventde commentaires. L'un c'est Aristote, aveC sa theorie de la substance individuelle, qui contient virtuellement tons les d^veloppements possibles de chaque espece. L'autre, c'est Proclus ^ qui donne de Tefflcace aux id^es , et appelle Tidee la plus roisine du multiple d'un nom profondement significatif , to SpaarripiQv (1). Telles sont les doctrines d'ou la monade de Leibnitz est sortie. On pent dire , et cela sera vrai, qu'Aristote n'est pas assez realists, que Platon /mal- gr6 la ^d^tiiz , ne creuse pas assez la nature des Sub- stances individuelles, que Proclus, qui ne jette qu'un oo'ptav , Trsit^TJpwvTai 8^ al ouasi? twv Spaurrjptwv el3wv , imr^^YipcovTat 8a ol tcov a/oy«iTwv d^KOi TTi? alaOTfiTT,? eiSonoitoi?. Cdnm* Patftiks ** ^V, p. 15. DB LA PaODUCnON DU MONDE. 508 trait en passant, n'en connait pas toute la port^e. Voili pourtant un Element de vie depos6 dans Ifi monde physique; etlorsque ensuite on s'obstina pen« dant taut de siecles a annihiler de fait la substance , tout en la conservant sous son nom ^ k r^nerver, k en faire une sorte de caput moriuum^ dont on ne pou* vait rien dire, sinon qu'll existait, n'^tait^on pas in^ fiddle k Tesprit de cette philosophie antique dont on avait fait une superstition , k force de la r6verer sans la comprendre? Quel serait, avec cette substance in* diff(6rente, avec cette matiere inerte, le lien de la ma-* tiere et des phenom6nes ? Que deviendrait Tindivl-. dualite continue d'un mSme ^tre? La definition d'une essence ne poi'te pas sur son ^tat actuel ; elle em-» brasse Son histoire. Pourquoi ? Parce que toutes leli modifications possibles d'une espdce sont contenues dans chaque monade individuelle. Yiennent les oc« casions , et la monade les fera sortir de fi6n sein , comme un ressort qui s'etend et se developpe , dds que la pression qui le retenait ne se fait plus sentii*. Jet62 deux grains dans le m^me sol, laissez^leur les mdmes conditions de culture et de nourriture ; Cha^* cun se d^veloppera selon la loi de son espece , parce que dejA I'eSpece 6tait tout entiere dans le germe; I'espece, c'est-4-dire la puissance concrete qui doit, par les developpements de cette vie individuelle ou elle est engag^e, exprimer une loi generate. Telle est la plus profonde nature des etres ; c'est la pos- session anticip6e , enveloppee , potentielle de tons les phenomenes possibles, compris dans la defimtion 50& DB LA PHODUCTION DU MONDE. d*une m6me esp^ce; et c*est en m6me temps une force ^nergique, qui se d^veloppera selon sa loi, si les circonstances la favorisent. Lorsque dans une mo- nade Fintelligence s'eveille, et que la volont6 vient k sa suite , c*est dans la volont^ que cette monade se saisit et se trouve elle-m6nie , parce qu'elle s'y aper- coit clairement comme une force qui se d6veloppe , et loin de s'^puiser grandit par son action m^me. Ce- pendant la volont^, qu'est-ce? La volont6 est dans sa forme, sinon dans son essence, une lutte contre une puissance ext6rieure , contre nos passions peul- 6tre. Plus la resistance est forte, plus notre vo- lont6 nous est manifesto Est-ce done qu'elle en est plus parfaite , pour avoir rencontre plus d'obstacles? Au contraire, quand par suite devictoires r6p6t6es, la liberte a d6cid6ment 6tabli son empire , quand les passions sont vaincues et se taisent , quand les ordres de la raison s'accomplissent imm^diatement sans re- sistance interieure de la part des passions, sans re- sistance au dehors de la part des agents physiques , c'est alors que la volonte est puissante et complete, et c*est alors aussi qu'elle nous est moins pr^sente , et qu'il nous est plus diflBcile de la retrouver en nous- mSmes et de la decrire. Lorsqu'ii force d'avoir triom- phe dans la lutte , elle a acquis assez de vigueur, et assez reduit son ennemi pour s'exercer d^sormais sans effort, la conscience n'est plus avertie ; la volonte change de nom, elle s'appelle Thabitude, et I'habi- tude, selon la definition profonde d'Aristote, c'est une nature acquise ; c'est la volonte , transformee en DB LA PRODUCTION DO MONDE, 505 force naturelle. M6me caract^re au debut de Facti- vite. L'action spontanee , ou pour la prendre dans son 6clat, rheroisme n'est pas la nature , c'est la liberte; mais la liberty sans lutte, et par consequent indis- tincte. C'est done dans son abaissernent , plut6t que dans sa force, que nous saisissons et percevons la volonte. S'il y a au-dessous d'elle la cause qui ne lutte pas par defaut d'intelligence et de liberte , il y a au- dessus la cause qui ne lutte pas non plus par pleni- tude de perfection et de puissance. Ainsi , Proclus pourrait avoir plac6 la volonte au second rang , sans la prendre pour un affaiblissement de la puissance divine. De m6me que la force est deja dans la pre- miere hypostase, quoique nos yeux ne puissent I'y apercevoir, la volenti est deji dans la premiere force, quoique son Anergic triomphante , en supprimant la possibility ni6me de la lutte, nous la rende incom- prehensible (!). Tout est vrai , k le bien prendre , dans le plato- nisme ; runit6 absolue , la th6orie des idees , la par- ticipation des id^es par chaque substance , et jusqu'i cette seve 6ternellement ^panch^e qui fait circuler, jusqu'aux dernieres limites de Tfitre, le mouvement et la vie, (1) Foyez la Conclusion. 506 DE LA NATURB BT DBS FACULTBS DB l'AMB. CHAPITRE V. DE LA NATURE ET DBS PAGULXfiS DE L'AME. Les caracteres generaux qui distinguent la doctrine metaphysique de Proclus se retrouvent dans sa psychologie. Definition de I'homme. Distinction de l^ame et da corps. Demonstration de la spiritnalite de l*aine. Principes de Tdine , Elements dont elle se compose : Tessence, le m^me et le divers. Rapports de ces trois elements entre em et avec la matiere. L'ame, quoique incorporelle , est necessairement uuie soit a un char arant et apres cette Tie , soit , pendant cette vie, a un corps. L^ame raisounable et Tame yege- lalive. Facultes vitales oumotrices, et facuUes intellectuelles. Les facultes motrices sont absolument indepdndantes de notrevolonl^. Sensation, memoire , fantaisie , jugemfent , raisonnement , raison , volonte, liberte. Insufllsance de la raison. Speculation pure, enthousiasme Nature de I'esprit. Son rapport avec Tesprit uni- Ver$el et avec notre ^e. MysticiBme. Le meilleur commentaire d'une doctrine c'est son histoire : un systeme sans post^rite n'avait pas de raisons de vivre. Si Plotin n'a pas vu les derni6res consequences de ses principes , la posterite les con- nait, car, apres lui, ils ont ete epuises par les genera- tions de penseurs qui se sont succ6d6 dans son ecole. Nous avons suivi la philosophic qu'il avait fondle dans ses diverses transformations sous Porphyre et sous Jamblique , et nous la trouvons portee par Pro- clus au dernier point de perfection qu'elle pouvait D£ LA NATURB BT DES FAGULTISS DB l'AME. 607 atteindre* Deux routes nous sont ouvertes pout* as- seoir nos jugements sur cette philosophie; nous pou* vons en examiner les phases diverses amesure qu'elles se presentent , et c'est ce que nous avons fait Jus- qu'ici, ou, n6gligeant les intermediaires , comparer directement Fun a Taujtrele syst^me qui ouvrel'ecole et celui qui la couronne ^ et c'est ce que nous faisons en ce moment. A prendre ces deux doctrines par un c6te tout exterieur, ce qui frappe sur-^le-champ quand on les rapproche, c*est la simplicite rela- tive de celle de Plotin. Quoiqu'il soit h bon droit le chef d'une 6cole eclectique, et que dans son desir de tout concilier, il abuse quelquefois des distinc- tions subtiles de la dialectique < cette subtilit6 n'ap* proche pas de la variete presque infinie des divisions, des complications que Proclus introduit dans son syst^me. Le but de Proclus est sans doute de coor- donner et de concilier tons les points de vue ; mais avant tout^ il aspire k les epuiser. Prenons pour exemples les deux parties de sa philosophie qui ont fait I'objet des deux chapitres precedents, la theologie et la cosmogonie , la trinite et le $Yifimoy6z. Le Dieu de Plotin est un seul Dieu en trois hypo- stases , et c'est deji une hypothese fort compliqu6e : le Dieu de Proclus est aussi un seul Dieu en trois hy- postases , mais chacune de ces hypostases est une triade* et la plupart des termes dont ces triades sont composees se subdivisent a leur tour en des trinites nouvelles* Quand Plotin a declare que le monde a pour cause et pour roi le cJrf/wupyo;, que le $rnimpyo: 508 BE LA NATDBB BT BBS FAGULT^S DE L^AME. est I'dme universelle, c*est-i-dire la troisi^me hypo- stase de la trinity, qu'il agit ^ternellement et parfai- tement, d'apr6s un module accompli, il croit avoir suffi aux n6cessil6s de la cosmogonie ; mais Proclus ne se contente pas de distinguer, dans le dyjmoupyo;, le fini, riniini et le t6 I^ a/j^poty^ ou bien la sub- stance , la puissance et Facte ; ou encore Tfitre , la pens^e et la vie; ou le modele, la volenti et la Pro- vidence; ou la reflexion, la resolution et Feflacace; il introduit dans le module , les id6es , dans le 5yi/xtoup- 70; les dieux ; ces dieux et ces id^es , il les 6num6re , les classe , les divise par series; et toutes ces trinites qui s'engendrent les unes les autres, ces unites con- tenues dans le sein d'une hypostase unique , ces as- pects si divers que semble prendre le dnfxioupyo? sui- vant la fa9on dont on le considere , n'emp6chent pas Proclus de c616brer Funit^ de la cause , et de s'indi- gner contre Num6nius et ses disciples, qui , en mul- tipliant les infjuoupyoi , compromettent Funit6 et Fhar- monie du monde, et par li mettent en peril la phi- losophie tout enti6re. A quelle cause faut-il rapporter tant de complica- tions nouvelles introduites dans le platonisme? A Fesprit plus 6tendu de Proclus , a son Erudition su- p6rieure , aux efforts successifs tenths par tous les Alexandrins pour perfectionner Fhypoth6se com- mune. Toutes ces causes peuvent y avoir contribu6 ; mais ce qui , par-dessus tout, devait amener ces r6- sultats , ce sont les deux principes qui dominent toute la speculation de Pi'oclus , et que nous avons eu pour DE LA NATURE ET DBS FACULT^^S DE l'AME. 509 but jusqu'ici de rnettre en pleine lumiere. Ces prin- cipes sont l"" la reyendication pour Tunite absolue de la possession eminente de tons les attributs de Tetre , et a*" la rehabilitation de la force. Nous avons montr6 que le premier de ces deux principes, tout oppos6 qu'il parait k la philosophic de Plotin , n'en est pourtant que la consequence legi- time. Pourquoi Plotin retranche-t-il a I'absolu Tfitre et rintelligence? Par un sentiment profond de sa grandeur, et pour montrer qu^entre lui et nous il n'y a pas de mesure commune. Proclus en convient , et tout aussi bien que Plotin il declare que Fabsolu est incomprehensible, ineflfable, eieve au-dessus de Tfitre et de rintelligence , dans une region oil ne pent pe- netrer la pens^e , oil ne montent que nos respects et notre amour. Mais comme il salt en m&me temps que ce Dieu est le principe de tout ce qui existe , il af- firme qu'il poss^de , sinon les attributs mfemes de la creation, du moins la realite eminente de ces attri- buts, c'est-i-dire ces m6mes attributs sous une forme plus parfaite, et rendus par cette perfection meme, incomprehensibles et ineffables pour nous qui sommes imparfaits. Proclus sait qu'en developpant cette opi- nion sur la nature de Tabsolu , il reste dans la pure doctrine platonicienne , et ne fait que s'avancer plus loin que Plotin dans la m6me voie ; il voit mieux que Plotin lui-m6me le but que Plotin voulait atteindre , et il declare avec raison que, si Platon, dons le Timie^ a tant insiste sur I'impossibilite oil nous sommes de connaitre Tauleur et le p^re du monde, ce n'est pas 5i0 OB LA NATURE ET DES FAGIjLTMs DE L'AME. qu'il ^it pris le change sur la veritable nature de Talv solu au point de creuser entre lui.et nous nn abime infranchissable, c'est qu'il avaitdevant les yeux les syst6mes des physiciens qui rabaissent Dieu pres- qu'au niveau de la creature , et qu'il voulait surtout, par un vigoureux effort , d^tourner la philosophie de cette voie oil elle se perdait (1). Quant au second principe, qui fonde dans F^cole d'Alexandrie Toriginalit^ particuli^re de Proclus , et qui consiste k r^habiliter la cause , on ne pent nier son 6troite relation avec le premier. En eflFet, si mal- gre la difference radicale qui s^pare I'absolu du mul- tiple , nous sommes forces d'admettre dans le sein de Tabsolu , I'existence de quelque r6alit<§ inconnue et incomprehensible , qui a quelque rapport obscur, et , quant a nous ind^termine , avec les realites que nous connaissons, n'est-ce pas parce que Tabsolu lui-m^me est k nos yeux la cause du monde? II est vrai que Tappeler cause c'est dej6 le determiner de quelque facon, car quelque disproportion que Ton eta* blisse entre la cause et son effet, il semble que Teffet ne puisse pas ne pas determiner la cause, et c'est une des raisons pour lesquelles Plotin ne voulait pas que I'absolu fut cause ; mais en meme temps , comme 11 est entierement impossible de comprendre I'existence du monde , sans I'appuyer sur ses rapports avec I'ab- solu , il faut bien de toute necessite confessor Texis- tence de ces rapports; et Plotin lui-m6me, aprds tant de negations, apris I'hypoth&se de la trinite in* (1) Comm, Tim.^p, 105. DB LA NATUBE BT DES FACULTES PE L'AME. 511 venlee tout expres pour ne pas abaisser Tunite jus- qu'i la production du multiple, avait 6t6 coDtraint de transporter dans le sein m^me de la trinity la doo trine des emanations , et de faire de I'absolu la pre- miere et la plus parfaite de toutes les causeSf Proclus, apris avoir afflrme que tout est en Dieu, puisqu'il est le principe de tout» mais que tout y est d'une fftfon parfaite, c*est-i-dire sans melange de non 6tre, ou de mal, par consequent sans multiplicite, sans division ni r^elle ni possible, et, par consequent encore, dans un 6tat d'enveloppement si reel et si complet, dans une telle unit6 (Ivoette;), que notre esprit, divisible (j^epiKwtepo; voO;) et incapable par lui- m^me, tant qu'il reste limite , de concevoir le par- fait , conclut n6cessairement Fexistence en Dieu de cette r^alite 6minente de tons les attributs de T^tre , sans pouvoir ni la saisir, nl comprendre en quoi elle consiste; Proclus, apres avoir ainsi transforme la doctrine de Plotin , ou plutot apres I'avoir ainsi reo* tifi^e, n'eprouve plus d'embarras a attribucr la fono* lion de cause a Tabsolu. L'absolu est cause, et le Srr /jLioupyo; est cause ; Tabsolu est une cause plus par- faite , et le Syjfxtoupyo: une cause moins parfaite , plus voisine de nous,, plus accessible. C'est ainsi que la contradiction ou Plotin se trouve entralne disparait , sans emporter avec elle cette hypothese de la trinite qui Tavait fait naftre* Si ces deux principes ne sont au fond que la doc* trine de Plotin , mieux interpr6t4e par Proclus que par Plotin lui-mSme , on ne peut se dissimuler cepea- 512 DK LA .N/VTIRK KT 1)K8 FACULTIES DE L'AME. dant les difKrences profondes qui resultent de cette nouvelle interpretation, et nous verrons plus tard que la philosophie de Proclus en devient moins mys- tique , et sa morale plus siire. Mais une consequence , qui aurait et6 hautement accept^e par Plotin , c'est que la chatne qui unit entre elles toutes les hypo- stases est plus etroitement unie , et que si d*un c6te les distinctions se multiplient, de Fautre les separa- tions formelles disparaissent corapl6tement. En eflfet, chaque hypostase inf6rieure n'est que la manifesta- tion de renergie de Thypostase qui la precede ; il n'y a point, pour ainsi parler, de definition nouvelle; toutes les formes de I'etre sont contenues dans le pre- mier, et le systfeme des emanations devient pour la premiere fois un systeme complet , auquel se relie etroitement la doctrine de la weGeac et la theorie des idees. La m6me hierarchie que la dialectique etablit entre les idees , la cosmogonie nous la montre dans les fitres. Tout est dans tout (1). Si chaque etre se de- finit surtout par son genre , c*est qu'en eflfet , c'est de la qu'il est sorti ; c'est qu'il ne diflPfere de la cause que par un degre de plus d'individualisation dans la matiere. Detournons maintenant les yeux de la metaphy- sique generale et de la cosmogonie , et tournons-les vers nous-m6mes. Dans ce petit monde que nous sommes , la philosophie de Proclus va nous montrer les memes lois generates , les m^mes analogies , le m^me rapport entre la cause plus obscure et plus (1) De la Provid. , c. 7 ; Comm, Tim. , p# 52. DE LA NATURE EX DES FACULTES DE L*AME. 513 complete, et les effets semblables i la cause, inf^- rieurs k elle, et en raison de leur inferiority m6me, plus accessibles^ Tanalyse. La psychologie joue un grand rdlie dans le systeme de Proclus. II ne pouvait en 6tre autrement. De tons les platoniciens , Proclus est le plus fidele; comment aurait-il oublie le yywQi aeauTov, qui est presque k lui seul toute la revolution socratique? Le z^le de con- struire son encyclop^die pourraentralner Plotin ; Por- phyre avec ses tendances p6ripat6ticiennes se laissera absorber par la logique , le divin Jamblique oubliera d'etudier F&me pour d^crire toutes les formes des evo- cations, des apparitions : Proclus, siir desesr^sultats, et connaissant d'avance le dernier mot de la philoso- pbie, n'a pas de ces distractions ni de ces empresse- ments. D'ailleurs, nousTavonsdit, il resume toutle mysticisme alexandrin; et le mysticisme, avec ses vues ambitieuses, avec son d^dain pour les rfegles, n'echappe au joug de la raison que pour se confiner k son insu dans les etroites limites de I'imagination et de la sensibilite individuelles. II en r^sulte qu'il fait pen de d^couvertes sur Dieu dont il parle tou- jours, et qu'il en fait beaucoup sur I'homme auquel il ne daigne pas songer (1). La psychologie de Pro- clus est done precieuse i plus d*un titre. Les doc- trines de Plotin se retrouvent Ik sans trop de modi- fications, mais avec une nettete, une 6tendue, une precision sup^rieures. Proclus comprend parfaitement et d6montre avec (1) F^oyez d-dessus, 1. 2, c. 10, 1. 1, p. 557 sqq. II. 33 51ft DB LA NATUBE ET DES FACULTlSa DB L'AME. force cette n^cessitd de la psycbologie, II ne la consi- d^re pas seulement comme une partie importante de la science ; elle en est, suivant lui, le fondement veri- table* C'est, dit-il, par une etude attentive de nous- m6mes , de notre essence , de nos facult^s , que nous pouvons esp^rer de connaitre tiotre destinee , et de trouver le& moyens de la remplir (1)« Si nous voulons atteindre le degr6 de perfection que notre nature com- porte, ne faut-il pas connaitre avant tout cet id^al (2) ? Et pour le connaitre ^ est-ce notre situation actuelle que nous devons interroger? N'est-ce pas plutdt sur Tessence de notre &ine que nous devons mediter, pour savoir si elle est immortelle, indivisible? car les dons ont ete mesures k chaque 6tre selon aa na^ ture , et nous ne saurons ce que nous devons atten-* dre y et ce que nous pouvons accomplir, que quand nous connaitrons au vrai la place qu'occupe notre essence dans la hierarchic des 6tres (3). Nous etu- dions notre corps par Tanatomie et la medecine; notre ame est-elle moins precieuse , et moins digne (1) T(ov lI>aT(i)vuciby SiaXo'Ycav xa\ 'xdfrm^ cbc ftixeXv, rt^^ ^O/xidi^wj Oe6)p£a< «PX^v xupUi>TdTY|v xal PeSaiordxTiv elvat vojJit!^o|jLev T?iv Tr;? lauT(ov oOo-Ca; ota- VVftwtv wwni? Tf^ dp<^c uiWttOeteii<» xa\ t6 dyaOiv xb iepo£idTiriTO^ ytvcAk7)v 9691V jiewveYXT^ov , »6«, p. 9« (9) Comm, Mcib.^ t. 11, p. 100. (4) Xp(i>}jLivY) (uv ouv (T(6[jLatt olx dpvdvo). Enn* 1, 1. 1 ^ c. S«<^Cf« Produs, C^mm^ Ale.^ t. n, p. S37. 516 1)K LA NATURE ET DES FACULT^S DE l'AME. plus loin que Platon , s'il est possible , I'ardeur de son spiritualisme, etablit partout avec force que c'est TAme qui est notre substance, que le corps en est comme le vfitement et le tombeau , qu'elle existe avant lui , qu'elle lui survit , et que loin d' avoir besoin de son commerce pour atteindre la perfection dont elle est capable, elle le traine avec elle comme un obstacle et un ennemi , jusqu'i ce qu'elle Fait us6, fatigu6, dompte, reduit au n6ant(l), et que par la mort et la destruction du corps, elle ait en quel- que sorte reconquis et renouvel6 sa propre vie. Plotin (2) et Proclus avec lui, tout en m^prisant le corps, reconnaissent qu'il est n^cessaire, parce que I'dme ne pent exister que dans un corps. Ce corps, n^cessaire h I'Ame, c'est dans cette vie, cette figure humaine ; avant et apres la vie , c'est ce char de forme circulaire (3) , ce souffle vivant qui nous accompagne, corps immortel, immat6riel, indivi- sible, qui semble reunir dans son essence des qua- lit6s contradictoires , qui est un corps par la fonction qu'il remplit et le nom qu'il recoit , et qui serait plu- t6t un esprit, dans le sens moderne de ce mot, par les attributs qu'on lui donne (4). Cette doctrine, (1) A^xaxoc TOivuv ko^ aTcatjiv, 6 t6v divOptoTrov Jv T^i ^^)Ci "^^ OTrcwraaiv S^^ovta Sctxvbc, aiiTc6ev excpafvet xb el6o? tti? ifijxsT^pac ouate?, xa\ •ceXsioriTTiv •jfljxtv Tzapi'/ttoLi Yvtiifftv tfj; au-rovepYT^Tou Cwifi?. Comm, ^/cf6., t. II, p. 45 sq., et p. 337. (2) Enn./j, 1. 3, c. 9. (3) Comm. Tim, , p. 161. (4) IldTTiq jxepixTi? ^X'l^ "f^ oX'^iH-* "'^^ alTia? dxivTitou SeSTijitoupYTfitai. 2T0tx« 6eo^, , prop. 207. ndoTi; jiepix7i(; ^^-/TtC^ t6 6x"nH^3i auXdv tet, xal d6ta(peT0v xox' oOfftov, xal dhra6^?. lb., prop. 208. — Ddv ^uy(7ii ^tW^ ^yW^^?* ^^^ ^^H"* t6 aO-rt de\ xa\ [U-^t^ iyti. , jxeX^ov 81 xa\ S^a-cxov dporat xa\ 6iio:d(JX7ii«)v, &' DE LA NATDRB ET DES FACULTIES DE L*AME. 517 commune a la plupart des neoplatoniciens, et qui paralt avoir 6t6 r6pandue k cetle epoque dans toutes les ecoles de philosophic, oflfre une analogic frap- pante avec la croyance de saint Augustin sur la na- ture des corps qui ressusciteront (1). La spiritualite de Tame est-elle alt6r6e par cette union n^cessaire avec un principe d'un ordre infe- rieur , soit VSxniJM , soit le corps proprement dit? EUe ne Test pas plus pour Proclus que pour Plotin. La demonstration de la spiritualite de TAme, dans Plo- tin, est d'une force et d'une rigueur qui ne laisse aucune place au scepticisme (2) ; Proclus ajoute en- core de nouveaux argumepts. Nos ftmes suivant lui, quoique distinctes et individuelles , participent k la nature de I'dme universelle ; de sorte qu'en un sens elles ne sont pas nees , car Vkme universelle est eter- nelle et divine. Nous parlous de la naissance de nos Ames, et Plotin va jusqu'^ distinguer deux nais- sances ; la premiere , quand le ^yj/xwupyo; ou les dieux inf6rieurs auxquels il confie la formation de Thomme s6ment les Ames dans Fespace, et les attachent, comme des courtisans, k la suite des diff6rents astres; la seconde, quand ces Ames dechues, 6puis6es, pri- vies de leurs ailes , s'arrfitent dans leur course glo- rieuse, et tombent, avec leur char, jusque sur la terre et dans un corps mortel (3) ; mais il ne s*agit &^X(dv vcotidTcov icpooBiaei^ xa\ dbpaipiaeu;. El ydcp kl^ alxia^ dxivYiTou r^v ou9(av Ij^et, ^r{Kow 6i?j firt xa\ t6 ay(r\\ut xa\ t6 \i.iye^o<; aOxcj) irapi ttj? cdzia^ ot'^copiTtai, xal loTiv djieTA6XT)T0v xal dvs^AX^^aTTOv ixdxepov. lb, , prop. 210. (1) Saint Aug. , Cit4 de Dieu, 1. 22 , c. 29. (2) Enn, 5 , 1. 7 ; et voyez ci-dessus, 1. 2, c. 9, t. I, p. 509 sqq. (3) CUEnn. ft, 1. 3, c. 15. 518 DE LA NATURE HT DES ¥XCVLT6S DE l'AME. \k que de la distinction des ftmes , et non de la na- ture mfime de Vkme , commune k Ykme universelle et aux dme8 particulieres (^vx*^ '^^^ oXcov, ^x^x^^h i^^^ xtorepai;). Si Ton oppose d'une fa^on plus g^n^rale la nature de I'&me consid6r6e en elle-^mSme k celle du corps , I'Ame est divine , et le corps ne Test pas ; cela seul sufflt k fonder la distinction radicale qui les s6pare. Et comment le corps serait-il divin, dit Proclus? Peut-il subsister et se conserver par sa propre force? II ne le pent; il est done p^rissable. L'existence ne lui vient pas de son propre fond, elle lui est incessamment communiqu^e ; et la seule ^ternit^ qui puisse lui appartenir, c'est d'etre dd Un autre argument de Proclus se tire de la puis* sance efflcace que toute &me poss^de , k Texclusion des corps, et de rindivisibilit^, qui est, dans le fond, le caractere propre des natures spirituelles, Plotin n'avait eu garde de laisser echapper cet argument capital (2) ; mais Proclus Ta tout k fait renouveW en le rattachant k la doctrine de la generation de F&me dans le Tim^e, et quoique, dans cette transforma- tion, la doctrine de Tindi visibility de Vkme n'importe gu6re k la grande philosophic , nous ne pouvons nous dispenser d'en dire quelques mots, si nous voulons faire connaltre Thypothfese g6n6rale de Proclus sur la nature et la production du monde. Nous acheve- (1) Comm. T'fn.^ p. 90.^ On trouve le germe de cette argumentation dans Plotio , Enn. 5,1. 7 , c. 9. (2) Enn, /i,l. 7, c. 2. DK LA NATURB BT DBS FACULTjJd DB L'aMB. 5l9 rons d'ailleurs ainsi d'exposer ce qui est relatif k Tes- fM^nce mdme de TAme. On peut, dit Proclus, distinguer Tessence de TAm^, sa puifi^nce et son acte , oiafe, ivvaauj ivipyua (1). La puissance ici n'est pas la simple virtualltA d* Arlstote , c'est la force active, ce que nous appelons, du m^me nom que Proclus, les facult^s de Tftme; i'lv^pyeta, c'est Fexercice de ces facult^s. Nous 6tudierons tout A Fheure les facultes de TAme; nous recherchons A present quelle est sa nature , de quels principes ou (Elements elle se compose , en quel sens il est vrai de dire qu'elle est ^ternelle et indivisible ^ en quel sens elle est engendr^e et multiple. L'Ame , soit qu'on la consld^re dans Tiiomme ou dans la nature universelle, est-elle simple, est-elle compos^e d'^lements? Elle est simple, si on la com- pare au corps, multiple, si on la compare A Tesprit. L'esprit est immuable , le corps 6ph6m6re , et TAme tlent A la fois de cette stability et de cette fragility , ^liicxtroii Tc; ojtra. On peut comparer Tesprit au soleil , PAme A la lumi^re qui en 6mane , et la vie divisible, au rayon qui jaillit de cette lumiere (2). Mais I'esprit lui*m6me, dans la rigueur de la dialectique, n'est pas simple , car il n'est pas le premier. II est A la fbis ^ternel et engendr6 , et TAme , A plus forte raison , fait partie de la g6n6ration , quoiqu'elle puisse , en un sens, 6tre appeWe divine et ^ternelle (8). Or, tout (1) Comm. Tim.y p. 17«* (2) i&.,p. 183. (3) lb., p. 178. 520 DE LA NATURE ET DES FAGULTMs P£, l'AME. ce qui est engendr^ a'a pas moias de six principes, la cause finale, to fxkv reXt/ov atrtov, la cause exem- plaire, to $i Trapa&tyfAaTr/ov, la cause efflciente, to Sk S-niiioMpyuovy la cause organisatrice, t6 5e 6py«vtxov, enfin Tesseace m6me , ddoc , et la maliere , air, , que Proclus appelle encore 1$ ov, * Iv w (1). Ce sont les quatre principes d'Aristote, avec cette difference que Pro- clus distingue , dans le premier, la cause finale, qiii est le bien, et la cause exemplaire , qui est I'idee ; et dans le second , la cause efficie5ite (le ^yjfxioupycx; et le p6re) , et la cause organisatrice (le 7roiyiT>3(;, VoUoioiio^ Tw; oUuxq) (2). De ces deux distinctions, la premiere est la difference du systeme de Platon i celui d'Aris- tote, et Proclus lui-m6me en fait la remarque (3) ; la seconde est propre k I'^cole d'Alexandrie , et ne remonte pas au deli de Porphyre (i). Parmi ces six principes , les quatre premiers sont les causes, et les seconds les elements de I'^tre , -ci GToiyjua, twv ovtcov ; nous ne nous occuperons que de ces derniers. Pro- clus oppose la forme a la mati^re de la m6me facon que Platon et Aristote; et s'il y a quelque diffe- rence dans les doctrines, elle n'est gu6re relative qu'i Torigine de la matiere ; nous supposerons done que nous connaissons les cinq autres principes de Tfime, et nous aliens rechercher seulement en quoi consiste la forme ou I'essence, eFSo^, ouawc. Or, de m6me qu'il y a six principes de Ffitre , il y (1) lb. , p. 108. (2) Foyez ci-dessus, I. 5, c. A; t. II, p. 475 sq. (3) lb. (4) F'oyez ci-dessus, 1. 3, c. 4; t. U, p. 118 sqq. J>£ LA NATURE £T DBS FAGULliS D£ L'AMB. 521 a cinq genres ou 6l6ments, yevj], oroixewc. de I'essence. C'est d'abord I'essence proprement dite, puis le prin- cipe de Tidentit^, rautov, le principe de la diversity, ^orepov, enfin le repos et le mouvement. En effet , tout ce qui est, a une essence, une identite, une difference speciflque ; tout ce qui est, se meut , on reste immo- bile (1). Dans ces cinq genres de I'fitre, il faut aussi distinguer les trois premiers, qui les constituent, et les deux autres, savoir le mouvement et le repos, qui ne sont que des attributs (2). Ce n'est pas seulement dans le monde visible que toute essence pent se diviser ainsi. Les genres sont les mfimes pour le monde intelligible et pour le monde des sens; seulement ils existent intelligiblement dans les id^es , et se communiquent k la mati6re sous une forme sensible (3)* On retrouve ici une application de la theorie g^n^rale de Proclus. C'est une pens6e qui ne I'abandonne jamais. Qu*il etudie Dieu, ou I'homme, ou le monde ; qu'il developpe la nature et les rap- ports des 6tres, ou qu'il s'occupe des m^thodes et des transformations que re^Oit la pens6e dans I'exercice regulier et scientifique de la faculte d'abstraire , il est toujours attentif i faire 6clater partout la loi des ana- logies, et k presenter tout ce qui est manifestement dans I'fitre ou dans la conception inf6rieure , comme deji contenu et enveloppe dans le principe (4). C'est encore par une application de cette m^me (1) Comm. Tim, , p. 180. (a) lb., p. 181. (3) lb., p. 180. (U) Foyez cl-dessus, 1. 5, c. 3 et ft. 522 D£ LA NATURE ET DBS FAGULtMs DB L'AUB. th^orie , que tout en donnant aux 6tres de toui les degr^s leg m^tnes genres constitutifs , et en ^tablifi- sant parmi les genres la m6me hierarchie qui existe entre les dtres , il fait dominer les dl^ments dans chaque genre selon leur rang et leur importance re- lative. Ainsi, dans les voYtxdj dans les votpd, dans les OLiaBtroLj il y a tOU jours ovaia, tavtov, Sat'cpov, oraat?, xiVri^i;; ils sont voy]tA; dans les voriti^ voep6;>c dans les i/oepa, ai(sQm€>i dans les outsBmet; et de plus, dans les voYiza, c'est Fessence qui domine, dans les vatpi voTira, c*est le m^me; c'est le divers dans les vo/iTa, c*est le repos dans les Ames et le mouvement dans les corps (1). C'est ainsi qu'il y a six principes de Tfitre, cinq 616ments de Tfitre et cinq classes d'dtres. Appliquons ce qui pr^c6de k V&me , nous appren- drons ainsi de quo! elle est composde, et quel est son rang dans la hierarchie des dtres. L'dme est com-* pos^e, comme tout ce qui existe, de trois Elements, savoir : Tovma, le t«vtov et le ^arepov; elle a les deux attributs du repos et du mouvement (2). Proclus , rapprochant cette division de celle qu'il avait prd* sentee d'abord (dioc,, iwaiiiz, Ivipyua)^ et n^gligeant les deux attributs, remplace Tefdoi; par les trois Equi- valents (ovey^x, WvafA^, svepyeta), et VkoXQ SB trouve ainsi divis^e en cinq parties, (^^evre Mfs^xkauat, nombi'e qui lui est tr^s^ analogue, ajoute Proclus, rentrant dans un ordre d'id^es auquel il revient sans cesse , (1) T6 [jlIv TcpwTOv, o«iaia>6a)?' T^t 6e voTfiTii, xotti t^ aM* tk ^% VQ$pi, wck Comm. Tim., p. 181. (2) lb., p. 178. DE LA NATURE ET DBS FAGULT:|{S BE l'AME« 523 et qui est one des faiblesses de ce grand esprit ; car r&me est, dit-il, ua moyen terme entre Tessence intelligible et I'essence sensible, comme 5 autre 1 et 9 (1). Si nous cherchons maintenant comment peuveut coexister dans F^me I'essence, ou le fond m^me de la r^alite et de I'etre, le principe de Tidentit^ et le priu- cipe de la difference specifique ou de la distinction, il faut d'abord songer que I'essence est analogue i Tetre , le meme ci la mesure ou au flni , izipac, , et le divers au multiple, k rind^flni, dmif^ix (2). Le m6me et I'autre , identifies ainsi au flni et a Tinfini , pre- sentent quelque ressemblance avec ce qu'Aristote appelle la forme et la matifere , et Platon la partici- pation de rid6e et la dyade ind^finie. Gependant cette analogie serait trompeuse. Le Sarepov est bien un 616- ment de multiplicite , comme la matiere ; le t«vtov est bien , comme Tidee, ce qui apporte de la deter- mination, de la precision, de I'harmonie; jusque-la nous trouvons a pen prfes le mSme rapport qu'entre la forme et la matiere; mais Proclus et m^me Platon (car le raurov et le Stdztpov sont les principes m6mes employes dans le Timee k la g6n6ration de Fl^me) sont si eloignds de confondre le d^'tspov avecrvXyi, que le SflEwpov entre avec le rauTov dans la formation de Trfdo;, d^oii il suit que VHyi^ appel6e k recevoir cat efdo^, existe en dehors des deux principes qui le constituent. D'ailleurs, qu'est-ce que cette ovo««, qui, (1) lb. (2) 76., p. 180. 524 DE LA NATURE £T DE8 FAGULT^S DE L'AME. dans Proclus, paratt un troisi^me principe? Est-ce simplement le to H a>x>:v (jiar.y c^ajijtev. Pour cela, il faut determiner lee propri^t^s I'' des premiers fitres. ou 6tres intelligibles ; 2" des derniers, ou 6tres sensibles; 3** des Jnterroe- diaires. Le propre des intelligibles est d'exister en soi et par soi, d'fitre eternels, indivisibles, immuables, accomplis, de posseder la plenitude de Tfitre, une force de vie inepuisable , une independance souveraine , une efficace qui meut le reste des 6tres, une identite l)arfaite , enfin d'6tre presents partout sans se com- muniquer, sans ^tre souilles par aucun rapport (2). Les etres sensibles, au contraire, sont dans le temps, existent par autrui, resolvent leur mouvement, sont essentiellement dependants et divisibles (S); enfln les etres intermediaires n'existent pas par eux-m6mes , ct cependant poss^dent plus completement Texis- tence que les 6tres sensibles, ils sont mus, mais par eux-mfimes, et ils meuvent les fetres inf6rieurs. Ils se distinguent des «fe9/;ta, mais ils leur sont (1) /*mP- i»i. (2) Em B^ ouv Twv ^kv votjtwv lSu6(j.aiTa Tauxa, t6 ovtw^ 6v, t6 aUovtov, tb a[i£pWTOv , t6 dxtvTr^Tov , xb 6XoTsXk( , tb T^T^etov , t6 Oicepit^Tipe? xou elvai , t6 Tr\^ ^coYi? &TpUTOv , xal &©£TOV , t6 itAvTwv xivifjTtx6v , Tfj 6ixoKk7j< , xb icdwt leaptl- vai, irdvTwv i^TlpTipidvov. /d. , p. 178. (3) T6 oOx dvTCix; 6v , t6 if/^powoy , xb {j^pior^V « xowi |AiOe(iv , ittf Oocivt^* •;6v, X. T. X. lb,, p. 179. 528 DJi LA iXAXUHE ET DKS I'AGULTliS DE l'AME. unis (1). Or, si on place TAme dans le premier ordre, elle ne tombera plus dans le temps, elle ne pourra plus se mouvoir, etc. ; si dans le plus humble , elle sera enti^rement divisible, sans unit6, sans liberte : elle est done vraiment intermediaire (2). Et en effet, dit Proclus, le voO; est indivisible, le corps divisible a I'infini, et I'Ame divisible en parties non divisibles; et comme le nombre se divise aussi en monades, c'est pour cela que V&me est quelquefois appelee un nombre (8). De m^me que tout nombre pent 6tre divise , mais en cessant d'etre lui-m6me, I'dme, dit encore Pro- clus, malgre cette division en parties monadiques, n'en demeure pas moins indivisible , si on la consi- dere dans son essence (4). L'indivisibilite de Tame , comuie on le voit , n'est pas complete; et I'incorporeite de F&me, fondee en grande partie sur cette indivisibilite , n'est pas non plus admise sans quelques restrictions, quoique Proclus rejette bien loin les objections d'Aristote, qui reprochait a Platon d'avoir fait de Tame une quantite , fxeyeSoc , et par consequent une essence di- visible (5) , et quoiqu'il se flatte d'avoir enti^rement renverse ces objections dans le livre qu'il avait ecrit tout expres (6). Nous avons deja vu qjielques traces '" (1) Oyx dvTCi)? dv, xpelxTov jj.lv 6v xou jii^, ovto;, O^etji^vov 6^ xoii 5vtu; 6>co(;, X. f. X. lb. (2) lb. (3) lb., p. 182. (4) lb. (5) Comm. Tim., p. 217* (6) /6.,p. 226. DE LA NATDRB ET DES PACDLrfS DE L*AME. 529 d'une pareille doctrine dans Plotin, car aprts avoir si bien distingu6 Ykme du corps, lorsque ensuite il vient i expliquer la sensation, il prouve que ni V&me ni le corps ne sont capables de r6prouver, et il a recours a un melange de Tune et de Fautre : tK)wa6v Totvuv fzsfjLtySai (1). Ce tfest pas li, sans doute, confondre ensemble ies essences ou definitions ; mais ce melange de deux natures ne peut 6tre admis sans alt^rer rincorpor6it6 de I'&me. Ajoutons aussi que ce n'est pas I'Ame tout entifere que Plotin unit au corps dans ce melange. Une partie de Tame reste pure, et c'est la plus noble ; une autre participe de la nature du corps , et c'est Ih que naissent Ies sensations , que se forment Ies chimeres et que Ies passions se nourrissent (2). Proclus dit, a pen pr6s de la meme facon, que I'dme est repandue dans tout le corps (3), ce qui rappelle cette opinion de Plotin que le corps est le seul lieu ou puisse habiter une dme (4), et Ton retrouve encore mieux la doctrine des EnnSades , lorsque Proclus distingue une Ame raisoimable et une Ame sensitive (5) , c'est-i-dire Tetat d'une kme qui se tourne vers le vovc,^ et, par une telle aspiration, s'6pure et s'ennoblit , et I'^tat d'une ame toute rem- plie de Tamour de la matiere, divisible, perissable. (1) £nn. 1, 1.1, c. 4. (2} /*., c. 7 et9. (3) T6 Sk atTtov, 8ti i\ dv6p(iiicivt) ^X^ 9th\iaxi auvcCt^yT), xoil (^^ t:^v (Utdi Tou vcotMCRx ^(iWiv r^v xoiviT^y , xoit imicpodktToci (nch toO 9t&\uno^^ xaX ^Ixon tiii>v fi^cdOev aOT^jv dvaxivY|v«/J^s^, Ivcpyewci. Proclus distingue deux ordres de Swa/Aeis, les unes relatives k 1^ connaissauce, et les centres h la conser- (1) M^ Y^p kvtw i\ tj^u^^ ToO xt voO xal tt|< 9(i>{MitixTi< «p69ECiK* xa\ Srov \ibf tU vouv ^"kiTo^ xa\ t6 beet xaXbv, 6 Ipto^ gcOtti^ puovtjidc lottv 6< Tcp dxivt^xtp xal d{jieta6>,iiTc^ 6i' t^xwdfcuxo^ 9Uvairc(J{jxv frit' otOroi^ 'itdk'koQ^ ktl^tmtrti'ni t^vrmi atu«f|c 6 Ipwc^ xa\ (i«7a6&>.)Lst tip ipaottb* xaV ydtp t. n, p. 263« (2) ^oyejs le Tim4e^ p. 70, et to peu a« M. B. MarliBi (sole 13T}. (3) Foy^z d-desstui, 1. 5, c. 3, t. H^ p. 4A2. BE Ik l\ATUa£ KT P£j» FACULTIES m h'kUE. bH vatioa ou k la possession de la vie, (omitd^) 7vgiioti* xdEc (1). II distiQgue aussi les actes en deux ordres : la production du mouvement, et la connaissance (2), Les actes, les puissances, n'expriment sans doute que la m^me forme du d^veloppement actif de notre Me, consid^ree tantdt dans son accomplissementi tantdt dans la force qui le produit. Ces facult^s vitales I et ces facult^s motrices, Swik«4, yvoxytiHaQ, dpivent ^videmment 6tre reunies, et reviennent k la distinc- I tion ordinaire entre les facultes actives et les facultes ^ intellectuelles. Proclus rappelle ainsi, par la division , des facultes de Tftme, cette trinite qu'il retrouve ^ partout dans les hypostases sup6rieures : I'fetre, la : vie , rintelligence. L'&me n'en est pas moins une et I simple ; elle possede T^tre , au m6me titre que la vie ; I la vie au m6me titre que Tfitre et rintelligence, Sa I Dature embrasse cette triade» comme les hyposjtasQS I divines se d^composent toutes en trinit^s let en en- ^ n6ades , sans perdre leur simplicity (3). , II importe d'ajouter que les facultes actives ou vi^ tales dont parle Proclus n'ont rien de commun avec la volont6, la liberty, le pouvoir de choisin Proclus t (1) Comm. Tim*y p. 340. ^ (2) AiTTbv evepyefa? elSo?, yvcoortxbv, xivTixixdv. Comm. Tim, , p. 226. Cf, Comm. Parm. , U IV, p. 10«. KdX yk^ tfi»v OAixu>v al 6uvA|i8K 8itw ([cjTtxal (jiv &^Xai , Yvcomxat Sk &X^au ' (3) Ti ^Uv vooGvxa itdvxa xa\ l^i xa( feort, t^ 6fe ^[covTa tou elvai jxeT^x^'v '^^^ I 0(UiK» TotauTTic o6jti? iv xol; &xpot< xaxa ti?iv tpidtSot xaOTTiv Sux^opa^ , iv TJi iV(Xoir xal t6 (j^v dv I^uni xe xal vouc &qx\v, V) SI C<)^ vou( xal ouvCa, 6 S^ vou(; ou9Ca xa\ ^osij* {jlCoi fdp ioxiv dicXdxr^t iv aOxJiit xa\ uicdvxaai^ |i(a* xal o(ixe x6 Z,%^ litoncxbv , ouxe x6 voelv , bikV 6 jilv vou^ auxrj^ ^a>v xa\ qij(TUi&§t^ loxlv , if^ ^ l^wf^ voepd xax' oOatav , i/j Sk oOdCa xa\ icdvT(i ouv ioxX icdtvx*, xa\ Iv ix icdvxcov, Comm. y#/c. , U )U| P- 305 sq. 532 DB L4 NATURE £T DBS FAGULTlSs DB l\u£« met la volonl^ parmi les facult^s intellectuelles. Les facult^s actives ou vitales s'exercent instinctivement, et pour ainsi dire sans notre concours. C'est en quel- que sorle la vie elle-m6me. C'est V&me v6g6tative. U arrive en effet que notre hme soit absente par le de- lire , Tentfaousiasme ou le sommeil , sans que notre corps cesse de respirer, de se mouvoir et de vivre (1). La force vitale lui suffit alors. EUe est la gardienne et la protectrice du corps , tandis que les facultes qui dependent de nous , les facultes intellectuelles , ne font que I'^puiser. Proclus divise ainsi les facultes de ratne qui ont la connaissance pour objet : la raison, la conscience, la volont6 (2). La conscience est pour lui ce qu'elle est pour nous , le pouvOir de se replier sur soi-m^me , ImorpecpeaSai , et d'assister k sa propre vie (3). Un 6tre n'est complet qu'h cette condition, car il devient alors, par cette pleine possession de sa force, et dans la mesure des perfections de son esp^ce, une entel6- chie. Que sert la puissance k celui qui la poss^de , s'il ne la dirige k son gre, s'il ne jouit en Texercant? Tout 6tre sans intelligence, ou plus g^n^ralement toute intelligence sans conscience ne pent 6tre son but a elle-mfeme; elle n'existe que comme partie d'un systfeme ; hors de sa place elle n'est rien. L'homme est un tout (4). (1) Comm. Parm,, t. V, p. 7. (2) Comm, Tim, , p. 10. (3) ndtv Y^ip auToxfvTiTov iauT6 TEXetot icp6< iaut6 orrpecpdjuvov. Comm. Ale, , t. IT, p. /|5. (4) Ka\ Y^ip gotxev itowa Yvcixn? eXvat 'i\ ImaTpoip:?^ li^^ t6 -p/wrrtv xal olxcCwoi?, 3ca\ fc9dpi«)ffi? -Tcpic aOtd. Comm. Tim.y p. 220. DE LA NATURE £T D£S FAGULTES DB l'AME. 533 De toutes les facultes intellectuelles dont nous ayons conscience , la plus humble est la sensation* La sensation est pour Proclus ce qu'elle est pour Platon, pour Plotin, pour toute I'lBcole (1) : Fimpres- sion produite sur I'esprit par un objet exterieur (2), et la connaissance de cet objet (3). Parmi ces im- pressions produites, les unes glissent indifii^rentes et ne donnent naissance qu'i cette connaissance ob- scure et incomplete qui conserve le nom de sensa- tion; les autres sont des plaisirs et des peines, et se transforment en d^sirs et en amours. Voili d6ji toute une vie dans la sensation. Mais qu'est-ce que cette connaissance ? Qu'est-ce que cet amour ? Cette con- naissance est une simple apprehension, qui ne pent contenir d'erreur, parce qu'elle n'implique pas de jugement (4) ; cet amour est I'amour d6r6gl6 pour les plaisirs sensibles, qui n'a rien de commun avec Tamour pur, engendr^ par la reminiscence, ni m6me avec ces amours, inftrieurs a I'amour divin, mais plus nobles que la concupiscence dans leur objet et dans leurs effets , qui prennent naissance dans le 9^oc» et qui doivent 6tre rapproch6s de la volont6. La concupiscence est n6e de la sensation, quoiqu'elle en difi^re, et ces impressions, ces connaissances obscures et incompletes , ces desirs vagues et gros- (1) Gf. ci-dessus, 1. 2, c. 10, t I, p. 5&5 sq.— II faut noter une distinction ^tabUe par Proclus eotre ya^9^vr^ptJw ou iensorium qui revolt I'impression sans la connattre, et ratoei^ai; , qui en est le sentiment. Comm, Tim. , p. 76 et 16&. (2) De la^Provid.y 10. (3) Camm. Tim,^ p. 76 sq. (4) /*.,p.76. 63& Dfi LA HATURIS BT BBS FAGGLTMs DB l'AMB. siers, coDstituent en nous, en quelque sorte, la irie v^g^tative ou animale. Proclus ne serait pas platonicien , s'il ne faisait la guerre k la sensation. En elle-m^me , dans son ori- gine, dans son objet, elle est caduque et m^prisable. Son objet , c'est le monde ; nbn pas le monde des id^es, mats ces values ombres qui troublent et of- fusquent notre esprit, et entravent Taction de la re- miniscence. Les corps qui excitent des orages dans les basses regions de notre dme, disparaissent a me^ sure ; le flot les emporte. Les mouvements qu'ils prbduisent en nous s^^teignent; rabaissetnent de Fesprit , la perturbation des d^sirs et de la volontS sont les seules traces possibles de leur passage. La notion d*eux-m6mes qu'lls nous laissent, n*est tii pre- cise, ni determin^e (1). Elle est sans raison , afXb^o; (9) , c'est-&-dire qu'elle n'a aucun rapport arec le vrai et le faux , qu*elle ne salt pas ce qu'elle Toit et ce qu'elle Sent (3), et qu'elle est, s*il se pent, plus eph6- mere encore que son objet. La sensibility, othHrfipM TTiSo;, qui feitnattre en nous les sensations, est, de toutes nos facult^s, la plus analogue au corps, la plus perissable ; elle nous est comme etrangere, car elle ne tient pas k notre nature, mais k notre chute (&). Elle nous est commune avec les animaux priv^s de (1) Aei oSv TcpcdTov , xotTQiYVtiyvat tiov alo^veiiiv d>c oOSfev dbcpi6lc 0O6I (ifJ^ yiv{ i^ at(j6iriffic Yfp/waxet, rauTa dUXorepA feortv Sv t^ ^avTaattjt. (5) Comm. Tim., p. 75.— fiiteixa (t. i. , jxexi t^v afcrS.) 8ei t4? ^avTOtfCoi? d9eXetv , xi? fev fjjitv ittto^iyoiQ jujicpa\(8a? dpviBa;, &9icep xati (loptpioTix^ xaft ji^va(; , d>i\de irapaito6t^o6^a; -aiv xaSapdcv xa\ 4UXov vdTjdtv ttj? i^ux^** "^H* '^^p^l^ -TcfTPcetv , xa\ Odpu6ov aOrJ irapiyetv fev tai? (^TjTtJaeffi. Comm. Parm. , t. V» p. 312.— Cf. Comm. Tim., p. 10ft. • 6? fi v« — Alo6v Tvipiov icdOoc. Comm. 7Vm., p. 76. (1) T^xapTOV To£vuv (t. i. jxeti t^v jifev at(j6. , xa\ t?1v ayo< , ^ev Tili SisXsxtixxi Oecopeiv xbi^ 6iai> pip(a^ fe5'>9'»ivowav tbv iautTj? Stdxooriiov , T?lv SiAvowtv ii\kiaw I6eiv drt irfep aOT?ic dirooT^vai del < :li$-n 7cp096dX>^eiv toic dvrcx ou9i. Comm. Farm. , t. V , p. 312. (2) Comm. Tim., p. 26, 34; Comm, Parm.^ t. V, p. 180.— it yap dvd- l&VTiaic a\JTt\ oOx foriv dic6 elxdvcov iic\ 'rii icQipa8eCY(iaTa )ieTd6(X9i{, dXX' dR6 xibv xaOo^txcDV ivoubv iiil {i£ptx(iyr£pa< xd^ei^. Comm. Ttm. , p. 59. (3) Comm. Ak,^x. II, p. 17, 37. Comm* Tim., p. 00. 588 DE LA NATURE ET DES FACDLT^S DE L*AME. La simple exposition de cette psychologic en de- montre la profondeur. Jusque Ik , rien d'arbitraire , de chim^rique. Proclus , en vrai platonicien , marche du moins au plus , et prend d'abord la nature hu- maine k son plus humble degr6 , pour s'^lever peu k peu, des orages de la sensation, k ces regions sereines de la science 6ternelle oh la dialectique nous conduit. Quelles que soient ici bas nos legitimes esp6rances , notre 4me en s'6veillant aprfes la chute n'aper?oit d'abord autour d'elle que les parois de cette caverne ; il faut sentir cette misfere , il faut T^tudier et la con-^ naltre avant de s*en affranchir. Uorigine de la sen- sation , qui tient au corps , qui le traverse en quelque sorte, qui n*existe que pour lui et par lui, la fra- gility de cette connaissance , qui ne frappe un instant notre ftme que pour disparattre aussitdt, qui n*entre pas dans le monde r^gulier de la pens6e, 4 moins que Tune des forces actives de fiotre ftme , la i6la , ne s'eii empare, ne lui donne son empreinte, et ne fasse de cette vague et 6ph6m6re apprehension un jugement durable , montre bien , par la n6cessit6 de la B6la , que la vie de notre ftme vient de nous et nop du dehors, que c'est nous et non la sensation^ oo left eorps dent la sensation n'est que le reflet, qUi faisons notre pen- s^e; et en m6me temps, par cette limite n^cessaire impos6e k Topinion, que la science veritable est autant au-dessus de nous que la sensation est au- dessous , et que comme il n'y a pokit de penate sans I'activite personnelle , il n'y a point de science sans rintervention de prindpes sup^rieurs a la pwsooae. Dfi LA NATURE ET DBS FAGULTjfis D£ L^AMB. 589 Ces doctrines, que nous retrouvons dans Proclus, constituaient chez Platon la th6orie des facult^s in- tellectuelles presque tout entiSre. U distinguait k la V6rit6 Vkme et le vovc, , et cette distinction , quelque- fois formelle et tres-pr^cise , quelquefois plus em- barrass6e , se retrouve chez Plotin (1) et chez Pro- clus (2) avec les mfimes alternatives de precision et d'obscurit^, puisque dans plus d'un passage le voOc;, en tant qu'il existe dans Fhoname, c'est-i-dire dans lalangue des n^oplatoniciens, le voO^; /uiepixwTepoi; semble plutdt une faculty sup^rieure de TAme humaine, qu'une nature distincte et difKrente ; mais pour Pla- [ ton , le vouc, au moins dans cette vie , ne se manifeste \ que sous la forme de Vciuix^vnai<;f faible et obscure I dans les dmes vulgaires, vive et agissante dans les f Ames philosophiques, incertaine au d6but de la dia- I lectique , claire et presque complete aprfes la science. ! Ce souvenir, i demi eflfac^ , ne sufflt plus aux Alexan- i drins. Cest Torigine de Famour, 11 est vrai, mais ce I n'en pent 6tre le terme. Se souvenir, c*est avoir pos- j sMe, et avoir perdu. II y a done une conqu6te ft ! tenter. La reminiscence doit aspirer ft se d^truire I elle^mfeme en se rendant inutile. Get objet de la r6- ! miniscence, c'est-ft-dire les idees pour Platon, et Dieu I pour les Alexandrins, qui voient plut6t dans la th^orie des id6es Tuniti qui la couronne que les universaux qui en sont la base, cet objet de la reminiscence n*est qu^aper^u dans le Phidre et dans la RSpubligae. (1) royez cl-des8U8> 1. 2 , c. 9 , M » p. 525 sq. (3J Foyex ci-apr^s m^me chapitre , p. 5^3 sq. 5&0 DB LA NATURE ET DBS FAGULTj£S DE l'AME. Qu'importe qu'il soil aper^u de si pr6s? Ce n'est pas li connaltre. Voir I'absolu hors de soi^ c'est de la pens6e quant k Tobjet, mais quant k la forme, ce n'est que de la sensation. Cette communication de deux fitres, qui restent distincts et separ^s, quoique Tun d'eux fasse sur I'autre une impression suivie de connaissance, est k peine une action de la part de celui qui connalt, c'est plut6t un 6tat passif; c'est une d6faite par consequent, ce ne pent 6tre une forme de la perfection. Une telle connaissance peut- elle 6tre complete ? Le peut-elle surtout dans les id6es des anciens qui veulent que le m6me connaisse le m6me (1)? N'est-elle pas accidentelle, puisqu'elle pourrait ne pas 6tre ? Si I'^tre qui connait ayait plus de perfection, Taction de I'fitre connu ne pourrait vaincre sa resistance et ne sufflrait pas pour le deter- miner k connaitre , de sorte qu'il ne pent se perfec- tionner et grandir sans perdre cette connaissance. EUe tient done k la fois de la perfection de cet 6tre parce qu'il connait, et de son imperfection parce qu'il connait hors de lui. EUe ne saurait done 6tre la connaissance la plus parfaite. La forme de la vraie connaissance est celle oil non-seulement le m6me connait le m6me ^ c'est-i-dire chaque nature une nature analogue, mais oil elle la trouve dans son propre sein , oil elle la connait parce qu'elle la possede. Cela m6me peut-il constituer I'absolu de I'fitre , I'absolu du connaitre? Un intelligible sera-t-il completement entendu , une intelligence sera-t-elle (1) Gf. ci-dessus , U 2, c* 5 , p. 380 , et c. 10 , p. 547 sq« DJB LA NATDRE £T BES FACULTIES BE L^AME. 5&1 compl^tement rassasi^e dMntelligible , i moins d'une juste Equation entre Tune et I'autre? Cette Equation sera-t-elle enti^re tant que la diversity subsistera, cette diversity fut-elle num^rique? Bien plus , si nous cherchons la perfection de chaque mode , il est evi- dent que rfitre est imparfait, m6me ind^pendam- ment des limites de son espece, s'il ne se r^fl^chit, s'il ne se connait, et qu'il en est de m6me aussi de rintelligence , si elle ne se comprend elle-mSme dans sa forme et dans son fond, dans son ph6nom6ne et dans sa substance. II y a done trois degr^s de la con- naissance, celle tfun 6tre diflFerent du sujet connais- sant et exterieur k lui, celle d'un 6tre diflKrent du sujet mais existant au dedans de lui , enfin celle du sujet par le sujet m6me, et ce troisi^me degr^ est le seul mode parfait de la connaissance. Voili , selon les Alexandrins , la connaissance parfaite , que nous pos- s^dions avant cette Tie, et que nous devons esperer pour la vie future. La sensation , m6me avec I'inter- vention superieure de la $61ol, qui, quoiqu'aXo7o<; en elle-m6me , est en quelque sorte le Xoyoc de la sen- sation (1) , ne constitue que le premier degr6 de la connaissance; VocvdixvYjaiq, la 3ta»ota nous donne le se- cond; mais oil sera le troisieme? Le troisieme est cette vomic, dont Aristote a si pro- fondement 6clair6 la nature, qu* Aristote ne met- tait qu'en Dieu , et que Plotin et Proclus, qui cherchent Dieu encore par deli , revendiquent pour la nature m^me de I'homme. (1) Comm, Tim. , p. 76. 5&8 DB LA NATUES BT DBfi FAGbLT^S DB L^AMS, Mais en touchant k la vdtsem, nou8 entrons dans U9 nouveau monde ; nous avons traverse avec Proclui Fopinion et la science : ici s'arrdte }a philosophies et commence le mysticisme. La tentative des Alexandrins, pour substituer Vemfst^ k la doctrine de la reminiscence , tient au fond m^me de leur speculation sur la nature de Tabsolu et sur rimpuissance de la raison humaine. Us out pousse cette tentative au deli du vrai et du possible , parce qu'ils ont pris pour principe un certain id^al dont ils ont consider^ la realisation comme n^cessaire , sans regarder en eux*m6mes si cet ideal s'y trouvait en effet realise. Meme sur cette doctrine abstraite de Fideal de la connaissance, ils sont tombes dans cette grave erreur de restreindre le sujet et Tobjet , sans changer le mode. Ge qui est possible et vrai de Dieu, qui est la substance meme de la raison , ne pent 6tre ni Fun ni Fautre pour nous, en qui Funiversel se manifesto , et qui n'en sommes pas moins des indi- vidus limites. Mais les Alexandrins auraient raison centre Platon, s'ils n'avaient voulu que rectifier, sans tomber dans ces exces, ce que son hypothese a d'insuffisant. Ces principes superieurs , par lesquels je gouverne Fex- perience , et qui me rattachent si directemept k Dieu, est-ce bien k la reminiscence que je les dois? Ne sont- ils en moi que comme un souvenir? Non, Fidee est presente en moi-meme. EUe existe en soi, concrete et universelle tout ensemble , et pourtant elle est reel- lement, actuellement dans ma substance. Platon n'a D£ h^ NATUH^ ¥T PES F^CULT^S DE l'aBIB. &4^ pas tir6 tout le parti qu'il aurait dA de la doctrine de la ^^'SeSii. 11 a bieu vu que les id6es existent h part, to XwpwTov sivoLi; il a bien compris qu'elles sont engag^es dans la matiere , y/iri iiiBtliv] mais il n'a pas trouv6 le comment decette participation; il n'a d6pos6 dans la dyade qu'une imitation, une vaine image, au lieu d'une force vivante, d'un principe energique de d6- veloppement et d'activite* De sorte que la pens6e hu- maine , quand elle descend en elle-m6me , n'y trouve aussi qu'un reflet de I'idee, Elle devrait 6tre la rai- son, et elle n'est que la reminiscence (1). On trouve dans Proclus la nature du vovc, tr6s- explicitement s6paree de celle de TAme, non-seule- ment en Dieu , ou cela ne fait pas question pour un Alexandrin, mais dans Thomme. Ainsi, il declare que TAme est un moyen terme entre I'esprit et le corps (2) , qu'il y a une proportion exacte entre ces trois termes (3) , que Dieu a mis le yovc, dans Fame , comme il a mis r4me dans le corps ; que le corps n'a de beaute que par I'^me qui I'habite , et V&me que par I'esprit dont elle est illumin6e (illdixmw) (4). Bien plus , il semble quelquefois penser que si notre Ame nous appartient, si elle est r6ellement pr6sente k notre corps, I'esprit ne fait que lui apparaitre, sans se communiquer, sans se donner r^ellement, 4^X^^ irapouaca xosi vou fAetouaia (5)^ Gependant, ailleurs^ (1) Voyez la Conclusion. (2) Comw. Tim, , p. 123, (3) lb, , p. 124. tx<; Y^p vpvc -npi? ^J^^xV » oStw 7; ^yjx^c, (2), M6me incertitude, par consequent, pour la voridi; , car la vor^ai; est toujours plac6e au-des- sus de la 3tavoia, d'oii il suit qu*elle est la forme propre de T^nergie intellectuelle du voO;, soit que le voO; existe en dehors de notre Ame ou qu'il ne soit que la premiere de ses facult^s (3). Cependant, peut-6tre pourrait-on trouver la solution de cette double dif- Comm.,Tim.^ p. 68. (2) NoO? ydp ifjTiv eitiTCTiiJLTj? xpeCxTcov , xa\ i\ xcnk voOv ^toii t7|? xax' ^irtoxYj- (iLT)v itponiJLOTepa. Ilo^Xal ouv al leMvai xdl al StveOocic rric 4'^^^ &XXy) ydtp ^ tv Tai(; 9avTaa(ai? , AXXtj irp6 toutcov ifj ev 5o?ai? , fiXXiq Vj ^v au-cfi t^ StavoCa* jxcvn 81 V| xaTi voOv J^wrj t6 AicXavl? S^^^j ^^^ outo? 6 jiUTCixft? 6pjxo? rri<; ^^x^^ i ^^< ^^ fe^iv &pa 9tj^e96ai S^\o>pLev , ^jaXXov laurob? dvd^oiuv. Comm. Parm. , t. V , p. 312 sq. (3) Comm. Parm,y t. V, p. 217 et p. 312 sq. Comm, TVtn., P* 68, 218, 74, 104, 112, 139, 123, 126, 173. Voici les deux r^sum^s de sa Psychologie que Proclus donne lui-mfioie k la page 76 de son Comnientaire sur le TinUe. 6 Nou? voT^ai? liit^p Xc>YOv oCicw. — 6 'k6yo^t 6< iori ttj? <}/ux^? Tfjjjiwv vdijfft? piexa- 6aTixcii>( icpotirropievTi; wv dvrwv. — H 6o'5a, xaxi T^dyov ouaa ^vwat? twv alo6ij- Ti&v. — H aCa:6vi9i{llXo-]fo; O'ltdpxouva tcov auT^Av -jp/cbTic. Et ud peu plus bas: NdTjot? djieTa^dTOK. — Aidvota yutWd-^ (jLeTa6aTtx£iK.— Ad^a jie-rtt Xd^wv, -fvcoai; ttbvnaOfbv. — AloBr^triptov icd6o<. Ces d^nombrements sont frequents dans les dcrlts de Proclus. p^oyex Thiol, sehn Plaion , 1. i, c. 3. Dix dotil^, c 1. Etal. BE LA NITURB ET DES FAGULTlSs DE l'AHE. 5&5 ficult6 dans la distinction que fait quelquefois Proclus d*une vomau; qui est celle du voO<; fxepixwrepoi;, et d*une vou(y^ qui est celle de Vkaie raisonnable. II y a , dit-il , six espfeces de connaissances ; la premiere est la vonatc vo^cewi; v6yJ(J^; la seconde et la troisieme comportent une identity moins parfaite ; la quatrieme est celle des espritS individuels, nraprf^v ik iy(ii rdliv -h rm fjiept- xwv vowv voTjaic, la cinquieme est celle de F&me rai- sonnable , Tre/xTTTy] 3s iaxiv >5 t>5$ 4'^X^^ Xoyi>t>7<; vQfiai<; • vient ensuite Timagination , avec raca9y](7C(;, si le nom de connaissance convient encore* dit-il, aux notions que nous leur devons(i). Ne pourrait-on pas penser que Proclus donne quelquefois le nom de voO<; k la partie sup^rieure de notre dme, lorsqu'elle subit Tas- cendant du voO; qui reside en elle , et que sous cette influence elle s'616ve au-dessus de Yhxusrhikn , jusqu'4 cette pure intuition que Proclus appelle t^c 4^ux>!<; Xoyix^; voriat;? Pourquoi le mot d'esprit serait-il em- ploy6 avec plus de rigueur que celui de voyjai;? Le voO^ est k notre Ame ce que I'Ame est au corps ; VoLifs^rarr piov, inf6rieur k la sensation et sup6rieurau corps, n'est-il pas k la fois participant des deux natures ? Et (1) H vdirjai? itooaxo)?, npcAnri ^ifev oGv feart vdYjai? , i\ wor\x^ el? xauTftv -lixoocja Ttj) voiqiMJ), xa\ oOSfev Ixepov ouaa icotpit t6.voy|t6v, f^ xal oOffMASti? lrt\ v^tio-i? xfli\ a0Tou9(a , fitdrt icav t6 fev xtj) voTjTij) , toOtov kt^9vt\y& t6v Tpdirov , o69tb>6aK xoil vo7iT(iK* SsuT^pa 81 1^ auvdiiTOu votjt^ t6v voOv , auvexTix^v S^^ouoa x«\ ouvaYcoY6v T(bv ftxpoov IdidTQTa , xqi\ oOoa ^(i>:^ , xa\ duvaj&i?, ic^Y)po09a jx^v dirb Tou voTfiToO t6v vouv, iviSpuoowx 6*e tbv vouv el? t6 votiTdv. — Tp(TYi 81 iv aOx^ 8€(c|> co^uf®? vdififfK Iv^pYeta ou«i toO vou , 6t' ^j? t6 Iv aOxcj) votit6v auveCXT^^e , xa\ xa8' i^v voeX, xa\ \ aufb? iTc\v, x. t. X. — TeTApxriv 8k Sj^ei Td^iv i\ twv puept- xibv vov xa\ ouvdirreTai xol? 5>iOi? , xal 'c6v 6\ov vot^t6v xdv^Mv , voel xa\ xoutcav fxacrcov. — nipiimr) 8fe feorlv if; ttic <]/ux^< Xoyixtj? vdiriffi?, x. t. X. — iKxtti 8k (el pou^i nusX TaOr^v 9uvapi0(ulv) % ^avroaCa, x. t« %• Comm, TVfii., p. 7A, sq. u. 35 046 DB Li NATUAB BT BBS FACULTIES UK 1.'A]»B« Pl6tin « chea lequel le^ distiiDCtions ont ce|>eildant plu^ de fiiit6 que chez Proclus , ne ya*t-il pas jusqu'& Tappeler un melange? Nous voyons dans Proclus Tordre hi^rarchique partout obserr^; mais nous voyons aussi toutes les hierarchies soutnises k la pro^ pbrtion et k Tadalogie^ G'dst pour Proclus que la na^^ ture ne va pas par bonds; tout dans son syst^me suit une pente facile , et les difS^rences qui s^parent deux essences voisines sont k peine Stabiles qu'il met tons sessoins&les att^nuer.Levov^existe pour lui & divers degr^s : peut-6tre an degr6 le plus humble seconfond'* 11 avec Tessedce immediatement iof^rieure^ G'est cTailleurs an principe general de sa philosophle que ledernier terme d'une s6rie est en tn6me temps le pre- mier terme .de la s^rie plac^e au^ssous (i). G'est aussi tin de ses principes que le semblable est connii par son semUable , et r&tne par cons^uent ne peut connattre le voG; qu*& la condition de participer elle- m^me de la nature du yov(;, ou de s'en rendre parti-^ cipante par un d^veloppement puissant et r^ulier de ses facultes intellectuellfes(2). Proclus parle quel- quefois de la f^^^ iixv6r,*tui/j , et de la ^ja)x>) do^oaroMj (3)) en peut-on conclure que ce soient Ik deux dmes ri- goureusement distinctes? Pourquoi done tenir plus de compte des divisions etablies ailleurs? Ce serait ne tien comprendre k la philosophic de Proclus que de (1) ZtCijt. eeo^. , prop. 110 et 1«. *^ voep^ T^ iv Vijuv 'ch wijt^v , o5tM iea\ ftv tip 4v\ tft 8v. Ontlfn, Pdftn. , I. VI, p. te. tl) OHlMII* jmMI«) P* lis* m iX IflTCkE BT MS FACULTiS M i'AM«. 547 ne pas voir avec qnelle aisatice il se joue de ses 6ter- nclles divisions. II les a tellement mullipli^es , elles se croisent dans des sens si opposes, que si elles avaient une valeur fixe et absolue, il n'est point d'eclectisme^ si large qu'on le suppose, qui put les admettre simul- tan^ment. Mais Proclus se meutsans peine danscette trame si serr6e, grAce icette analogic universelle qui 6te presque toute valeur au mot d'hypostase , et qui , enveloppant tous les effets dans les causes, n'est en ap- parence si prodigue de distinctions que parce qu'au fond elle se resout en un pantheisme complet (1). Nous retrouvons done ici , dans Fordre de la con- naissance , cette m6me loi des analogies , ce m6me rapport des effets et des causes qui caracterisent la philosophie de Proclus dans la recherche des prip- cipes de I'^tre. Par la m6me raison, il ne faut pas s'attendre h une delimitation precise du point ou finit la science, ou commence Tenthousiasme. II dit i plusieurs Reprises que VimctYi^rt s'arr6te i la didvoia. Mais la (ppoWifrc^ , qu'il donne pour interm^diaire entre ite vouv , tuv xt Oitepxo9{JiCa>v icpaY{^dtuv , df ' u)v p.£T^ Tot icptiSriura xtbv i.'^a.^Hi^ A 6^ TeXedioupyi twv ^^^ifo^ ^^ i '^"^ *^^^ %eft 'cbv p(ov t6v dvBpcomvov Cnripxe xl^ paoxtovv) fiixP^ {Jiaivtix7|( 'TcpoVouva xdl loiTptxfiC* xal xauxa?, &XX(0( jibv iv to'k; d'fdvefftv alTtot<;, &AXa>{ 6^ -jtspl t6v xtfcjiov , lax^Tw? 8fe Ttepl dvOpcimvwv, liriTiriSeuaiv TiOejx^viri* feireiSri yap aOXo? ioT\ 909id x«\ x**P^«^ "h Oe6« aunj , 6t« touto xal taiX<;itp6; ati^v a«YT^>'<*v» bc^aivei xdi jidpia icdlvTa x?^? ^povt^oebx , TYi? -re Beta; xa\ ttj*; dvOpoyictvT^. Coram, B&S DB LA NATURB BT DBS FAGULTlSs DB L'AME. af/eraSoTO); , k moios que la distinction entre ces deax facult^s ne porte sur le mode plut6t que sur Tobjet, La voy)ai; elle-m6me , si souvent 61ev6e au-dessus de la science, est-elle Tenthousiasme mystique? Tout k I'heure nous avons vu deux acceptions difii^ rentes de ce mot. En voici un autre exemple : Dans le commentaire sur le Parm^nide^ Proclus distingue differentes sortes de beaut6s, perceptibles par des facult^s diverses. U y a, dit-il, une beaut6 percep- tible par la sensation , une autre par le jugement empirique ou Topinion , une autre par la raison dis- cursive : voil^ jusqu'ici toutes les facult^s qui appar- tiennent purement k TAme et qui concourent k Fac- quisition de la science : ata9ripo6{i£vov , &XXo vdtiTCt jjieTi Xdyou , &Vko St voifJ7ei xaOap^, AX>iO Sk xa\ Ayvcmtov, xaO* aCtxb itavTeXu^ ^^-iopY)(jivov, xai\ iauToO tfionX {jLov^ xQE6opa96ai 6uvd(Jicvov. Comtn. Parm, , t. V, p. 217. (3) II cesse de T^tre, si on les rapproclie de la citation qui suit iui 4* diatement. &50l I>£ U IVATUBB BT J>E$ FACULT]§6 0B l^'AAfS* n'y a que Fabsolu en qui le noQ-€xister soil meilleur que I'existence (I), Ce non-6tre sup^rieur k I'fitre^ c'est ^videmment cette plenitude de I'fitre qui s6pari5 k jamais Ffitre parfait cje tout le reste, et I'eleve au« dessus de toute definition, au-dessus nob^me du lan-*- gage ; cette connaissance n^gatiife n'est» au fond, que la plus positive de toutes les pens^es , la seule pen^ s6e positive ; mais comme dans toute parole qui d^ signe Dieu , et dans toute pens^e bumaine qui le con- ?oit, un contraste profond s'etablit entre sa grandeut et notre faiblesse , ces ^tats si parfaits de notre ^me oil elle sort d'elle-m^me, ou elle s'egale k son Dieu, ressemblent k une abdication de la raison* Cest une fureur, un d61ire, une ivresse. Nous nous teutons comme enivres de ce nectar (2) , ou plut6t de ce Dieu, qui coule comme un torrent au travers de noire coBur. Le monde s'enfuit, les passions, Vkme elle^ m^me se tail, la personne bumaine expire, et le Dieu qui se communique nous saisit et nous abinii@ en lui tout entiers. (1) iXkdL |ilv el voO; xat 9I Beloii ^^x'^ ^^'^ V^^ '^^ eautcov dxpdni'cac X9l x^ ^vcJttjtoi? ^v6ou<7i(b7i itep\ t6 6v , xa\ elat Betat ^x.^\ tb jjidtXKJTa rauTYi; gvexa -n;; ^vep-fefac xorrfi 8fe ti? voepdc 6uvd|i£i; ^^dptivTot too voO , xaX tcspixopeuouoiv auxdv xqit4 8e xa? voTfjxix^t; iauxbi^ yif/ xoOxo Bi iaxt xaxacpofc- ceo)? tStov x% .8fe fevOeowxtx^ •icep\ x6 Sv fevepyete x6 diwKpaxtxdv Jaxt xal fev xauxai? xvi< Yv<6(Teidc* oO y^p 6x1 ia%l xb &v Yiv(69xouqiv , diXX' 8xt ovx l9Tt xar^ t^ xpelttov xou £axiv. H Sk xou Sxi oOx £9x1 vo'T^tiK , dicd9Q[si^ ^oxiv. Com,m» Parm, , t. IV^ p. 52 sq. (2) iTcwpaxtxtoc 4pa y^^^'^c^ "f^ '^>'* 6ixx3k y^ lyfu x^ Y^i^amc, xi^v |4kv (Sk VOU< , T^V & CaC (Xl^ VOU(* Xqi\ X^V p,^V (iK iftVXl^V YlVt699C(i)V , X^V & yi£0v v6cxapu /&• , t. VI , p. 52. M Lk NAfDlS Bt MS FACUtTiB IHS h'kVm. M4 II nous resterait , pour completer la psychologic de Preeius , k montrer ce qu'est peur lui la ¥ele&t4. Mais c'est un sujet qui ne peut 6tre s^par6 de ses doctrines sur la Providepoe et feUr Vorigine du mal , et nous consacrerons un chapitre k comparer sa doc- trine sous ce rapport i celle de Plotin, 552 DE LA PROVIDBNGB DIVINE ET DE LA MORALE. CHAPITRE VI. DE LA PROVIDENCE DIVINE ET DE LA MORALE. La necessite est au fond da systeme de Proclas. Cependant il admet trea-explicitement et demontre avec beaucoup de soin et de force la Providence divine et la liberte. Dieu produit la matiere da monde, il Porganise, il lui donne une ame et un esprit. II le sur- veille et le dirige. De la nature du mal ; reponse aux objections tirees de Pexistence du mal , contre la Providence divine. Nature de la volonte chez Thomine ; la liberte. La Justice. L' Amour. La Priere. Nous avons successivement consid6r6 le Dieu de Proclus dans sa nature et dans son action. Nous avons compare cette th6ologie k celle de Plotin , et verifi6 ensuite, par T^tude de la psychologic de Proclus, les r^sultats auxquels nous 6tions parvenus. Si de cette theorie sur la nature de Dieu, sur le caractfere de son action, et sur les facult^s de Thomme, nous essayons de conclure, avant d'ouvrir les textes, quelle doit 6tre la theorie de Proclus sur les rapports de Dieu et de rhomme , c'est-i-dire sur la Providence et la mo- rale, nous pouvons en assigner d'abord les carac- t^res au nom de la logique , sans crainte de nous tromper. Proclus a beau 6tre le plus intrepide 6clec- tique qui fut jamais ; malgr^ cette exag^ration d'un principe excellent, qui encombre sa philosophie DE LA PROVIDENGB DIVINE ET DE LA MORALE. 553 d*une multitude de distinctions oil trop souvent le caract^re g^n^rai de ses doctrines disparait et se perd , il y a un fond qui domine tout le reste, que nous avons partout retrouv6, qui est propre au pla- tonisme en lui-m6me, que Plotin a modifi6, et que Proclus , guid6 par les travaux des Porphyre et des Jamblique , a achev6 de mettre en lumiere. C'est la que nous devons regarder, et laissant de c6te tons les accessoires, qui out tant de prix aux yeux de Proclus, rhomme de la science universelle, nous pouvons extraire un syst^me simple de cette im- mense encyclopedic , et montrer a quelle conclusion ce syst^me doit aboutir. Que doivent les Alexandrins i Platon? Comme me- thode,ladialectique; comnle doctrine m^taphysique, les id^es, les nombres, Dieu, qui est le lieu des id^es, runit^ absolue qui est le terme n^cessaire et redou- table de la dialectique. Comme explication de la na- ture du monde, ils lui doivent Taction du voO;, unique cause efficiente , les rapports de T&me avec le vov? et avec le corps, la doctrine des vioi d/jjuitoupyot , et la th6orie de la fxe96?^ et de la matifere. Cest sur ce fond qu'ils ont travaill6 ; ce sont ces principes qu*ils ont interpr^t^s, modifies, quelquefois alt^r^s, mais toujours en croyant leur rester fideles. Qu'apporte Plotin ? L'extase, qu'il met au-dessus de la dialectique, pour n'6tre pas contraint, comme Platon, de rejeter runit6 sup6rieure k Tfetre ; la thtorie de la trinity hypostatique, pour sauver, s'il le pouvait, Funit^ ab- solue, sans renoncer au $Yiiimpyb<; , et enfln la th^ori^ &ft& m u raoYiraNfs piYivs bt m %k moialb. de r^anatioii , qui a'est qu'tin commetitaire de la pieee(«;. Comment c^s nouveltea doctrines depasseat in pens6e de Platont et comment ellefl 9ont toutes indi<^ qu^es ou pressenties dan^ la philosophic platoni^ cienne, c'est ce qu6 nous avoB» d^j& montre. Noos avons aussl fait voir pourquoi Thypotb^ de Plotia ne resolvait pas le probl^me dm rapports de Tun avec le multiple , et, p^a(§trant dans Tint^rieur de cette bypoth^se^ nous y ayons montri6 des contra^ dictions necessaires. Get eepoir de Piotin, qu'en mul- tipliant les hypostases divines, il mettra d'un cdti§ la puissance productrice, et laissera dj6 Tautre, intacte^ et dans un absolu repos, Tunit^ sup^rieure h Tfitre, est de tout point chim^riqae* et ne pourraitd'ailleurs 6tre r^alis^ , sans que Tunit^ 4u piincipe filt eomi- pletement d^truite. Qu'importe, ene&t, queces trais hypostases soient appei^ uU mdme Dieu » et qu'eltes soient coeternelles (ee qui* dws le langage de Plo- tin, exprima une id^e fort analogue k cclie que nous traduirions par le mot d6 consubatantJAltes) ; qu'importe cela, si la force est dans uiie h3rp<»&ta8e inf^rieure, comme un t^lieniept ^tiirement nout- veau dans son essenoa et dans m determination, entierement Stranger wl\ hypostases snpi^riearcs? Gette complete et absolue separation de ranit<^ et de la force (quoique coeustailtes dans te sein d'un m^me Dieu) est m^eessaire a Plotbi^ s'il vfeut retir rer quelque fruit de aoq hypoth^; ansai feint>Bt qu'un ns6nie lacte (S). iM er^aUres de jMeu, iMt-il encore a^ec ^ergie, ont leur kypostase dans sas <30tideptions (h). D^ chosBS sont egalemBnt ^ceMmses, c^est qiie l^aelus a Teoodnn rexistenee -Ae la *volmit6 <€it de la 1ft- lmi,6 en jDiai, M qu'il lal^ b suboithiiui^as Ffioe (%) A yoiv kn^ vo^ .'CoO ti^fiivCQU y^vovs ainia, icdvtai ^(i^Yei t^ tnJip^tti, 6eou;, dLf^€ko\j<:, 6Qi(piova?, ^Jiptoac, +ux^*I' o^ xaOoTOv Satfiove? -i^ &Y7eXot, touto Tf^v eU t6 tcXt|8o< dta^p &nv* dXXdt xaO(J9ov 'icdtvw Ocid irik ioxl i^ f^vi) «n6w it^ oupdvta. Comm, TVm, ,'t. V, p. 218. (2) |^02/e« ^WdtSftbs , Q. &, Ci 4 ^ t« (0, >p. -405. (3) Th^ol. selon Platon, I 1, c. 21. (4) Comm, Tim,, p. 41. DE la providence divine ET DE la MOltALE. 58S et Vautre & raction n^cessaire de I'unite , du Trapa- detypa et du voOi;. Jusque-lft, il ne diflfere de Plotin que par une expression plus exacte de leur pens^e com- mune. La fatality est done bien , comme nous Favons dit , au fond des deux syst^mes , et la liberty n'est qn'h la surface. Plotin semblait confondre la li- berty avec Faction necessaire; Proclus les distingue, mais pour soumettre k la necessite I'exercice de la liberty. Que s'ensuit-il ? Que la liberty est un defaut, puisqu'elle n'est pas d^jA dans la cause premiere , quoique Proclus , en la comparant au reste des causes , la consid6re comme une perfection ; et qu'en Dieu , oh Ferreur et la faute sont ^galement impos- sibles , elle se confond , dans tons ses r^sultats , avec Faction necessaire (1). Placer ainsi la volont6 et la liberty aprSs la cause fatale , c'est He rien entendre i Fune ni h Fautre. La volonte, et pour la prendre dans son caractfere le plus complet , la liberty , ne pent 6tre un defaut , que si on la fait consister tout entiere dans la liberty d'in- difSSrence. II y a deux sortes de liberty pour les sys- t^mes qui n'admettent pas la liberty ; Fune est le pouvoir d'ob^ir sans trouble h Fimpulsion de sa na- ture propre ; celle-li est la bonne , suivant les pan- th^istes; c'est la liberty de Plotin et de Spinoza, et son vrai nom est la n6cessit6 ; Fautre est la liberty d'indiflSrence , qui n'est gu6re qu'un hasard subjec- tif , relativement bonne , parce qu'elle suppose la vo- lenti et Fintelligence , mais mauvaise en soi, parce (1) F'oyez d-dessus, 1. 5, c. ft ; t. II, p. 494. 56& DE LA PROVIDENCB DIVINE BT D£ LA MORALE. qu'elle est contingente dans son d^veloppement et dans ses effets, et qu'elle contient virtuellement rinutile. Ces deux interpretations oppos6es et 6gale- ment fausses de la nature de la liberty, engendrent Chez les Alexandrins de perp^tuelles ^uivoques. Proclus fait dans sa m^taphysique tout ce quMl faut pour rendre la liberty impossible, et dans sa morale, tout ce qu'il faut pour demontrer qu'elle existe. Com- ment aurait-il conscience de Tincons^quence oil il se laisse entrainer ? Cette inconsequence est sa philo- sophie tout entiere, c'est Tune des innombrables applications de Thypothese trinitaire , qu'il regarde comme infaillible , et qu'il met tons ses soins h d& velopper , k perfectionner. II ne faut done pas 6tre surpris de trouver dans Proclus une th^orie complete de la Providence divine, de la volonte, de la liberte humaine. II est m6me plus explicite dans ses demonstrations de la liberte que Plotin, qui Tetait dejh beaucoup. C'est qu'outre cette equivoque des syst^mes panth^istes , oil Pro- clus , comme Plotin , se laissa souvent entrainer, il se rassure encore par les principes de son ^clec- tisme; il pense surtout au Jyjuioupyoc, qu'il a fait in- telligent , volontaire et libre ; il oublie que derrifere le 3y]|:/.tovp70(;, il a lui-m6me elev^ une force qui do- mine tout, une loi fatale qui enchafne tout. Ces reserves faites , nous nous contenterons d'in- diquer les doctrines de Proclus sur la formation du monde , la Providence, et la destin6e humaine. Nous n'entrerons pas dans le detail des arguments par D£ LA PAOVIOBNGE DIVINE £T DK LA MORALE. 565 lesquels il prouve, avec une 6vidente sincerite, et une grande force de raison , que Dieu est une cause intelligente et libre , que les dieux nous out donne la liberty, pour que nous puissions m^riter en faisant le bien. II nous importe surtout d'avoir montr^ : 1* qu'une throne si complete de la liberty ne r^sulte pas l^gitimement de la doctrine de Proclus sur Tu- nit6 absolue ; 2** par quel exc6s de confiance dans la vertu de son hypoth^se trinitaire, il a cru qu'elles pouvaient 6tre conciliees ; et S** comment le premier principe de sa doctrine le pousse k mal interpreter la nature de la liberte , tandis que tout le reste de ses speculations et ses sentiments m6mes Fincli-* naient k lui rendre son rang et son essence veri- table. Voici done k peu pr6s comment on pent concevoir la th^orie de Proclus sur la Providence. II y a en Dieu de la n^cessit^ ; et malgr^ tons les efforts de Proclus qui a compos6 un trait6 special pour d6- montrer que Dieu est libre , cette n^cessite est 6vi- demment dans le rapport de la premiere bypostase k la seconde. La loi n6cessaire et divine, et la volont6 divine tendent au m6me but , et agissent ensemble , comme une force unique ; car Tune et I'autre , en effet, coexistent dans le m6me Dieu (1). Comment la volont6 divine pourrait-elle ne pas faire en chaque chose ce qui est le mieux ? II n*en r6sulte pas que la volonte divine n'est pas libre , mais seuleraent que (1) H ydip Bete Avd^xTri auvtpixei t^ 6e^t pouXiiwt , x»\ -h btXoT'l '^ ^M^ » xa\ 566 D£ LA PROYIDfiNGB DIYINB £T DB hk AIO&ALB« Dieu lie peut se tromper, et qu*il ne peut vouloir h mal (1). Supposer que Dieu est une cause aveugle, c*est Tabaisser au niveau des dernieres et plus im*- parfaites causes qui existent dans la nature (2) ; H n'y a point de perfection dans Teffet, qui d'abord ne soit en lui , et par consequent il produit avec una pleine intelligence de lui-m^me, et en lui-mSme, c'est-&-dire dans la cause actuellement determinee, il connait pleinement ses effets (8). Dieu pri^side k la creation comme volontd^ comnie intelligence, comme puissance, |3ovXy]Td>(;, yvaxfrr/a^, 3uv«T^ (4) ; ou bien encore, selon une autre divisioa trinitaire, il est bonte, volonte, providence, irpor/ye&ait , vota (5). La bont6, dit Proclus, en d^veloppant ce point de vue, est comme le pere, la puissance, 3u- vapm» est la mere, et 1' esprit qui connait est le troir siigme terme qui complete Taction des deux autres, vov$ Si TpcToi; 6 yv(i5Two; (6). On pourrait multiplier in- d^finiment ces triades, oil rien n'est stable, nito termes, nila hi^rarchie. Mais partout, quand il s'apt de Taction directe du d^jfjiiovpyo;, la bont6, la volont^, (1) De la Providence^ c, 48, (2) OuTC al iconiffet? &\oyoi Ttve<; xa\ xBhk VOBALH. 967 la coBDaissance da monde , sont an Dondflre des «t^ tiibuts qu'on lui donnew Dkieu produit le QKmde; et smvaat ub piiEQipe. plus g^B^ral, tout 6tre qui a la pl6mitude de son e»« seoce produife ub efiet (I) d]fiS§rent de lui (3) , iafd- rieur k hii (&), et le pf'oduit aaus se dimiBuar, saina cemuiuBiquer sa prop? e sabstaBce {k). Les dieux ^ c'est-^-dire les puissances contenues dans le ^niimpyoq^ et par lui coastitu^es, pFoduiseat to^t ce qi4 exists, sans exception : oil s'arrftte leur efflcace, retre s'ar^ r^te (5). La mati^e n'est pas um priQcipe di^tiuQt qui existe , comme dans Aristote , ind^pendamment de Dieu; eB dehors de IHeu et de S9B action, il n'y a que neant (6). Dieu e&t p^re, paree qu^il ei^eiidre la Sttbatanee; organisateur, parce qu'il la fa$o«B^(7)* Prodos %Wh^ prunte k Y6co\e pytbagoiidenne tout son appareil g6onaetrique pour decrire Torcire de.Ia g^u^r^tion du, monde (3), et le melange de$ ^l^ments dont U €»% forrn^ (9). Ces my stores num6riques, si importants (D Dav ^6 T^^iov el^ Aicoftv^cti^ icpdeigiv. Etoix. 6eoX. , prop. 25. (a) Ka\ t6 TOxpaYdiievov dXXo icap' aOtd feortv. lb. , prop. 27. (3) Dav tb TcapdYOV xi Bjioia itpb? £auT6 itpb twv 4vo|xo(6)v 69(anri«v. iite Y^p xpstTTov fe^ Avd-ptTj? fejx\ ToO TcapaYoy.^voo t6 -rcapAYOV , t3i aOiA jiiv xaV toot dhtXco^ xa\ faa xari 6uvaj«v oOx 4v icore etTj d>>^ifiXoic , x. t. ^. /ft. (ft) 06 Y^P dlitoiiepi(JiJ,d? irzi too TcapdyovTO? t6 icapaYdii-evov. lb- , prop. 211. (5) EdvToi t4 dvTtt xal itowoit twv dvTwv at 3iaxoapLtfffet? SitV toctootov icpoe)iY| • >u6a7iv , hf* 8aov xa\ at twv Oewv StaTd^ei?. /6. , prop. 144. (6) Du mal, c. 3. Comm. TYm., p. 117 et 129. ThM. iehn iPfol. , 1.3, c. 7. r7) Foyex d-dessus , 1. 5 , c. ft ; t. U , p. ft75. (8) Thiol selon Plaion^ 1. 5, c. 12. (9) On peut voir, dans le Cowm, Tim. , p. 147 sqq. , comment Prochis d^ moDtre , que deux moyens ^talent n^cessalres pour unir entre eux deux soHdes. Nous donnons Mulement la r^ponse \ uoe objection qui « «ttf renoufelte depuis. 568 DM LA PR(mDB!VGIir DIVIM£ £T BE LA BIOAALE. aux yeux de T^coie, si souvent remis en honneur, et que Platon lui-meme n'avait pas d6daiga6s (I) , doi- vent 6tre rel^gu^ avec les plus bizarres superstitions de la th^urgie, et ue peuvent compter que dans rhistoire dies erreurs et des deceptions de Fesprit hmnain. La determination des attributs physiques des quatre elements, pr^sent^e par Proclus, n'oflBre et que les commentateurs taodernes da Tim^e de Platon n'ont pas d^daign^e. En falsaDt cette citation , nous a'avoas p«$ d'autre knit que de donoer une id^ d'un des cdt^ les plus insignlfiants de la philosophie de Proclus. II veut d^mon- trer d'abord que deux surfaces peuyent ttre unies indiffiremment ou par un- seul moyen ou par plusieurs. Aiosi, entre lii et 81« on trouve plusieurs moyens^ mais on peut aussi en trouver un seul , en dlevant au carr^ le terme interm^- fiaire entre les deux racines; on a alors : 4* : 6* : : 6* : 9*. n passe ensaite aux sondes, et 11 prend des cubes, soit 8 et 27 , dont les racines cubiques sent 3 et 3. En multipUant deux facteurs d*une racine par un Tacteur de Tautre et ctfdpfoquement, Bousauroos 2X3X3s:13et3X3X3s^l8. D'oCi la pro- 8 18 portion 8 : 13 :: 18 1 27, e'est-^dlre 8 : 8 + * : M8 : 18 + -^» n fait la meme. ddmonstratlon pour des solides qui ne soat pas cubes. On fait, dlt*il ensulte, cette objectiou : 64 et 730 sont deux solides ,. car 64 est le cube de 4* et 730 est le cube de 0. Or ils forment une proportion avec un seul moyen , 316. Gar ^20=216X3+ r^X3]=648+(27X3}=648-i- 81 = 729, et2i6=6&X 3+ [— X3j=102+(8X3)=103 + 24=216. C'est-4-dire que dans cette proportion 64 : 216 : : 216 : 720 , cbaque second terme est ^gal k chaque pre- mier terme multlpli^ par trois, plus 3 fois le 1/8 du premier terme. La r^ponse h cette objection est facile ; 64 et 720 oe sont pas seulement des cubes de 4 et de 0. lis sont les carr^s de 8 et de 27. G'est en quality de carr^ gu'ils out pour moyen 216 , produit des deux racines multipli^es Tune par Tautre, 8X27 = 216. Mais si on les prend comme cubes, et que I'on multi- plie deux facteurs de Tun par ua facteur de I'autre et r^ciproquenient , on aura 4X^X9=144 et 0X0XA = 324. ce qui donne la proportion 64 : 144 : : 324 : 720 ou 4» : 4*X9 : : 9«X4 : 9K — Consultez^ pour ces. tbdories num^riques, les divers ^diteurs ou traducteurs du Timie^ M. Cou- sin, M. Stalbaum. royez surtout les Etudes de M. Th. Henri Martin sur le Tim4e^ et son grand ouvrage, encore in^dit, sur VHistoire des Sciences pAs^figtie^ chez les Grecs et les Homains. . (1) Voyest U Tim^ IXfi LA FUOVIDENGE DIVINE BT BE LA MORALE. 569 pas plus d'importance , et n'a tout au plus qu'un in- ter6t de curiosity (1) . Dieu produit et organise la substance du monde. 11 donne la vie k ce grand corps , en y plagant une hme (2), et la beauts , en mettant un esprit dans cette Ame (3). Le monde est ainsi un 6tre complet, un tout, qui se suffit & lui-m6me (&) , sous la reserve de reposer dans la main de Dieu , et qui » parfaitement uni dans toutes ses parties^ n'enferme dans son sein ni d^faut, ni lacune (5). L'^ternel ouvrier, qui fait toutes choses a son image, ne pent produire que des ouvrages excellents. Tout ce qui sort de ses mains est bon , mais bon d'une bonte differente (6). Sans peine , sans fatigue , il surveille ce qu'il a cre6 (7) ; il Tameliore et le per- fectionne sans cesse (8). D'oii vient done le mal? ou plut6t existe-t41 du mal? Proclus ne nie pas Fexistence du mal. Le mal est k ses yeux dej& compris dans cette simple enoncia- (1) Tcj> {j.b/ itupV, XsircoiUpeuiv , d^6T7)Ta, eOxivi^viav* xtf Sk di^pt, >;e?tTO- VT^atev T^ 81 Y^ itaj^ujiepetav , dti6XuT7iTa , 6L>axivTf\ff(av. Comm, Tim. , p. 151 sq. Et Gf. , dans le m€ine Comm. , les ^ pages prMdentes. (3) Conwu Tim. , p. 123. (3) lb., p. 124. (h) lb., p. 139. (5) pYi-rfov icp^? auToOc 6xt twv dvTuv Vj 7cp6o6o? auvexi?!? mt\, xolX oiiSlv ev xoic oi3^v ditoXiXeiicToii xevdv, Jb,, p, 115.^npa>T0v (&kv i^tol iMxdt t^v dtStd- OTP090V icep\Oeu>v Ivvoiotv x«l ttj? dyaOckTiTOc aOt«bv , dicavxuv jjiv dYciBcov auxobc Xop-nfoiK dicofoivetv, TuotWJ Si o06ev6<; ouSevC itore x&v dvTiav alxtou^. ThioL (6) Jb,, p. Hi, 113 01a/. (7) Comm. Parm, , t. V, p. 7. (8) Comm. Tim., p. 111. 570 DB LA PROVI0B!fGB DIVIIIB BT DB L4 MORALB. tion que le premier ne pouvait 6tre seul. Gomment une hypostase parfaite diflE6rerait-elle d'une hypo- staso ^galement parfaite? Si le premier est seul par- fait, il y a n^cessairement du mal au second degrd de r^tre (1). Dieu. est en un sens Timique cause , parce qu'il est la cause des causes ; mais il existe «q** dessous de lui des causes infi^rieures, dont TacticHi est imparfaite, et dont les effets participent du ntent. Le mal est done n^cessaire ; il vient de Faction des causes inf^rieures, et la Providence tend continuel-i* lement a le diminuer, k le r^parer. Telle est, selon Proclus, rorigine du mal; et il prouve, par des exemples tir^s du PoUtigue^ de la RSpuktigae et du TMStetej que cette opinion est aussi celle de Pla* ton (2). On demande si le mal arrive par la volont6 du drif/ioupyo; ou malgre lui. Yaine question, pnisque le mal est la condition sans laquelle il n'y a ni hie- rarchie, ni multiplicity (3), II vient, dit Proclus, lAtri TYiv oidtvttotv tov p.)7 4vro? (4). La question se com- prendrait si le mal 6tait autre chose que du ntent ou du d^faut. II n'y a pas d'aiUeurs de mal al)Solu. Le mal n'est que relatif. La partie mauvaise , relati- vement aux autres parties, est bonne relativ^ment k Tensemble. II y a du bien dans la pire des crea- tures ; en effet, elle est, ov km , et elle est eoordonade (1) Tat ykp icptka, t^v l^xdtTiv ^ax^vvs Td^iv, ditoXivei v6 Ay«Mv. Comm^ Tim., p. US. (2) drrs xa\ i(rr\ tb xocM^kv xon' aOt^v (t6v fiXdv.) mA iiA tuv (iCfuu;^ «1«(im 6ffT\ , xtt\ AyaOuveTtti Bik T?iv ayaOoeifiTj toO StiiwoupYOU uprfvotav, dxi (fc'i^ *«^" xdiam xaxdv. Camm, Tim, , p. IIA. (3) Du mal , c. 7. (ft) Comm. Tim.^ p. 115. DB LA FAOVIIffiNGE DIVINE BT DB LA MORALE. 571 avec d'wtres Atres, xdlmc, fxerexet nvoc (1). CeBt lA,: camme on voit, la doctrine de Plotin (3) , on, pour mieux dire , c'est la philosophie platonicienne. Quant A rin^gale distribution des biens et dea maux» Proclus ne fait que reproduire les Enn^adeSi Quel est le vrai bien? N'est-ce pas la vertu (3) ? Nou$ avons vicu avant cette vie : nous avons un compte k regler avec T^ternelle justice (ft). Dieu nous cMide souvent pour notre bien (5). Et Proclus ajoute avec les Stoiciens : Le imechant, sur le trdne, est un es« clave (6)« Mettons la douleur & son rang. Apprenons k nous connattre. Apres avoir mis la liberty en Dieu, Proclus ne pouvait h&siter k la reconnattre dans rhomme. La liberty, d' apres ses principes, ^tait une desst perfections divines, et cependant il la consid^rait comme inff^rieure & la perfection absolue; il pla^ ^ait au premier rang la cause necessaire. En effet, la premiere liypostase est sans doute la perfection absolue; ce n'est pas la perfection virtuelle, c'est la perfection actuelle. Si Dieu peut fetre parfait et n« Test pas encore , il est clair que Ton pourra conce- voir une perfection sup^rieure & la sienne , ce qui est absurde. II est actuellement parfait ^ mais s'il a en puissance d'autres determinations que celles qu'il (3) ypyez cl-desius, 1. 2, e. 8; 1. 1, p. A78 sqq. (3) Dix doutes , c. 6. (4) /«M c. 0. (5) lb. , c. 8. (0) De la Prov, , e. 18. 572 D£ LA PKOVlDBNCe DIVINE ST DE LA MOAALE. s'est donn^es, il est parfait par accident, et ne Test pas par nature, car il n'y a pas deux mani^res d'etre parfait, et Ton ne peut concevoir qu'il eiit 6t6 par- fait, s'il eflt 6t6 autre. Dans cette hypothfese, qui at- tribue k Dieu le pouvoir de choisir entre diverses modifications ^galement possibles, Timperfection qui ne serait pas dans Facte, si Dieu choisissait bien, comme il ne manquerait pas de le faire, serait dans la puissance , et Ton pourrait encore supposer une perfection au-dessus de Dieu; d'oii il suit que la premiere hypostase, c'est-i-dire la perfection ab- solue, est n^cessairement d^termin^e comme 6tre et comme cause, et qu'elle n*a point de puissance qui ne soit r6alis6e , ce qu'on peut encore exprimer en disant qu'elle n'a point de puissance , ou qu*elle est un acte pur. Or, selon Proclus , ou il n*y a pas possi- bility de choisir, il n'y a pas de liberty. Le dr/zioupyoi; , s'il est libre, pouvait done faire un autre choix que celui qu'il a fait, et par consequent un choix pire. II a done le mal en puissance, ce qui le relegue au second rang. II est vrai que ce qui, par la libert6, etait possible, absolument ne T^tait pas ; car Dieu (le ^Tj/xtoupyo;) ne pouvait ni se tromper sur le mieux , ni aimer le pire; mais si I'exercice de la liberty divine est parfait, et par \k conforme avec Taction de la premiere hypostase, c'est une perfection qui lui vient de la perfection de I'intelligence, en depit de la li- berie , pour ainsi dire, et la possibility de la pire de- termination n'en reste pas moins, selon les principes de Proclus, attach^e k Fessence de la liberty. DK LA PROVIDENCE DIVINE ET DE LA MORALE. 573 Gela pouvait faire une difflculte quand il s'agissait de Dieu , mais non quand on descendait a la nature bumaine. L'homme n'est pas simple , il est tout dans le TcoXefAot;. C'est un microcosme. Tous les 616ments de la nature sont en lui , g^ouvem^s par la raison , r^fl^cbis par la conscience. Son &ine a commerce avec Fesprit et avec le corps. EUe contemple Dieu , et connaf t les ph^nom^nes de la mati^re ; elle plane au*dessus du monde , et subit le joug de la sensation. D^cbus, mais capables de remonter k Fancienne splendeur, et m6me au deljt, nous pouvons aussi descendre et donner de nouvelles attacbes k la g^n^ ration et au multiple. Notre sort est dans nos mains : anges, demons apr^s cette vie , ou condamn^s k une vie nouvelle ^ ou r^unis pour jamais k I'^ternel foyer de la perfection et de I'fitre. Nous avons vu Proclus distinguer les facult6s de r&me en deux classes, les unes relatives k la con- naissance, et les autres k Tentretien de la vie (1). Ces facultes, qui font vivre le corps, n'ont rien de commun avec la volont6. Vkme fait vivre le corps, sans y songer et sans le vouloir, par cela seul qu'elle est en lui (2), c'est-&-dire, sans doute, que les facultes par lesquelles nous vivons s'exercent & notre insu. II n'en est pas ainsi des facultes de connaltre, et de Tac- tion par laquelle nous marcbons k notre destin^e. Les Evolutions que nous accomplissons ainsi nous sont <1) Foyez cl-dessus, 1. 5, c. 5; t. II, p. 531. (2) Ka\ fip ifj Viptet^pa ^^X^ itoXkht xaxa ::poa(peffiv IwtpyoiKsa 6(8(i)fftv 8{«i>< X€|> oi6(MiTi C{, tJ^v aC^VMivf^xiwi IjjicpavTi irotet xric; ^itx^q. Comm. Alc,^ t. 11, p. 41. (2) Oil Y^P ^<"'t>' 'h "^"^ wiefirov, olov tb tfwjtfle , ici^ov l^tAlfeV [idwv , dX>A x«l dauT^v b^zif^i Trp6(; t6 T^Xeiov xa\ irpoadYet xy fiuvflniiv^ %kt\^\jN^ Comm. Ale, t. Ill, p. 83. (3) Comm, Tim, , p. 214. (4) AuTTi 6-?! oOv fj aWa Ttdxepov xaxi irpoaCpeatv -TroieX xa\ "k^ia^h'^ , i^ auTy ««p eXvat TOxpdYei t6 iciv. Comm. Parm, , t V, p. 6. (5) Voyez pour la demonstration de la liberty humaine , et pour la rdponse aux objections tWes de la prescience divine, etc, 16 traits />• la Provi- JDB LA PROVIDENCE DIVINE BT DE LA MORALE. 576 ftdts UiMres, dit Proclus, pour qtue nous fassions le bien volontairement et par chok , Ttpi; rr,v cctpeTQ( , ell6s pens6es de PfocIus sur ridde de la jusUce* sans laquelle la liberty se dd* gra4e et devieqt le caprice, et toutes nos facult^s^ d^ tourn^es de leur voie, se confpndent et se perded^t (&) ; sur la priere , t]ui a'est pas , dit^il^ une petite partie de Taspenaion des ftmes, tk^ ilm \Lixm {jiepixoT;. AXkbi xal toutcdv oGts iv Tfli^ Q(jaCai$* novo;! Y^p QUiT^v nX o^sCoti ^dttv* oOxt hf tat( duvdp£»« xdt3c cpOvtv ydip aO-mC. AeCicexai &pa Iv xouc iv«PYf^9 ^' 'c- ^* OttfiMii* STif^t R* il9* il) Comm. Pc^rm. , t. V, p. 7. 2) Comm. IXm. , p. (kr. llMdf. «^^ PmiDn , 1. 1, c. ^16. CofKftt. Aleib. , t. II , p. 166. (3) Comm. Tim, , p. 65. (A) Comm. Hip. , p. 354. . •• (5) Comm. Tim. , p. 65. (6) OOdCa Y^p aO-rfj? V| guvaY^T^? x«\ auv$exTtxi?| twv (jievet, t6 Si xdTeiviv. £toix> Oeo>^., prop. 211. (2) Ce qu'il dit k plusieurs n prises que Dieu est imparticipable, ne dolt pas se prendre pour une negation de rgvcocic , mais pour une des formes de cette i doctrine suivant laquelle Dieu, quoique ^tant Tauteur de tout ce qui est^ n*a de mesure commune avec rlen. f 582 BB LA PROVIDBNGB BIVINB ET DE LA MORALB« comme de sphere en sphere, en nous unissant d'abord aux demons, et successivement A tons les esprits qui forment la hi^rarchie celeste (1). Une pensee puis- sante , un ardent amour ne suffisent pas pour cela : il y faut une force plus divine que tout ce qui depend de nous seuls. L'homme ne pent connattre Dieu sans Dieu , ni s'unir k lui sans son secours. Li se place toute la th^urgie : mystftres r6veWs , paroles efflcaces par elles-mfimes , devant lesquelles tombent les bar-* ri^res qui divisent les especes. C'est ainsi que F^ner* gie de son principe le suit jusqu'A la fin , et qu'aprfed avoir conclu en le r^sumant le travail de T^cole suf la metaphysique , il embrasse aussi toute la th^urgie de ses devanciers dans une harmonie puissante avee le reste de la doctrine. Proclus n'est pas sorti des voies ou T^cole 6talt engag^e; il est all6, dans tons les sens, au bout des principes et des methodes. II a gard6 la m6me no- blesse dans les sentiments , la m6me purete dans les conclusions morales qui font partout Thonneur de l*6cole. II a laiss6 un nom immortel par rimmensit6 de son erudition, la vari6t6 et la f6condit6 de ses id6es , la regularity d'un syst^me oil rantiquit6 tout entifere reparaissait avec tous les problemes qu'elle avait agites, par la clarte nouvelle qu*il a r^pandue sur des principes mal compris jusqu'i lul, et dont il a le premier fait eclater toute la force* Cette grande (1) iHv t6 TcpoYibv diod tivcov icXendvoiv fld«(uv, 6i' &}cdiv icp^cMt, 6tdt t09o6tuv OeoX. , prop. 38. DE LA PROVIDENCE DIVINE ET DE LA MORALE. S83 figure domine les derniers temps du paganisme , et les pFot6ge de sa pure et noble renomm^e. Quatid il disparait, on pent dire que e'en est fait, pour des si^cles , de la litt£l*atur0 et de ia civilisation , dont il avait gard6 le dep6t. II n'en 6tait pas de m6me des id6es suf lesqtlelles 11$ avaient v6ca les iiiis et ies I autres. Les idees , gr&ce i Dieu , ne p^rissent pas. ! Une fois sem^es dans le monde, elles portent leur ^ fruit t6t ou tard pour la posterity. Platoo e&t ^neoFe > virant, tant de sifecles aprfes Proclufe, et la m^thode i 6clectique, entrevue par Platon, fondee par Aris- I tote, exag^r^e, fauss6e par les Alexandrins, rendue j par Leibniti k sa veritable iialtife , relevfie pai-mi J nous avee tant de fermeti et de puissance , tohtient Pavenir de la philosophie. 58& DISPBRSION DB L^iCOLE D'ALEXANDRIB. CHAPITRE VII. DISPERSION DE L'tGOLE IVALEXANDaiE ET DS LIGOLB IVATHfiNES. Demiers representants de la philosophie neoplatonicienne a Athenea et a Alexaiidrie. Hierocles, Hypathief Isidore, Olympiodore ; Mariniu, Zenodote, Damascius. Arrives k ce point de rhistoire du neoplatonisme, nous pouvoDs entrevoir la fin de notre t&che. L'^ole d'Alexandrie,c'estPlotin. NousTavonsetudi^ d'abord dans ses ecrits, et ensuite dans ses disciples. Nous avons trouv6 dans son ^cole deux directions k beau- coup d'6gards opposees : celle de Porphyre , celle de Jamblique. Nous les avons suivies Tune et Tautre, en les comparant entre elles, et k la doctrine des EnnSades^ leur commune source. Julien nous a mon- tx€ ensuite Tecole d'Alexandrie faisant pour ainsi dire explosion sur la scene politique , et traduisant ses theories par des faits. Enfin , comme Fdcole d*A- lexandrie va se perdre dans Tecole d'Ath^nes, qui en est la fiUe legitime , nous avons pris cette nouvelle ecole dans son expression la plus complete, c'est-4- dire dans les Merits de Proclus; et sans entrer dans tons les details de cette nouvelle philosophic , nous nous sommes eflbrc6 de montrer qu'elle contient DisPBfisioN D£ l'^gole d'alexandbie. 585 Plotin tout entier, et avec lui le travail des deux 6coles rivales qui out v6cu de ses principes et de son influence. Proclus mort^ T^cole d'Ath^nes va perir. II ne nous restei raconter que ses funerailles. Olym- piodore, Damascius ne sont pas, tant s'en faut, des noms m^prisables. Mais toute cette veine est ^puis^e. Proclus a dit le dernier mot de T^cole. Si Justinien n'avait pas ferm6, peu de temps apres la mort de Proclus, les6coles d'Athenes,lavie ne s'en serait pas moinsretiree. Le genie meme eut et6 impuissantpour sauverle n^oplatonisme. II avait ete pousse i ses der- niferes consequences. II ne restait qu'k recueillir les fruits excellents quMl avait portes , k laisser li toutes les chimferes qu'il avait cultiv^es avec tant d'amour, u et a creuser autre part un nouveau sillon. En conti- nuant de dechiflfrer une hypothese qui n'avait jdus de secrets, Damascius se resignait k la sterility. D'ailleurs, I'ecole d'Athfenes, d6s qu'elle n'ajoute plus rien k Plotin, ne rentre pas dans notre sujet. Nous faisons I'histoire d'un principe, le reste nous est Stranger. Quelques mots nous sufBront pour ra- conter les derniers desastres des Alexandrins, les vexations du pouvoir, les haines de la multitude , les privileges des chaires violas, leurs biens conflsqu^s , laliberte d'enseigner suspendue, limitee, enfin abolie par un d6cret de Justinien, et les d^plorables restes d'une si grande 6cole, traversant la moitie du monde, pour aller hors des limites de Tempire chercher k la cour d'un barbare un asile pour la philosophic et la civilisation de la Grfece. D6s longtemps vaincue Hi SI !» ^ 566 BISPBRSION DB L'^GOLB D*ALEXANDRIE. dans Tordre des idfes, malgre tant de savoir et de g^nie, vaincue aprcjs Julien dans Tdrdi-e des fails, lorsque I'^cole a perdu cette brillaiite gloire de Pro- clus, elle ne fait plus, pour ainsi parler, que se survivre 6 elle-iil6me. Nous nous bomerons h nommer Hermias, le con- disciple de Proclus k Fecole de Syrianus, homme de bieu, philosophe mediocre, qui, pour rassurer un ami sur son lit de mort , lui afflrmait par serment rimmortalit6 de Tame (1) ; iEd^sia , femme d'Her- mias, et m^ve d'Ammonius, philosophe elle-in6me, et Tune des plus c^lebres parmi les femmes qui tin- rent un rang dans T^cole d'Alexandrie (2) ; Domni- nus, de Laodic6e ou de Larisse, que Damascius a blAme pour avoir m616 les traditions religieuses de sa patrie k la doctrine de Platon (S) , et qui s'etait signal6 , k Tficole de Syrianus , ft e6t6 de Proclus lui- m6me (h). Les disciples de Proclus, qui ont laisse un nom , sont plus nombreux : Marinus, son succes- seur et son historien, Ammonius, fils d'Hermias (5), Hierius, flls de Plutarque (6), Asd6piodote (7), (1) Phot., Cod. Jftl. (2) Bnicker,l.l.,p. 116. (3) Dans Suidas , F» Donminus. (4) Prodis, €omm, j'tm., p. 5ft «t 8t. (5) F'oyg* ci-^pr^, mfinne cHapitre, p. 599. (6) Voyez ci-dessus, 1. 5, c. 1, p. 375. (7) Ascl^iodote s'oceapait sdrtottt 4e ttietioUft Mur^ltes t fl ^vfgttg^ak en philosophic les traditions orphiques et chalddenni^Si do^t U f 'avail pas d'aU* leurs une intelligence snfiisante. II ne laisse pas de marquer parmi les saints de ia secte, et IXaoiasciiis raottste de lid, i^Ure lUK^es ddrattos , quil lUali dans les t^nibres. Foyez les/ragme«ts ()e J)fU[rMSciji)9, daps ^Jtotins, C^4. 2A2, et dans Suidas , au mot Ascl^iodote. BISPBRSION DE t'MCOLB D'ALEXANDRIE. 587 Z^nodote (1), Isidore (2), Asclepiade (8), H6gias (4). FauMl aussi Compter parmi eux Fauteur du Trept &ewy xal xodjuov, Salluste? L'histoire ne nous a trans- tois aucun detail sur ce philosophe qui dut pour- tant, si Ton en juge par cet abr6g6, tenir un rang distingu6 dans l'6cole. Cet 6crit ne contient gu6re que la philosophle de Proclus, mais exposee avec une precision et une nettete k laquell6 ses contemporains ne nous avaient pas accoutumes, soit qu'il appar- tienne au temps de Julien comme on I'a cru quel- quefois^ soit qu'on doive le placer apr^s Proclus, comme I'analogie des doctrines le ferait croire. Gette tentative pour r^duire dans un cadre regulier la doc- trine de Ficole, est probablement la plus heureuse que Ton ait tentee , mais elle ne fut sans doute pas unique ; et dans cette 6cole , dont la diffusion est un des traits distinctifs , le besoin d'une exposition sys- t^malique dut se faire sentir plus d'une fois. Alcinous en avait donn^ un module dans son abr^g^ de la doc^ trine platonicienne; et Ton croit, non sans fonde- ment, que Proclus, dans sa ItoixIiogk; 9^eoXoyw>5, s*6tait propos6 pour but principal de r^sumer les Bnn^ades. Proclus !*^sume en maitre, qui f^conde tout ce qu'il touche; et Salluste en disciple, h qui sufflsent la clart4 , la r^gularite , et une complete Intelligence de la pens^e qu'il reproduit. Marinus eut k peine recueilli I'heritage de son (1) Foyez ci-aprfes, m6me chapitre , p. 588. (2) f^oyez ci-apr^s, m^ine chapitre, p. 598. (K Asel^iade entreprit de monUrer I'ac^or^ de toiite$ les religions. Pbot. , U. (ft) On cite encore Pampretius, S^v^rianus, H^ralsque. 588 DISPERSION DB l'jSGOLB D'ALEXANDRIE. maitre, que sa sante d^faillante ravertit de songer lui-m6me k se designer un successeur. Hegias , Isi- dore et Z^nodote avaient partag^ avec lui ramiti6 et la faveur de Proclus. Mais H6gias , riche , et sur beaucoup de points en disaccord avec ses amis , ou ne convenait point 4 cette tdche , ou ne voulut pas I'accepter; Isidore, c^dant k d'instantes pri6res, se laissa designer par son ami mourant ; et bicntdt, remettant ce fardeau entre les mains de Z^nodote , il se h&ta de quitter Ath^nes pour Alexandrie. II eut pourtant la gloire, dans la courte dur^e de son en- seignement k Ath6nes , d'etre un des mattres de Da- mascius. Damascius apprit de lui et de Marinus la pbilosophie , et de Zenodote les mathematiques. Fut- il le successeur de Zenodote? Partagea-t-il avec lui I'heritage d' Isidore? Ce qui est certain, c'est que ce fut dans ses mains que la cbaine d'or se rompit; et nous le retrouverons k Athenes sous le consulat de Decius , au moment oii le d^cret de Justinien ferme I'ecole de Proclus, de Syrianus et de Plutarque. Mais avant d'etudier dans Damascius le dernier soulien de I'^cole d' Athenes, indiquons au moins les maitres de la pbilosophie platonicienne dans Alexandrie. Nous ne compterons pas parmi eux le premier maltre de Proclus, Olympiodore, qui appartient 4 I'ecole peripateticienne ; Teloquent et savant Hiero- cles, dont Dacier s'est fait Fhistorien et le traduc- teur, et que nous connaissons surtout par son com- mentaire sur les vers dor^s^ est plut6t de I'ecole de DISPERSION DE L'^COLE D*ALEXANDRIE. 589 Pythagore (1). Cependant il ^crivit aussi des com- mentaires sur la doctrine de Platon, qu'il voulut, selon la r^gle commune , concilier avec Aristote ; et Ton a remarqu^ que dans son traits sur la Provi^ dence^ dont Photius nous a conserve un abr^ge et des fragments (2) , ilattribuait a Platon le dogme de I la creation, dans toute la rigueur du sens Chretien. I Est-ce, comme on Ta souvent pr^tendu (3), un em- prunt fait aux pferes de Tfiglise? Et Hierocl^s, Fun « des plus ardents et des plus temeraires ennemis du « christianisme (4) , avait-t-il , en d6pit de sa haine , \ adopte la croyance de ses adversaires sur un dogme 8: capital? On pent dire au moins que la doctrine des fc Alexandrins , quoique fort diflferente de la creation , It s'en rapprochait assez pour expliquer une equivoque ; t que vers la fin de I'ecole , sans abandonner leurs prin- cipes, ils avaient modifi^ leur langage, et tente sur ce point, comme sur tant d'autres, une conciliation ^ des opinions extremes ; que d'ailleurs , d6s I'origine , ^ tons les Alexandrins faisaient d^pendre la mati^re If de Dieu , c'est-i-dire presque tons de sa nature , et ^ quelques-uns de sa volonte; et enfin quoique Platon I soit expressement dualiste dans le TimSe , il y a lieu tout au moins de disputer sur le Sophiste. ^ (1) On Ta confondu mat i propos avec un autre Hi^roclis, auteur du paral- l^le entre Jdsus-Ghrist et Apollonius de Tyane. (2) Cod. 214 et 251. j^ (3) F^oyez surtout Tarlicle de Bayle. (A) On salt par Damascius qu*ayant attaqu^ trop ouTertement le christia* W Disme (toi< xpatoOai), il fut battu de verges par ordre du magistrat; et qu'au lieu de se plaindre pendant qu*il ^tait flagell^ par le bourreau, il recueiilit dans sa main le sang qui coulait de ses blessiires, et le jeta k la face du Juge en i i |(l dUant : Tiens , Cyclope , bois mon sang ! 590 DISPBRSION DB L*£G0LE d'aLEXAI^DRIE. tn6e de Gaza, philosophe Chretien dont il nou^ reste un dialogue sur rimmortalit^ de r4me et la resurrection des corps, est compt6 parmi les disciples de Hi6rocl^s. Mais de tous ceux qui enseignerent le platonisme k Alexandrie, depuis le milieu du cia- qui^me siecle jusqu'i la destruction de T^cole , nul ne jeta plus d'6clat qu'une femme, paoins c61ebre encore par ses vertus et par son g^nie , que par le triste 6v6nement de sa fin tragique. Fille de Theon d' Alexandrie , Hypathie apprit de son pfere les mathe- matiques, et des meilleurs maitres qui vivaient alors, la philosophie de Platon et d'Aristote. Elle ne tarda pas k les surpasser, et son enseignement ramens^ pour un temps les plus beaux jours de T^cole d'A- lexandrie. Tous les historiens se r^pandent en eloges de sa beaut6 , de sa sagesse , de son eloquence (!)• C'6tait le temps du patriarchat de saint Cyrille d'A- lexandrie, et jamais cette ville, oil les seditions se succedaient tous les jours depuis Tavenement du christianisme , n'avait vq plus de discordes et do haines. Berceau de Tecole plotinienne , longtemps le premier centre de la litt^rature grecque, et alors encore le second , Alexandrie avait un si^ge episco- pal, presque rival de celui de Rome, illustre par saint Athanase, enrichi par les bienfaitsdes empe- reurs, redoutable par I'autorite qu'il s'etait arrogee , on qu'il tenait de divers d6crets imperiaux , par la ferveur et le nombre des fiddles qui I'entouraient , (1) Hypathie avail ^crit des Commentaires sur le Canoa astronomique de Diophante, et sur les sections conlques d*ApoUonius, DISPBASION BE L'jfiOOLB p'iLEXANDRIE. 591 par les bandes de moines et de solitaires, disperses autour de la ville, et tout pr6ts k y descendre sur un signe de Feydque^ eafin par la suprematie qui lui ^tait attribute sur les nombreux evdques de la province d'£gypte. Da&s cette mSme ville oil les deux religions se tenaient en armes, les JuifSi depuis le temps d' Alexandre, faisaieBt un parti puissant. Que les Chretiens n'aient pu voir sans envie les succes d'Hy- patbie, la foule qui suivait ses legons, la d^f^rence et Tamiti^ que lui temoignait le gouverneur Oreste, Chretien oependant, mais sans cesse froiss^ par la hauteur et les pretentions de r6v6que, Thistoire le temoigne , et dans cette excitation des esprits , dans cette haine mutuelle et envenimee , des dispositions plus pacifiques etaient k peine possibles. Si Ton en croit le r6cit de Damascius, I'evfeque Cyrille, pas- sant devant la demeure d'Hypathie , et se trouvant arrSte dans son ehemin par Faffluence des visiteurs , enflamme de colere et de jalousie , excita lui-mSme le peuple , et devint non-seulement le complice , mais Finstigateur de Fassassinat: accusation vio-* lente, et qui sent bien la haine dont Damascius ^tait anime contre les Chretiens. Mais si Fhistoire ne peut sur an tel t^moi^age imputer ce crime a saint Cyrille, elle sail du moins qu'il avait pen de temps auparavant 8uscit6 une 6meute contre les Juifs , au Qi^pris de Fautorit^ du gouverneur ; qu'il avait mis au nombre des martyrs, et glorifi6 publiquement un de ses partisans condamn^ par Oreste pour crime de rebellion; et qu'un lecteur de son ^glise, nomme 592 DISPERSION DB L'jfCOLB D'ALEXANDaiB. Pierre , fut le meneur des sMitieux , lorsqu'une troupe de forcen^s arracha Hypathie de son char, la d^pouilla de ses v6teinents , la jeta ^pouvantee sur le parvis d'une 6glise, et apr^s Tavoir achev6e a coups de pierres , s'acharnant sur ce cadavre , le coupa en morceaux, et tratna dans les rues d'Alexandrie ces honteux trophies (1). Ainsi rhellenisme agoni- sant ne mourait pas sans tragedies et sans scandales. Tout le raffinement de ces esprits , exerc6s aux sub- tilit^s des disputes th^ologiques » ne sauvait pas les mceurs de la barbaric. Les cris de haine qui partaient des ^coles philosophiques r^pondaient aux provoca- tions des vainqueurs souillant leurs victoires dans le sang; et les empereurs qui se succedaient k la t6te de cette societe remu^e par de telles catastrophes,. tant6t lan^aient des ^dits impuissants pour recom- mander la paix , tantdt se faisaient eux-m6mes chefs d'un parti, et massacraient en grand avec appareil, comme les persecuteurs avant Constantin , ou frap- paient leurs ennemis dans leurs biens et dans leurs personnes , comme celui qui brisa la chatne sacr^e et termina la glorieuse histoire d^Ath^nes et d'Alexan- drie, Justinien. Un el6ve de Proclus (2) , Ammonius , fils d'Her- mias et d'iEdesia (3) , et dont nous avons des com- inentaires sur TEtoaywy*} de Porphyre , et sur le llepc epjxevsia^ d'Aristote, enseigna aussi le platonisme dans (1) Foyez Suldas, au mot Hypathie, ct Socrate, Hist. eccL, 1. 7, c. 15. (3) Au commencement de son Commentalre du IIep\ ^ptJLeve(a< , il appelle Proclus 6eiov 6i6d9xa\ov. (9) Foyen ci"(ie93us, m^me cbapitre, p. 580. DISPERSION DE L'MCOLE D'aLEXANDUIK. 59S Alexandrie (1). C'est le maltre de Simplicius (2), de Jean Philopon (S), de Damascius. Asclepiodote, el6ve de Proclus, aussi bien qu'Ammonius fils d'Hermias, enseigna corame lui dans Alexandrie , puisqu'il y fut le premier mattre d' Isidore de Gaza. Enfin, Isidore et Olympiodore sont les deux derniers noms c^lebres de cette 6cole. Isidore de Gaza nous est connu par Damascius. Venu d' Alexandrie k Ath^nes, quittant ensuite Athenes pour Alexandrie, il ^tudia et ensei- gna tour i tour dans les deux 6coles. Superieur k son premier mattre, Asclepiodote, par la vivacity de son intelligence, il avait de commun avec lui son amour pour la theurgie, et un mepris de T^rudition qui forme un assez grand contraste avec les habitudes et les traditions de I'ecole d' Athenes. Proclus reconnut en lui ses hautes destinees au seul aspect de son vi- sage, illumine par Tenthousiasme. Le mattre et les disciples ne tardferent pas 6 le consid^rer comme une des lumieres de la secte. Marinus jeta au feu un de ses ouvrages qu' Isidore n'approuvait pas. A la mort de Marinus , il se vit port6 , malgr6 lui, k la t6te de I'e- cole. Stranger a la philosophie d'Aristote, k la logique, (!) Pbot., Cod. 181. (2) Quoique Simplicius ait ^t^ disciple d'Ammonius , et m^me de Damas- cius, Qt qu'il ait partag^ Texil et la destin^e de IVcole dclectique, ses dcHts le rangent parmi les p^ripat^ticiens. Nous avons de lui des Commeutaires sur les Catigoriety la Physique^ le icep\ oupavou et le icepl ^j^ux^c , et ub Comin. sur le Manuel d*£pict^e. (3) Jean Philopon est surtout^ comme Simplicius, un commentateur d*Aris« tote , mais Simplicius commente en philosoplie, tandis qu'on ne peut voir dans Pliilopon qu'un compilateur inratigable. Ptiilopon a aussi ^rit sur la gram- maire. II 4tait cbrdtien trith^iste. II .\Tfi\tt>v, dX>A dirotCOedPO aiitdtc fev Ttp itpwttp aWtj). Citd par M. Cousin, 1, 1. , p. 894. (1) Comm. sur le Pkidon^ d« le^pn; M. Cousin, II., p. 488. (2) rv(b(ji<: Y^tp xa\ i\ jiviijiTi, xa\ oO ow^ojtdvTi arorOTjori«. Comm, Phil., art 153. M. Cousin, 1. 1., p. 335. (3) Comm. Phid.^ W legon. H. Cousin, 11., p. 504 sq. DISPERSION DE l'eCOLE d'aLEXANDRIE. 597 tout aux questions pratiques , k la morale (1) ; et quoique nous ne nous proposions ici que de nommer Olympiodore en passant, et sans pretendre k le faire connattre, comment ne pas tirer de son commen- taire sur le Gorgias quelques-unes des belles maximes que M. Cousin a traduites , ne fftt-ce que pour mon- trer que T^cole platonicienne a ^t6 pure jusqu'au bout, et qu'au moment de s'^teindre, tant de slides apr^s Platon, par ce c6t6 \k du moins, elle 6tait encore digne de lui ? « II est des moralistes qui nous exhortent I h la vertu par la crainte du d^shonneur, ou par celle f des lois, ou par celle des chdtiments de Tautre vie. lis \ nous menacent du Phleg^ton, de FAch^ron, du Cocyte. i Mais on se cache , et Ton 6chappe au d^shonneur et aux lois ; on est incr6dule , et on brave un avenir in- i certain, ou, si Ton y croit, un peu d'argent donn^ aux { pauvres expie nos fautes et d^sarme la divinity. Pla- K ton , par une pens^e divine , d^sint^resse la vertu , et f la rend ind^pendante des recompenses, soit dans ^ cette vie , soit dans Tautre. Selon lui , la vertu doit K 6tre recherch6e pour elle-m6me, et parce qtfelle I convient k notre nature. » Gitons encore cette autre ^ maxime , oil Finspiration du Gorgias est pour ainsi ^ dire toute vivante : « Les hommes qui ne commettent ^ aucune faute sont comme des dieux. Ceux qui com- (1) U distinguait plusieurs classes de vertus, 9U9ixa\, communes aux hommes • et aux animaux, la force, la sobri^t^, etc. ; i^Oixal, dues k T^ducatlon et k de bomies habitudes ; iroXiTtxaX, ?ertus qui ne dependent que de la yoloni^ et de la raison ; enfin les vertus xaOapTtxa\ et Oecopr^Tixa^, qu'il entendait dans le m^me I sens que toute Tteole ; et il pla^it encore au-dessus les vertus icapaSetyiJiaTixa et UpotixaX, ou vertus propres k uno Ame qui, par la purification et la con- ' templation, s'est ^lev4e jusqu'A rSvuTK;. M. Cousin, 1. 1., p. S25 sqq. 598 DISPERSION DE l'kCOLE D'aLEXANDRIE. mettent des fautea, sans en avoir le sentiment, sent malbeureux au dernier degr^. Geux qui commettent des fautes, qui le savent et qui s'en affligent, sent au milieu (1). » Un autre point , qui m^rite d'etre relev^ dans les Merits d'Olympiodore , c'est son opinion sur les rap- ports de la philosophie et des myst^res , et la maniere dont il a jug6, sous ce point de vue , T^cole neopla- tonicienne. II la s^pare en deux parties bien di&- tinctes, Tune qui, dans ses speculations , a donn^ le premier rang k la philosophie , Fautre k la religion ; 11 compte parmi les premiers, Porphyre et Plotin, et parmi les seconds, Jamblique, Syrianus , Proclus, et en g^n^ral, dit-il, tons les Hi^ratlques (3). C'est bien lli ce que T^tude de ces m^mes philosophes nous a appris sur les dissentiments qui les s^parent Pour Olympiddore , lorsqu'il exprime k cet ^gard ses propres opinions, il exprime avec une nettet6 parfaite la nature symbolique des mythes ; et s'il n'ajoute rien & ce que Proclus avait enseign^ sur la distinction du mythe religieux et du mythe philosopbique , rar Fin- signiflance de la tradition litt^rale en mythologie, sur la necessity de s*en tenir uniquement au fond de v^ ritd cache sous une enveloppe grossi^re, il a du moins le m^rite de Texposer arec une force et une precision qui montre bien que la ruine du paganisme est ac- complie , et que T^cole d' Alexandrie ne vit d^sormais que par les doctrines philosophiques. Les mythes, (1) Traduction de M. Cousin, 1. h, p. 365 » iqq. (2) H. Cousin, ].!.,)). 543. DisPEHSiON M l'^cole d'albxandrte. 599 dit Olympiodore , sont d'invention humaine. Proclus aurait au moins ajout^ qu'ils sont cr66s par des poetes inspires ; mais il semble que le dernier prestige de la religion palenne ait disparu. Olympiodore conserve, il est Trai, la separation du my the po^tique et du mythe philosophique ; mais il ne les distingue gu^re Tun de I'autre que par leur forme , et non par leur origine, Le mythe po^tique est plus savant, plus r^gulier, plus analogue au sens qu'il renferme; et, pour ces diverses raisons, Olympiodore le declare moins parfait. Suivant lui, le mythe po6tique est su- I p^rieur, pr6cis6ment parcfe qu'il est absurde, car ^ Fesprit r6volt6 par cette absurdity est oblig6 de re- j noncer au sens littoral (1). VoilA certes le symbolisme ^ dans toute son ^tendue. Ce n'est pas tout. Quand on renonce aussi clalrement k Tenveloppe mythologique, il reste k expliquer ce qui pent lui rester de valeur et d*int€r6t ; et Texplication d'Olympiodore est tr6s- profonde, quoiqu'elle ne sufflse pas k justifler la grossi^rete et m^me Timmoralit^ des mythes po6- tiques foumis aux philosophes grecs par lu tra- dition. Nous avons, dit-il, trois facultes diverses, rintelligence , I'opinion, I'imagination. Si tous les hommes 6taient philosophes, rintelligence les gou- vernerait seule , et ferait taire tout le reste ; mais 11 n'en est pas ainsi ; les uns n'obdssent qu'i rin- telligence, ce sont les sages; d'autres se laissent gouverner par Fopinion, et ce sont les prudents selon le monde ; d'autres enfln dependent de leur imagina- (1) M. Cousin,!. 1., p. 390. 600 PISP£RS10N D£ L^iCOLE D*AL£XANDRIE. tion. C'est pour ceux-l& que le mythe est n6cessaire, parce que la v6rit6 toute nue n'a pas de prise sur leursesprits (1). On connatt si peu de details sur Olympiodore, qu'il n'est pas possible de savoir quel avait 6t6 son mattre. On pent tirer quelque induction de ce fait , qu'il cite perp^tuellement Proclus et Damascius en donnant presque toujours la superiority k Damascius (2). Da- mascius est, au reste, de tons les successeurs de Proclus, le plus cel^bre; etc'estaFliistoirequ'il avait composee que nous devons les renseignements qui nous restent sur les derniers temps de I'^cole d'A- lexandrie. Photius et Suidas ont abondamment puis^ dans cette histoire. Damascius nous prend en quelque sorte au moment ou les r^cits d'Eunape nous font d^faut ; mais il n'y a point de parit6 entre Tesprit d'Eunape et le sien. Damascius est un philosophe auquel il n'a manqu^ que d'6tre n6 dans des temps meilleurs. II ^tudia d'abord dans Alexandrie , et se destinait uniquement aux belles-lettres , lorsque les lemons d'Ammonius fils d'Hermias , lui ouvrirent une autre voie. Damascius se rendit k Ath^nes , oil il entendit Marinus et Zenodote. 11 y eut aussi pour maitre cet Isidore , qui dans r6cole d'Ath^nes avait ose afficher une sorte de mepris pour I'^rudition, et qui 6tait pourtant, au dire de Damascius, le plus habile dialecticien de Tecole (S), C'est k Tinfluence (1) Jb. , p. 391. (2) Gf Olymp., Comm. Alcih,^ p. 203 sqq.; etp. 9, 91, 95, 105 sq., 222. (3) Tf,(; J12VT01 ?iaAexTtxT,q tciStj? t3i? i^iScopou cuvou 5ia- iJ DISPERSION BE L^iCOLE D^ALEXANDRIE, 601 d'Isidore, dont il 6crivit la vie, ou si Ton veut, le pan^gyrique , que Damascius doit surtout 6tre rat- tache; on voit en effet, dans ce qui nous reste de lui, moins de d^veloppements subtils , moins de distinc- tions que dans ses pr^d^cesseurs , et surtout un atta- chement moins servile a Finterpr^tation litt^rale des textes. Olympiodore , en constatant une difG^rence entre Proclus et Damascius (et il en signale un grand nombre) ^ a remarqu^ que Proclus s'arrfetait k la lettre de Platon , et que Damascius visait au sens (1). Cependant les diffi^rences de doctrine sont pen nom- breuses entre Damascius et Proclus; c'est surtout par le mode d'exposition qu'ils diflferent (2), Que Da- mascius soit revenu k Fopinion de Plotin , si ^nergi- quement combattue par Jamblique et par Proclus , sur cette partie de nous-m^me qui reste inaccessible aax passions (3) , cela est remarquable sans doute , et surtout lorsqu'on se rappelle que pour Proclus et pour Jamblique la negation de cette perfection sur- humaine est li6e k la n^cessit^ de la th^urgie ; mais ^ TeCvexat napaox^iv, 6v xaX iicX tJ xoietitT^ tibv Xdywv duvd^jiei itdvTa? &v6p(6icouc , jj; bffou? 6 WIT* exe(vYjv T?iv Ysveiv live-pte x?^"*^^ y di:oxp64'aeaucoup de points commuDs avec la doctrine oitbodoxe 7 (2) Cf. I. 2, c. 1 , t. I, p. 210; 1. 3, c. 5, t. II, p. 102 sq.; I. 3, c. 0, t. O, p. 267; 1. 5, C. 2, t. 11, p. 3S5, 303, ft02. (3) Cf. 1. 3,c. 4, t. II,p. 160. (4) Cf. 1. 4,c. 1, t. II, p. 323 (5) Cf. 1. 3, c. 5, t. II, p. 231. (6) Procl., Comm, Tt'm., p. 47. (7) Cf. 1. 3 , c. ft , t. II , p. 130 ; el poMS. CONCLUSION. 617 Hierocl^s (1) 6crit une vie d'ApoUonius ou il le com- pare k J6sus-Christ. Qu'on Use la vie de ce m6me ApoUonius par Philostrate. La parodie est k peine deguis^e. ApoUonius ressusciteune morte, chasse les demons du corps des poss^d^s , descend aux Umbes tout vivant, et disparait tout k coup au moment ou on va le condamner. Que dire de I'abstinence de Por- phyre (2) , du prophete Antoninus (3) , de Termite S6rapion (ft)? En opposant les trois hypostases de Plotin aux trois personnes de la trinite chriStienne , nous n*avons trouve partout que des differences (5) ; mais en est-il de m6me de Proclus? L'unit6 pour lui est bien encore le t6 inhzia/a toO ovto;, c'est-i-dire Fabsolu; mais n'est-elle pas aussi le P6re, c'est-i- dire la plenitude de Tfitre et de la puissance (6)? Sa seconde hypostase est le Xoyo;, ou le verbe, qui est en m^me temps le cr6ateur du monde (7) ; et la troisi6me est FAme , qui Tanime et le vivifie (8). Les difKrences abondent, j'en conviens, k c6te de ces rapports; ces rapports en sont-ils moins grands? Que Ton songe combien la trinity de Plotin difffere de la trinit6 chr6tienue, et combien au contraire lui ressemble celle de Proclus; U y a dans ce seul fait (1) Ce n'est pas le platonicien ; et Philostrate est Stranger h T^cole d'Alexau- drie. Mais ce qui se passait dans les autres ^coles expiique l*histolre des Alexandiins, (3) Gf. 1. 3, c. ky U II , p. 162, sqq. (d) Cf. I. 3, c. 6, t. II, p 268, sq. (4) Cf. 1. 5, c. 7. (5) Cf. 1. 2 , c. 4. (6) Cf. 1. 5, c. 3, p. 417. (7) Cf. 1. 5, c. 4> t. II, p. 453, sqq. (8) Gf. 1. 5, c. 3, t. II, p. 419, sq. 618 CONCLUSION, toute une demonstration. Assur^ent, toutes ces doctrines pouvaient nattre et s'enchatiier autre elles sans le concours du christianisme ; mais quand le cbristianisme est U, tant d' analogies doivent 6tre ^cout^es. On pent, k la rigueur, soutenir que Tin- fluenee est plutdt des Alesandrins sur les cbr^tiens; mais nier absolument cette influence, cela ne ae peut. Maintenant supposera-tH>n que les Aleumdrins aient seuls subi Tinfluenee de leurs adversaires? U y a dans r£glise un element immuable , cela est vrai ; mais h c6te, au-dessous si Ton veut* il y a quelqae chose qui change. Le symbole est fix^, k la bonne heure ; reste le champ des discussions tb^ologiqueSt Les Chretiens ne modifieront pas le dogme de la trl'- nite pour Taccommoder aux opinions platoniciennts; mais quand lis essayeront de rinterpr^ter, de FexpU*- quer, 4e le rendre acceptable k la raison humalne, oh prendront-ils leurs arguments, iinon dans la pbi- losophie de leur temps? Saint Cldment d'Alexandrie est le premier k nous dire que la philosopbie profane est utile pour commenter les v(§rlt^s de la foi, pour les d^ontrer, pour ies d^yelopper (1). Admettons qu'on n'ait employ^ la philosophic qu'i cet usage dans Teglise cbretienne; yoUk, par c^h $eul, les Merits des P6res tout impregn^s de philosopbie. La th^ologie n*est pas la philosopbie , puisqu'elle n'est pas la liberty ; cependant Tune et Tautre ont pour objet Dieu , Thomme et leur rapport; elles ont pour (1) Strom,, 1. 1, c. 5, iniu, et pa$s. CONGLUBIOM. 619 but le mluU Que de points communsi L'esprit hu- main , toujours identique k lui-m6me , se retrouvera toujours, soit qu*on le laisse en pleine liberty, soit qu'on I'attache h un principe hxi d'avance, car aloro rn^me , si I'on ne se borne pais & r^p^ter purement et simplement un symbole , on iui laissera n^ces*< sairtinent quelque initiative. Toutea l6$ questions qui font le domaine de la philosophie s^appellent Tune Fautre ; la conclusion de la premiere n'est pas encore d^duite , que la seconde voub soUicite d&]k. Le theologian, entrain^ dans oe courant, ne i'arrdte pM quand il a ^puis^ les Veritas de la foi. U litudie apr^a eUes ce qui a ^t^ UvrS a nos ditpute^f et que ftiit-il alora, ainon de la philosophie? Ne dite$ done pas : r^glise ast immobile et ne subit point d'in^* fluence ^trang^re. G'est una th^se impossible , et de pluf inutile. 8i Ton yous accorde eela des v^rit^s n^cessaires au salut , vous avez tout ce qu'U vous faut Le fond est le n)6me ; Fex^g^se , I'interpr^ta-r tion varient. Si T^glise , au temps de Julien, n'avait pas firit d'exorcismes, elle aurait perdu une grande force : oserait^Ue en fidre aujourd'hui? II est vrai, une religion est n^cessairement fausse si elle n'est riv^l^e; elle ne pent 6tre r^v^l^, sans 6tre immo^ bile dans ses principes , dans ses y^rit^s n6oessaires ; mats en m6me temps , une religion Immobile de tons points , tandis que le monde marche h c6t^ d'elle , peut-elle 6tre pr6sent6e comme divine? A-t-elle des 616ments de duriSe? La religion et la philosophie, qu'elles soient Tune et Fautre legitimes, ou que 620 CONCLUSION. Tune d'elles poss^de la verity & rexclusion de Tautre, ne peuvent ni se m61er, ni se confondre ; mais toute religion porte en elle-mdme une philosophic. C'est de la philosophic que naissent, dans le sein d'une religion , les h^r^sies (1) ; c*est de li que sortent les disputes thdologiques. II y avail, au moyen Age , des ordres religieux qui ^taient platoniciens , et d'autres qui tenaient pour Aristote, et tout cela , du moins en apparence , sans sortir de la th^ologie. Ouvrez les Stromales ; le platonisme de saint Cle- ment d'Alexandrie vous sautera aux yeux. Les doc- trines, les expressions, la forme et la mati^e des arguments, tout lui est commun avec les platoni- ciens 9 lorsque Fint^grit^ de la foi chretienne n*a pas k en souffrir. Mais prenons saint Augustin , et dans saint Augustin seulemcnt la CiU de Dieu, car c'est un ouvrage que chacun connatt, et m£me les plus Strangers k ]a th^ologie : ne croirait-on pas, en maint passage, lire un platonicien (2)? Lui-m£me ne s'en cache ]>as. U va en quelque sorte trop loin dans le platonisme, il ext6nue, plus que ne le supporte la v6rit6 historique, les difiS^rences qui separent les platoniciens des Chretiens (3). Sans recourir aux ouvrages m£mes de saint Augustin, il suffit de prendre Malebranche. Yoil^ certes un platonicien, et des plus purs , et des plus pr^s de Vkme et de la pens^e de Platon. Que fait Malebranche dans tons ses £clair- (1) Gf. S. Aug., Cit4 de Dim, 1. 18, c. 51, et S. Paul, Rom,^ Vm, 28. (3) Cf. Citi de Dieu , 1. 5, c. 0 ; L 8, c. 3, A, 5, sqq. (3) lb, US, c.O$l. 10, c. 29. CONCLUSION. 621 cissements, dans toutes ses prefaces? U se fatigue k montrer I'accord de ses doctrines avec saint Augus- tin , et i ce dernier nom , presque partout , vous pou- vez, sans alt6rer le sens, substituer celui de Pla- ton (J ). Or, ce platonisme de saint Augusjin, k quelle source esUil puis6? Dans Platon lui-m6me? II est vi- sible que saint Augustin ne connait pas Platon , ou n'en a qu'une connaissance tr6s-superficielle (2). II le connait par Porphyre, par Apul^e. Les Merits des platoniciens lui sont familiers, et non pas ceux de Platon. C'est surtout la pens^e d' Aristote que Boece trans- met au moyen Age; mais Boece touche k T^cole d' Alexandria La querelle des r^alistes et des nomina- listes , qui remplit la scholastique , c'est , toutes diflK- rences gardees, la pol6mique entre Aristote et Platon qui se continue. Le platonisme est toujours et par- tout present dans le moyen Age , et ce platonisme est necessairement celui de I'ecole d'Alexandrie. II suffit de citer le faux saint Denys et saint Anselme; voili, tout au commencement de la scholastique, deux phi- losophes qui n'auraient pas pens^ autrement, s'ils avaient re^u Tinspiralion immediate de Proclus. Lorsque, au quinzieme si^cle, k Taurore de la liberty de la pens^e, Platon lui-m6me reparut, on reconnut sa doctrine plut6t qu'ou ne la d6couvrit. De nouveau, une arm^e de commentateurs s'empara de ces im- mortels dialogues ; et dans quel esprit furent faits ces (1) Foyez la preface de la Recherche de la viriU, (2) CU6 de Dieu, 1. 8, c. 4. 633 CONCLUSION* commeDtaires? On le salt, dans Tesprit des Alexan-^ drins. Ce n'est pas une renaissance platonlcienne qui fut faite par les Bessarion, les Ficin, les Pic de la Mirandole; c*est une renaissance alexandrine* Mar- sile Ficin passait de Platon k Plotin, les traduisait Tun apr^s Tautre, les commentait Tun et Tautre, et ne croyait s'occuper que d^une seule et unique ecole. U est impossible d*insister sur ce qui pent k peine &tre contest^, et pourtant^ comment ne pas citer encore comme appartenant au mysticisme alexan- drin , sous sa forme propre , la grande et importante philosophie de Gudworth? Le Sy sterna ifUelleetuale, au dix-septi^me si6cle , est plus qu*un 6cho des Ef^ niade$. Mais apr^s tout , estce par les circonstances arbi-* traires de sa forme et de son syst^me qu^une ^cole doit se survivre? Qu'importe au fond, pour Thistoire de la pensee , que Thypothfese trinitaire et les divi- sions num^riques aient traverse le moyen Age , pour se retrouver^ k Taurore de la philosophie moderne, dans quelques sectes enthousiastes? La vertu f^conde du mysticisme alexandrin est ailleurs. Sous ces formes etranges du symbolisme oriental , ou de la g^om^trie pythagoricienne, la philosophie de Plotin, celle de Proclus, contiennent des v^rit^s nouvelles, des dogmes anciens transformes ou fecond^s, et c*est par li qu'apr^s eux le patrimoine commun de la philo- sophie et de Thumanit^ s'est enriehi de leurs d^- pouilles. En m^taphysique , ils ont agrandi la pens6e platonlcienne sur Dieu, sur la creation, sur la /xeSe- CONCLUSION. 628 ^^; en psychologic, ils ont les premiers approfondi la nature de I'extase; dans la m^thode, ils nous ont donn6 r^clectisme^ entrevu par Platon, d6crit par Aristote^ et par eux » pour la premiere fois, erige en un yaste et puissant systeme. Ges diverses conqu^tes de la philosophic alexandrine ont dejk pass4 devant nos yeux k mesure que les faits les ont amen^es; et nous ne ferons ici, dans un r6sum^ rapide, que les recueillir et les concentrer. Lc premier besoin de Tesprit et du coeur de rhomme, quand il a secoue renivrement des sens et de la mati^re , est de se faire une juste id6e de la nature et des perfections de Dieu. Dieu est le besoin commun de toutes les philosophies; mais pour les unes, qui ne cherchent qu'un appui pour la caducity du monde et des ph^nom^nes qu*il contient , il suffit que, arriv^es aux limites du multiple, elles apercoivent au dela une puissance capable de subsister par elle* m^me, et de fonder, par sa nature ou par sa volonte, le reste des 6tres. D'autres philosophies prennent plus haut leur vol. Traversant, pour ainsi dire, du premier coup la pens^e du monde et du multiple, c'est i rid^e de la perfection qu'elles s'en prennent tout d'abord; c*est en elle qu'elles s'abiment. De Ik deux theologies opposees : Tune qui, k force de ne contempler Dieu que dans les manifestations de sa puissance, ne sait plus remonter au deli; et I'autre qui, absorbee et perdue dans la conception de Tabsolu, 624 CONCLUSION. ne daigne plus soDger au contingent et au multiple. Ces deux tendances si diflFi§rentes se trouvent tres- clairement dans Thistoire des anciennes ecoles. Le Dieu des physiciens et des stoiciens , par exemple , fiit-il assez puissant pour produire et gouverner le monde, ne paralt-il pas au-dessous de I'id^al dont la pens^e humaineest capable? Socrate reprochait au Dieu d'Anaxagore de s'^puiser dans sa lutte centre la mati^re , et de rester comme emprisonne dans un cercle quMl ne peut franchir. On a reproche , avec plusde justice encore, k la philosophie stoicienne, de diviniser le monde lui-m6me, en identifiant la nature de Dieu avec cette s^ve f^conde et puissante qui circule dans Tespace et anime lamatiere. Rendez au Dieu d' Anaxagore la force qui lui manque ; dtez du sein de Dieu le monde des stoiciens , et k leur Dieu s6pare de la mati^re , donnez , avec la force et la raison qui le constituent, la bont6, sans laquelle il n'y a point de Providence : cela ln6me suffira-t-il? Et ne restera-t-il pas un eflfort k tienter pour placer encore plus haut I'id^al de la perfection absolue et sans limites? Dans une autre voie Aristote et les £leates arrivent k des hypotheses egalement incom- pletes; Aristote, qui, pour laisser a Dieu^n immu- tabilite , est oblige de donner au monde I'eternit^ , I'intelligence, le mouvement; les filiates, r6duits k nier le monde, ou a construire deux philosophies diff(§rentes dont chacune est la negation de Tautre, ce qui, pour des esprits vraiment consequents, serait la route du scepticisme. Reste Platon , dont la CONCLUSION. 625 place est k part , parce que rien ne lui est Stran- ger, et k qui il n'a manqu6, pour 6tre dScidement et k tous les yeux le maitre legitime d' Aristote , que Funitc d'un systeme. On ne pent nier en eflfet que Platon n'ait egalement connu Tune et I'autre thSologie; car dans le Timde, par exemple, oil il Scrit rhistoire de la creation , il nous represente le souve- rain Dieu corame un ouvrier excellent , attentif k son oeuvre, niedilant avant de la produirc , et charme de Tavoir produite ; tandis que dans le ParmMde , la parfaile immutabilite de Dieu apparait comme la premiere des hypotheses metaphysiques ; et si Ton voulait 6numerer tous les passages, en grand nombre, oil Platon parle de Dieu , on verrait qu'il n'a omis ou nieconnu aucun des principes qui, selon le vulgaire, selon les plus sages d'entre les physiciens et les ra- tionalistes, selon Socrate lui-m6me , dont le Dieu est paternel , constituent la divine Providence , et qu'en m^me temps rien ne lui est etranger des medita- tions sublimes par lesquelles les pythagoriciens et les filiates s'efforcent de decrire la nature de I'unitS absolue, ni de ces grandes pens6es de la mStaphy- sique d' Aristote sur I'identitS du sujet et de I'objet dans la connaissance infinie, De ces deux points de vue divers dans lesquels FantiquitS se divise , et que Platon connait et demontre Tun et I'autre avec une force egale, quel est le vrai? lis sont vrais tous les deux , au m6me degre , au m^me litre : Timmutabi- lit6 et la Providence ; Y\xmi6 qui demeure en soi, et la force Sternellement creatrice, Les sysl^mes exclu- II. 40 626 CONCLUSION. sifs des physiciens et des stoiciens d'une part, d'A- ristote et des filiates, de Fautre, sont done faux, selon la formule de Leibnitz, cmpruntee h Proclus, dans leurs negations , et vrais dans leurs affirma- tions. S'ensuit-il que Platon, qui admet les deux doctrines, ait accompli la science th^ologique? Cest ici qu'apparaissent manifestement les res- semblances et les differences qui existent entre Platon et les Alexandrins. On a dit que Platen n'etait pas un esprit dogmatique, et c'est une erreur; mais 11 est vrai que ce n'est pas un esprit syst^matique. 11 affirme 6nergiquement ce qu'il afflrme; mais s'il voit ses conclusions marcher Tune centre I'autre, sans les abandonner, sans reculer, il s'arrfite. Sa philosophic est tres-dogmatique , tres-comprehen- sive; tout y est, sauf Tunit^, le syst^me. De 15, dans I'histoire , la double pesterite de Platen ; la nouvelle Academic, trorap^e par le caractere 6mi- nemment refutatif de la dialectique , et ne treuvant dans Platon , au lieu d'un systeme complet , que des conceptions pleines de hardiesse et de puissance, maisiselees, et quelquefois m6me opposees Tune k Fautre , sans que le maitre essaye de dissimuler son hesitation et sen embarras, s'arrete avec lui, h^site avec lui, et. par la difflculte de concilier des resultats egalement certains , les reduit k n'6tre plus que des resultats egalement probables ; F6cole d'Alexandrie au centraire, ardente et tournee au mysticisme, recueille toutes les affirmations de Platon, et, sans s'arr^ler h ses scrupules, les unit CONCLUSION, 627 forlement dans un systeme r^gulier. C'est par Ik qu'elle differe de Platon, et qu'elle le surpasse. EUe a vu ce que Platon n'avait pais su voir, que* la contradiction n'est qu'apparente entre la speculation pure et I'exp^rience ; que le mfime Dieu devait as- souvir le besoin de perfection ideale ' qui est au fond de notre pensee, et repondre, par Tenergie de son action creatrice , et par la continuity de sa Providence, k toutes les necessit^s de ce monde ^ph^mere et multiple. II y a plus; cette opposition entre le Dieu de la nature et le Dieu de la raison , devant laquelle Platon reculait, n'est pas seulement oil il Fa vue ; elle est k tons les degr^sdelahierarchie des fitres. Les anciens , et Platon lui-m6me , avaient deux noms pour le monde ; ils I'appelaient le monde , c'est-ci-dire Tunite, Fharmonie, et lis I'appelaient aussi la guerre, la contrariety, Topposition. C'est qu'en effet le monde est plein tout a la fois d'harmonie et de contrastes. Le rapporter k deux principes , c'est d^truire I'harmonie ; reduire le principe unique kune simplicite tellement entifere , qu'aucune diversity ne puisse se rencontrer ni dans son 6tre, ni dans son action , c'est revenir par un autre c6te k la supposi- tion de deux principes necessaires. Aristote croyait echapper & la difficult^ en soumettant le principe de la diversite au principe de Tunite, qui est Dieu. L'unite, en effet, I'emporte sur le multiple, elle le gouverne et le dompte; mais s'agit-il seulement d'une hierarchic entre les principes? La difficult^ est-elle sauv^e k ce prix? Non, Dieu est I'unique principe ; tout 628 CONCLUSION. vient de lul, m&me le mouvement et le multiple; il n'y a, ni i c6l6, ni au-dessous de lui, aucun autre principe n^cessaire. Ainsi , de quelque facon qu'on Tenvisage, il a deux aspects ; il est immobile, et il est cause; il fonde T unite, et il engendre le multiple. Comprendre cela, c'est comprendre les conditions veritables de la th^ologie , en poser le veritable prin- cipe. C'est en s'61evant k cette conception que les Alexandrins ont fait un dogme positif de la con- clusion que Platon avait entrevue , et devant laquelle il avait tremble. Non-seulement ils entrent par Ik dans la seule voie oil la th^ologie puisse 6tre com- plete, et repondre a tons les besoins de la pensee , i toutes les necessit6s de Texp^rience; mais il resulte de ce principe f(5cond, que I'idee de I'absolu, jusque- li redoutee comme un ecueil, est pour la premiere fois envisag^e en elle-mfime, serieusement, hardi- ment , et distingu6e de tout ce qui n'est pas elle , sans rendre le monde impossible , s^ns d^truire de fond en comble le reste de la science humaine. Cette seule idee, clairement et fortement congue, de la n6cessite de concilier en Dieu I'unit^ et le multiple , pour qu'il soit k la fois Tideal de la pen- see et le roi de la creation, le principe unique du monde, la cause de Tunit^ et la cause de la mul- tiplicity, assigne k I'ecole d'Alexandrie un rang 61ev6 dans la philosophic grecque. Cette 6cole termine dignement I'histoire de la philosophic ancienne, puisqu'elle en comprend toutes les tendances legi- times , et qu'apr^s les avoir comprises , elle les ac- CONCLUSION. 629 cueille au m6me litre , et dans uii systeme complet et fecond , les transforme et les reconcilie. Tel est, dans Thistoire, le premier caractere de la theologie Alexandrine ; nuUetheologie, h partird'Ani- monius et de Plotin , ne pent plus 6tre construite sur une autre base. Mais apres avoir ainsi allie dans Tu- nite d'un systeme les deux points de vue, si profonde- ment eclaires par Platon, il restait k expliquer com- ment s'eflectue cetle conciliation dont la hecessite avait 6te demon tree , et dans celte seconde partie de sa tciche, I'ecole fut moins heureuse. La se place rhypothese qui lui est particuliere, et toute This- toire int^rieure de ses travaux sur la theologie. L'hypothese explicative de Plotin (la trinite) n'a en elle-m^me ni solidile , ni profondeur. Pour qu'elle lui fit illusion , il a fallu^ue son esprit fut trouble par les visions de Textase. La raison , sincerement interrogee sur la trinitd hypostatique, prononce que r unite de Dieu est detruite, si la distinction des hypostases est r^elle, et que si cette distinction n'est pas reelle , la difflculte reste tout entiere h resoudre. Plotin, il est vrai, ne conteste pas ce decret de la raison , il aime mieux infirmer I'autorite de la raison elle-mfime , et par let il sort des voles de la philo- sophic veritable. Alors se manifesto dans Tecole un double inou- vement , contradictoire en apparence , mais au fond produit par les mfimes causes et aboutissant au mfime r^sultat, Les disciples de Plotin , ne pouvant se te- nir dans des contradictions, et sentant, sans se 630 CONCLUSION. Tavouer, le defaut capital de leur hypothese, tra- vaillent tout i la fois a la compliquer et k la rendre inutile; et quand Tecole arrive h son terme dans Proclus, ces deux resultats soht atteints, car il ne reste plus de pr^texte pour admettre les divisions hy- postatiques, et ccpendant ces divisions ont ete tel- lement multipli^es, tellement exagdrees, que I'esprit le plus subtil ne saurait en forger de nouvelles. Le sens de cette transformation , le void. Plotin n'avait pense qu'a construire un Dieu qui suflFit k tout, et il y avait r^ussi. Applique k cet unique point, les difflcultes de Thypolhese qu'il creait lui 6chap- p6rent. Toutes les anciennes difficulties etaient levees ; il ne vit pas celles qui venaient de s'introduire , par son fait , dans la philosophie. EUes Etaient nombreu^s. L'unite d'une nature triple est la plus saillante; c'est le fond m6me de rhypothese. Une autre , non moins grave, et qui nait de la premiere, c'est que les hypostases doivent s'en- gendrer Tune Tautre, et que par cette seule n^ces- site tout I'edifice qu'on vient de construire se trouve detruit. En eflfet, pourquoi cette distinction de Tuuit^ etdu5r,f;.toup76<;? Pour que I'unite n'engendre pas le multiple ? II n'y a k cela que deux difficult^s ; c'est que le nombre deux contient deji toute Tessence de la multipUcite , et que la cause d'une cause est la raison derniere des effets que cette cause produit. Jamblique, et surtout Proclus sentent le mal, et essayentd'y remedier. Poujr eux, ce pieu parfajte- ment un, cette premiere hypostasQ de PJotin est CONCLUSION. 63i tout k la fois la negation de Tfetre , et la pleine pos- session de retre, Mais ce principe admls , la con- ciliation k laquelle on tend est accomplie des le premier pas, des la premiere hypostase. Pourquoi done conserver les autres? Pourquoi hesiter k recon- naitre, sans reserve, la grandeur de la creation? II n'y a plus de raison pour la trinity, il n'y en a plus pour le mysticisme. Mais Jamblique, ses succces- seurs et Proclus lui-m6me , sont de leur 6cole ; Thy- pothese de la trinite leur est ch^re , parce qu'ils la croient attach^e k Teclectisme, parce qu*elle sert leurs instincts de. mysticisme , parce qu'elle est de tradition , et qu'ils ont le culte des traditions. lis la conservent done , mais comme desormais elle n'a plus le m^me but , elle n'a plus le m6me caractfere. Dans Plotin, elle ecartait de Tunit^ absolue tout contact avec la multiplicite ; dans Proclus, elle ne sert qu*i marquer les degres de la chute. C'est pour cela qu'il exag^re les divisions, parce qa'elles ont moins de valeur. A ses yeux , chaque division comble un inter- valle. Plus il ajoute de termes k cette multiplicite , et plus , dans le fond , il se rapproche de I'unite. On peut dire que I'ecole d'Alexandrie a r^fut^ elle- m6me I'hypoth^se de la trinite , par la maniere dont elle I'a developpee. La tdche de I'hisloire est facile ; elle rejette I'hypothese et conserve le principe. Elle regoit, pour aipsi dire des mains de Proclus, le Dieu deTexp^rience et le Dieu de la speculation, s6- pari^TOent etudi6s par les ecoles antiques , reunis par les AJexandrins de^ns une Unite aussi absolue que le 632 CONCLUSION. Dieu des £leates, aussi intelligente , aussi libre, aussi pleine de vie et de f^condite que le A/ipttoupyo; de Platen. Quand on a rendu au Dieu de la dialectique I'e- nergie n6cessaire pour creer le monde, le probl^nie de la creation reste tout entier. De deux eboses Tune : ou Taction par laquelle Dieu produit le monde, ne diflfere de nos propres actions qu'en degre , ou elle en dilKre en nature. Si la diflference n'est que de degr6 , le champ est ouvert pour chercher k laquelle des causes que nous connaissons , la cause divine doit £tre assimil^e ; si la difference est dans la nature m6me des actes , Tac- tion creatrice nous est a jamais incomprehensible. 11 importe avant tout de bien etablir ce point pour qu'il n'y ait pas d'equivoque sur ce motde creation , pour qu'il soit bien entendu qu'on d^signe pair ce mot un exercice de la puissance divine qui n'a point d' analogue, et qu'il est par consequent impossible de comprendre. On pent distinguer les causes qui existent dans Je monde en deux ordres, celles qui agissent fatale- ment, celles qui agissent volontairement, c'est-i-dire avec intelligence et liberty. Lorsqu'un 6tre ne se r6flechit pas lui-m6me , lorsqu'il n'a pas re^u ce com- plement d'existence, sans lequel une r6alit6 indi- viduelle n'a de valeur que par son rapport avec d'autres r6alites, concourant avec elle k former un tout, il ne se pent qu'il se possede lui-m6me; la CONCLUSION. 633 vie du tout , la vie du syst^me , le traverse et l*a- nime; mais il n'a pas une vie qui lui soit propre; ses mouvements out rapport a un centre plac6 hors de lui, et ne sont pas I'expansion de sa propre force. Au contraire, une force plus parfaite, qui a connaissance d'elle-m6me, forme par cela seul un systeme h part , et elle est en ce sens une ente- l^chie ; car elle ramene toule expansion d'elle-nieme au foyer de cette expansion , elle saisit le rapport qui raltache son unite k sa multiplicite , son etre a sa vie, sa substance a ses phenomenes. En meme temps, si elle est limitee, elle fait partie, comme la force inintelligente , d'un systeme plus vaste; elle est done un monde, et partie d'un monde; elle est, et elle n'est pas une entelechie; elle se possede ellc- m6me , elle est librc , mais seulement dans une cer- taine niesure; elle a, pour ainsi dire, dans 1' unite parfaite de son essence m^taphysique, une vie double ; et m6me dans I'ordre des faits qu'elle accomplit li- brement , elle sent qu'elle pent se proposer une fin individuelle , ou une fin universelle , se prendre elle- m^nie pour centre de son action , ou rapporter son activite k Fharmonie du systeme dans lequel elle est envelopp^e. Libre ou fatale , nulle cause , parmi celles que nous connaissons, ne produit d'aulre effet que de modifier une substance deja exislante. Elles pro- duisent des individus, mais avec. des parties qui auparavant existaient; elles font naitre des mouve- ments, mais le mouvement suppose, outre le mo- teur, un mobile. On pent 6puiser I'ordre entier 03/i CONCLUSION, des causes secondaires ; on ne trouvera jamais autre chose. Uq corps , par exemple , peut en heurter uq autre, et lui communiquer ainsi le mouvement, ou epancher au dehors une partie superflue de lui' mdme et donner ainsi naissance & un individu nou- veau, par une sorte d'6coulement d6 ses parties, ou faire sortir de son sein et raanifester au dehors un autre corps qu'il rec61ait, comme T^tincelle jaillit du caillou, comme la lumi^re s*^coule k flots du corps lumineux. Qu'est-ce que tout cela? Modifi- cation, ph^nomene, et rien autre. Remontons Techelle des 6tres; Tanimal exerce une fonction plus par- faite , la fonction vitale par excellence , et c'est Facte par lequel il se reproduit. Lk m^me, est-il per- Sonne qui ose soutenir qu'un individu nouveau se produise, si ce n'est par la communication de quelque reality auparavant poss^dee par I'fetre g6- n^rateur? Enfin, Thomme pense et il veut; il exerce ses propres facultes , et il produit en lui-ni6me, dans sa substance, des phenom^nes que sa conscience apercoit. Ces phenomfenes sont nouveaux , qui en doute? Mais la substance ne Test point. Agregatioa de parties, 6coulement, irradiation, generation, exercice de la pensee ou de la volonte , ces foruies diverses de I'application d'une cause secondaire a son eflet ont ce caractere commun , de supposer Texis- tepce de la cause d'oii part Taction, et d'une sub- stance oil elle aboutit. Or la production d'une sub- stance, ou la production d'un ph^nomene dan$ une substance sont-elles deux operations analogues? Suf- GQNGLUSION. 635 fit-il de j^pncevoir Tune pour concevoir Tautre? Ne diflferent-elles qu'en degre, ou different-elles par liature? II est evident qu'elles diflferept par nature ; d'oii suit cette consequence que si Faction creatrice est comprehensible , c'est-a-dire si elle est analogue k Tactipp de quelqu'une des causes qui nous sonf connues, elle a pour effet de modifier d*une facoq infinie, de mouvoir avec une force iufinie, un mo- bile, une substance qui existent par eux-m6mes, a litre de principes independants, que cette substance soit la substance m6me du moteur, ou une substance ^trang^re k la sienne. II y a deux facons de discuter une doctrine , car on en pent discuter la r^alite ou la possibilite. Quand la r^alite est demontree, la possibilite s'ensuit. Quand la possibilite est demontree , la realite reste k prouver ; k moins que la liste des hypotheses etant epuisee, on ait demontr^ la possibilite de Tune d'entre elles , et Timpossibilite de toutes les autres. Pour demontrer que la production du multiple par I'unite est une creation veritable, il faut de- montrer que le monde ne pent pas exister en Dieu , et que la substance du monde ne pent pas exister par soj. Cette doctrine , de I'aveu de ceux qui la sou* tiennent, pose comme reel et necessaire un fait in- comprehensible. Les adversaires de cette doctrine, c'est-i-dire les pantheistes, pretendentetablir, pre- miferement , que Tesprit ne pent croire que ce qu'il comprend , secondement^ que la doctrine de la crea- tion est non-seulement incomprehensible ef par con- 636 CONCLUSION. sequent ineffable; mais contradictoire , etpar conse- quent impossible. Jusqu'a quel point est-il vrai de dire que Ton ne pent, ou que Ton ne doit croire que ce que Ton com- prend? Si Ton entepd par cette proposition que la raison est souveraine , elle exprime I'essence m6me de la philosophic; si Ton entend que la raison, telle que nous le poss^dons, est sans limites , elle est non- seulement erron^e, mais elle revient, par un cercle vicieux , k la negation de la raison ; de mfime que soutenir que tout doit 6tre demontre , et meme le premier principe de toute demonstration , c'est 6ta- blir indirectement que rien ne pent 6tre demontre. La nature de Dieu , par exemple , est-elle compre- hensible pour nous? Cela revient k dire : concevons- nous clairement , et selon toule leur ^tendue , les allributs infinis et en nombre infini , dont la perfec- tion absolue se compose? La reponse n'est pas dou- teuse. Que manquerait-il a la perfection de notre intelligence, si nous comprenions parfaitement la perfection de Finlelligence divine? L'intelligence divine n*est done comprehensible qu'i elle-m6me , et Dieu nous est k jamais incomprehensible. S'en- suit-il que nous ne puissions penser a Dieu? En fait, il est si faux que nous ne puissions penser k Dieu , qu'il ne se pent au contraire que nous pensions a quelque chose que ce soit, c'est-i-dire que nous fassions acte d'intelligence , sans penser en m^me temps k Tabsolu ; en logique , il est evident que nous pouvons penser k Dieu sans comprendre Dieu , que CONCLUSION. 637 nous pouvons rafflrmer et le distinguer de ce qui n'est pas lui, et raisonner sur ses rapports avec le reste des 6tres, comme nous pouvons aflirmer le pre- mier principe de la raison , le distinguer des autres opinions que nous trouvons en nous-mfimes , ou que nous formons par rapplication de notre pens^e , et tout prouver parson moyen , excepte lui m6nie. L'in- compr6hensibilit6 n'est.donc pas un obstacle k Tin- telligibilit^, puisque le souverain intelligible est en m6me temps incomprehensible. Mais on demande, et c*est une question grave, si ce qui est incompre- hensible n'est pas pour cela seul ineffable. On r^pond : Dieu est ineffable , il est vrai , de cela seul qu'il est incomprehensible; et la creation, si elle est incom- prehensible, est egalement ineffable ; mais il n'en r^- sulte pas qu'il n'y ait rien i tenter sur la th^ologie, ou que Ton doive se resigner i ignorer toujours les rapports de Dieu et du monde. En effet, il y a deux choses que nous pouvons demontrer sur la nature de Dieu ; nous pouvons demontrer qu'il n'est rien de ce que nous sommes, rien de ce qui est dans le monde, car tout ce qui est dans le monde est contingent , perissable ,, multiple , mobile , divise , et toute parole humaine est aussi multiple , finie , incomplete , par la caducite de la pens^e humaine et des objets que la pens^e humaine percoit : c'est li tout un c6te de la* philosophic des Alexandrins, celui principalement que Plolin represente ; c'est le Dieu l7re>tgtva toO voO , ird'/Mvot Tov ovto; ; c'est le Dieu dont Olympiodore a dit que son incomprehensibility est tout ce que nous 638 CONCLUSION. en potivons comprendre. En second lieu , nous poiH vons dimontrer que Dieu est tout 6tre et t6ute intel- ligence , qu'il est parfaitement tout ce que Tunivers est imparfaitenient , car il n'y a rien dans Feffet qui ne soil d'une fa^on 6gale ou sup^rieure dans la cause. Cest Fautre c6te de la philosophic alexandrine, celui que Proclus exprime sous une forme pythago- ricienne, en mettantles Iva^e; dans Funit^ absolue. Ces deux formes de la theologie alexandrine, admises Tune et Fautre par Proclus, sont-elles contradic- toires? Loin de li, elles sont la verit6 mfeme. Dieu est parfait, et toute essence qui nous est connue reri- ferme de F6tre et du non-6tre ; done , aucune de ces essences n'est en lui, sous la forme qui nous est connue; en m6me temps, Dieu est cause de tout ce qui est , done tout ce qui est a rapport i quelque per- fection qui est en lui , ou , pour parler plus hardiment , il poss^de en lui les id6es ou essences de tout ce qui est , mais elles sont en lui d'une facon parfaite , et par consequent incomprehensible. Ainsi, nousafflrmons sans affirmer. Dieu est vraiment ineffable , et ce mot prononc6 ne nous ferme pas la bouche. Si un exemple pouvait 6tre admis quand il s'agit de Dieu et de Fhomme, le feu a-t-il chaud? La glace a-t elle froid? Savons-nous ce qui , dans le feu , est cause de la cha- leur qu'il nous donne ? Nous savons que quelque chose , dans le feu , est cause de cette chaleur, que cette cause differe completement de cette chaleur, et pourtant nous affirmons quelque chose de cette cause, et, par une application du langage, qui ne eoNCLusiON, • 63flf troiripe personne, nous la sp^cifions par son eSet. Appliquons k la creation cette m6me doctrine. Dieu est, et il n'est pas; ou, si Ton veut, il est, mais d'une reality incomprehensible; ou , pour renverser fe proposition sans la modifier, en prenant le mot fetre dans un sens absolu : Dieu est, et le monde n'est {)as; ou il n'est que d'une facon qui, comparee k I'fitre de Dieu , devient incomprehensible. De m6me Dieu est cause , et il n'est pas cause , c'est-a-dire il est la cause incomprehensible de tout ce qui existe, la cause de I'^tre et la cause du paraitre. Or, qu'un 6tre, qu'une substance ait une cause, cela m^me est incomprehensible. En tout, qu'il s'agisse de la science, de I'^tre ou du mouvement, Tassimilation du principe a I'effet est la negation du principe. La doctrine de la creation signifie que le monde existe hors de Dieu , et qu'il vient de Dieu comme de sa cause. Cette doctrine est incomprehensible et n^- cessaire. Eile n'est pas plus une doctrine negative que la theologie, dont nous parlions touti Fheure, n'est une doctrine negative. C'est une doctrine posi- tive, qui se renferme dans des limites, et ces limiles ne sont autres que les limites de la raison humaine. Ainsi nous repoussons I'objection tir^e de I'incom- pr6hensibilite de la creation , tout en avouant cette incomprehensibility. Mais que faut-il penser de la contradiction qu'on nous reproche? C'est une maxime recue dans les ecoles panth^istes que Dieu ne pent avoir tire le monde du neant. « Le moins ne contient pas le plus , dit-on , et le non-etre 640 CONCLUSION. ne contient pas Tfilre. Tout ce qui n'existe pas par soi a quatre principes : une raison d'6tre , une cause efficiente, une forme, une raali^re. C'est se moquer que de dire que le neant est la uiatiere du monde, puisqu'une telle proposition se d^truit, elle-m6me. » 11 y a li, en effet, une Equivoque grossiere; mais il faut se demander si elle est du fait des partisans de la creation. Dire que le n^ant se transforme en 6tre, comme Targile devient vase sur la roue du potier, c'est faire un cercle vicieux , et un etrange abus de mots ; mais les partisans de la creation ne tombent pas dans cet excfes. Us ne disent pas que le neant con- tenait Fetre , car ils savent que le neant n'est rien et ne pent rien contenir ; ils ne disent pas davantage que le neant devient le monde. II n'y a pas de neant, et il n'y en a jamais eu. Si Ton dit que Dieu a tir6 le monde du n^ant, cela ne signifie pas que le neant 6tait la matiere preexistante du monde , cela signifie que le monde n'a pas ete tire d'une matiere, ce qui pent etre difficile, ou m6me impossible k coraprendre, mais ce qui n'est pas , comme on veut bien le dire , une contradiction dans les termes. Est-ce done un principe de la raison, que tout ce qui est vient d'une matiere? ou ne serait-ce pas plutot un resultat de I'experience? La raison prononce qu'il n'y a pas d' effet sans cause efficace , et sans raison suflisante ; elle nedit rien de plus; II est vrai, dans I'ordre des causes secondes, nous ne voyons se produire que des transformations d'une matiere preexistante ; la ques- tion est de savoir s'il en est necessairement ainsi de CONCLUSION. 6lli la cause souveraine , et si cela doit 6tre vrai de Dieu, par cette unique raison que cela est vrai du reste des causes, II est donne k rhomme de tout comprendre, k condition qu'il n'essaye pas de comprendre le premier principe. Tout expliquer n'est rien expliquer. II faut d'abord accepter notre condition, et puis en tirer parti. Sortir de notre nature , cela ne se pent. Juger la raison, et Dieu, qui est la substance de la raison, cela ne se pent. Nous ne pouvons prononcer un ju- gement que par elle. Se passer d'elle , c'est renoncer k juger, k raisonner, k penser; la juger en partant d'elle-m6me, c'est faire un cercle vicieux ridicule. On croit gagner beaucoup , d' avoir assimil6 la pro- duction du monde a T^panchement d'une source , ou k Taction de notre intelligence creant en eile-m6me un phenomene intellectuel ; et qu'a-t-on gagn6? c'est de donner en eflfet une cause mat^rielle au monde , et de lui 6ter toute cause finale ; car il faut d6s lors I'accepter comme necessaire. II est en Dieu, et apparemment, il n'y est pas de trop, il n'y est pas par accident. II y est parce qu'il y est, de m6me que Dieu est parce qu'il est. Autant vaudrait le dua- lisme. Sans doute, il est difficile, dans le syst6me de la creation, de concevoir pourquoi Dieu pense au monde, pourquoi il I'aime, pourquoi il le veut; mais les monies difflcultes pesent sur le pantheisme, avec cet erabarras de plus, que tout cela est necessaire, de telle sorte que Dieu, doiil Tessfneq est I'unite, n'au- II. 41 642 OONCLUSKKf. rait pas ^t^ parfait , d'il n'ayait prodnit le multiple. Si Ton dit qu'il le produit sans le conhaltre et si^ns r aimer, il reste h montrer que la privation de Fin- telligence et de Tamour augmente la perfection di- vine. Que dire de la libert6? Comment soutenir quMl vaut mieux ne pas 6tre libre que de I'fetre? Si Dieu, dit-on , a fait le monde librement, il pouvait ne pas le faire, de sorte qu'il y a en lui du contingent. C'est ce qu'il faudrait prouver ; il n'est pas clair comme la lumi^re du jour, que la possibilitiS de mal faire soit comprise datis Fessence de la libert(§, et il ne faut pas oublier, quahd c'est la n6tre que nous rfegardons, qu'elle est r6glee par une intelligence bornee, et troubl^e sans cesse par des passions aveugles. Mais ceux qui craignent tant de mettre le contingent dans la puissance de Dieu, oublient-ils qu'ils mettent le multiple dans son acte? Dieu sans doute est distinct du monde , selon les panth^istes. S'il est parfait dans cette distinction, la necessite du monde n'est-elle pas une aflfirmation gratuite? Et s'il ne Test pas, comment I'imperfection fait-elle partie de I'essence de la perfection? Comment Dieu est-il Dieu, s'il n'est pas parfait par lui-m6me, et a lui seul? Void encore une objection , et ce n'est pas la iHoins specieuse. Dieu , dit-on , n'est-il pas la plenitude de I'etre? N'est-ce pas \k une aflSrmation absolue, et qui ne souflfre pas de restriction? Et tie s'ensuit-il pas, par une conclusion directe, qu'aucune reality ne pent exister hors de Dieu? II ne sufflra pas , qu'on y prenne garde, de donner k Dieu la r6alit6 6niinente CONCLUSION. 6/i3 de tout ce qui est formellement hors de lui; une telle possession suffit pour expliquer la relation de cause a eflfet , mais elle ne suiDt pas pour remplir I'idee que nous avons de la perfection absolue ; et quelque m6- prisable que soit une realite finie , en presence de la grandeur divine , il r^sultera toujours de Texistence dune telle r6alit6 , les consequences suivantes : pre- mierement, s'il existe quelque reality, c'est-i-dire quelque perfection hors de Dieu , on pourra supposer ■ par la pensee un accroissement de la perfection di- vine , car on pourra supposer que cette r6alit6 soit ajout^e & toute celle que Dieu possede ; seconde- raent , entre Dieu , si grand , et cette humble r6alit6 , la difference sera de degr6 et non de nature , de sorte que Dieu sera le pretoier d'une s6rie; il sera com- mensurable avec un autre 6tre , il fera n6cessaire- ment partie du monde ; et enfln , il manquera k son infinite limitee par la r6alit6 de cet atome, un atome imperceptible, ce qui revient k dire que Tin- finite lui manquera tout entiere, et qu'il ne sera plus Dieu. II faut renoncer k r6futer cet argument; mais ft defaut de r^ponse directe , nous proposons k notre tour cette difBculte. Pourquoi est-il vrai de dire que Dieu est la plenitude de Tfitre, Ffitre absolu? C'est sans doute qu'il ne pent souflFrir de privation , car ce sont deux propositions identiques. Dieu , dit-on , ne pent souflFrir de privation , done la realite de tout ce qui est realite est en lui. Mais toutes ces r^alites dis- tinctes de Dieu, que vous voulez absorber en Dieu, 6&& CONCLUSION. par quoi sont-elles distinctes entre elles? Par leur diJ9(§rence sp6ciflque , c'est-4-dire par leur limitation. Les transportez-vous en Dieu avee leur limitation , vous introduisezen Dieu le neant, et la privation que vous voulez 6viter , rentre malgr6 vous dans sa nature. N'attribuez-vous k la nature de Dieu que la reality gen^rique , laissant hors de lui le principe de la va- ri^te? Mais alors la vari6t6 ne se compreud plus, elle n'est plus possible ; elle n'est pas seulement un non- 6tre dans la nature des choses , elle est une contradic- tion dans le langage. Si vous dites : nous mettons le monde en Dieu sans le confondre avec lui , la r^ponse n'est pas solide , car le sens-commun , pour ne pas parler de la science , ne confond pas les ph6nom6nes avec leur substance; il les unit et les distingue tout k la fois , ce qui ne Tempfiche pas de prendre la limi- tation des phenom^nes pour la marque infaillible de la limitation des substances. Quoi que vous fassiez , toute unit^ qui sera totalite , ne sera jamais qu'un nombre. Yous aurez beau supposer un nombre infini de monades ; puisque vous distinguez ces monades , cet infini comprend en soi Tel^ment de la distinction et de Talt^rite ; il y a du vide , du n^ant dans cette pr^tendue plenitude. L'existence de quelque 6tre hors de Dieu semble done , si vous voulez, indiquer en Dieu une privation , mais avouez que Texistence de quelque distinction en Dieu en est une preuve non moins manifeste. En admettant ces deux dijaScult^s , Tune contre la creation, Tautre contre le pantheisme, pour egale- CONCLUSION. 6&5 ment insolubles, quelle conclusion en peut-on tirer? II n'y a que deux conclusions possibles, Tune de tran- cher la difficult^ dans son principe, en se r6signant ci Tath^isme ou i la negation du monde ; T autre, de conserver la substance de Dieu , et celle du monde , demontr^es sans replique , et d'avouer que le rapport de retre du monde avec I'fitre de Dieu , est pour nous incomprehensible. Or, c'est tout ce que nous preten- dons. La creation est k nos yeux un fait d6montr6 , mais inexplicable ; et le pantheisme n'est autre chose que la pretention de Texpliquer, en assimilant la cause divine aux causes que nous connaissons. II reste encore, apr6s la multiplicity, k expliquer la vari^te. Que chaque individu ait de la realite, voila le premier probleme; que chaque esp6ce ait une forme propre, voili le second ; et la solution de ce second probleme depend de celle qu'on a donn^e au premier. II y a deux solutions panth^istes, et Tune et I'autre ont ce caractere commun d'6tablir une hierarchic entre les divers etats du d^veloppement total de r6tre; cest qu'en effet cette hierarchic est d'autant plus n^cessaire dans un syst^me , que la separation des individus et des especes y est moins profonde. L'une de ces solutions consiste k dire que la variety des especes exprime la variete des attributs divins ; I'autre , qui n'en difffere au fond que par la forme de Texposition , est la th^orie des idees , telle que Tentendaient les Alexandrins. Est-il legitime d^^tablir en principe quMl y a en Dieu des perfections en nombreinfini , ou si Ton veut, 646 CONCLUSION, pour exprimer la m^me doctrine dans le langage de Plotin et de ses successeurs , que rintelligence de Dieu en se r^fl^chissant elle-mfime, trouve, dans runit6 de sa propre substance , les id6es supr6mes , en nombre parfait, qui enveloppent toutes les autres id^es ? Cette hypoth^se , il est vrai , explique la variety des genres dans le raonde sensible ; elle rend la pro- duction de celte vari^t^ par un ouvrier unique, operant sans mati^re ou dans une matiere unique , parfaitement comprehensible. Mais il faut voir k quel prix. La difficulte n'est supprimee dans le monde sensible que pour 6tre transport^e dans la nature de Dieu ; et il y a de plus k faire voir qu'il est plus dif- ficile , & Tunite absolue , de produire hors de soi la vari6t6 , que de la comprendre dans son propre sein comme son d^veloppement n^cessaire. II est tr^s-vrai que Dieu 6tant la cause du monde , rien de ce qui est dans le monde ne pent 6tre abso- lument Stranger k la nature divine, et que Ton en conclut legitimement que Dieu possede, sous une forme ^minente, tout ce qui est perfection et realiti dans le monde. Mais quel est le sens de cette restric- tion « sous une forme eminente » apport^e k I'ana- logie que ce principe tendrait k 6tablir entre le monde et Dieu? C'est sur ce mot que roule toute la discussion entre ceux qui soutiennent que la nature de Dieu est incomprehensible et ceux qui le nient ; car les uns veulent que la reality Eminente ait la m^me definition que la r^alite formelle, tandis que les autres afiirment seulement Texistence d'un rap^ •CONCLUSION, 647 port, sans rien specifier de plus. Lorsque Male- branche prononce que T^tendue est en Dieu sous une forme intelligible , il fait une assertion t6m6raire, parce que I'essence de I'^tendue est precisement ce par quoi nous la consid^rons comme inferieure k la nstture de Tesprit, et inconciliable avec elle ; raais sa proposition paraltrait plus acceptable si elle 6tait plus attenu^e , et si , 6tant toute specification , il se bor- nait i dire comme F^ndon , que la matiere elle-m6me a rapport k quelque perfection qui est en Dieu. De cette doctrine k la theorie panth6iste , qu'il y a n^ces- sairement en Dieu des attributs inflnis en nombre infini , existant chacun n^cessairement et avec une essence distincte , attributs dont les especes sensibles ne sont que I'expression, la distance est analogue k celle qui s^pare les ecoles ou la difference sp^cifique est la condition de la r^alite , de celles oil elle en est Tobstacle. Proclus aura le droit de dire que tout ce qui est dans le monde est aussi en Dieu , k condition qu'il dise avec Plotin , que rien de ce qui est dans le monde n'est en Dieu. Quand la diflKrence est si pro- fonde et le rapport si obscur , comment peut-on se servir de cette possession ^minente des attributs de retre, pour fonder precisement les diflRirences sp6ci- fiques? Plotin en vient Ik cependant, lui qui avait soin de montrer que les id^es sont en Dieu evoettoc, c'est-i-dire , si cette expression a quelque sens , sous leur forme generique , et non avec leurs diflferencesf. C'est qu'il est cntratn^par ses tendances pantheistes, et qu'il su))it , lit encore , Finfluence de sa theorie tri- "^ 648 CONCLUSION. nitaire. U ^l^ve k une certaine hauteur dans les hy- postases divines le dtoaju^o; vor/ro; pris dans son unite , ivouSuii , et ii rel^gue les id^es, avec leurs distinctions sp^cifiques, dans une hypostase inf^rieure. II croit sauver ainsi Tunit^ de Dieu , en m6me temps qu'il expiique la multiplicity ; et il ne s'aper^oit pas que cette multiplicity interm^diaire entre le monde intel- ligible et le monde sensible est inutile , si le premier modele expiique la vari^t^ , et s'il ne Fexplique pas , aussi difficile k concevoir que la vari^te sensible elle- m6me. Cette existence n^cessaire , dans la substance de Dieu , de la plurality des types , tient-elle k la nature m£me de la theorie des id^es , on & la fa^on dont cette theorie estentendue par les Alexandrins? II est difficile de dire ce que Platon lui-mSme a pens^. D'un cdt6, on ne pent gufere supposertju'll fasse exister les id^es hors de Dieu et hors du monde , comme des natures interm^diaires, n6cessairement congues par I'intelligence divine, mais ayant leur uTrap&c indepen- dante de cette conception ; il est inflniment plus con- forme k I'esprit general de sa philosophic de croire que les id^es sont les formes m^mes de la pens^e de Dieu , et ne sont pas autre chose. D'autre part , les idees ont certainement le to yjApiozov ; peut-on entendre par Ik , simplement qu'elles sont separ^es de la ma- ti^re, et cette expression ne signifie>t-elle pas aussi qti'elles sont r^ellement distinctes Tune de Fautre, non-seulement dans la forme qu'elles rev6tent d'abord k leur premiere apparition dans notre esprit , mais CONCLDSION. 6i9 dans leur reality concrete et individuelle ? Si le to XodpiaTov impliquait cette distinction des id^es entre elles, I'auTogwov existerait reellement aux yeux de Platon, avec toute la diversitede ses monades, dans I'intelligence divine; l'unit6 de TaT^To^wov serait une totalite (oXoTVic), et non pas une unit6 veritable (to eV) ; et puisque rintelligence divine' ne voit pas cet avTo- ?wov h la mani^re de la sensation , mais k la maniere de la vowv; , c'est-4-dire , puisqu*elle la voit en eJle- m^me , et comme sa propre substance , le principe du pantheisme, sinon le pantheisme lui-m6nie, se trouverait express^ment contenu dans la Ih^orie des id^es. Cette consequence est, k la v6rite, tres-ad- missible ; mais nous devons ajouter qu'elle est loin d'etre incontestable. Platon pent 6tre interprete autrement On pent entendre que TauTol^wov n'est pas la totality des id^es ramen6e k I'unit^ par Fordre et rharmonie de leur syst^me; mais le genre su- preme et unique , dont les id^es inferieures sont des d^riv^s, ^minemment et non formellement con- tenusdans rauro^wov. C'est ainsi, parexemple, que la cause est dite quelquefois contenir tons les effets ; et comme le Dieu de Platon est une providence, comme il n'a pas pour unique objet de ses concep- tions rauTo^wov , comme le monde sensible lui-m6me est present k sa pens6e, il pent & la fois trouver en lui runit6 absolue , qui est le genre par excel- lence, on rid6e par excellence, et embrasser la s^rie de transformations que cette id^e subit , non en eUe-m6me, mais dans son application au mul-* n 650 CONCLUSION. tiple. Tel est le sens que Tod peut donner k la th^rie de Platon , et cetle th^orie a'en deviept que plus scientiOque; car, du moment que Tod admet cette interpretation , les differences sp^cifiques n'ont plus qu'une valeur relative , et Fascension dialectique , au lieu d'avoir pour effet de nous montrer une nouvelle id^e derriere des id^es moins eiey^es , nous apprend seul^ment k transformer les id^es inf^rieures en une idee plus parfaite , et ainsi de suite , de degres en de- gr^s, jusqu'^ Tunite absolue dans laquelle ne sub- siste aucune difference specifique. Mais si la doctrine de Platon se pr6te k une double interpretation , les Alexandrins etaient enchaines par leurtheorie des divisions hypostatiques. Ilsse voyaient obliges d'admettre litt6ralement la variete des idees dans le MOfioq vorito^ le plus voisin du monde sensible, sauf k placer au-dessus de lui un autre iLoaiioc, vorro; • d'ou ils s'effori^aient de bannir la variete ; et lorsque Proclus compietait la loi des analogies , et montrait que la pomprehensibilite croit avec la distinction des parties , sans riea ajouter ni k riatelligibilite ni & la realite , il ne faisait, tout en ameiiprant sur d'autres points la doctrine de Tecole, qu*augmenter cette dif* ficulte. S'il avait retranche les hypostases inferieures, apres avoir donne k la premiere tout ce qui est neces- saire k la perfection, et tout ce qui est necessaire k la cause, il eut rendu son Dieu capable de produire la variete des esp^ces, sans etre contraint dlntro- duire la variete dans la substance divine elle-m6me. U serait k cfiup sur temeraire de soutenir que la CONCLUSION. 651 th^orie des emanations est le complement n^cessaire de la th^orie des id^es ; mais il est certain que ces deux theories se r^pondent bien Tune h Tautre , et que Tune ^tablit dans le monde la m6me hi6rarchie et les m^mes rapports ; que Tautre decouvre entre les conceptions. Si, dans la hi6rarchie engendr^e par la dialectique , on laisse subsister les id^es inter- m6diaires, comme r^ellement distinctes, quoique tirant chacune leur reality substantielle de leur genre , une fois la dialectique ainsi interpr^t^e, toutes les pretentions des Alexandrins se trouvent justiflees, la diversite des hypostases et 1' unite de Tfetre, la loi des analogies et des proportions, la loi des Emanations, la loi du retour. La dialectique ne pr6terait point k toutes ces equivoques , si les idees intermediaires , dont on fait des echelons pour monter k I'idee su- prfeme, n'etaient bien reellement que cela, si ces echelons disparaissaient en quelque sorte a mesure que Fesprit les a depasses , pour ne plus laisser d'in- termedlaires entre Dieu et lui. Notre raison, sans doute , ne voit pas du premier coup la premiere loi fondamentale , dont toutes les autres sont derivees , et qui est Texpression la plus parfaite de I'unite de Facte divin; elle s'arrete d'abord aux applications particulieres de cette loi, et elle s'en sert, pour monter k un principe plus general ; mais il fautqu'elle comprenne enfm que la loi est unique , et que c'est le m6me principe qui d'abord paraissait multiple k ses yeux mal exerces , et qu'elle contemple maintenant dans son unite , dans sa verite; comme la m^me note n 652 CONCLUSION. proDonc^e paratt ud son diiTi^rent a ceux qui T^coutent k des distances in^gales , et dans des conditions diffe- rentes (1). En approfondissant les principes que nous venous de proposer, on trouverait que la doctrine pantheiste implique des contradictions, que le dogme de la creation est seulement incomprehensible ; qu'il n'y a pas lieu de rejeter une doctrine par cette unique raison de son incomprehensibility ; et qu'enfin Tac- tion primordiale par laquelle le premier principe substantifie le reste des 6tres, est necessairement incomprehensible. Cest surtout quand il s'agit d'une telle doctrine qu'il faut juger une philosophic en elle-m6me, et non sur une m6taphore. L'acte de cr^er est incompre- hensible faute d'analogues; done le langage humain sera toujours equivoque sur cette question capitale. Ceux-memes qui voudront assimiler la creation k quelqu*une des fonctions qui nous sont connues , de- vront hesiter et chanceler ; le moyen, en eflfet, qu'ils se prennent eux-memes au serieux? Qu'ils com parent, sans metaphore , le h^xo\)^yo(; a un potier qui imite , dans Targile , la forme d'un modele , ou au soleil qui repand ses rayons, ou a un vase trop plein, et dont le contenu deborde? La grossiferete m6me de ces meta- phores obligees, est un avertissement et une preuve. Mais, si on ne pent juger les systemes sur une metaphore, on pent les juger sur leurs resultats. Le monde est-il en Dieu? Et s'il y est, esl^il le rSve de * Foyex la Preface. CONGLUSIOIV. 653 cette intelligence infinie^ le spectacle qu'ellese donne? Est-il Fexpan^ion ^n6cessaire de I'activit^ divine , la viemfimedeDieu? Le monde est-il hors de Dieu ? Et s'il est hors de lui, que tient-il de lui? Est-ce la forme, estce la substance? Est-ce plut6t Tune et I'autre? On dit quelquefois que toute Tantiquit^ grecque , jusqu'i Tav^nement du christianisme , est dualiste. C'est une assertion t^m^raire, qui decide de bien haut la question du panth^isme ^leatique ; et ne fau- drait-il pas se souvenir aussi que , malgr6 le Tim^e , les AlexandrinSy suivis encela par plus d'un com- mentateur moderne , ont mis en doute le dualisme de Platon ? Que fait-on des Stoiciens dans cette hypo- these? A la bonne heure, s'il ne s'agit que des th6o- logiens et d'Aristote ; k la bonne heure encore , si la doctrine que Ton veut exclure est celle de la creation. Celle-lii est, en eflfet, d'une origine plus recente; et peut-6tre m6me le sens n'en aurait-il jamais 6t6 flx6 avec precision, si Ton ne s'^tait accoutum^, dans les 6coles, a faire, par une sorte de fiction dramatique , rhistoire de la production du monde , afin de d^crire plus clairement la filiation des efiets et de la cause. Pour que la substance du monde vienne de Dieu , il n'est pas n^cessaire qu'elle ait commence dans le temps; mais c'est peut-6tre sous cette unique forme que le vulgaire peut entendre et admettre la creation. La proscription du dualisme est tres-explicite chez les Alexandrins. Non-seulement ils Fadmettent et la demonlrent pour elle-m6aie; mais il n'est pour ainsi n 65& CONCLCSIOIf. dire pas un seul point de leur philosophie qui ne fut mis en peril par T^tablissement d'un principe ind6- pendant de la premiere hypostase divine, lis sont k peine moins precis dans la negation de la creation. Leur Dieu , qui produit la substance du monde , la produit en vertu d'une n6cessit6 absdlue ; il la tire de lui-m^me, par communication de sa substance propre ; et Femanation par laquelle la troisi^me hypo- stase divine produit la premiere hypostase du monde porte le m6me nom, est de la m^me nature que r^manation par laquelle Tunit^ absolue engendre les autres hypostases qui forment avec elle la nature de Dieu , k la fois simple et complexe. L'incomprehen- sibilit^ du dogme de la creation n'aurait pas effray^ les Alexandrins, car elle se lie intimement h I'in- comprehensibilite divine qu'ils admettent; mais ils ont ced6 h des n6cessit6s d'un autre ordre. Ce n'est pas tout de proclamer que Dieu surpasse la raison humaine , si Ton n'ajoute pas qu'il la fonde , et que sous cette forme incomprehensible , il T illumine et la remplit. Les Alexandrins voient la limite de la raison humaine , et ne savent pas s'y r^signer. Cette faculty , assez puissante , de leur propre aveu , pour les conduire k la derniere limite de la dialectique , impuissante pour leur r^v^ler les derni^res profon- deurs de la perfection absolue, ne leur parait qu'un degre pour monter plus haut. lis placent au-dessus d'elle Fextase, et aussitot tout se trouble, tout se confond dans leur philosophie. La raison , d6passee , n'est plus seulement limitee, mais relative » et nulle eoNCLtJStoiH. 655 par consequent ^ puisque la v^rit^ est une, L'extase n'est qu'une aspiration v^liemente h un 6tat impos- sible; et les visions qu'il place au deli de la raison , rillumine ne les roit en r6alit6 que dans son imagi- nation, c'est-i-dire en lui-m6me. Ce dogme vrai, mais denature par de fausses consequences, de T in- comprehensibility de Dieu, ne leur sert plus & rien. lis ont assign^ une limite k la raison , mais non pas k la connaissance ; tous les arguments par lesquels ils d^montrent Tinsuffisance de nos facultes , au lieu de les conduire k la circonspection , ne les merient qu'i d'orgueilleuses theories , oil les derniers secrets de Dieu sont en apparence r^veies. Une fois le lien bris^, qui retient Thomdie k son rang dans la chaine des 6tres, il ne reste plus de barri^re solide. Toute dis- tinction specifique pent 6tre detruite; toute espfece pent s'assimiler i son genre ; toutes les id^es peuvent fetre absorbees dans Tunite absolue. Telle est la loi du retour, de YimaTpo(f7}, qui, appliqu^e k Thomme, constitue leur morale. Grande morale en effet, si I'homme retournait k Dieu , pour le mieux voir et le mieux aimer, sans cesser d'etre un honime et d'etre lui-m6me, sanS perdre son essence et son ecceite: morale temeraire, metaphysique insens^e, si ce retour k Dieu est Taneantissement de la personne. Comment I'universel, attache k I'individuel, pour- rait-il ainsi se retrouver lui-m6me, se d^gager de ses liens, traverser tous les nombres , et se reposer enfiri dans r unite absolue , si les liens qui attachent Funi- versel k I'individuel etaient indissolubles? S'il y avait 656 CONCLUSION. de Fun k Tautre difiGgrence de nature? Non , c'est partout la mfirne nature , anioindrie , d6figuree , en- sevelie sous la mati^re , capable , dans cet abaisse- ment , de secouer ce linceul , et de remonter la chalne des 6tres, La loi du retour renferme explicitement la negation de la stability des natures individuelles , implicitementr unite dela substance. Les Alexandrins ont trois doctrines parall^les , qui dans le fond n'en forment qu'une seule ; la dialectique, dans I'ordre de la science , la loi des emanations dans la cosmogonie ; dans la morale , et dans la description du monde , I'eTrtaTpo^iS. Tel est le caract^re commun des theories alexan- drines sur la production du monde. Plotin varie souvent dans le choix de ses m^ta- phores. Tant6t il appelle Dieu le p6re du monde , ou I'auteur, ou I'organisateur du monde. Ce n'est pas \h qu'il faut chercher sa doctrine. Apr6s lui, on essaya de distiuguer ces diverses fonctions divines. Le p^re engendre la substance, le Sr^iiioyjpybq la faconne. Ces distinctions sont plut6t theologiques que cosniogo- niques , et ne modifient en rien la th^orie de la ge- neration du monde. II en est de m^me des discussions si souvent renouvelees sur la place et la nature du dyj/jLcoupyoc. Sur la question precise de la generation du monde, il n'y a que trois theses possibles, et toutes trois sont simples : le dualisme, le panth^isme, la creation. Les details que Ton ajoute, et dont Tini- portance est souvent capitale , roulent sur la nature de Dieu , ou sur la nature du monde. CONCLUSION. 657 Enfin le probleme de la production dii monde par la puissance divine, presente encore un troi- sieme aspect; et si noiis n'avons trouve que fai- blesse dans Thypothese pantheiste ou les Alexandrins se sont confines , leur metaphysique se relive sous le nouveau point de vue qui nous reste i envi- sager. Lorsqu'on a traite de la creation proprement dite, ou de ce qui en tient lieu dans un syst^me pan- theiste , lorsque ensuite on a recherche la cause de la variety des esp6ces, il reste encore A fixer, dans chaque espece , le rapport de I'individu a I'espece ; et c'est une question tr^s-multiple , car elle touche k la fois k la theologie, et k la nature des substances indi- viduelles. On salt que les Alexandrins admettent Texistence concrete des universaux , et qu'ils s'eflforcent de con- cilier, en les subordonnant Tune k Tautre , Taction naturelle et Taction volontaire du Jyifxtoupyo;. A quelque hypostase que Ton s'arr6te , et de quelque fagon que Ton consid^re Taction de Dieu sur le monde, les id^es n'en sont pas moins les modules de tout ce qui est; car, suivant les Alexandrins, lorsque Dieu agit naturellement, sans le savoir et sans le vouloir, il produit des 6tres qui lui ressemblent; et lorsqu*il produit avec reflexion et volont6 , il imite ce qu'il trouve en lui-m6me, dans sa substance, le xoa/xo; voy.To;. Nous ne reviendrons pas ici sur cette question , parce qu'elle est n^cessairement resolue dans un sens fort diflf^rent de celui des Alexandrins, d6s que Ton a rejet6 la th^orie hypostatique , et substitu6 la If. 42 658 CONCLUSION, doctrine de la creation k leur hypothese pantheiste. Mais la question des rapports de la substance indivi- duelle avec les universaux reste entiere , lors meme que Ton a rejet6 le to x^pmov zhai des id^es, puisque sous les details chim^riques de la th^orie platoni- cienne , se retrouvent les grands principes de la phi- losophic r^aliste , qui est la vraie. Platon n'h6site pas , en mainte occasion , k r6p6ter que les id6es seules existent , et que les r^alites con- cretes du monde sensible ne sont que neant, Mais 6videmment ce mepris hautain ne doit pas 6tre ac- cepte au pied de la lettre , et quelque m^prisable que soit ce monde , quelque faible et caduque que soit sa reality , il a quelque reality. Seulement il ne Fa pas par lui-meme ; il la tient d'abord de I'^ternel ouvrier qui I'a construit, et ensuite des id6es qui ont servi de modeles pour le construire , et dont chaque indi- vidu tient non-seulement son 6tre , mais sa forme specifique. En quoi consiste cette communication? I'idee est-elle reellement pr^sente dans son bomo- nyme? S'il en est ainsi , elle est engagee dans la ma- ti^re , elle n'a pas le to ^wptaTov. Non , I'idee demeure en soi. Toute la realite des individus d'une esp6ce , leur vient, par Taction du Sy.^toupyo; , de la nature de ridee, et pourtant I'idee est la m6me, soit que I'es- pece dont elle est le type existe ou n'existe pas. Pour exprimer ce rapport , les py thagoriciens se conten- taient de dire que Dieu, I'oeil fixe sur le module, c'est-i-dire , dans la langue de leur 6cole , sur les nombres, fait le monde en les imitant Mais Platon, CONCLUSION. 659 observant de plus pres la nature des 6tres, et com- prenant que Tiaiitation est relative h cplui qui imite, et lion a celui qui f e9Qit pour forme ceitp res^epj- blance, donne k la forn^e des 6tres sensibles une denoo^in^oq qui exprime plus clairement une rea- lite, paais une realite empruptee. A roaotW*;* U sub- stitue la /^eSe^^. II coipppsp chaque individu sensible de deux elements, la dyade indefinie, qh maliere, et la forme , ou participation h la nature d'une idee. 11 adn^^t 4onc en tput cinq principes de Tfetre; trois exterieqrs , atna ; et cos principes sont la cause effi- cace, ou le ^Yifimpyo^^ la cause exeraplaire ou I'idee , et la cause finale, oif le principe du Um; et deu:if interieurs, cmyilo^j la dyade indefinie, a^j, et )a parr ticipatipn, (xe9e?i;, qui con§i4(Sr6e en eUe-ni0me est la forme, Efdoc, de Tindividu concrete Les Alexandriijs recoivent ces distinctions toutes faites de la njetapby- sjque de Platon, et apprennent seulement d'Aristpte k consid^rer la mafiere comme la vi^tuaUte inde- finie , et I'essence , cowme le principe qui restreiot la matiere dans de justes bornes et la rend (i^finis- sable. Telle egt, par exemple, la doctrine dp Plotip sur la nature 4es 6tres individuels , et sur les jSlgr ments dont ils se cpmposenU La matipjre e^t pppr lifi ce qu'elle est pour Aristote ; c'est-Mire qu'a la doctrinp de Platpp , mieux exprim6e , et plqs nette- ment con9ue, il ajoute d6ja, cop^me une sprte d'in- termediaire entre la matiere ou pvire virtqalite , et la forme ou d^terp)inatipn , la puissance ^pergjqpe qui soUicite \^ virtualite k flevenir acfuelle ; la forme 660 CONCLUSION. est bien aussi pour Plotin ce qu'elle etait pour Aris- tote , e'est-i-dire la realisation actuelle de ce qui auparavant 6tait potentiellement coatenu dans la mati^re ; mais i cette throne p6ripat6ticienne , qui n'est que le d6veloppement , ou si Ton veut le per- fectionnement de la doctrine de Platon , il ajoute un caract6re exclusivement propre k la philosophie platonicienne , c'est que la forme d'un 6tre sensible, est ce par quoi il participe i la nature de I'id^e. La tendance d'Aristote 6tait d'isoler I'individu sensible, de lui donner la vertu de produire son developpe- ment dans les limites de son esp^ce , et sous Taction sup^rieure des lois naturelles etrang^res k sa nature, et qu*il subissait sans les poss^der en lui-m6me. Platon par la fxe^e^i; , au lieu de tirer la forme de la mati^re , la fait en quelque sorte descendre de plus haut dans la matiere. A ce point de vue , la philoso- phie d'Aristote est une theorie mecanique, parce que les lois gen^rales restent ext^rieures k la nature qui les subit; celle de Platon au contraire estdynamique, parce que laloi generaleest presente dans Findividu, sinon par elle-m6me , du nioins par une sorte d'ef- fluve, qui sort d'elle-m6me sans la diminuer, et qui fonde dans les individus , ce qu'ils ont de reality, Au contraire , si Ton examine d'un autre c6t6 la m^ta- physique de Platon et celle d'Aristote , c'est la philo- sophie d'Aristote qui est une philosophie dynamique, puisque I'individu , outre la puissance et I'acte , en- veloppe I'efTort, qui etablit un lien entre I'acte et la puissance , tandis que Platon avec la mati^re inerte, CONCLUSION. 661 et sa (xeSe^i? venue d'ailleurs , an^antit la force propre des individus, etles r^duit tous k rimmobUit^ de Fimperfection , qui est la negation de la vie. C'est li une equivoque qu'il appartenait k une philosophic eclectique de detruire. Un progr6s lent, mais r6el, a conduit I'^cole vers ce but , qu'elle atteint k peu pres dans Proclus. De quoi s'agit-il pour Proclus? D'expliquer la ixiBshc,^ de mettre k la place d'un mot, une doctrine, et une doctrine telle que le rapport de rindividu au genre puisse 6tre maintenu, sans que la force propre de I'individu , par laquelle il actua- lise la puissance, soit d^truite ou rendue inutile. Aristote avait eu raison de dire que cette jxe'ee^K; inex- pliqu^e , et m6me incomprehensible , tant que Tidte. restait incommunicable , n'^tait qu'une m6taphore po^tique, rajBSrmation d'un rapport, dont on ne don- nait ni le sens , ni la raison ; et que si elle etablissait un lien entre la forme actuelle d'un 6tre et ses futurs d^veloppements , c'^tait k la condition de confondre la notion de maliere avec celle de forme, de rendre la dyade, ou contenant de la forme, compl^tement inutile , et en tout cas de faire coexister la dyade et la forme dans un m6me 6tre, sans 6tablir aucun lien entre ces deux principes. Pour lui , I'essence ne con- tenait ni les d^veloppements futurs , ni la loi de ces d^veloppements ; toute virtualit6 6tait, selon lui, concentric dans la mati^re ; et la force individucUc qu'il accordait Ji chaque 6tre cr^ait un lien r6el et sufflsant entre la mati^re et I'essence ; mais I'essence tiree de la mati^re, ne paraissait plus, avec une telle n 662 CONCLUSION. origlne, se rattacher directement au systeme g^n^ral des Aires. Aussi Aristote 6tait-il conduit $ et d'^tait Ik le grand grief des Alexandrins contre lul$ h accepter comma feit Texistence de la matiere , avec left formes varices qu'elle contient en puissance , et & ne ratta- cher au syst^me g^n^ral dont Dieu est le centre que le double mouvement par lequel une puissance se realise ^ ou par lequel une essence se meut vers une autre comme vers sa fin. La Idi des analogies « si f6- conde en transformations, permettaitaui Aleitandrins de conderver k Tid^e le to x^t^piaToy , et de donner k VtU^t i participation de Fid^e < la valeur d*une id^fe infi^rieure» ayant, comme Tid^e, Vnnotpln;^ mais mul- tiple et variable^ G'est ce que fit Proclus -, quand 11 pla^a au plus bas de TAchelle des id^es, Tid^e active, th 9pot(n^,pttiTf 9 image engag^e dans la matiere ^ d'utie id6e plus immat^rielle et plus parfcite. Cette theorie approfondie conduisait directement Proclus k la mo- nadicit6 de Leibnitz. En effet, tout ph^nomSne eiiste dans une sub^- stance^ Ou cette substance est inerte , et par €ons4^ qnent indifRSrente k sea pb^nom^nes; on elfe est ac- tive i et par consequents elle est cause unique des ph^nom^nes qu'elle subit $ oii elle eoncourt a les produire aveC une cause etterieure^ L*ame humaine ittterrogee par la conscience nous tnonti^ la substance que nous Sommes tirant nos ph^nomdnes de notre prdpre fond^ et la sp6culbtion ndtts apprend que s'il en etait autrement, nous pourrions avoir encore l4d6e abetraite tfune substance g6n6rale et com- CONCLUSION. 668 mune, mais nous ne percevrions pas notre moi, comme une realite concrete et individuelle. La substance est done non-seulement le lieu des ph6- nomenes , c'est-i-dire la condition de leur possibi- lite, la potentialite de leur existence, mais la force ^nergique par laquelle cette potentiality est d^ter- min^e k devenir actuelle, Voili dans le fond de I'fetre la virtualit6 enveloppant Teffort. Cette virtualit6 est- elle multiple ? EUe Test , et elle ne Test pas. Elle est virtuellement multiple, puisqu'elle embrasse plu- sieurs possibles ; mais dans la realite actuelle de la substance , elle est une et simple ; car ces divers pos- sibles ne sont que les formes di verses que la force con- stitutive de rstre est apte k rev^tir ; ils ne sont done que les conditions de son existence , la mesure de sa quantite, ils la sp6ciflent et ne la constituent pas; et c'est elle dans son unite qui est le fond m6me de retre, le foyer de son developpement , I'individu. Cette force simple, qui a des formes multiples en puissance, a-t-elle toutes les formes en puissance, ou seulement telle force , telle puissance ? Ce qui re- vient k demander si les substances individuelles dif* f(&rent speciflquement , ou seulement par le nombre* Elles diflferent quant i I'espece , quoique les diflfe- rences soient plus completes et plus nombreuses entre les formes qu'entre les puissances. D'un autre c6te , Tessence propre d'un 6tre est exprimee par sa definition, et la definition d'une essence en exprime k son tour le genre et Tespece. L'essence d'un indi- vidu , son identite est-elle suflisamment constitute 664 CONCLUSION. par Tune quelconque des situations par lesquelles il passe? GerteSy il n'en est pas ainsi; et pour prendre un exemple^ cet animal dont le caract^re specifique est de r6fl6ter successivement les couleurs les plus diverses , ne sera pas d^fini , si on le prend dans un moment donn6 , et qu*on lui attribue seulement la couleur qu'il pr^sente alors. Ainsi les individus diflFe- rent par leurs puissances , et la vari^te des puis- sances qu'ils contiennent doit entrer avec leur forme actuelle dans leur definition. II suit de 1^ que la substance d'un individu contient h la fois la force qui le constitue corame 6tre, et les modifications diverses qui , r^unies , forment la plenitude de la perfection k laquelle il lui est permis d'aspirer ; et de plus, qu'elle ne contient que celles-li. Done il y a dans chaque substance , une force qui est proprement I'fetre, une quantite donnee de modifications pos- sibles, qui expriment le genre, et une limite i ces modifications, qui est la flifference specifique; en d*aulres termes , la force simple qui s'^panouit en ph^nomenes multiples , n'est pas une force nue dont toute Taction est de r^agir sur les phenom6nes ex- t^rieurs , en subissant Finfluence de lois ^galement ext^rieures. C'est un ressort qui , selon les circon- stances et selon le degre d'energie dont il est dou6 , demeurera comprim6 et inutile , ou atteindra tout le d^veloppement dont il est capable. C'est un germe f6cond , mais dont la fecondite est r^gl^e et limit^e tout a la fois par sa constitution interieure. Ainsi le monde materiel n'est pas conapose de substances CONCLUSION. 665 inertes et de ph^nomenes attaches k ces substances par Faction d'une force etrang^re ; mais de forces simples qui semblables k la cause premiere , se rnani* festent par des phenom^nes multiples. Les deux mondes, sensible et intelligible, se trouvent reunis par le lien puissant de la fxeSe^i; , puisque la loi g6- n^rale ou rid6e est r^ellement d6pos6e dans la sub- stance de rindividu , sans cesser d'6tre en elle-m6me complete et independante. Ainsi , dans la question de la production du monde, question qui en comprend trois autres , la r6alit6 des substances contingentes, la variety de leurs essences, et le rapport des id6es aux individus , les Alexan- drins se trompent sur la premiere, puisqu'ils tom- bent dans le panth^isme, et sur la seconde, puis- qu'ils s'en tiennent & la th^orie des id^es s^par^es k la fois les unes des autres , et de leurs homonymes sensibles ; mais ils out du moins le m6rite d'avoir d6flnitivement chass6 le dualisme de la philosophie, et d'avoir entrevu le veritable rapport de la vir- tualit6 avec la force , de la virtualit6 et de la force avec la determination actuelle ; et par consequent de rindividu avec les universaux. Quel est le lien du mysticisme Alexandrin avec les doctrines dont nous venous de parler ? Quelle est la valeur de ce mysticisme? Et en general, quelle est la valeur du mysticisme? On nait mystique, ou on le devient. Parmi les 666 CONCLUSION. successeurs de Plotin, plusieurs ont 6t6 entraln^s dans cette doctrine qui,. par les dispositions de ieur Ame, etaient plutdt faits pour un syst^me plus r6gu- lier. Mais pour qu'une grande et puissante 6cole soit fondle , pour qu*elle jelte autant d'^clat que T^cole d'AIexandrie , pour qu'elle ait» sur les destinies de la philosophie, une aussi durable influence, il faut que ces deux circonstances se rencontrent, des Ames nalurellement tourn^es au mysticisme , et une soci6te rfduite h tomber dans le d^couragement, ou k de- mander k une foi enthousiaste Tappui que les m6- thodes ordinaires ne sauraient plus lui donner. Telle fut , dans son origine , I'ecole d'Alexandrie. Les pre- miers systemes empiriques et rationalistes 6bauches par les physiciens et par Pythagore , avaient 6t6 re- pfis avec une puissance incomparable, par Platon et par Aristote, et pouss6s par eux jusqu'A leurs der- nitres consequences. C'6tait alors , pour Fesprit grec , la grande 6poque , une ^poque de jeunesse et de ma- turity tout k la fois. Rien ne manquait aux contem- porains de Platon: ni cette ardente curiosity, que des chutes successives n'ont pas encore decourag6e ; ni cette heroique conflance dans sa force qui ne manque jamais ci un peuple dans la p^riode ascen- dante de sa prosp^rite; ni cette aptitude particu- li^re des Grecs k envisager les questions sous tons les points de vue , k 6puiser les solutions , k d^ployer dans les luatieres les plus abstraites les ressources d'un genie souple , fecond et subtil; ni la moderation et la mesure , qui avaient fait le caract6re de Socrate, ODNGLUBION. 667 et dont la philosdphie grec^lte cotiserva Tempreinte, tatit qu'elle demeura attach^e au sol ♦ et ne fut pas troubl^e par des influences 6trang6res. Aprfes le sifecle de P6ricl6s^ la decadence de la philotophie suivit la decadence des moears el de I'esprit publld* 11 eortlt de Platon une 6cole de deminsceptiqueSj qui n'araient en quelque sorte ni le courage de croire , ni le cou- rage de ne pas crdire ^ et d^Aristote 5 une suite de phi^ lesdphes sahs fbrce et sans port^e, incapables de eompretidre la prdfondeuf de ses doctrines $ attaches surtoutA tette negation obstinee de la th^orie des ideefe dans laquelle il avait Us6 une partie de sa puissance, et n'arrivant par \k qu'& remplacer le douri^me livre dfe la M^taphysiifUe , par la philosophie de 1& sensa- tidtii Entre des sophistes et des seti&ualistes, les espritb S*6nervaient, la morale s'abaissait, lorsque le sens commun, rfireill^, r6agit fortemfent contre cette phi- losopbie sterile et sans r^sultats. Deux 6coles se for- mferent, qui, laissant \h les principes dont on avait tant abus6, et cette escrime frivole k laquelle on se livrait pour elle-m6me , et sans aticun espoir d'arrl^ ver ft des consequences pratiques, prirent en quelque sorte la philosophie par le milieu , lui assign^rent pbtir but rutilitd, et affich^rent la pretention de parler un langage que tout le monde comprettdrait , de fonder une doctrine, qui porterait inim6diatement ses fruits en renouvelant la morale publique. De ces deux ecoles ■, Tune ne tarda pas ft bfttir son influence sur les plus grossiers penchants de notre nature; Tautre , vigoureuse , sinon profonde , incapable de 668 CONCLUSION. s'elever k la grande philosopbie, Be comptant que sur elle-m6me , ne voyant rien au deli de ce moDde , n'esp^rant rien apr6s cette vie, se soutint par tous les m^rites qui manquaient i rAcad^mie , par un dogmatisme tranchant et absolu, par uue doctrine enti^rement tourn^e k la pratique , par de mAles pre- ceptes, courageusement accomplish Des doctrines d*ou la divinity etait bannie , ou qui du moins la me- connaissaient , qui bornaient k cette vie notre des- tin^e , qui l&chaient la bride k toutes les passions , ou leur livraient au contraire une guerre obstinee , jus- qu'i proscrire les sentiments les plus n^cessaires et les plus purs , n*etaient pas un remede suffisant pour le mal dont la soci6t6 6taitlravaillee. D6ja des esprits hardis commengaient k passer au dela du probabi- lisme, et k tirer de Topposition des 6coles^rivales des arguments contre la l^gitimit^ de la science. En vain les Stoiciens et les £picuriens se montraient-ils disposes k faire bon marche d^s premiers principes. On leur montrait que cette philosophic volontaire- ment aveugle, qui, de peur d'apercevoir son propre n^ant, se confine dans les applications, ne m^rite pas mSme le nom de philosophic , ne repond pas au besoin philosophique qui est r6ellement au fond de Tesprit et du coeur de Thomme. Que faire? Que devenir ? Rester dans le scepticisme, c'est la mort. S'at- tacher aux anciennes ^coles dont la faiblesse 6tait no- toire , c'^tait asseoir son esperance sur une base crou- lante. 11 ne restait k la soci^t6 que cette unique voie de salut , qui s'ouvre apr^s les exces du d^courage- CONCLUSION. 669 ment, renthousiasme. EUe s'y jeta; el sur les debris des autres ecoles, enferraees dans leurs querelles sans issue, I'ecoled'Alexandrie eieva, comme unphare, sa doctrine nouvelle, oil toutes les doctrines ^nciennes etaient reconciliees , et en m6me temps, selonTes- p6rance enthousiaste des fondateurs, surpassees. C'est ainsi que les elans passionnes d'Ammonius , qui dans d'autres temps , n'auraient pas etendu leur contagion au de\k de ses auditeurs immediats, devin- rent comme le signal d'une nouvelle transforma- tion de la philosophic. Les 6coles rivales ne furent pas fermees , mais jet6es dans I'ombre. On remonta en quelque sorte, par-dessus les disciples d6gen6- res, jusqu'aux maitres, et ce qui, dfes le premier jour, donne la mesure de Tecole d'Alexandrie , c'est qu'au lieu de creer, comme les mystiques de Tlnde, une sorte de poeme, sans autre autorite que celle du genie, elle s'autorise de tout le pass6, s'appuie sur une erudition immense , 6puise I'experience et la dialectique, avant de donner carriere k Textase. Plalon disait que les poetes sont divins et vraiment inspires des dieux , mais qu'ils n'ont pas I'intelligence des inspirations qu'ils resolvent ; que c'est aux phi- losophes de discerner dans ce delire , le vrai et le faux, ce qui vient de Dieu, ce qui vient de I'homme. Les Alexandrins sont tout k la fois ces poetes et ces philosophes, ils ont I'inspiration et la critique ; I'en- thousiasme est chez eux allie k la reflexion la plus sagace et la plus profonde; ils se reveillent de I'ex- tase , pour I'analyser. §70 GONCl'YJ^lON. L'^cole de Platon et celle d*Aristote dans leur af- faiblissement, seryaient encore par leur opposition les int6r6ts de la philosophic. C'est souvent par les q6ces3it6s de la lutte qu'une 6cole, plus comprehen- sive a ses debuts , finit par se restreindre dan^ la stride application du principe qu'on lui cqnteste. II serait injuste de ranger Aristote parmi les empi- riques , ou de ne voir, dans Platon, que Tauteur du ParmSnide; mais les platoniciens el les p6ripat6ticieps en viennent rapideraent a representer les uns rexp6- rience , les autres la speculation pure ; ceux-ci les sens, et ceux4& la raison. Un tel spectacle ne con- tient pour les sceptiqqes, que la mine des deu^i^ principes, parce qij'ilsdonijent raison i^ la polemique de chacune des 6coles contre Tautre ; mais u»e phi- losophic ^clcctique'tirede Ik un enseignement tout oppos6. EUc accepte les objections et elle en com- prend la force, sans se croire obligee d'accepter la conclusion qu'on en tire. Elle se demande si le principe dont on a tir6 une philosophic victorieuse- ment r6fut6c , a engendr^ cette philosophic , parce qu'il etait faux , ou seulement parce qu'il etait pro- clam6 a Texclusion d'un autre principe egalcmeqt vrai. Pour comprendre la diff^renpe qui existe ^qtre CCS deux resultats , il n*est pas n^cessaire de fajre un appel h la science; le simple bon sens suflJt. Pre- nons un cxemple : Thomme a la f^culte de septir , et celle de penser ; il les a trfes-certaincmpnt Tune et Tautre ; une ecole n'^tudie que la sensation, et elle con- struit sa psychologic et sa morale , comnie ^ TbpiQme CONCLUSION. 67i sentait et ne pensait pas, Cette psychologie , cette mo- rale seront fausses , et il sera facile de le montrer. II en sera de mSme , si une ecole n'6tudie que la pen- s6e, et neglige ou conteste I'existence de la sensation. Faudra-t-il, de ces deux philosophies qui ont fait fausse route, conclure avec les sceptiques, que rhomme ne pense ni ne sent , ou avec les 6clectiques , qu'il esti la fois intelligent et sensible? La reponse n'est pas douteuse; ei cette reponse contient reclectisnie tout entier. On accusait T experience de nier tout un ordre d'id6es et de sentiments, et de ne pas s'^lever jusqu'aux premiers principes. Plotin ne le contestait pas , mais il n'en r^sultait pas selon lui qu'elle ne fut pas n^cessaire pour nous donner la connaissance des faits, pour servir de base a la science des principes, et pour emp6cher la philosophic de se perdre dans de vaines hypotheses. On reprochait a la raison de vivre d' abstractions , de se nourrir de principes dont Tap- plication aux choses de ce monde n'etait ni tentee ni possible ; et Plotin , sans s'exagerer comme les em- piriques la port^e de ces objections, sentait bien que la science , pour 6tre legitime , ne doit rien laisser en dehors d'elle-meme. L'^cole ralionaliste avait, en quelque sorte , un ennemi domestique , dans la ten- dance de toutes ses m^thodes vers un id6al incom- prehensible , qui paraissait a la fois la consequence de toutes ses demonstrations , et la contradiction de tons ses principes ; et d^ji, pour ne pas arriver k des resultats qui se tourneraient contre lui-m6me, Platon avait 6t6 reduit k faire des concessions , h s'abstenir 672 CONCLUSION. mdme de conclure. La conciliation dela raison et de Texp^rience etait done d'autant plus difficile, que les rationalistes se sentaient a peine maitres de leur m^thode , et se voyaient entraines par elle au deli de leur volont6, et de leurs provisions. Nous avons vu comment la mOthode dialectique, d'ailleurs si fe- conde et si puissante , produisait cette illusion chez les platoniciens, et comment Plotin, qui en la suivant jusqu'au bout, se croyait oblige d'admettre un Dieu supOrieur k TOtre, n'en etait que plus embarrasse, et pour concilier ce Dieu immobile avecles necessites de Texperience, etpour conserver la raison humaine, tout en violant le principe de contradiction et le principe de causality. Cest dans cet embarras qu'il eut recours k la division hypostatique, pour fetrelibre d'admettre a la fois le Dieu immobile et le Dieu cause, et k Textase pour accepter d'abord cette unit6 triple, contre laquelle la raison rOclamait 6nergi- quement. Cette solution etait malheureuse, et Plotin se trom- pait sur tons les points. II se trompait sur la derniere conclusion de la raison , sur la necessite de placer la premiere cause au-dessous de la perfection absolue , sur la possibilite de reduire la raison k une autorite purement relative , sur la nature mfeme de I'extase. Proclus se chargea de rectifler la doctrine de I'ecole sur le premier point. Le passage du second au pre- mier ne se fait point , comme Plotin et Platon lui- m6me Tavaientcru, par Telimination totalede Y&tre. Tout ce qui n'est pas le premier est limite, il n'y a CONCLUSION. 678 dans le premier aucune limite; ce principe est vrai et incontestable. Plus un 6tre s'eloigne du premier, et plus il est limite , ou , si Ton veut , moins il con- tient de perfection, voili un second principe non moins certain. L'esprit humain , relegu6, soitpar sa nature ou par sa chute , a un rang inferieur , se trouve d'abord en contact avec d'humbles r^alites , qui con- tiennent plus de neant que d'6tre , et qui , cependant, participent de I'fetre k quelque degre, c' est un fait aussi clairement etabli que les deux principes. De ce fait , et de ces deux principes se conclut la m^thode dialectique , dont Tessence consiste a eliminer dans une des conceptions que nous trouvons le plus pres de nous , I'el^ment de la multiplicity , qui est le non- 6tre, pour mieux saisir en elle-mfeme et voir de plus pres, runit6, la r^alite contenue dans cette concep- tion. Platon he s'est pas tromp6 sur I'essence de la dialectique , mais sur la derni^re application qu'il en a faite; car, de ce que tout Tfetre que nous connais- sons est limite , il ne s'ensuit pas que la limite soit de I'essence de I'etre ; et, par consequent , au lieu de dire que Tfitre m6me n' est pas dans le premier, il fallait dire qu'il y est d'une mani^re illimitee , qu'il y est par consequent incomprehensible , que I'fitre de Dieu n'est pas univoque avec I'fitre de la creature. Qu'importe que le premier 6tre soit en m6me temps unique? Notre esprit distingue, il est vrai, I'id^e d'etre et I'idee d'unite ; mais si la dialectique opere sur r^s conceptions , ce n'est pas pour s'y arrfiter, c'est pour puasier au deli , pour atteindre les choses ; II. 43 674 CONCLtJSIOK. et il Malt comprendre que, dans cette supreme concepfjon, rnnit^ de Tetre n'^tait plus que Tab- scnce, apergue par nous, de toute division, de toute maltiplicit^ dans Tfttre , et non pas une idee partkulifire susceptible de donner naissance k une nouvelle application de la m6thode dialectique. Or, si Plotin arait raisonn^ ainsi , sa premiere hypostase lui aurait parn sup^rieure k la raison , et non pas contraire k la raison ; il aurait compris qu'elle pou- vait 6tre cause, par la mfime raison qa'elle 6tait la plenitude de Fftfre ; il ne se serait pas cfu oblig6 d'admettre la trinity , et le mysticrsme m6me deve- nait inutile. C'est done d'abord comme rationaliste que Plotin s'est trompe, et le premier d6faut de son bypothese trinitaire on de sa tb^orie mystique , c'est d"*6tre inu- tile. Le second, c'est de ne rien expKquer, c'est-4- dh-e d'fetre deux fois inutile, et parce qu'on^ pouvait expliqner la diflSeutte sans efle, et parce qu'atec elfe on ne le pent pas. C*est ce que nous a surabondam- m^it proov^ toute FMstoirede Fecole; car Plotin et ses sruccesseurs sont sans cesse enferm^s dan^ ce di- lemme : ou le m€me est k la fois Fumt^ absolue et la teime, ce qu'ils ont voulu eviter par Fhypotbese trinitaire , ou la cause est distincte de Dieu , dans son 6tre et dans son action, ce qui detrtrit I'unit^ dti principe; et quelque effort qu'ite aient tente pour ^cbapper 4 ces detix difficnlt^s, I'une qui naissatt cfe fenaittrre des clkoses, et Fautre de leur hyp^^diese, ifen'oiit aBouti qu'i de perpetuelfe^idiernBtiYesentre CONCLUSION. 675 les deux solutions contradictoires , tant6t dirisant la nature de Dieu pour concilier son immutabilite avee son activity , tant6t la simplifiant pour ne pas tom- ber dans le polyth^isme. Cette hypothese de la trinity , placee , de Taveu m6me des Alexandrins , en dehors de la raison , et qui ne pent fetre admise qu'en vertu de I'extase, int6resse peu , par elle-m^me , Tavenir de la philoso- phie , et n'a d'importance veritable que par son rap- port avee le mysticisme. La vanite de I'hypoth^se trinitaire d6montr6e , le mysticisme n'a plus de pr6- texte Chez les Alexandrins. C'est d6ji un point de gagn6 centre eux. Mais examinons en elle-m6me cette nouvelle source de connaissance qu'ils ont 61e- v6e au-dessus de la raison , non-seulement pour p6- h6trer k des profondeurs auparavant inaccessibles , mais pour afflrmer des propositions contraires k toutes les regies de la raison , pour se jouer de tons ses principes. Qu'est-ce done , en r6alit6 , que I'ex- tase? Et que faut-il penser de la tentative des Alexan- drins pour r^lever au-dessus de la raison elle-m6me? L'autorite de la raison est-elle , comme les platoni- cicns Tavaient cru sans difficult^ jusqu'i T^cole d'A- lexandrie , une autorit6 pleine et absolue ? Ou reste- t-il place au-dessus d'elle a cette faculty sup^rieure k laquclie on veut la soumettre? C'est la psychologic qui doit nous r^pondre. La raison est constitute en nous par la connaissance ac- tneile que nous possedons de Fexistence de la perfec- tion absolue ; c'est-i-dire que nous sommes raison- 676 CONCLUSION. nables, parce que, de cela seul que nous eiercons notre faculty de penser , nous avonsTid^e de Tabsolu. Cette id6e toujours pr^sente , et toujours oppos^e aux id^es adventices ou factices que nous devons aux sens ou h Texperience , fait naitre en nous, par le rapport que nous percevons entre ces divers 616ments de la pens^e, des conceptions g^nerales, qui au dedans, sont les formes de nos jugeraents , qui au dehors , re- presentent les conditions n^cessaires de toute exis- tence contingente. Ces conceptions g^n^rales sont les principes de la raison ou axiomes necessaires (1). Tel est par exemple, le principe de contradiction ou le principe de causalite , etc. Le principe de con- tradiction est-il , dansnotre esprit, une idee tellement primitive, que nous ne puissions remonter au deli, et la rapporter elle-m6me k sa source? U est clair, par ce que nous venous d'exposer, qu'elle pent 6tre ramen^e a Tidee de Tabsolu, dont elle est une appli- cation. Mais, reductible ou non k une idee supe- rieure, que pensons-nous de sa r^alite formelle comme idee? Est-elle en nous adventice, comme les id6es des sens , que nous pourrions ne pas avoir si nos or- ganes etaient vici^s ou la nature differente? Ou fac- tice , comme les chimeres et les combinaisons que nous forgeons de nous-m^mes? Ou n'est-elle pas plut6t inn^e comme Tidee de I'absolu , sans laquelle un esprit ne saurait penser? Assur^ment cette id6e, prise dans son rapport avec notre faculty de penser, estn^cessaire, innee, constitutive de notre entende- (l) ^oye« U Preface. CONCLUSION- 677 ment ; et comme telle , elle est invariable et toujours la m6me. Sortonsmaintenant des conditions subjectives de notre existence personnelle. Notre pensee est-elle la seule qui pense ce principe? Ce principe n'est-il pas dans les conditions n^cessaires de toute pens6e? Nous jugeons qu'il est si bien dans les conditions ne- cessaires de toute pens6e, que nous Texprimons avec une conviction entifere et une pleine confiance , comme une base solide, admise saris convention et sans demonstration prealable , par quiconque est ca- pable de raisonner et de penser. II y a plus ; ce prin- cipe ne depend pas de I'existence des intelligences qui le pensent ; mais au contraire les intelligences dependent de ce principe ; et telle est la force souve- raine que nous lui attribuons , qu'il nous paraiteter- nellement n^cessaire, eternellement vrai, quand m6me par impossible , il ne serait concu par aucune intelligence. Telle est la valeur et la force absoiue des v^rites de la raison. Ce sont li trois caract6res dis- tincts; d'abordleur necessite en nous-m6mes; puis leur universality, c'est-a-dire leur necessite pour toutesles intelligences; et enfin, leur valeur absoiue, c'est-i-dire leur existence ind^pendante des intelli- gences qui les concoivent, II en r^sulte tres-claire- ment que le scepticisme qui s' attache i ces principes est un scepticisme radical. En effet, soit que Ton conteste I'existence necessaire de ces principes dans ma propre intelligence, et qu'on les assimile par Ik k un pr6jug6 ou k un systeme , soit qu'on ac- corde cette n6cessit6 4^n& mon esprit pour nier 678 CONCLUSION. ensuite Tuniversalit^ de cette n6cessit6, et qu'on me reduise ainsi k Tisolement, en 6tant toute re- lation possible entre mon intelligence et celle des autres , ou qu'enfin , sans contester cette loi com- mune et n^cessaire des intelligences, on nie tout rapport entre ce concept et I'ordre de la r6alite on- tologique , faisant ainsi de I'intelligence humaine un pouvoir qui se consume lui-mfime etne se repait que de chimeres, il ne reste plus apres cela qu'i douter de tout et de soi-m6me , k renverser la base de toute science, et k se croire etrangers pour jamais k la ve- rite et a I'etre. Le scepticisme d'ailleurs ne consiste pas a nier expressement ou cette necessite , ou cette universalite, ou cette verite absolue; il se borne k les revoquer en doute. Si ces assertions sont exactes , et nous les prenons pour accordees , voyons quelles en sont les consequences. II n'en resulte pas que la raison puisse pen^trer la nature de Tabsolu , ni qu'il n'y ait point quelque in- telligence superieure a r intelligence humaine, et ca- pable de sonder des profondeurs qui nous demeurent a jamais inaccessibles , ni enfin que par la permis- sion divine , nous ne puissions obtenir nous-m6mes une plus grande 6tendue d'intelligence, et des con- naissances qui nous sont aujourd'hui refusees, Ce n'est pas que la science n'ait rien k dire sur chacune de ces trois propositions ; mais nous nous bornons ici ci considerer ce qui resulte directement, ou ne resulte pas des principes precedemment 6tablis. Or, il resulte de ces principes : 1** qu'on ne peut CONCLUSION. 679 rien affirmer dans Tordre de I'ontologie, si Yon con- teste la v6rite absolue des axiomes, ou seulement si on les revoque en doute; 2^ qu'on ne peut entrer en commerce avec les autres intelligences , si on con- teste, ou simplement si on revoque en doute Tuni- versalite des axiomes; et 3** que ce simple doute va si directement contre les conditions de notre nature , que la conscience tout entiere reclame contre lui , et nous en eloigne n^cessairement dans toutes les circonstances de la vie oil Ton ne se roidit pas contre sa nature par esprit de systeme. Par consequent, les Alexandrins peuvent avoir le droit de soutenir que notre raison est limit^e , qu'il y a des intelligences plus parfaites que la n6tre , et qu'enfin nous pouvons arriver i un etat meilleur, oil la verit6 nous sera plus> entierement connue ; mais quand ils vont jusqu'^ supposer un etat de Fdme , non pas seulement sup^- rieur k la raison, mais tel que T&me, en cet ^tat, connait le neant des v^rites de la raison , ils nient ou mettent en doute ce que Ton ne peut pier sans tomber dans le scepticisme ; ils suppriment Tautorite absolue de la raison, ce qui est supprimer la raison elle-meme , la science et toute pens^e. Si done I'ex- tase existe, et si elle a pour effet d'augmenter la port6e de nos facult^s intellectuelles, Texercice do ces facultes doit &tre soumis, m^me dans Textase^ aux regies ordinaires de la raison ; et c'est une esp6- ranee chim6rique, de penser qu'en recourant k Tex- tase , on ^cbappera aux. limites n6cessaires que q^ regies nous ipiposent. 680 CONCLUSION. L'erreur des Alexandrins n'est pas d'avoir admis la r^alit6 de I'extase; au contraire, c'est un de leurs litres les plus solides. lis ne se sont trompes que sur son r61e veritable, et sur ses rapports avec la raison. L'extase est une des formes de la sensibility humaine; elle en est la forme la plus pure et la plus brillante. Les Alexandrins ont bien vu qu*elle avait sa source dans I'amour; et quand ils ont indiqu6 un autre chemin pour y par- venir , quand ils Font plac^e au sommet de la dia- lectique , comme le terme et la recompense de nos efforts pour atteindre la v6rit6 , ils n'ont fait que montrer de plus en plus leur profonde connaissance de la nature humaine. La po6sie , en effel , et I'en- thousiasme qui en est la source , pent s'allumer dans une Ame simple et ignorante ; elle pent naitre dans un philosophe , de la contemplation assidue des mer- veilles de la science. La v6rite nous est tellement analogue, et elle est en soi si aimable, que nous ne pouvons ni la decouvrir , ni Tentrevoir , ni m^me la r6ver , sans nous sentir transform^s. La po6sie et la science n'ont ni la m6me origine , ni la mSme va- leur; mais elles tendent par des voies di verses, au m6me but , qui est Dieu , et la poesie s'introduit de toute necessite dans la philosophic , au momen toil la verity est conquise. Les Alexandrins ne sont pas moins profonds quand ils montrent que I'extase aspire k Tunification. L'enthousiasme connalt-il quelque chose d'impossible ? Voit-il une barrifere entre lui et son but? Mesure-t-il sa force? Vkme CONCLUSION. 681 ainsi transform6e n'est-elle pas toute plongee dans une mer de ravissements ? Daigne-t-elle encore se rappeler sa condition mortelle, ce monde ou elle languit, ce corps ou elle est attach^e? Son amour et sa pens6e peuvent-ils s*arr6ter i des objets p^ris- sables? Est-ce assez pour cet amour brulant, pour cette intelligence enivr6e, de contempler les lois 6terneiles , I'ordre eternel du monde ? Ne traverse- 1- elle pas tons ces intermediaires, d*un seul bond, pour s'emparer sur le champ du souverain intelli- gible 9 de celui qui seul pent ^puiser un amour sans limites , et fonder une esp^rance sans trouble et sans d^senchantement? Quoique I'extase soit, dans son fond , une surexcitation de la sensibilite , ne touche- t-elle pas de toutes parts k Tintelligence ? Cette 4me , allum6e, ardente, qui ne sent plus la fatigue et ne connait plus d'obstacles, n'a-t-elle pas sur la na- ture de rinfini, des vis6es qu'elle ne saurait at- teindre quand elle se souvient d'elle-m6me, de sa faiblesse, de sa caducite, de sa misfere? Cepen- dant si ce surcroft d* activity qui nous vient de I'ex- tase, n'est pas une illusion, comment le mysticisme mene-t-il directement k la negation de la liberty et de la personne? Pourquoi Plotin compare-t-il le philo- sophe qui cherche la v6rit6 par Tusage de la dialec- tique, au voyageur suant sur le chemin, tandis que celui qui possede la gndse est, k ses yeux, 6tabli dans un repos absolu? L'activit6 n'est-elle pas atta- ch6e k la personne? Ou plut6t, n'est-ce pas notre 682 CONCLUSION. activity, notre liberty qui nous constitue? L'intel^ ligence n'est pas absente de Textase , mais c'esi; Tamour qui en fait le fond; et Tamour est I'etat d'uuQ &me vaincue , an^ntie par les perfections de I'objet aim^. Quelles sont les consequences infaillibles d'une doctrine mystique? La contemplation pr^f^r^e aux oeuvres, les oeuvres d^daignees , impuissantes, toute initiative humaine d^truite, ou frapp^e de sterility, et la perfection divine partout exalt^e aux depens de notre 6tre. Cest qu'il faut bien , tdt ou tard , que la nature humaine se retrouve; ie myaticisme n'exalte d'abord la force de notre intelligence, que pour F^teindre ensuite dans T^puisement et la langueun II y a deux sortes de mysticismes, et il pent y avoir aussi deux moments de Textase. Les &mes tendres et languissantes, naturellement toum^es vers Dieu, incapables des m&les efforts da la science* cbercbent dans les raviasemepts mys- tiques, un aliment pour leurs ardeurs^ un appui pour leur falblesse; quelle distance de ce troupeau eff6- mine, soupirant apres la rosee celeste, et attendant immobile Tinstant de la grace, h ce fier genie de Plotin, si ambitieux, si toyrmente, demandant la \6Tii€ ^toutes les ecoles , essayant de toutes les m6- thodes , et se jetant enfin dans Textase comme par desespoir , apr^s avoir tout vu et tout explore ! Plo- tin a beau s'abdiquer lui-m^me ; s'il p'eist plus phi- loaophe en quittant la dialectique ^ U e$t poete ; quand son esprit renonce k depouv|;ir la v^H^t il la cr^ eu CONCLUSION. 683 quelque sorte. Qui n'a senti en lui-m6me cette exal- tation de la pensee qui, apr^s de longs et p^nibles efforts, croit ravir d*un seul coup ce qu'elle a cher- ch6 si longtemps ? Aristote lui-m6me nous accorde ces Eclairs , qui p^netrent dans notre nuit , et de- roulent k nos yeux des horizons divins au del^ de la science. G'est par Ici que la passion est divine. Au feu des grandes passions , notre ^me s'allume comme un flambeau. Ainsi enthousiasmee, elle repand autour d'elle sa contagion. Les coeurs fr^missent, les ima- ginations s'ebranlent , le voile se dechire ; les profon- deurs de la divinity apparaissent. Mais k peine ce premier moment passe, toute cette 6nergie s'6teint, cette ardeur retombesur elle-m6me; Vkme 6puis6e et charm^e en mSme temps, s'abandonne k ses rSves, a ses pensees indistinctes. Elle s'affaisse, elles'oublie ; elle ne pense plus , elle aime; etl'objet m^me de son amour, immense, infini, elle ne le saisit plus; elle croit le voir face k face , et deji elle n'embrasse qu'un fantdme. Oil il n'y a plus ni regie , ni crit6rium , ni pensees nettes et precises, Timagination regne en souveraine. Que cette 4me enivr6e se reveille , qu'elle retombe sur la terre , que la raison , et les sens , et le monde la reprennent ; si elle cherche k rappeler ces notes ravissantes entendues dans Textase , s^ foi sera d'autant plus complete , qu'elle s'appuie sur un fon^ dement moins solide. Elle d^crira ses r6ves avec au- tant de confiance et d'autorite que si Dieu racontait lui-m6me les seqrets de la creation. C'est ainsi qu^ 68& GONGLUSION. rexaltation et Fan^aDtissement de nos facultes se mfilent on se succ^dent dans I'extase, et que Tame se repalt tour k tour de v6rit6 et de chimeres. Nous dirons done avec Platon et les Alexandrins , qu'un coeur ^chauffg par les transports de Tamour , communique une force nouvelle k toutes les puis- sances actives de notre Ame , que dans cette excita- tion , la fatigue et Teflfort disparaissent, que les ob- stacles qui naissent de notre infirmity personnelle , sont pour un instant vaincus , et que nous voyons alors tout ce que la pensee humaine pent apercevoir dans la plus grande exaltation de sa force ; mais nous rel6guerons parmi les egarements d'esprits malades, la th6se des Alexandrins , que I'homme cesse d'etre un homme , ou que le moi cesse d'etre lui-m6me, ou que la v6rit6 cesse d'etre la verit«5. Les Alexandrins sentent que dans Textase les forces de la nature humaine sont doubl6es, etilscroientque c'est la nature humaine qui s'enfuit ; ils voient que Tdme , dans son transport , toute brulante de Tamour de Dieu , ne sent plus les piqures de la matifere , et ils croient que la personne expire , parce que , pour un temps, la sensibility physique s'6teint; dans cette ardente aspiration vers la v6rite , impatients des regies et des methodes , franchissant en pensee les inter- valles , ils revent ou ils creent une verite qu'ils tirent de leurs propres entrailles, et ils la prennent pour la v6rite elle-m6me qui se communique dans son essence. CONCLtSlON. 685 Porphyre demandait si Textase n'est pas une ma- ladie; Strange question dans sa bouche. L'extase est une maladie en eflFet, quand elle se substitue k la rai- son et se croit au-dessus d'elle ; car alors, sans r^gle et sans frein , elle fait ressembler ceux qui s'y livrent , k ces malheureux dont parle Platon , ignorants, et pre- nant leur ignorance pour le comble de la sagesse. Mais ce moment si court et si glorieux qui paye les rudes travaux de Tintelligence par une vision rapide de v6rit6s nouvelles, riche moisson promise a Tavenir ; cet amour fervent , enthousiaste , et pour- tant contenu, qui nous transporte par la pens^e dans une sphere sup^rieure, qui nous fait en quelque sorte, non plus apercevoir seulement, mais sentir la perfection de Dieu ; Textase soumise k la raison , gouvern6e par elle, sans illusion sur la valeur de ces r6ves qui avivent Tintelligence et nourrissent le coeur , mais ne prennent pas rang dans Tordre des v6- rites conquises, si la raison ne les a contr616s et demon tr6s, I'extase ainsi entendue, loin de porter le trouble dans la science et dans la morale , est vrai- ment cet avant-goflit du bonheur k venir dont nous parle Plotin , cet intervalle que Dieu nous accorde pour respirer, au milieu de nos misferes. L'^cole d'Alexandrie a done encore, li comme partout , depass6 le but. Elle a d^crit la premiere un ph^nomene reel de la vie humaine , et elle en a abus6. C'est une 6cole qui a p6che par exces en tout Elle n'a ignore aucun des ^l^ments qui con- ^6 , €0NGLC3i01ir. stituentla philosophie Triable: elte n'ttk a mis aucun k sa place. Tel est aussi le caract^re et le vice de son ecleo- tisme. Quand on voit les philosophes de Tecole d'A- lexandrie s'attacher avec un respect servile k tous les vestiges de Tantiquit^^ et les plus grands d'entre eux ^touffer en quelque sorte I'elan de leur penseie pour se restreindre k roffice de commentateurs ; quand on les voit accepter de toutes mains^ sans choix pour ainsi dire, sans pr^f^rence , sans volenti, sans autre pr^ccupation que la crainte de ne pas tout recueillir; quand on embrasse ces immenses ency- clopedies des connaissances humaines , ou non-sea- lement chaque 6cole reparait avec ses doctrines, mais avec ses m^thodes et son langage, comme si les formes diverses de la v^rite , ces vStements dont rhomme la couvre , importaient k son essence touts divine, on ne reconnait plusTceuvre de Tesprit philo- sophique, de cet esprit libre et independant, qui ne connait point de joug, qui aspire sans cesse i mar- cher en avant, k fonder, k conqu^ir, et qui, s'il consent jamais k fouiller dans le passe , ^tudie This- toire pour la dominer, et non pas pour la subir. Ou est Tunit^ de ces eocydop^dies? Le syst^me ou toute cette Erudition vient s'amonceler, a beau 6tre im- mense > il est debord^ partout; Tesprit danscecbaos n'entrevoit m fiAH ni harmonie, il se perd dans les CONCLUSION. 68? details, il oublie de penser h force d'^tudier les pen- S6es d'autrui, il n'a pas m6me ce qui reste aux faibles et aux impuissants , ce qui les releve, ce qui les sauve de leur faiblesse : un maitre. Pour juger de la quantity d'une force , il faut sonder cette force sans doute, mais il faut surtout regarder son but. Que veulent embrasser les Alexandrins? le monde grec et le monde oriental, toutes les philosophies de la Grece , toutes les philosophies de tons les peuples de la terre. Bien plus, toutes les religions fondues en- semble, et unies h toutes les philosophies, composent h leurs yeux leur domaine. Et que demandent-ils aux jreligions? Le fond de v6rit6 qu^elles renferment? Mais la v6rite est une ou elle n'est pas ; il n'y a pas une v6rit6 philosophique et une v6rit6 religieuse ; il y a une fbrme de la v6rit6 qui constitue la religion , et une forme de la verity qui constitue la philosophic. La forme religieuse et la forme philosophique repa- raltront Tune et I'autre dans le syst^me Alexandrin ; Proclus sera philosophe et pr6tre; il d6montrera comme philosophe, il imposera comme pr6tre les oracles de la chatne sacr^e ; il parlerA ii Fesprit et au coeur, i Timagination et k la raison. Dans le meme temps qu'il montrera comme philosophe la vanity du polyth6isme , il fera des sacrifices aux dieux , et de- manderaades prfitres ignoranisla faveur d'etre initi6 k leufs myst^res. Ces 6garements , ces exc6s de T^clectisme Alexan- drin ne doivent pas nouis cacher ce que leur m^thode 688 CONCLUSION. a de grand etde puissaDt Ammonius, Plotinjtous leurs successeurs, semblent surtout occup6s de con- cilier Platon et Aristote , et tout le reste ne vient en- suite que comme accessoire ; qu'on ne s'y trompe pas , Platon et Aristote , c'est la raison et I'expe- rience. Concilier la raison et Texp^rience dans une unit6 puissante, voili, en effet, toute Toeuvre de la philosophie. N'avoir point de parti pris , point de pr6- jug6 d'6cole ni de secte , ne point dater la science d'hier, mais la suivre dans ses progres depuis Forigine de la pens6e, recueillir le fruit de toutes ses vic- toires , chercher le secret de toutes ses d6faites , s'ap- puyer pour construire sa synthase d'une analyse com- plete de tous les 616ments que la nature nous fournit, n*en omettre aucun, n'en exag^rer aucun, leur assi- gner k chacun leur juste place, et concilier leurs con- tradictions apparentes , tel est le but que se propose une philosophie 6clectique. Telle est cette grande m6thode , h la fois forte et savante , qui ne mutile pas Toeuvre de Dieu, comme les methodes exclusives, qui rattache les esp6rances de I'humanite k son his- toire , et qui , en faisant de la liberty de penser sa premiere maxime, s'identifie en quelque sorte avec Tessence m6me de la philosophie. On s* eerie que I'eclectisme accepte de toutes mains, et qu'il n'a pas de caractfere ; mais il ne veut avoir d'autre caract^re que d'6tre profond6menthumain, de repondre k tous les besoins de la pensee et du coeur de I'homme. Get alliage bizarre de doctrines h6t6- CONCLUSION. 689 rog^oes, sans lien, sans hariuonie , sans unile, dont on se fait un monstre , ce n'est pas r^clectisme, car ce n'est ni une philosophie , ni un systeme. L'^clec- tisme, que des esprits k courte vue reduisent a errer d'6cole en 6cole pour satisfaire une curiosity frivole , sans juger , sans choisir , sans fonder par consequent , n'existe au contraire qu'i condition d'avoir etabli d*abord sa synthese propre et originale sur une ana- lyse complete des dements fournis par la conscience. La condition d'existence de cette philosophie accusee de scepticisme , c'est la foi. La condition de progr6s de cette philosophie sans entrailles , c'est une sym- pathie profonde pour tout ce que Thumanite a aime, pour ce qu'elle a cru, pour ce qu'elle a souf- fert. A toutes les epoques de Thistoire , il s'est ren- contre des sophistes pour transformer la philosophie en une sorte de gymnastique intellectuelle , indiffe- rente sur les r^sultats. Si r^clectisme ne devait 6tre que ce jeu pu^ril et sacrilege, s'il n'aboutissait qu*i rindifference , il tomberait plus bas encore que le scep- ticisme , car il vaut mieux douter que de m^priser , et les angoisses du doute sont encore une esp^rance. Mais que Ton nous d6montre cette st6rilit6 de This- toire ! Non , il y a quelque chose de vivant sous ces mines : rhumanit6 qui avance toujours , qui marche vers son ideal, vers la v6rit6 qui est son ^toile. Ce sont les &mes sans chaleur et sans Anergic , k qui le spectacle des travaux et des luttes de la pensee n'ap- prend que rindifference. Cette philosophie de leltr^s II. Ai 690 GOlf OLUSION. qui ne sauve k grand'peine que les v^rit^ pratiques , et sourit sur le reste , est une philosophic sans va- leur , qui , renongant k 6tre un parti , renonce k toute influence, et s*abdique pour ainsi dire elle-m6me. Telle n'est pas la le9on que noustirons de Thistoire. II fautsavoir allier rind^pendance dc Tesprit k la fer- met6 des croyances , T^tendue et la penetration , k la critique ; il faut 6tre fldde aux glorieuses traditions de toutes les 6poque$ , et par-dessus tout, il faut dtre de son temps, et 6tre soi-m^me. FIN. TABLE DU DEUXI&ME VOLUME. PagM LITRE III. — De Porphyre a Tempereur Julien 1 Chapitre I*^ — £tatdes questions philosophiquesapresPlotin. lb, Chapitre II. — £reimius.-^Orig0De. — Longin 42 Chapitre III. — Amelins et Porphyre 63 Chapitre lY. — Doctrine de Porphyre 101 Chapitre Y. — Doctrine de Jamblique 187 Chapitre YI. — Disciples et successeurs de Jamblique 243 LIYRE lY. — De remperenr Julien a I'ecole d'Athenes. . . 265 Chapitre I«r. — L'empereur Julien ; sa Tie et son regne. ... 76. Chapitre II. — Doctrine de Julien 338 LIYRE Y. — L^ecole d^Athenes dans ses rapports avec Te- eole d'Alezandrie 369 Chapitre P'. — Plutarque et Syrianus lb. Chapitre II. -— Yie de Proclus 384 Chapitre III. — Principes de la theologie de Proclus. — Tri- nite 404 Chapitre IV. — De la production du monde.. 453 Chapitre Y. — De la nature et des facultes de Vime 506 692 TABLB. Pages CiAPiTRB YI. — De U ProTidence diTine et d« U morale. . . 552 Ckapitrb YII. — Dbpertion de Tecole d'Alexaadrie et de Tecole d'Athinei 584 CONCLUSION 607 FIN DE Ik TABLE. ERRATUM. A la page 422 du second volume , ligne 20 , aprds ces mots ; le dii < explicitement , t^autez : en partant de Piolin lai-m6me. PARIS. - IMPRIMERIE DE FAIN ET THUNOT, Roe Racine, 28, pre3 de I'Odeon. hp 1